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27/06/2024 | FRANCE | N°23/11648

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-9, 27 juin 2024, 23/11648


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9



ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024



N° 2024/376





Rôle N° RG 23/11648 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BL4KX







[R] [W]





C/



S.A.R.L. YK CONSEIL



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me DAVAL-GUEDJ

Me JOLY





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Juge de l'exécution de NICE en date du 11 Septembre 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 23/01323.





APPELANT



Monsieur [R] [W]

né le 15 Septembre 1969 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVA...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024

N° 2024/376

Rôle N° RG 23/11648 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BL4KX

[R] [W]

C/

S.A.R.L. YK CONSEIL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me DAVAL-GUEDJ

Me JOLY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l'exécution de NICE en date du 11 Septembre 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 23/01323.

APPELANT

Monsieur [R] [W]

né le 15 Septembre 1969 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Fabrice BARBARO, avocat au barreau de NICE

INTIMÉE

S.A.R.L. YK CONSEIL Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

représentée par Me Thimothée JOLY de la SCP CABINET PIETRA & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Cyril SABATIE, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale POCHIC, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Des promesses unilatérales de vente d'une villa dénommée '[Adresse 4]' située à [Localité 5] se sont succédées entre la Sarl YK Conseil, propriétaire de l'immeuble, et la société civile Heritage Fund qui a bénéficié dans le même temps des locations saisonnières sur le bien occupé par son dirigeant, M.[R] [W].

A l'expiration de ces baux, la Sarl YK Conseil a signé une promesse de vente de la villa avec un autre acquéreur qui n'a pu aboutir en raison de la non libération des lieux, et des procédures ont été initiées par la société Heritage Fund et son gérant relativement aux baux saisonniers et aux sommes réglées à la société YK Conseil.

Les parties s'étant rapprochées, elles ont signé le 17 décembre 2022 un protocole d'accord transactionnel dont les effets étaient liés à la vente de la villa [Adresse 4] au profit de la société Heritage Fund, son gérant ou toute société dont M.[W] serait actionnaire.

Aux termes de ce protocole homologué par ordonnance rendue le 21 février 2023 par le président du tribunal judiciaire de Nice qui lui a conféré force exécutoire, la société Heritage Fund et son dirigeant, se sont engagés à quitter les lieux au plus tard le 28 février 2023 dans l'hypothèse de la non réitération de la vente de la villa, de leur fait.

Cette ordonnance a été signifiée à M.[W] par acte d'huissier de justice le 22 mars 2023 contenant commandement de quitter les lieux au plus tard le 29 mars 2023.

Par requête du 4 avril 2023 M.[W] a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nice d'une demande de délais pour quitter les lieux, puis par conclusions ultérieures il a sollicité l'annulation du commandement de quitter les lieux en l'absence de titre exécutoire, et le débouté de la société YK Conseil outre sa condamnation au paiement de la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts.

En défense la société YK Conseil a conclu à l'incompétence matérielle du juge de l'exécution en l'absence de prononcé d'une expulsion et de titre exécutoire et à titre subsidiaire elle a sollicité le rejet des prétentions du demandeur et sa condamnation à une amende civile et au paiement de la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 11 septembre 2023, le juge de l'exécution a :

' rejeté l'exception d'incompétence ;

' condamné M.[W] à une amende civile de 3 000 euros ;

' l'a condamné à payer à la société YK Conseil la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dès avant la notification de cette décision, M.[W] en a interjeté appel par déclaration du 13 septembre 2023.

Aux termes de ses uniques écritures notifiées par voie électronique le 22 septembre 2023, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet de ses moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, il demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

A titre principal :

- de dire et juger que le commandement de quitter les lieux délivré par la société YK Conseil à l'encontre de M.[W] est nul en l'absence de titre exécutoire,

En conséquence,

- de prononcer la nullité dudit commandement ;

- de condamner la société YK Conseil à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison d'une mesure d'exécution abusive,

A titre subsidiaire :

- d'accorder des délais à M.[W] afin de libérer les lieux,

En tout état de cause,

- de débouter la société YK Conseil de l'intégralité de ses demandes ;

- de la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Cohen Guedj ' Montero ' Daval Guedj sur son offre de droit .

Pour l'essentiel l'appelant fait valoir que le commandement de quitter les lieux ne vise aucun titre exécutoire et que la jurisprudence de la Cour de cassation (avis du 20 octobre 2000 n°02-00.013; 2° Civ., 16 mai 2019 n° 18-16.934) exclut la possibilité de procéder à une expulsion sur le fondement d'une transaction rendue exécutoire par une ordonnance présidentielle.

A titre subsidiaire au regard des dispositions de l'article 1736 du code civil, et de la somme totale de 244 741,44 euros qui a été réglée à la société YK Conseil au titre des loyers pour la période de juillet 2022 à septembre 2023, l'appelant sollicité l'octroi de délais pour quitter les lieux.

Il demande réparation de la mesure d'exécution illégalement mise en oeuvre par la société YK Conseil dans le but de l'intimider.

Par écritures en réponse notifiées le 23 octobre 2023, auxquelles il est référé pour l'exposé exhaustif de ses moyens, la société YK Conseil demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire , si la cour venait à considérer que l'accord transactionnel du 17 décembre 2022 auquel il a été donné force exécutoire par ordonnance du 21 février ne constitue pas un titre exécutoire,

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence ;

Statuant à nouveau :

- déclarer le juge de l'exécution incompétent ;

- condamner M.[W] au paiement de la somme de 650 000 euros à titre de dommages et intérêts,

En toute hypothèse, y ajoutant,

- condamner M.[W] au paiement de la somme de 7 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel.

A cet effet l'intimée approuve le premier juge d'avoir considéré en premier lieu qu'en application des dispositions de l'article L111-3, 1° du code des procédures civiles d'exécution, il était compétent pour statuer sur l'exécution forcée du titre exécutoire que constitue l'accord transactionnel homologué et, au fond, d'avoir retenu que l'accord transactionnel du 17 décembre 2022 auquel il a été donné force exécutoire par ordonnance du 21février 2023 constituait un titre exécutoire en sorte que le commandement de quitter les lieux n'encourait pas la nullité.

La société YK Conseil estime encore que l'amende civile a été justement prononcée à l'encontre de M.[W] qui sollicite des délais pour quitter les lieux alors qu'il s'était engagé à partir au plus tard le 28 février 2023 en l'absence de réitération de l'acte authentique et qu'il ne paye aucune indemnité d'occupation outre qu'en sa qualité de résident monégasque, il dispose nécessairement d'un logement dans cette principauté.

Ces mêmes considérations justifient selon elle, le rejet des délais de grâce et de la demande indemnitaire présentés par l'appelant.

A titre subsidiaire, s'il devait être jugé que l'accord transactionnel du 17 décembre 2022 auquel il a été donné force exécutoire par ordonnance du 21 février 2023 ne constitue pas un titre exécutoire, l'intimée conclut à la réformation de la décision du premier juge en ce qu'il a retenu sa compétence, en indiquant qu'il n'existe aucune difficulté relative à un titre exécutoire en vertu duquel l'exécution est poursuivie, et qu'aucune expulsion n'a été ordonnée judiciairement.

Elle invoque enfin le caractère abusif de la présente procédure et la mauvaise foi de M.[W] qui occupe illicitement son bien et sans contrepartie financière depuis le mois de juillet 2022 et alors que son maintien dans les lieux a conduit à l'échec d'une vente qu'elle devait réaliser avec un autre acquéreur. Elle chiffre son préjudice financier à la somme de 650 000 euros.

La société YK Conseil s'est désistée le 14 novembre 2023 de son incident de radiation de l'affaire en application de l'article 524 du code de procédure civile, les causes du jugement entrepris ayant été exécutées.

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 9 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article L.411-1 du code des procédures civiles d'exécution 'sauf disposition spéciale, l'expulsion d'un immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice ou d'un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d'un commandement d'avoir à libérer les locaux.'

Si ,ainsi que le rappelle l'intimée, l'article L.111-3, 1° du code des procédures civiles d'exécution dispose que l'accord auquel une décision de justice a conféré force exécutoire constitue un titre exécutoire, il est jugé que l'expulsion ne peut être poursuivie sur le fondement d'un tel accord, ce titre ne constituant aucun des deux titres limitativement énumérés par l'article L.411-1 précité (Cass. avis du 20 octobre 2000 n° 02600.013 cité par l'appelant) ;

Il s'en suit la nullité du commandement de quitter les lieux délivré par la société YK Conseil, sans titre exécutoire l'y autorisant, acte faisant grief à M.[W] qui invoque à juste titre une mesure d'intimidation illégale, étant surabondamment observé que ce commandement délivré le 22 mars 2023, portant obligation de quitter les lieux au plus tard le 29 mars suivant, ne contient pas la reproduction des articles L. 412-1 à L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution, prévue à peine de nullité par l'article R.412-1 du même code ;

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé de ce chef ;

Ce commandement constituant un acte préparatoire à l'expulsion qui constitue une mesure d'exécution forcée, le juge de l'exécution a effectivement compétence conformément aux dispositions de l'article L.231-6 alinéa 1du code de l'organisation judiciaire, pour connaître des contestations élevées à l'occasion de la délivrance d'un tel acte ;

La décision du premier juge sera confirmée sur la compétence ;

La contestation de M.[W] étant accueillie, l'amende civile prévue par l'article 32-1 du code de procédure civile ne peut être prononcée et la demande indemnitaire formée par la société YK Conseil pour procédure abusive, entre en voie de rejet.

Le préjudice moral subi par M.[W] résultant de la délivrance du commandement de quitter les lieux sans titre exécutoire le permettant, sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts au paiement de laquelle la société YK Conseil sera condamnée.

Partie perdante l'intimée supportera les dépens de première instance et d'appel et sera tenue d'indemniser M.[W] de ses frais irrépétibles de procédure à concurrence de la somme de 3 000 euros, elle même ne pouvant prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après en avoir délibéré conformément à la loi, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement entrepris excepté sur la compétence matérielle du premier juge ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

ANNULE le commandement de quitter les lieux délivré le 22 mars 2023 à M.[R] [W] à la requête de la Sarl YK Conseil ;

DEBOUTE la Sarl YK Conseil de sa demande de dommages et intérêts ;

DIT n'y avoir lieu à amende civile ;

CONDAMNE la Sarl YK Conseil à payer à M.[R] [W] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNE la Sarl YK Conseil à payer à M.[R] [W] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la Sarl YK Conseil de sa demande à ce titre ;

LA CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-9
Numéro d'arrêt : 23/11648
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;23.11648 ?
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