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27/06/2024 | FRANCE | N°23/10801

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 27 juin 2024, 23/10801


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 27 JUIN 2024



N° 2024/437







Rôle N° RG 23/10801 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLYYE







Syndicat SYNDICAT NATIONAL DES PILOTES DE LIGNE FRANCE ALPA





C/



S.A.S. TWIN JET





















Copie exécutoire délivrée

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à :

Me Axelle TESTINI



Me Vincent ARNAUD de la SELARL VINCENT ARNAUD



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Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 01 août 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/00709.





APPELANT



SYNDICAT NATIONAL DES PILOTES DE LIGNE FRANCE ALPA, dont ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 27 JUIN 2024

N° 2024/437

Rôle N° RG 23/10801 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLYYE

Syndicat SYNDICAT NATIONAL DES PILOTES DE LIGNE FRANCE ALPA

C/

S.A.S. TWIN JET

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Axelle TESTINI

Me Vincent ARNAUD de la SELARL VINCENT ARNAUD

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 01 août 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/00709.

APPELANT

SYNDICAT NATIONAL DES PILOTES DE LIGNE FRANCE ALPA, dont le siège social est situé [Adresse 2]

représenté par Me Axelle TESTINI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

et assisté de Me Jérémie JARDONNET de l'AARPI HUJE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.S. TWIN JET

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 1]

représentée par Me Vincent ARNAUD de la SELARL VINCENT ARNAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 mai 2024 en audience publique devant la cour composée de :

M. Gilles PACAUD, Président rapporteur

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Mme Angélique NETO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 juin 2024,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Lors de sa réunion du 21 février 2022, le Comité social et économique (CSE) de la société par actions simplifiée (SAS) Twin Jet a, à l'unanimité de ses membres, émis un avis favorable à l'application d'une charte unilatérale sur le droit à la déconnexion présentée par la direction.

En son article 2, celle-ci stipule notamment que pour le personnel navigant, et compte tenu de la particularité du métier puisque les horaires dépendent des missions à réaliser, que les vols soient programmés ou non, l'entreprise pourra contacter les salariés par téléphone, par mail ou tout autre moyen de son choix, même en dehors des temps de travail pour leur communiquer le planning de leur prochain temps de travail, en les informant sur leur prochain vol ou leur prochain repos, RH etc... sans que cela ne contrevienne au droit à la déconnexion.

Son article 3 précise : Aucun salarié n'est tenu de répondre a des courriels, messages ou appels téléphoniques a caractère professionnel en dehors de ses heures habituelles de travail, pendant ses congés payés, ses temps de repos et ses absences, quelle qu'en soit la nature a l'exception des PNT qui doivent pouvoir être contactés et doivent être joignables dans la mesure du possible en cas de régulation, en dehors de la période 21 h 00 et 5 h 00, et en-dehors des périodes de congés payés annuels (été et hiver). Dans ce cas, il devront, la veille de la reprise d'activité, prendre connaissance de leur planning disponible sur leur mail. En tout état de cause, les pilotes devront prendre connaissance de leur planning de repos ou absence diffusé tous les soirs à partir de 18 heures pour connaitre leur planning d'activité.

Par courrier du 22 septembre 2022, le Syndicat national des pilotes de lignes (SNPL) France Alpa a fait part à la direction de la SAS Twin Jet de sa surprise au regard du fait que, selon lui, cette charte excluait les pilotes de la mise en 'uvre d'un véritable droit à la déconnexion et lui a demandé de bien vouloir la retirer immédiatement.

Par courrier du 23 septembre 2022, le président de la SAS Twin Jet a rejeté les arguments du syndicat national des pilotes de lignes (SNPL) France Alpa, et estimé qu'il n'y avait lieu ni à retrait, ni à modification de la charte litigieuse.

Par acte de commissaire de justice en date du 11 mai 2023, le Syndicat national des pilotes de lignes (SNPL) France Alpa a fait assigner la SAS Twin Jet devant le président du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, statuant en référé, aux fins d'entendre :

- à titre principal, juger illicites les dispositions précitées des articles 2 et 3 de la charte unilatérale sur le droit à la déconnexion, et partant les annuler ou les déclarer inopposables ;

- subsidiairement :

' annuler la charte unilatérale sur le droit à la déconnexion en date du 21 février 2022 ;

' faire injonction à la SAS Twin Jet de réunir les partenaires sociaux afin d'engager des négociations sur le droit à la déconnexion dans un délai de quinze jours, sous astreinte journalière de 1 000 euros, courant à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- en tout état de cause :

' condamner la SAS Twin Jet au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts au titre du préjudice porté à l'intérét collectif de la profession ;

' condamner la SAS Twin Jet au paiement de la somme de 4 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

' ordonner l'exécution provisoire.

Par ordonnance contradictoire en date du 1er août 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a :

- dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes du Syndicat national des pilotes de lignes (SNPL) France Alpa, en raison de l'existence de contestations sérieuses, et en l'absence d'urgence, de dommage imminent ou de caractérisation d'un trouble manifestement illicite ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes parmi lesquelles les demandes de dommages et intérêts, pour procédure abusive, et amende civile formulée par la SAS Twin Jet ;

- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné le syndicat national des pilotes de lignes (SNPL) France Alpa aux entiers dépens de l'instance.

Il a notamment considéré que :

- le SNPL France Alpa justifiait d'un intérêt légitime à agir dès lors que l'objet du litige portait sur une charte touchant aux conditions de travail des pilotes au sein de l'entreprise ainsi qu'à leur articulation avec leur vie privée ;

- l'urgence n'était pas caractérisée dès lors que le CSE avait été consulté le 21 février 2022 et que la première contestation du SNPL France Alpa n'était intervenue que le 22 septembre suivant, l'assignation n'ayant été délivré que le 11 mai 2023 malgré la réponse immédiate de la direction ;

- la charte n'a pas été imposée mais mise en oeuvre après consultation et avis favorable du CSE, dont font partie les personnels navigants, en sorte qu'aucune violation des dispositions légales régissant la matière ne peut être retenue.

Selon déclaration reçue au greffe le 10 août 2023, le SNPL France Alpa a interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.

Par dernières conclusions transmises le 6 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il sollicite de la cour qu'elle :

- à titre liminaire :

' déboute la société Twin Jet de sa demande tendant à voir ordonner le renvoi de l'audience de plaidoirie du 21 mai 2024 ;

' à titre subsidiaire, renvoie à une audience de plaidoirie à une date proche, la société Twin Jet ayant d'ores et déjà bénéficié, au jour de l'audience, d'un délai de plus de 20 jours pour répliquer ;

' en tout état de cause, débouter la société Twin Jet de sa demande de rejet de conclusions et de pièces ;

- infirme l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau :

' juge qu'il est recevable et bien fondé en son action ;

' juge illicite les articles 2 et 3 de la charte et les annule ou le juge inopposables ;

- en tout état de cause :

' condamne la société Twin Jet au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts au titre du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession ;

' condamne la société Twin Jet au paiement de la somme de 4 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant des frais de première instance ;

' condamne la société Twin Jet au paiement de la somme de 4 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile s'agissant des frais à hauteur d'appel ;

' condamne la société Twin Jet aux dépens de l'instance ;

' déboute la société Twin Jet de l'intégralité de ses demandes et de son appel incident, confirmant ainsi l'ordonnance en ce qu'elle a été déboutée de ses demandes (dommages et intérêts pour procédure abusive, amende civile et article 700 du code de procédure civile).

L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 7 mai 2024.

Par dernières conclusions transmises le 16 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS Twin Jet sollicite de la cour qu'elle confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles et, statuant nouveau :

- dise la demande du Syndicat National des Pilotes de Lignes irrecevable pour défaut d'intérêt à agir ;

- dise que les conditions du référé ne sont pas réunies ;

- déboute, en conséquence, le Syndicat National des Pilotes de Lignes (SNPL) de ses demandes ;

- dise la charte relative au droit à la déconnexion en date 21 février 2022 licite ;

- condamne le Syndicat National des Pilotes de Lignes (SNPL) à la somme de 10 000 euros à titre des dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamne le Syndicat National des Pilotes de Lignes (SNPL) à une amende civile d'un montant de 10 000 euros ;

- condamne le Syndicat National des Pilotes de Lignes (SNPL) à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne le Syndicat National des Pilotes de Lignes (SNPL) aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

Aux termes de l'article 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office : sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et accessoires échus, aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes en révocation de l'ordonnance de clôture.

L'article 803 du même code dispose : l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ... (elle) peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal.

Interrogés sur ce point à l'audience, lors de l'appel des causes, les avocats des parties ont indiqué qu'ils ne s'opposaient pas au rabat de l'ordonnance de clôture aux fins d'admission aux débats des conclusions transmises les 6, 14 et 16 mai 2024.

La cour a donc, avant l'ouverture des débats et de l'accord général, révoqué ladite ordonnance puis clôturé à nouveau l'instruction de l'affaire, celle-ci étant en état d'être jugée.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir

Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.

L'article 122 ajoute que constitue un fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'intérêt à agir se définit comme le profit, l'utilité ou l'avantage que l'action engagée est susceptible de procurer au plaideur et implique nécessairement une analyse concrète de cet avantage, lequel se distingue du droit litigieux. S'il doit être direct et personnel, il n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action.

Aux termes de l'article L 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice : ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

Il est de principe que le Comité social et économique (anciennement Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail), qui a pour mission de contribuer à la proctection de la santé et sécurité des salariés de l'entreprise ainsi qu'à l'amélioration de leurs conditions de travail, dispose de la personnalité morale.

Les syndicats n'ont dès lors pas qualité, sur le fondement de l'article précité pour agir en ses lieu et place.

Tel n'est néanmoins pas le cas dans la présente espèce puisque le SNPL France Alpa expose agir en défense des droits des pilotes de la société intimée et plus singulièrement de leur droit à la déconnexion que la charte éponyme aurait méconnu. Il n'agit donc pas en lieu et place du CSE mais à l'encontre d'une charte mise en oeuvre par l'employeur, avec l'aval du comité social et économique, charte qui, selon lui, porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession de pilote qu'il représente.

Il a donc bien intérêt à agir, comme reconnu par le premier juge, et son action est recevable sur le fondement des dispositions précitées de l'article L 2132-3 du code du travail.

L'ordonnance entreprise sera dès lors confirmée de ce chef.

Sur le trouble manifestement illicite

Aux termes de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite visé par ce texte désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Pour en apprécier la réalité, la cour d'appel, statuant en référé, doit se placer au jour où le premier juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue.

En l'espèce, le SNPL France Alpa argue d'une méconnaissance voire même d'une violation, par la charte litigieuse, du droit à la déconnexion et au repos des personnels navigants. Il soutient que ce droit, dont le Parlement européen a reconnu le 'caractère fondamental' et dont les modalités de mise en oeuvre relèvent des 'négociations annuelles' aux termes de l'article L 2242-17 du code du travail, participe de l'obligation de sécurité dont l'employeur est investi, à l'endroit de ses employés, par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du code de travail. Il ajoute qu'après que des interrogations se sont faites jours lors de la réunion du CSE du 8 juillet 2022, le collège PNT de ce même comité a proposé, lors de sa réunion du 27 janvier 2023, d'effectuer une réédition de la charge, ce que la direction a refusé.

En réplique, la SAS Twin Jet objecte que :

- la charte relative au droit à la déconnexion a été votée par le CSE à l'unanimité de ses membres,

- le SNPL n'a aucune représentativité au sein de l'entreprise,

- le trouble invoqué est hypothétique comme en atteste le temps écoulé entre l'entrée en vigueur de la charte et la réaction du SNPL,

- le droit à la déconnexion n'est invoqué que par un texte du code du travail, l'article L 2242-7, qui ne le définit pas et ne lui est pas applicable,

- le juge des référés n'a pas le pouvoir d'annuler une charte.

Il est effectivement constant que la cour, statuant en appel d'une ordonnance de référé, est juge du provisoire ce qui lui interdit de prendre des mesures définitives, telles que, comme sollicité en l'espèce, l'annulation des articles 2 et 3 de la charte litigieuse ou la déclaration de leur inopposabilité. Tout au plus, aurait-il pu lui être demandé d'en suspendre l'application dans la perspective d'un évènement à venir, clairement identifié, tel qu'une nouvelle délibération du CSE sur le sujet. Il n'y a donc lieu à référé et ce, d'autant que, quoique doté de la personnalité morale, ledit CSE ne s'est manifestement pas plaint du refus de la direction de réévaluer, dans le cadre des 'négociations annuelles obligatoires' sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie et condition de travail' .... les modalilités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l'entreprise de dispositifs de régulation de l'utilisation des outils numériques, en vue d'assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale (article L 2242-17 du code du travail).

L'ordonnance sera donc confirmée, par des motifs substitués, en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes du Syndicat national des pilotes de lignes (SNPL) France Alpa.

Il convient enfin de constater qu'il n'entre pas davantage dans les pouvoirs de la cour, statuant en référé, de dire la charte relative au droit à la déconnexion licite, comme sollicité par l'intimée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour atteinte porté à l'intérêt collectif de la profession de pilote

Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ... le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence ... peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution d'une obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

L'absence de constestation sérieuse implique l'évidence de la solution qu'appelle le point contesté. Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant, laquelle n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

En l'espèce, dans la mesure où le SNPL France Alpa succombe en ses prétentions, sa créance indemnitaire est, à tout le moins, sérieusement contestable.

C'est donc par des motifs pertinents que le premier juge l'a débouté de sa demande de provision à valoir sur le préjudice subi du fait de l'atteinte porté à l'intérêt collectif de la profession de pilote.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée de ce chef.

Sur les demandes d'amende civile et de dommages et intérêts pour procédure abusive

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui a causé à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. L'article 1241 du même code dispose que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence.

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

En application des dispositions de ces textes, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette en dommages et que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

Tel n'est pas le cas en l'espèce, le SNPL ayant commis une simple erreur de droit insusceptible d'être qualifiée de malicieuse ou équipollente au dol.

L'ordonnance entreprise sera dès lors confirmée en ce qu'elle a débouté la SAS Twin Jet de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Il sera enfin rappelé que le débat relatif au prononcé d'une amende civile ne peut être initié par les parties qui ne peuvent se prévaloir, sur ce point, d'aucun intérêt matériel ou moral. L'ordonnance entreprise sera dès lors infirmée en ce qu'elle a rejeté la demande d'amende civile formulée par la SAS Twin Jet, cette dernière devant être déclarée irrecevable.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné le Syndicat National des Pilotes de Lignes aux dépens et à verser la somme de 3 000 euros à la SAS Twin Jet sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Syndicat national des pilotes de lignes France Alpa, qui succombe au litige, sera débouté de sa demande formulée sur le fondement de ce texte. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais non compris dans les dépens, qu'elle a exposés pour sa défense. Il lui sera donc alloué une somme de 2 500 euros en cause d'appel.

Le Syndicat national des pilotes de lignes France Alpa supportera en outre les dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rappelle qu'à l'audience, avant l'ouverture des débats, elle a révoqué l'ordonnance de clôture puis clôturé à nouveau l'instruction de l'affaire, celle-ci étant en état d'être jugée ;

Confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a débouté la SAS Twin Jet de sa demande d'amende civile à l'encontre du Syndicat national des pilotes de lignes France Alpa ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare irrecevable la demande d'amende civile formulée par la SAS Twin Jet à l'encontre du Syndicat national des pilotes de lignes France Alpa ;

Dit n'y avoir à référé sur la demande de la SAS Twin Jet tendant à entendre déclarer licite la charte sur le droit à la déconnection du 21février 2022 ;

Condamne le Syndicat national des pilotes de lignes France Alpa à payer à la SAS Twin Jet la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute le Syndicat national des pilotes de lignes France Alpa de sa demande sur ce même fondement ;

Condamne le Syndicat national des pilotes de lignes France Alpa aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-2
Numéro d'arrêt : 23/10801
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;23.10801 ?
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