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27/06/2024 | FRANCE | N°23/10669

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 27 juin 2024, 23/10669


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 27 JUIN 2024



N° 2024/435







Rôle N° RG 23/10669 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLYHO







S.A.S. AQUALTER





C/



[T] [E]

[P] [I]

[J] [O]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Danielle ROBERT de la SCP ROBERT & FAIN-ROBERT



Me Frédéric CHOLLET de la SCP BRAUNSTEIN &

ASSOCIES









Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 12 juillet 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/07378.





APPELANTE



S.A.S. AQUALTER

Prise en la personne de son représen...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 27 JUIN 2024

N° 2024/435

Rôle N° RG 23/10669 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLYHO

S.A.S. AQUALTER

C/

[T] [E]

[P] [I]

[J] [O]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Danielle ROBERT de la SCP ROBERT & FAIN-ROBERT

Me Frédéric CHOLLET de la SCP BRAUNSTEIN & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 12 juillet 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/07378.

APPELANTE

S.A.S. AQUALTER

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 2]

représentée par Me Danielle ROBERT de la SCP ROBERT & FAIN-ROBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMES

Monsieur [T] [E]

né le 07 mars 1970 à [Localité 11], demeurant [Adresse 3]

Monsieur [P] [I]

né le 18 septembre 1944 à [Localité 13] (Italie), demeurant [Adresse 1]

Monsieur [J] [O]

né le 01 novembre 1961 à [Localité 12], demeurant [Adresse 1]

représentés par Me Frédéric CHOLLET de la SCP BRAUNSTEIN & ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Me Damien NOTO, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 mai 2024 en audience publique devant la cour composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère rapporteur

Mme Angélique NETO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 juin 2024,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige :

Monsieur [T] [E] est propriétaire d'un bien immobilier situé sur une parcelle cadastrée section AK n°[Cadastre 8] , lieudit [Adresse 3].

Monsieur [P] [I] est propriétaire d'un bien immobilier situé sur une parcelle cadastrée section AK n°[Cadastre 6] et n°[Cadastre 7], lieudit [Adresse 1].

Monsieur [J] [O] est propriétaire d'un bien immobilier situé sur une parcelle cadastrée n° AK n°[Cadastre 4], lieudit [Adresse 14], au numéro 14 de cette rue à [Localité 10].

A l'occasion de travaux de construction d'une maison sur la parcelle voisine située au [Adresse 9], cadastrée section AK n° [Cadastre 5], appartenant aux époux [S], l'alimentation en eau potable des parcelles appartenant à M. [E], M. [I] et M. [O], par une canalisation en fonte située sur la propriété des époux [S], a été rompue le 10 février 2021.

La société Aqualter, délégataire de gestion du service d'eau potable par la commune de [Localité 10], est rapidement intervenue et a procédé à des travaux provisoires de réalimentation des logements appartenant à M. [E], M. [I] et M. [O], par un réseau passant à proximité, néanmoins, ces derniers se sont plaints d'une pression insuffisante pour permettre une utilisation normale du circuit d'eau sanitaire dans leurs propriétés.

Un rapport d'expertise amiable a été établi le 20 mai 2021 par la société Saretec, mandatée par l'assureur protection juridique de M. [E], après une visite sur les lieux, dont il résulte que, suite à la rupture de la canalisation passant sur la parcelle des époux [S], la propriété de M. [E] a été réalimentée par une autre canalisation qui emprunte un autre tracé et dessert plus de logements, de sorte que la pression est devenue insuffisante (1,3 bar au lieu de 1,5 bar), d'autant que la propriété de M. [E] se trouve en bout de réseau.

L'expert du cabinet Saretec mentionne avoir contacté un responsable de la société Aqualter qui lui a indiqué avoir effectué des études en vue d'une réparation comportant un chiffrage des travaux, transmises à la commune de [Localité 10] en sa qualité de maître d'ouvrage.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 septembre 2021, M. [E] a mis en demeure la société Aqualter de lui restituer la pression initiale et nécessaire à l'alimentation en eau de sa propriété, en insistant sur le fait que celle-ci était compartimentée en 4 appartements qu'il était dans l'impossibilité de louer depuis la rupture de l'approvisionnement normal en eau, ce qui entraînait des conséquences financières et personnelles inacceptables pour lui.

Par courrier en date du 24 septembre 2021, la société Aqualter lui a répondu que des solutions techniques permettant de rétablir une pression plus importante au niveau de son compteur avaient été étudiées et validées avec la mairie de [Localité 10], mais que les travaux envisagés, consistant en un renforcement du réseau d'eau potable au droit de l'ancienne conduite endommagée, nécessitaient l'accord des époux [S] pour passer sur leur propriété, qu'elle n'avait pas pu obtenir.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 octobre 2021, M. [E], M. [I] et M. [O] ont mis en demeure M. [S] de satisfaire aux obligations techniques permettant d'effectuer les travaux envisagés par la société Aqualter.

Se plaignant de l'insuffisance de pression et de la résistance des époux [S] à laisser l'accès à leur propriété pour la mise en place d'une nouvelle canalisation permettant de rétablir leur alimentation en eau, selon la même pression que celle précédant la rupture de l'ancienne canalisation, M. [E], M. [I] et M. [O] les ont fait assigner, ainsi que la commune de [Localité 10] et la société Aqualter devant le président du tribunal judiciaire de Draguignan, statuant en référé, aux fins principalement de voir condamner :

- M. et Mme [S] à laisser la SAS Aqualter accéder à leur propriété en sa qualité de délégataire du service public de distribution de l'eau aux fins de réaliser lesdits travaux, sous astreinte,

- solidairement la commune de [Localité 10], en sa qualité de maître d'ouvrage et de propriétaire du réseau d'eau potable, et la société Aqualter, en tant que délégataire de ce service public, à effectuer lesdits travaux,

- la commune de [Localité 10] à prendre en charge les travaux et à réaliser administrativement la création d'une servitude conventionnelle de passage d'une canalisation sous leur maison avec les époux [S],

- solidairement les époux [S], la commune de [Localité 10] et la SAS Aqualter à leur payer une provision de 8 000 euros pour M. [I], de 12 000 euros pour M. [O] et de 15 000 euros pour M. [E].

Par ordonnance contradictoire en date du 12 juillet 2023, ce magistrat a :

- mis hors de cause la commune de [Localité 10] quant à la réalisation des travaux demandés et à la prise en charge de leur coût,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de réalisation des travaux demandés,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant à ordonner aux époux [S] de laisser libre accès à leur propriété,

- dit les juridictions judiciaires incompétentes pour ordonner la régularisation d'une servitude de passage de canalisation d'eau au profit d'une collectivité ou d'un concessionnaire de service public,

- condamné la SAS Aqualter à payer, à titre provisionnel, à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice de jouissance :

* la somme de 4 000 euros à M. [T] [E],

* la somme de 1 000 euros à M. [P] [I],

* la somme de 1 000 euros à M. [J] [O],

- condamné la SAS Aqualter aux dépens,

- condamné la SAS Aqualter à payer à M. [T] [E], M. [P] [I] et à M. [J] [O] la somme de globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour le surplus.

Le premier juge a considéré :

- que la SAS Aqualter était délégataire du service public de l'eau de la commune de [Localité 10] qui, selon le règlement du service, désignait l'ensemble des activités et installations nécessaires à l'approvisionnement en eau potable (production, traitement, distribution, contrôle de la qualité de l'eau distribuée, gestion de la relation avec les abonnés),

- qu'il résultait de la note technique de la SAS Aqualter qu'une canalisation existante de distribution d'eau potable passant sur la propriété des époux [S], dont le tracé connu était différent de celui existant réellement, avait été cassée à l'occasion de travaux de terrassement, ce qui était contesté par les époux [S] dans leurs conclusions, que cette canalisation alimentant les trois propriétés de M. [E], M. [P], M. [O] avait été réparée, mais de manière non pérenne car la pression au droit des compteurs était très largement inférieure à la pression antérieure et n'était pas conforme au règlement du service,

- que la SAS Aqualter reconnaissait être tenue contractuellement de délivrer à chaque abonné (dont les trois propriétaires susvisés) une pression minimale en service normal au moins égale à 1.5 bar, soit 15 mètres au-dessus du sol au droit du compteur, et que les mesures réalisées faisaient état d'une pression délivrée aux alentours de 1.3 bar, soit 13 mètres,

- que les travaux demandés avaient trait à la remise en état du branchement alimentant les propriétés des demandeurs en vue de restituer la pression antérieure, et relevaient des relations entre les abonnés et la SAS Aqualter, délégataire de la commune,

- que dans la mesure où il ne s'agissait pas de travaux en vue du raccordement des propriétés au réseau public d'eau potable mais ayant trait au raccordement existant, les tribunaux administratifs n'étaient pas compétents et la commune devait être mise hors de cause quant à leur réalisation et la prise en charge de leur coût,

- que si les demandeurs subissaient une gêne et une situation potentiellement préjudiciable liée à la baisse de pression par rapport à la situation antérieure, ils étaient toujours alimentés en eau de sorte qu'il n'était justifié ni de l'urgence exigée, ni d'un trouble manifestement illicite à faire cesser, ou d'un dommage imminent à prévenir pour que soit ordonnée en référé la réalisation des travaux qu'ils sollicitaient de sorte qu'il n'y avait pas lieu à référé,

- qu'aucune servitude relative à une canalisation d'alimentation en eau ne grevait le fonds des époux [S] et qu'ils ne pouvaient être, en application des dispositions de l'article 544 du code civil et de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme, privés de tout ou partie des droits que leur confère la propriété de leur bien, sauf pour cause de nécessité publique, et, dans ce cas, dans le respect des procédures administratives prévues, de sorte que leur refus de voir réaliser les travaux selon les solutions techniques préconisées par la SAS Aqualter n'était pas constitutif d'un trouble manifestement illicite, et que la demande formée à leur égard était sérieusement contestable,

- que l'instauration d'une servitude de passage de canalisation d'eau au profit d'une collectivité ou d'un concessionnaire de services public relevait d'une procédure administrative et par voie de conséquence, si elle devait être contrainte, des tribunaux administratifs, de sorte que les tribunaux judiciaires étaient manifestement incompétents pour condamner la commune de [Localité 10] à réaliser administrativement la création d'une servitude conventionnelle avec M. [S], et le cas échéant, statuer sur une indemnisation même à titre de provision, née du retard de la commune à la mise en oeuvre de ses obligations,

- que l'obligation des époux [S], en méconnaissance de l'existence de la canalisation sur leur fonds et en l'absence de servitude le grevant, à reparer les préjudices invoqués par les requérants était sérieusement contestable,

- que selon l'article 1.4 du règlement de l'exploitant, la SAS Aqualter était tenue de garantir une pression minimale de 1.5 bar, de sorte que son obligation à réparer les préjudices en résultant n'était pas sérieusement contestable,

- que le préjudice résultant de l'impossibilité de poursuivre des locations saisonnières pour M. [E] ne pouvait consister qu'en la perte d'une chance de louer et ne pouvait donc équivaloir au montant cumulé théorique des locations annuelles, dont la fraction non sérieusement contestable devrait être fixée à 3 000 euros,

- que M. [O] ne justifiait pas de la fin des travaux d'aménagement des logements destinés, selon lui, à la location,

- que M.[E], M. [O] et M. [I] subissaient un préjudice personnel dans leurs conditions de vie courantes depuis février 2021 dont la fraction non sérieusement contestable devait être évaluée à 1 000 euros,

- que dans la mesure où les travaux étaient déterminés et où la charge de la preuve des préjudices de jouissance allégués et de leur intensité par la fourniture de toute pièce probante incombait aux demandeurs, la mesure d'expertise sollicitée était inutile et ne répondait pas à un motif légitime.

Par déclaration d'appel en date du 08 août 2023 la société Aqualter a interjeté appel de cette décision, limité aux condamnations à paiement prononcées à son encontre, à titre provisionnel, ainsi qu'au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 30 août 2023, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions la concernant, et, statuant à nouveau, de :

- juger qu'il existe des contestations sérieuses quant au principe de sa responsabilité,

- débouter M. [T] [E], M. [P] [I] et M. [J] [O] de leurs demandes de provisions, et de l'intégralité de leurs demandes à son encontre,

- de condamner in solidum M. [T] [E], M. [P] [I] et M. [J] [O] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises le 27 octobre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, M. [T] [E], M. [P] [I] et M. [J] [O] demandent à la cour de :

- dire et juger que la SAS Aqualter ne peut se prévaloir d'un cas de force majeure pour justifier de son manquement à son obligation contractuelle,

- dire et juger que la juridiction judiciaire est compétente pour connaître du présent litige relatif à des dommages concernant l'obligation contractuelle de la SAS Aqualter d'assurer la fourniture de la prestation de service de distribution d'eau potable,

- dire et juger qu'il n'existe aucune contestation sérieuse relative au fait que la SAS Aqualter, en sa qualité de délégataire du service public de distribution de l'eau, n'a pas rempli ses obligations contractuelles,

- débouter en conséquence la SAS Aqualter de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer l'ordonnance de référé entreprise en ce qu'elle a :

* condamné la SAS Aqualter à payer, à titre provisionnel, à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice de jouissance la somme de 4 000 euros à M. [T] [E], la somme de 1 000 euros à M. [P] [I] et la somme de 1 000 euros à M. [J] [O],

* condamné la SAS Aqualter aux dépens,

* condamné la SAS Aqualter à payer à M.[T] [E], M. [P] [I] et M. [J] [O] la somme de globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SAS Aqualter à leur verser la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

L'instruction a été déclarée close par ordonnance en date du 7 mai 2024.

MOTIFS :

Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constater', 'donner acte', 'dire et juger' ou 'déclarer' qui, sauf dispositions légales spécifiques, ne sont pas des prétentions, en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, mais des moyens qui ne figurent que par erreur dans le dispositif, plutôt que dans la partie discussion des conclusions d'appel.

Sur les demandes de provisions

Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ... le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence ... peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution d'une obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point. A l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle. Le montant de la provision n'a alors d'autre limite que celui non sérieusement contestable de la créance alléguée. Enfin, c'est au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiales ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.

Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement des dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En vertu l'article 1218 du même code, il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.

Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat.

Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1.

En l'espèce, M. [E], M. [I] et M. [O], usagers, fondent leurs demandes de provision sur la responsabilité contractuelle de l'exploitante, la société Aqualter, en vertu de l'article 1.4 du règlement d'exploitation, dont il n'est pas contesté qu'il stipule que la société Aqualter garantit une pression minimale de 1,5 bar.

Ils font valoir que la société Aqualter est tenue à leur égard d'une obligation de résultat, dont elle ne peut pas s'exonérer, en l'absence de force majeure.

Il convient tout d'abord de relever que le contrat liant les parties n'est pas versé aux débats, mais que les intimés précisent eux-mêmes en page 7 de leurs écritures que la société Aqualter est tenue contractuellement de délivrer à chaque abonné une pression minimale en service normal au moins égale à 1,5 bar, soit 15 mètres au-dessus du sol au droit du compteur, conformément au règlement du service d'eau précité.

Or, il résulte des pièces produites que :

- l'interruption du service d'eau a été consécutive à la rupture d'une canalisation alimentant les propriétés de M. [E], M. [I] et M. [O], passant sur la propriété des époux [S],

- la société Aqualter est immédiatement intervenue pour procéder à une réparation provisoire permettant d'alimenter à nouveau en eau les propriétés de M. [E], M. [I] et M. [O] en utilisant temporairement une autre canalisation desservant plus de logements,

- la société Aqualter a effectué des investigations techniques afin de trouver une solution pérenne permettant de remédier à l'insuffisance de la pression d'eau dans le circuit desservant les propriétés de M. [E], M. [I] et M. [O] et a proposé deux tracés pour la mise en place d'une nouvelle canalisation, afin de retrouver le niveau de pression antérieur,

- les travaux proposés par la société Aqualter n'ont pas pu être effectués en raison de l'opposition des époux [S] au passage d'une nouvelle canalisation sur leur parcelle.

Contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, il se déduit de l'ensemble de ces éléments que l'obligation de résultat invoquée à l'encontre de la société Aqualter se heurte à des contestations sérieuses liées d'une part, à la mise en place d'une solution provisoire, et non à la reprise d'un service normal tel que visé à l'article 1.4 du règlement précité, et, d'autre part, à l'imputabilité du désordre qui n'est pas établie à l'encontre de la société Aqualter, avec l'évidence requise en référé.

En outre, M. [E], M. [I] et M. [O] ne démontrent par aucune pièce qu'il existerait d'autres solutions techniques, sans passer par la propriété des époux [S], pour rétablir leur alimentation en eau avec la même pression que celle existant avant la rupture de la canalisation litigieuse comme ils le prétendent, le seul fait que la société Aqualter ait indiqué, dans sa note technique du 7 décembre 2021, qu'il lui apparaissait que le maintien du raccordement au sein de la parcelle appartenant à M. [S] était le plus pertinent pour des raisons à la fois techniques, économiques et administratives étant insuffisant à rapporter cette preuve.

Il s'ensuit que la créance invoquée par M. [E], M. [I] et M. [O], fondée sur le principe de la responsabilité contractuelle de la société Aqualter, non établi avec l'évidence requise en référé, apparaît sérieusement contestable.

En conséquence, l'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a condamné la société Aqualter à payer les sommes susvisées, à titre provisionnel, à M. [E], M. [I] et M. [O], ces derniers devant être déboutés de leurs demandes de provisions.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a condamné la société Aqualter aux dépens, ainsi qu'à payer à M. [E], M. [I] et M. [O] la somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant, M. [E], M. [I] et M. [O] seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la SAS Aqualter la somme de globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et ils seront déboutés de leurs demandes sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l'appel,

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

- condamné la SAS Aqualter à payer, à titre provisionnel, à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice de jouissance :

* la somme de 4 000 euros à M. [T] [E],

* la somme de 1 000 euros à M. [P] [I],

* la somme de 1 000 euros à M. [J] [O],

- condamné la SAS Aqualter aux dépens,

- condamné la SAS Aqualter à payer à M. [T] [E], M. [P] [I] et M. [J] [O] la somme de globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau de ces chefs, et, y ajoutant :

Déboute M. [T] [E], M. [P] [I] et M. [J] [O] de leurs demandes de provisions à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices de jouissance,

Condamne in solidum M. [T] [E], M. [P] [I] et M. [J] [O] à payer à la SAS Aqualter la somme de globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Les déboute de leurs demandes sur le même fondement,

Condamne M. [T] [E], M. [P] [I] et M. [J] [O] aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-2
Numéro d'arrêt : 23/10669
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;23.10669 ?
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