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27/06/2024 | FRANCE | N°23/02219

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 27 juin 2024, 23/02219


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024



N° 2024/194









Rôle N° RG 23/02219 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BKYWM







[H] [N]





C/



[P] [E]

[J] [Z]

Caisse CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES B OUCHES DU RHONE (CPCAM 13)





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Jean laurent ABBOU
>- Me Bruno ZANDOTTI

- Me Philippe CARLINI

- Me Régis CONSTANS









Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Marseille en date du 19 Janvier 2023 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 20/10955.





APPELANTE



Madam...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024

N° 2024/194

Rôle N° RG 23/02219 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BKYWM

[H] [N]

C/

[P] [E]

[J] [Z]

Caisse CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES B OUCHES DU RHONE (CPCAM 13)

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Jean laurent ABBOU

- Me Bruno ZANDOTTI

- Me Philippe CARLINI

- Me Régis CONSTANS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Marseille en date du 19 Janvier 2023 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 20/10955.

APPELANTE

Madame [H] [N]

née le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 7]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Jean laurent ABBOU de la SELARL NEMESIS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Oumel ABERROU, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [P] [E], demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Bruno ZANDOTTI de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [J] [Z]

né le [Date naissance 4] 1974 à [Localité 8], demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Philippe CARLINI de la SELARL CARLINI & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Caisse CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES B OUCHES DU RHONE (CPCAM 13) Prise en la personne de son directeur général en exercice domicilié ès-qualité audit siège,

Appelany incident (par conclusions eu 21/07/2023.

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Régis CONSTANS de la SCP VPNG, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 avril 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président chargé du rapport, et Madame Elisabeth TOULOUSE,Présidente de chambre,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Premier Président de chambre

Greffier lors des débats : Madame Sancie ROUX.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 juin 2024.

ARRÊT

contradictoire

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 juin 2024.

Signé par M. Jean-Wilfrid NOEL, Président et Mme Sancie ROUX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS & PROCÉDURE

Le 31 mai 2016, Mme [N], salariée de la SARL Sérigraphie Textile Kammernann, a subi l'écrasement de son index droit en manipulant le plateau d'une presse à flocage. Le médecin urgentiste de l'hôpital [10] de [Localité 9] a conclu au vu de la radio à une entorse, a prescrit la pose d'une orthèse de la main et lui a fixé un rendez-vous avec le docteur [I], chirurgien orthopédiste. Ce dernier a confirmé l'entorse et prescrit une échographie de l'index.

Cet examen a été réalisé le 3 juin 2016 par M. [E] dont le compte rendu mentionne l'absence de signes de rupture ligamentaire.

Le docteur [I] a estimé que cette échographie n'était pas contributive et en a prescrit une seconde, qui a été effectuée le 13 juin 2016 par M. [Z], lequel a conclu à la normalité des tendons et ligaments.

La persistance des douleurs a déterminé le docteur [I] à adresser Mme [N] au docteur [L], chirurgien orthopédiste de la main à la clinique Juge de [Localité 9]. Le docteur [L] a prescrit le 17 juin 2016 une nouvelle échographie, précisant que Mme [N] souffrait probablement d'une entorse grave LCU, avec incarcération articulaire. Cette échographie a été effectuée le 20 juillet 2016 par le docteur [S] [Y].

Le docteur [L], suspectant une rupture du ligament collatéral ulnaire, a opéré Mme [N] le 20 juin 2016 et a constaté l'absence d'insertion du ligament collatéral ulnaire sur la tête du métacarpien.

La persistance d'une raideur douloureuse a conduit le docteur [L] à procéder le 29 septembre 2017 à l'amputation du deuxième métacarpien.

Par ordonnances des 20 septembre 2017, 12 janvier 2018 et 8 février 2018 rendue au contradictoire du docteur [I] et de la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône, le juge des référés de Marseille a commis aux fins d'expertise médicale le docteur [K], substitué par le docteur [U] puis par le docteur [V].

Aux termes d'un premier rapport d'étape du 23 novembre 2018, le docteur [V] n'a caractérisé aucun manquement particulier à l'encontre du docteur [I].

Aux termes d'un second rapport déposé le 30 juin 2020, l'expert judiciaire a conclu ainsi :

- absence d'état antérieur,

- existence d'erreurs de diagnostic imputables à M. [E] et à M. [Z],

- lien de causalité certain et exclusif entre le retard thérapeutique dû aux erreurs de diagnostic et les séquelles advenues à la victime,

- perte de chance de 80 % pour Mme [N] d'échapper au dommage,

- perte de chance imputable à 60 % à M. [E],

- perte de chance imputable à 20 % à M. [Z],

- arrêt temporaire des activités professionnelles : 23 mois,

- déficit fonctionnel temporaire 100 % : 4 jours,

- déficit fonctionnel temporaire 15 % : 45 jours,

- déficit fonctionnel temporaire 12 % : 377 jours,

- déficit fonctionnel temporaire 10 % : 777 jours,

- consolidation : 31 août 2018,

- déficit fonctionnel permanent : 9 %,

- assistance par tierce personne temporaire : six mois,

- souffrances endurées : 5/7,

- préjudice esthétique permanent : 1/7.

Par jugement contradictoire du 19 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Marseille statuant au visa de l'article L.1142-1 du code de la santé publique a :

- débouté Mme [N] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné Mme [N] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné Mme [N] à payer à M. [E], à M. [Z] et à la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône la somme respective de 1 000 euros, 1 000 euros et 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône du surplus de ses demandes,

- rappelé l'exécution provisoire de droit.

Pour statuer ainsi, le tribunal de Marseille a considéré en substance qu'aucune méconnaissance de leur obligation de moyens ne pouvait être caractérisée à l'encontre des deux praticiens intervenus en juin 2017.

Par déclaration du 8 février 2023 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, Mme [N] a interjeté appel du jugement en visant chacune des mentions de son dispositif. du jugement du tribunal judiciaire de Marseille.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante notifiées par la voie électronique le 25 mars 2024, Mme [N] demande à la cour de :

À titre principal,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [N] de l'ensemble de ses demandes et condamné cette dernière au paiement de frais irrépétibles,

- déclarer la demande subsidiaire de complément d'expertise recevable,

Statuant à nouveau,

- condamner M. [E] et M. [Z] pour manquement à leur obligation de moyens dans l'établissement du diagnostic et pour l'erreur de diagnostic commise à son encontre,

- condamner M. [E] à lui verser la somme de 352 083,50 euros, correspondant à 60 % de la perte de chance subie par elle, compte arrêté au mois d'août 2023, la perte de gains futurs restant à parfaire au jour de la liquidation,

- condamner M. [Z] à lui verser la somme de 117 361,20 € correspondant à 20 % de la perte de chance subie par elle, compte arrêté au mois d'août 2023, la perte de gains futurs restant à parfaire au jour de la liquidation,

À titre subsidiaire,

- ordonner la mise en 'uvre d'une expertise médicale complémentaire,

- désigner pour ce faire tel médecin expert qu'il plaira à la présente Cour, l'autoriser à s'adjoindre un sapiteur, avec mission habituelle,

- condamner solidairement M. [E] et M. [Z] au paiement de la somme de 100 000 euros à valoir sur la réparation future de son préjudice corporel,

En tout état de cause,

- condamner solidairement M. [E] et M. [Z] au paiement des sommes de 3 000 euros et 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et devant la cour,

- condamner solidairement M. [E] et M. [Z] au paiement des entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Jean-Laurent Abbou, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimé notifiées par la voie électronique le 31 mai 2023, M. [E] demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté sa responsabilité,

- juger qu'aucune faute ne peut lui être reprochée,

- le mettre hors de cause,

- débouter Mme [N] de toutes ses demandes formulées à son encontre,,

À titre subsidiaire,

- juger que la répartition de la responsabilité entre M. [Z] et lui doit intervenir à parts égales,

- réduire les demandes d'indemnisation de Mme [N] et la débouter de ses demandes injustifiées,

- appliquer le taux de perte de chance de 80 % à l'ensemble des postes de préjudice qui pourraient être indemnisés, et limiter sa part à 50 % après application du taux de perte de chance,

- déduire des sommes qui seront allouées à Mme [N] la créance de la la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône,

- condamner M. [Z] à le relever et garantir à hauteur de 50 % des sommes qui seraient allouées à Mme [N] et à l'organisme social,

À titre infiniment subsidiaire,

- rejeter la demande d'expertise de Mme [N] faute d'utilité démontrée au sens des dispositions de l'article 263 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

- dire n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision à intervenir, sauf à ordonner la constitution d'une garantie réelle ou personnelle suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations au sens de l'article 514-5 du code de procédure civile,

- débouter Monsieur (') du surplus de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [N] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Bruno Zandotti, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimé notifiées par la voie électronique le 24 juillet 2023, M. [Z] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' débouté Mme [N] de l'intégralité de ses demandes,

' condamné Mme [N] aux dépens et aux frais irrépétibles,

' débouté la caisse primaire d'assurance-maladie de l'intégralité de ses demandes,

Statuant de nouveau,

- déclarer irrecevable la demande de complément d'expertise de Mme [N] comme constituant une demande nouvelle en cause d'appel,

- juger qu'il n'a commis aucun manquement susceptible d'engager sa responsabilité,

- le mettre hors de cause,

- débouter Mme [N], M. [E] et la caisse primaire d'assurance-maladie de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

- condamner Mme [N] ou tout succombant à lui payer 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner Mme [N] [N] ou tout succombant aux entiers dépens.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée valant appel incident notifiées par la voie électronique le 21 juillet 2023, la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son intervention volontaire au lieu et place de la caisse primaire centrale d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau,

À titre principal,

- fixer à la somme de 142 901,02 euros le montant total de ses débours en relation directe avec le préjudice subi par Mme [N], imputable aux erreurs de diagnostic respectives de M. [E] et de M. [Z], à l'origine d'un retard thérapeutique et par suite d'une perte de chance pour la victime d'éviter les séquelles advenues, la somme de 142 901,02 euros étant ventilée comme suit :

' frais hospitaliers : 1 275,72 euros

' frais médicaux : 5 504,21 euros

' frais pharmaceutiques : 137,24 euros

' frais d'appareillage : 18 euros

' frais de transport : 2 228,96 euros

' franchises : - 92,50 euros

' indemnités journalières avant consolidation : 33 841 euros,

' rente accident du travail (arrérages échus) : 5 512,05 euros,

' capital représentatif des arrérages à échoir : 94 836,34 euros,

- condamner M. [E] à lui verser la somme de 142 901,02 euros en remboursement desdits débours, au prorata du taux d'imputabilité retenu par l'expert judiciaire, soit à hauteur de 60 %, avec intérêts au taux légal à compter de la signification des premières conclusions,

- condamner M. [Z] à lui verser la somme de 142 901,02 euros en remboursement desdits débours, au prorata du taux d'imputabilité retenu par l'expert judiciaire, soit à hauteur de 20 %, avec intérêts au taux légal à compter de la signification des premières conclusions,

- condamner in solidum M. [E] et M. [Z] à lui verser la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,

- condamner in solidum M. [E] et M. [Z] à lui verser la somme de 800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Régis Constans, conformément à l'article l'article 699 du code de procédure civile,

À titre subsidiaire,

- statuer sur la demande d'expertise de Mme [N],

- réserver le cas échéant ses droits de la Caisse dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,

- réserver les dépens.

* * *

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 26 mars 2024.

Le dossier a été plaidé le 9 avril 2024 et mis en délibéré au 27 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature de la décision rendue :

L'arrêt rendu sera contradictoire, conformément à l'article 467 du code de procédure civile.

Sur la responsabilité de MM. [E] et M. [Z] :

Aux termes de l'article L1142-1 § I du code de la santé publique, « hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ».

En l'occurrence, Mme [N] fait grief à M. [E] et à M. [Z] de n'avoir pas envisagé, lors de leur intervention respective des 3 et 13 juin 2016, la possibilité d'une rupture ligamentaire de l'index droit.

L'erreur de diagnostic n'est cependant constitutive d'une faute qu'au regard des circonstances dans lesquelles le diagnostic a été posé, et n'engage pas la responsabilité du praticien s'il a veillé, conformément à l'article R.4127-33 du Code de la santé publique, à « élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés ».

à cet égard, le docteur [V] souligne de façon générale que « du fait de la situation anatomique du ligament collatéral ulnaire de la métacarpo-phalangienne de l'index, le diagnostic en échographie est classiquement difficile en pratique courante ».

* * *

Mme [N] soutient que le compte rendu de l'échographie de M. [E] n'est pas assez détaillé en ce qu'aucune man'uvre dynamique nécessaire au diagnostic d'une éventuelle lésion ligamentaire n'a été effectuée ' les man'uvres dynamiques intervenues n'ayant concerné en effet que le niveau articulaire de la main droite et non les ligaments. M. [E] soutient pour sa part qu'il a bien procédé aux man'uvres dynamiques, lesquelles n'ont démontré ni baîllement articulaire ni signes de rupture ligamentaire. De fait, son compte rendu d'intervention mentionne : « pas de bâillement articulaire pathologique lors des man'uvres dynamiques » et « pas de signes de rupture ligamentaire » ' ce qui tend à confirmer qu'il a bien procédé à la recherche d'une telle rupture. En tout état de cause, cet argument de M. [E] aurait mérité une réponse écrite du docteur [V], mais l'absence de diffusion d'un pré-rapport n'a pas permis aux parties de formaliser des dires.

Mme [N] observe par ailleurs que le compte rendu de M. [E] ne mentionne pas la sonde utilisée. Elle s'appuie sur les conclusions du docteur [V] selon lesquelles un doute existe quant à l'usage d'une sonde spécifique à haute fréquence. M. [E] se prévaut quant à lui du compte-rendu d'échographie aux termes duquel le matériel utilisé est un échographe Voluson E8bt15 General Electric mis en service en janvier 2015 (un an seulement avant l'échographie litigieuse). Et d'ajouter que les références de la sonde (ML6-15) portées sur l'imagerie. Là encore, ces arguments de M. [E] n'ont pas été soumis à la contradiction du docteur [V], faute de diffusion d'un pré-rapport.

Mme [N] relève enfin que, selon l'expert judiciaire, un doppler puissance aurait été de nature à révéler une synovite ou une souffrance tissulaire et à alerter sur des lésions éventuelles des parties molles, en particulier les ligaments. M. [E] soutient cependant qu'un tel examen se justifiait trois jours après les faits mais non pas quinze comme allégué par Mme [N]. Il ne reconnaît aucune erreur de transcription en ce qui le concerne. La charge de la preuve de la faute médicale incombant à Mme [N], la cour ne saurait présumer que l'erreur est celle de M. [E].

* * *

S'agissant de M. [Z], l'expert judiciaire admet expressément que les conditions techniques et technologiques dans lesquelles l'échographie a été effectuée ' avec emploi d'une sonde à haute fréquence, et recours aux man'uvres en vue d'identifier des lésions ligamentaires ' n'encourent aucune critique. En concluant néanmoins que « la méconnaissance diagnostic a entraîné un retard supplémentaire qui a été un facteur aggravant dans le mauvais résultat de la chirurgie », le docteur [V] ne caractérise pas en quoi les conditions dans lesquelles M. [Z] a conclu à la normalité des ligaments collatéraux étaient fautives.

Mme [N], si elle ne conteste pas les conditions de réalisation de l'échographie du 13 juin 2016, estime que la responsabilité de M. [Z] n'en est pas moins engagée puisque le docteur [L] a identifié au premier coup d'oeil la rupture ligamentaire dont souffrait Mme [N]. En réalité, le docteur [L], qui est chirurgien orthopédique spécialiste de la main, n'a elle-même réussi à objectiver une entorse grave du ligament collatéral ulnaire qu'au décours d'une intervention chirurgicale pratiquée le 20 juin 2016. Précision étant faite que, contrairement à ce qu'indique le docteur [V] (page 4 du second rapport d'expertise), la nouvelle échographie demandée le 17 juin 2016 par le docteur [L] au docteur [S] [Y] ne mentionnait pas explicitement la réalité d'une rupture ligamentaire. L'argument de Mme [N] selon lequel M. [Z] a échoué là où le docteur [L] a réussi n'emporte donc pas la conviction.

* * *

M. [E] et M. [Z] ont rempli leur mission sans que soit caractérisée une faute à leur encontre. Une nouvelle mission d'expertise ne se justifie pas.

Sur les demandes de la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône :

Sans objet.

Sur les demandes annexes :

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.

L'équité ne justifie pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, Mme [N] qui succombe dans toutes ses prétentions est condamnée aux dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour.

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Mme [N] aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 23/02219
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;23.02219 ?
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