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27/06/2024 | FRANCE | N°23/01037

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 27 juin 2024, 23/01037


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024



N°2024/192













Rôle N° RG 23/01037 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BKUTZ







[N] [P]





C/



[R] [Z]

Association HOPITAL [9] DE [Localité 8]

Compagnie d'assurance SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCE MUTUELLE (SHAM)

S.A. SHAM

Organisme CPAM DES BDR



















Copie exécutoire d

livrée le :

à :



Me CONSOLIN

Me SIGNOURET

Me ZANDOTTI









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 01 Décembre 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 21/01215.





APPELANT



Monsieur [N] [P...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024

N°2024/192

Rôle N° RG 23/01037 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BKUTZ

[N] [P]

C/

[R] [Z]

Association HOPITAL [9] DE [Localité 8]

Compagnie d'assurance SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCE MUTUELLE (SHAM)

S.A. SHAM

Organisme CPAM DES BDR

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me CONSOLIN

Me SIGNOURET

Me ZANDOTTI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 01 Décembre 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 21/01215.

APPELANT

Monsieur [N] [P]

demeurant [Adresse 4]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/010288 du 27/01/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

représenté par Me Pascal CONSOLIN de la SELARL SELARL CONSOLIN ZANARINI, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Aurélie TARDY, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMES

Monsieur [R] [Z]

né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 7], demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Charlotte SIGNOURET de la SELARL ENSEN AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Association HOPITAL [9] DE [Localité 8], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Bruno ZANDOTTI de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Mathilde CHADEYRON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

Compagnie d'assurance SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCE MUTUELLE (SHAM) SHAM aux droits de laquelle vient RELYENS MUTUAL INSURANCE intervenant es qualité d'assureur du Docteur [R] [Z], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Charlotte SIGNOURET de la SELARL ENSEN AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

S.A. SHAM es qualités d'assureur de l'HOPITAL [9] DE [Localité 8], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Bruno ZANDOTTI de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Mathilde CHADEYRON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

Organisme CPAM DES BDR

Signification en date du 28/02/2023 par voie électronique

signification en date du 28/03/2023 par voie électronique

assignation en appel incident avec signification des conclusuions d'intimé le 27/06/2023 à personne habilitée, demeurant [Adresse 5]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 avril 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président chargé du rapport, et Madame Elisabeth TOULOUSE,Présidente de chambre,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président de chambre

Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Premier Président chambre

Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 juin 2024.

ARRÊT

réputé contradictoire

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 juin 2024.

Signé par M. Jean-Wilfrid NOEL, Président et Mme Sancie ROUX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS & PROCÉDURE

M. [P] est porteur d'une malformation vasculaire congénitale de la paroi abdominale, qui a nécessité plusieurs interventions à l'âge de 10 ans puis de 16 ans.

Le 12 janvier 2012, le docteur [Z] a procédé à l'exérèse de cette tumeur vasculaire, avec mise en place d'une plaque de Vicryl à résorption lente pour protéger le grêle.

Le 14 novembre 2013, la persistance de la douleur a donné lieu au centre hospitalier de La Timone à une embolisation d'un résidu de malformation vasculaire.

Le 9 décembre 2013, M. [P] a été hospitalisé au sein de l'hôpital [9] de [Localité 8] en raison d'une perte totale de la paroi abdominale avec éventration latéro-ombilicale. Le 10 décembre, le docteur [U] a procédé à la reconstruction de la paroi abdominale avec pose d'une plaque intrapéritonéale pour mettre fin à l'éventration survenue à la suite de la perte d'une grande partie du muscle grand droit lors de l'intervention du 12 janvier 2012.

M. [P] a été admis à la clinique Bouchard à [Localité 8] du 28 août au 1er septembre 2014, pour des symptomes fébriles avec inflammation et écoulement au niveau des points de la cicatrice.

Le docteur [U] a prescrit un traitement antibiotique à compter du 9 septembre 2014.

Le 2 décembre 2014, une évacuation de sérosité par la cicatrice a déterminé une nouvelle hospitalisation au sein de l'hôpital [9] jusqu'au 5 décembre 2014, pour surinfection sur plaque abdominale. Le docteur [U] a pratiqué une résection partielle de la plaque. L'analyse des prélèvements effectués lors de l'intervention a mis en évidence la présence d'un staphyllocoque doré.

Le 15 janvier 2015, les docteurs [H] et [U] ont retiré la plaque et procédé à une choécystectomie.

Le 24 décembre 2015, le docteur [T] a constaté l'absence de signe de suppuration, et la présence d'une large éventration maintenue par une ceinture.

Par requête du 5 juillet 2017, M. [P] a saisi la CCI Ile-de-France qui a ordonné une expertise confiée au docteur [W] [K], chirurgien viscéral, au contradictoire des docteurs [Z] et [U] ainsi que de l'hôpital [9] de [Localité 8].

Le rapport de l'expert, déposé le 17 janvier 2018, retient que le dommage subi est à mettre en relation avec :

- le développement d'une éventration sur une paroi abdominale droite dont une partie importante avait été supprimée pour faire l'éxérèse d'une tumeur vasculaire (docteur [Z]), complication non fautive avec défaut d'information ;

- l'infection liée aux soins (docteur [U]) avec deux interventions supplémentaires et une récidive d'éventration (docteur [U]).

Les conclusions médico-légales du docteur [K] sont les suivantes :

- déficit fonctionnel temporaire 100 % :

' du 9 au 16 décembre 2013

' du 2 au 5 décembre 2014

' du 15 au 21 janvier 2015

- déficit fonctionnel temporaire 20 % :

' du 17 décembre 2012 jusqu'au 28 janvier 2016

- consolidation : 28 janvier 2016

- souffrances endurées : 4/7 (dues aux trois interventions nécessitées par l'éventration et aux douleurs et gênes liées à l'infection et son traitement)

- préjudice esthétique temporaire : aucun

- tierce personne : aucune

- arrêt temporaire des activités professionnelles :

' du 9 décembre 2013 au 31 janvier 2014

' du 2 au 31 décembre 2014

' du 15 janvier au 28 février 2015

- déficit fonctionnel permanent : 10 % en raison de la présence de l'éventration, M. [P] déclarant qu'il ne souhaite pas se faire opérer pour y mettre fin

- préjudice d'agrément : impossibilité de porter des objets lourds et de se livrer à des pratiques sportives soutenues

- préjudice esthétique permanent : 2/7 (l'expert précise que la tumeur était déjç responsable d'une asymétrie de la paroi et de plusieurs incisions)

- préjudice sexuel : gêne en rapport avec le schéma corporel

- incidence professionnelle : difficulté à réaliser des activités professionnelles nécessitant le port d'objets lourds ou des man'uvres de force.

Au vu du taux de déficit fonctionnel permanent, la commission s'est déclarée incompétente.

Par assignation du 18 janvier 2021, M. [P] a saisi le tribunal judiciaire de Marseille en réparation de son préjudice corporel, et pour voir statuer en particulier :

- sur la responsabilité du docteur [Z] pour défaut d'information,

- sur la responsabilité de l'hôpital [9] à la suite de l'infection nosocomiale contractée en son sein, et

- sur son droit à réparation du préjudice corporel subi et son indemnisation.

Par jugement du 1er décembre 2022, le tribunal de Marseille a :

- rejeté les demandes de condamnation à 1'encontre de l'hôpita1 privé [9] et de son assureur SHAM,

- déclaré M. [Z] responsable des préjudices résultant du défaut d'information,

- condamné in solidum M. [Z] et son assureur responsabilité professionnelle, la SHAM, à verser à M. [P] la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice d'impréparation,

- fixé à la somme de 62 887,47 euros le total des préjudices subis par M. [P],

- après déduction des débours de l'organisrne social et application du taux de perte de chance (10 %), condamné in solidum M. [Z] et son assureur responsabilité professionnelle, la SHAM, à verser à M. [P] la sonune de 5 384 euros,

- rejeté les demandes relatives aux frais médicaux restés à charge, à la perte de gains actuels et à l'assistance tierce personne,

- déclaré le jugement commun et opposable à la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône,

- condamné in solidum M. [Z] et son assureur responsabilité professionnelle, la SHAM, à verser à M. [P] la somrne de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles,

- rejeté les autres demandes au titre des frais irrépétibles,

- condamné in solidum M. [Z] et son assureur responsabilité professionnelle, la SHAM, aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré : i) que M. [Z] n'a pas informé M. [P] du risque élevé d'éventration inhérent à l'exérèse envisagée ; le tribunal a retenu une perte de chance de 10 % d'éviter l'éventration qui s'est réalisée peu après l'intervention et ii) que M. [P] a été dans l'impossibilité de se préparer à subir une déformation de son abdomen du fait de la perte d'une grande partie du muscle retenant les organes internes.

Par déclaration du 13 janvier 2023 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [P] a interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire de Marseille en ce qu'il a :

- rejeté les demandes de condamnation à l'encontre de l'hôpital [9] et de son assureur,

- fixé à la somme de 62 887,47 euros le total des préjudices subis par Monsieur [P],

- condamné M. [Z] garanti par la SHAM à verser à M. [P] la somme de 5 384 euros en appliquant un taux de perte de chance de 10 %,

- rejeté les demandes relatives aux frais médicaux, à la perte de gains actuels et à l'assistance par tierce personne,

- rejeté les autres demandes au titre des frais irrépétibles de procédure formulés à l'encontre de l'hôpital [9] et son assureur.

M. [Z] et la société Relyens Mutual Insurance venant aux droits de la SHAM ont formé appel incident le 26 juin 2023 et conclu à la réformation du jugement en ce qu'il a :

- déclaré M. [Z] responsable des préjudices résultant du défaut d'information,

- condamné in solidum M. [Z] garanti par la SHAM, son assureur responsabilité civile professionnelle à verser à M. [P] la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice d'impréparation,

- fixé à la somme de 62 887,47 euros le total des préjudices subis par M. [P],

- après déduction des débours de l'organisme social et application du taux de perte de chance, condamné in solidum M. [Z] garanti par la SHAM, son assureur responsabilité civile professionnelle, à verser à M. [P] la somme de 5 384 euros,

- condamné in solidum M. [Z] garanti par la SHAM, son assureur responsabilité civile professionnelle, à verser à M. [P] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles,

- rejeté les autres demandes au titre des frais irrépétibles de procédure,

- condamné in solidum M. [Z] garanti par la SHAM, son assureur responsabilité civile professionnelle, aux dépens.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelant et d'intimé incident notifiées par la voie électronique le 24 juillet 2023, M. [P] demande à la cour de :

* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. [Z] responsable des préjudices de M. [P] résultant du défaut d'information,

* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum M. [Z] garanti par la SHAM, son assureur responsabilité professionnelle, à verser à M. [P] la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice d'impréparation,

Pour le surplus,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' rejeté les demandes de condamnation à l'encontre de l'hôpital [9] et son assureur,

' fixé à la somme de 62 887,47 euros le total des préjudices subis par monsieur [P],

' condamné in solidum M. [Z] garanti par la SHAM à verser à M. [P] la somme de 5 384 euros en appliquant un taux de perte de chance de 10 %,

- rejeté les demandes relatives aux frais médicaux, à la perte de gains actuels et à l'assistance par tierce personne,

- rejeté les autres demandes au titre des frais irrépétibles de procédure formulés à l'encontre de l'hôpital [9] et son assureur, et en conséquence :

Sur les responsabilités encourues,

- constater que M. [P] a subi un préjudice en lien avec le défaut d'information de M. [Z] responsable d'une perte de chance évaluée à 90% d'éviter le préjudice subi,

- constater que M. [Z] a subi un préjudice en lien avec l'infection nosocomiale contractée à l'hôpital [9],

Sur les demandes indemnitaires,

- condamner la SHAM ès qualité d'assureur de M. [Z] au paiement de la somme de 5 343,70 euros en réparation de l'aide humaine temporaire et la gêne temporaire subie en lien exclusif avec le défaut d'information,

- condamner in solidum la SHAM ès qualité d'assureur de M. [Z] et la SHAM ès qualité d'assureur de l'hôpital [9] au paiement de la somme de 114 865,10 euros,

- condamner la SHAM ès qualité d'assureur de l'hôpital [9] de [Localité 8] au paiement d'une somme de 12 762,84 euros en réparation du préjudice corporel subi par M. [P],

- condamner tout succombant au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tout succombant aux entiers dépens, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée et d'appel incident avec appel incident notifiées par la voie électronique le 26 juin 2023, M. [Z] et la société Relyens Mutual Insurance demandent à la cour de :

À titre liminaire,

- déclarer recevable et bien fondée la société Relyens Mutual Insurance en son intervention volontaire,

- prononcer en conséquence la mise hors de cause de la SHAM,

À titre principal,

- déclarer recevables et bien fondés M. [Z] et la société Relyens Mutual Insurance en leur appel incident du jugement entrepris,

- y faisant droit, infirmer le jugement sus énoncé en ce qu'il a :

' déclaré M. [Z] responsable des préjudices résultant du défaut d'information,

' condamné in solidum M. [Z], garanti par la SHAM, son assureur responsabilité civile professionnelle, à verser à M. [P] la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice d'impréparation,

' fixé à la somme de 62 887,47 euros le préjudice subi par M. [P], après déduction des débours de l'organisme social et application du taux de perte de chance,

' condamné in solidum M. [Z], garanti par la SHAM, son assureur responsabilité civile professionnelle, à verser à M. [P] la somme de 5 384 euros,

' condamné in solidum M. [Z], garanti par la SHAM, son assureur responsabilité civile professionnelle, à verser à M. [P] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles,

' rejeté les autres demandes au titre des frais irrépétibles de procédure,

' condamné in solidum M. [Z], garanti par la SHAM, son assureur responsabilité civile professionnelle, aux dépens,

Et, statuant de nouveau :

- juger que M. [Z] n'a commis aucune faute dans la prise en charge de M. [P],

- juger que l'existence d'un défaut d'information imputable à M. [Z] n'est pas établie,

- juger que la responsabilité de M. [Z] n'est pas démontrée,

- débouter M. [P] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions telles que formulées à l'encontre de M. [Z] et de son assureur, la SHAM,

À titre subsidiaire,

- juger que l'existence d'une perte de chance pour M. [P] d'avoir pu éviter l'intervention n'est pas démontrée,

- débouter M. [P] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions telles que formulées à l'encontre de M. [Z] et de son assureur, la SHAM,

À titre très subsidiaire,

- juger que la perte de chance pour M. [P] d'avoir pu éviter les complications ne saurait être supérieure à 10%,

- juger que la demande de complément d'expertise formulée par M. [P] s'analyse en une mesure de contre-expertise qui est dépourvue d'utilité,

- débouter M. [P] de sa demande de contre-expertise,

- rejeter les demandes de condamnation de M. [P] en réparation des postes de préjudices définitifs,

- surseoir à statuer sur les postes de préjudices soumis à recours du tiers payeur,

À titre infiniment subsidiaire, après application du taux de perte de chance qui ne saurait être supérieur à 10 %,

- déduire la créance de l'organisme social des montants éventuellement alloués à M. [P],

- réduire, après application du taux de perte de chance qui ne saurait être supérieur à 10 %, les demandes de condamnation de M. [P] en réparation des postes de préjudice invoqués, et le débouter de ses demandes injustifiées,

- débouter M. [P] de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 et des dépens,

- condamner M. [P] à payer à M. [Z] une somme de 1 500 euros au titre de l'article l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction au profit de Maître Charlotte Signouret, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'hôpital privé [9] et la société Relyens Mutual Insurance font valoir que :

* * *

Aux termes de leurs dernières conclusions d'intimés notifiées par la voie électronique le 21 avril 2023, l'hôpital privé [9] et la SHAM demandent à la cour :

À titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [P] de ses demandes à l'encontre de l'hôpital [9] de [Localité 8],

- juger que M. [P] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce qu'il a été victime d'une infection nosocomiale,

- le débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

À titre subsidiaire,

- ordonner une expertise confiée à un infectiologue,

À titre très subsidiaire,

- réduire les sommes sollicitées et débouter M. [P] de ses demandes injustifiées,

En tout état de cause,

- débouter M. [P] de sa demande d'article 700 et le condamner au règlement d'une somme de 1 000 euros de ce chef,

- le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Zandotti.

* * *

Assignée à personne habilitée le 28 février 2023 par acte d'huissier contenant dénonce de l'appel, la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône n'a pas constitué avocat. Elle a communiqué le montant de ses débours définitifs, soit la somme de 29 300,07 euros, ventilée comme suit :

- frais hospitaliers : 20 124,21 euros,

- frais médicaux : 7 509,96 euros,

- frais pharmaceutiques : 1 497,21 euros,

- frais d'appareillage : 168,69 euros.

* * *

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Par décision du bureau de l'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, M. [P] a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle.

La clôture a été prononcée le 2 avril 2024.

Le dossier a été plaidé le 16 avril 2024 et mis en délibéré au 27 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature de la décision rendue :

L'arrêt rendu sera réputé contradictoire, conformément à l'article 474 du code de procédure civile.

Sur le défaut d'information :

En vertu des articles L.111-2 et R.4127-35 du code de la santé publique, le médecin est tenu de donner à son patient sur son état de santé une information portant sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences possibles en cas de refus. Délivrée au cours d'un entretien individuel, cette information doit être loyale, claire et appropriée.

Le devoir d'information ne porte pas que sur les actes projetés, il porte aussi sur les risques s'attachant à la réalisation de l'acte projeté. Pour réparer la perte de chance d'échapper au risque de l'acte projeté, il convient de s'interroger sur le point de savoir si, mieux informé sur les risques s'attachant à l'acte médical envisagé, le patient aurait réellement refusé sa réalisation.

La charge de la preuve de l'exécution du devoir d'information pèse sur le praticien. Cette preuve peut cependant être administrée par tous moyens, et se déduire des circonstances dans lesquelles l'acte médical est intervenu.

Indépendamment des cas dans lesquels le défaut d'information sur les risques inhérents à un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins a fait perdre au patient une chance d'éviter le dommage résultant de la réalisation de l'un de ces risques en refusant qu'il soit pratiqué, le non-respect par un professionnel de santé de son devoir d'information cause à celui auquel l'information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice moral résultant d'un défaut de préparation aux conséquences d'un tel risque qui, dès lors qu'il est invoqué, doit être réparé, de sorte que ces préjudices distincts peuvent être, l'un et l'autre, indemnisés (Civ.1, 25/01/2017, 15-27.898).

En l'occurrence, M. [P] soutient :

- qu'il n'a reçu aucune information de la part de M. [Z] concernant la possibilité d'une éventration consécutive à l'exérèse, notamment en l'absence d'embolisation préalable,

- que le docteur [Z], en ne lui proposant pas d'alternative qui présentait un taux de complication moindre, l'a exposé à un risque important ' évalué à 10 % ' qui s'est finalement réalisé ;

- que le taux de perte de chance retenu par le tribunal est insuffisant, et que son préjudice corporel a été sous-évalué ;

- qu'un préjudice d'impréparation est également constitué, indépendamment de l'issue de l'acte médical auquel le patient n'a pas valablement consenti. 

M. [K], expert judiciaire désigné, mentionne l'absence de document de consentement éclairé concernant l'intervention chirurgicale du 12 janvier 2012 ' M. [Z] lui ayant indiqué au cours des opérations d'expertise que le document avait été égaré. Le document de consentement éclairé a cependant été retrouvé ultérieurement. Daté du 11 janvier 2012 et remis contre émargement à M. [P], ce document (référencé NIP 139036) atteste de ce que ce patient a reçu du docteur [Z] toute l'information souhaitée concernant l'intervention chirurgicale, les bénéfices attendus et les alternatives thérapeutiques. M. [P] y reconnaît avoir été informé que toute intervention comporte un risque de complication. Ce document de consentement s'en tient cependant à des considérations très générales, et ne comporte aucun développement concernant l'exérèse et le risque subséquent d'éventration.

Pour autant, M. [Z] fait valoir à juste titre que ce document de consentement éclairé, même lacunaire, doit être mis en perspective avec la note intitulée « Circonstances de l'accident médical et synthèse des préjudices subis par la victime, Monsieur [N] [P] », rédigée à l'intention de la CCI par le conseil de M. [P]. Cette note indique qu'au cours de l'année 2011, « Monsieur [N] [P] se rend en consultation au service spécialisé des angiômes à Lariboisière pour envisager une embolisation par le docteur [V]. Le docteur [Z] assiste à cette consultation et propose à M. [N] [P] de lui pratiquer une exérèse de l'angiôme, malgré les remarques du docteur [V] qui précise que cette intervention peut entraîner une éventration ».

M. [P] fait valoir que ce risque d'éventration, bien que verbalisé en sa présence entre les docteurs [Z] et [V] le 14 février 2011, ne lui a pas été personnellement notifié. L'argument n'emporte pas la conviction : l'information a été parfaitement assimilée par M. [P], qui en a ensuite fait part à son conseil. Précision étant faite que le compte rendu du docteur [V] du 8 mars 2011 précise que « le patient est pour une solution radicale et s'orienterait volontiers vers la chirurgie d'exérèse », que « le docteur [Z] lui explique les tenants et aboutissants de l'intervention » et que « M. [P] va réfléchir et nous contactera pour l'une ou l'autre option ».

L'expert judiciaire souligne que M. [P] a choisi en 2011 de solliciter un avis auprès d'un autre spécialiste, en l'occurrence le docteur [S], chirugien vasculaire. Le 11 juin 2011, ce dernier a préconisé l'exérèse, tout en ajoutant que l'embolisation « pourra très probablement faire diminuer l'angiôme de taille et surtout réduire le choc hémorragique lors de l'exérèse ». L'expert judiciaire précise à cet égard que l'embolisation a pour seul objectif de diminuer la douleur, mais qu'elle ne limite pas particulièrement l'importance de la résection et ne peut pas se substituer à l'exérèse.

L'intérêt d'une exérèse a été discuté derechef le 7 novembre 2011, date à laquelle M. [P] a consulté les docteurs [V] et [Z].

Au regard des avis qu'il a recueillis au cours de l'année 2011, M. [P] a eu accès à une information médicale de bonne qualité concernant la nature, l'enjeu et les risques d'une exérèse, et qu'il s'est décidé en connaissance de cause à y recourir en janvier 2012.

Dès lors, il n'y a pas lieu de rechercher si, mieux informé, M. [P] aurait choisi de ne pas consentir à l'acte médical litigieux. L'appréciation de la perte de chance d'échapper au dommage réalisé est donc sans objet.

En l'absence de manquement du docteur [Z] à son obligation d'information, le préjudice d'impréparation invoqué au titre des quatre interventions chirurgicales de janvier 2012, décembre 2013, décembre 2014 et janvier 2015 ' est également sans objet.

Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Sur l'infection nosocomiale :

En application de l'article L.1142-1 du code de la santé publique, tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins, sont responsables des dommage résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

L'article R.6111-6 du code de la santé publique définit l'infection nosocomiale comme celle qui est associée aux soins et contractée dans un établissement de santé.

Il en résulte que pour qualifier une infection de nosocomiale, il est nécessaire d'établir un lien causal entre la prise en charge par l'établissement de soins et l'infection.

Doit ainsi être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.

S'agissant de la charge de la preuve, il incombe au patient de démontrer, outre l'existence de l'infection, outre son caractère nosocomial, le fait qu'elle a été contractée dans l'établissement de santé où ont été pratiqués les soins. L'existence du lien causal peut être établie, conformément à l'article 1353 du code civil, sur la base de présomptions graves, précises et concordantes.

M. [P] relève que le docteur [K] admet une infection associée aux soins. Il entend voir retenir la responsabilité de l'hôpital [9] et souligne que, selon le comité technique national des infections nosocomiales, sont qualifiées comme telles les infections survenues dans l'année qui suit l'intervention s'il y a mise en place d'une prothèse ou d'un implant. Il constate que l'infection de la plaque abdominale à compter du mois d'août 2014, et l'écoulement séreux sur la cicatrice et la mise en évidence de la présence d'un staphyllocoque doré à compter du mois de décembre 2014, sont enfermés dans le délai précité d'une année qui a commencé à courir le 9 décembre 2013, date de son admission au centre hospitalier [9].

Le centre hospitalier [9] et la société Relyens Mutual Insurance venant aux droits de la SHAM contestent cette définition temporelle de l'infection nosocomiale et soulignent qu'il n'existe pas de présomption de caractère nosocomial d'une infection mais seulement une obligation de résultat lorsque la preuve du caractère nosocomial de l'infection est dûment établie.

Quoique le docteur [K], expert judiciaire désigné, ait évoqué (page 13) une infection associée aux soins, huit mois après l'intervention chirurgicale, il relève que ce délai de huit mois est peu compatible avec l'agressivité du germe, et qu'il n'est « pas possible d'affirmer que la contamination de la prothèse pariétale au staphyllocoque doré est per opératoire, compte tenu du long délai qui s'écoule entre décembre 2013 et août 2014 : il s'agit plus volontiers d'une contamination du dehors en dedans, à la suite d'un écoulement séreux par la cicatrice ».

Le premier juge relève quant à lui que la présence d'un point d'entrée des germes a été objectivée postérieurement à la sortie de M. [P] de l'hôpital [9], le 16 décembre 2013.

M. [P] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du caractère nosocomial de l'infection. Le jugement est confirmé en ce qu'il l'a débouté de ses demandes indemnitaires formulées contre le centre hospitalier [9].

Sur les demandes annexes :

M. [P] est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle. Les dépens de première instance et d'appel sont laissés à la charge de l'État.

L'équité ne justifie pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement entrepris, hormis en ce qu'il a rejeté les demandes de condamnation à 1'encontre de l'hôpita1 privé [9] et de son assureur Relyens Mutual Insurance venant aux droits de la SHAM.

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Dit que le docteur [Z] n'a pas manqué à son devoir d'information.

Déboute M. [P] de sa demande d'indemnisation d'une perte de chance d'échapper aux préjudices résultant du défaut d'information.

Déboute M. [P] de sa demande de réparation du préjudice d'impréparation.

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de l'État.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 23/01037
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;23.01037 ?
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