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27/06/2024 | FRANCE | N°22/13917

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 27 juin 2024, 22/13917


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024



N° 2024/ 282









Rôle N° RG 22/13917 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKF3Y







[L] [U]





C/



[P] [Y]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Françoise BOULAN





Me Jorge MENDES CONSTANTE







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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 05 Avril 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-16-1740.





APPELANT





Monsieur [L] [U]

né le 27 Mai 1960 à [Localité 4] (ALGERIE), demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Françoise BOULAN de la SELARL...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024

N° 2024/ 282

Rôle N° RG 22/13917 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKF3Y

[L] [U]

C/

[P] [Y]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Françoise BOULAN

Me Jorge MENDES CONSTANTE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 05 Avril 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-16-1740.

APPELANT

Monsieur [L] [U]

né le 27 Mai 1960 à [Localité 4] (ALGERIE), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Françoise BOULAN de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Mickaëlle VERDIER de la SCP PLAISANT-FOURMOND-VERDIER, avocat au barreau du MANS

INTIMEE

Madame [P] [Y], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jorge MENDES CONSTANTE de la SELARL MCL AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Laura BEZOL, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Carole MENDOZA, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [P] [Y] a conclu le 26 septembre 2014 avec M. [L] [U], désigné comme formateur indépendant sous l'enseigne 'collège des thérapies manuellese et naturelles' un contrat intitulé « convention simplifiée de formation professionnelle » au terme duquel l'organisme de formation proposait un stage de « Médecine chinoise, spécialité massage traditionnel chinois TUINA et de bio énergie » s'étalant sur 14 week-end ( 30 jours) selon un calendrier annexé, au 33 rue du passage 75 à [Localité 3], avec comme 'moyen d'encadrement' M. [U], moyennant un prix de 4269 euros.

Le contrat mentionnait 'qu'en cas d'abandon pendant la formation, 50% de la formation sera due dans sa totalité, majorée de 20% (soit 2134 euros + 427 euros)'.

Par courrier recommandé du 24 septembre 2015, Mme [Y] a rompu le contrat au motif de modifications unilatérales par son co-contractant des clauses contractuelle et exigé le remboursement des sommes qu'elle avait payées ainsi que la restitution de son chèque de caution.

Par acte d'huissier du 20 juin 2016, M. [U] a fait assigner Mme [Y] devant le tribunal de commerce du Mans aux fins principalement de la voir condamner à lui verser la somme de 590,60 euros au titre des sommes restant dues ainsi que celle de 300 euros de dommages et intérêts.

Par décision du 5 septembre 2016, le tribunal de commerce du Mans s'est déclaré incompétent au profit du tribunal d'instance d'Aix-en-Provence.

Par jugement contradictoire du 5 avril 2019, le tribunal d'instance d'Aix-en-Provence a :

- condamné M. [U] à payer, en deniers ou quittances, à Mme [Y] la somme de 4269 euros ;

- condamné M. [U] à payer à Mme [Y] la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts ;

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes contraires ou plus amples ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- condamné [L] [U] à payer à [P] [Y] la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné en outre [L] [U] aux dépens.

Le premier juge a estimé que M.[U] avait unilatéralement modifié certaines clauses contractuelles du contrat qui était intuitu personae et qu'il était responsable de la rupture du contrat. Estimant le contrat résilié, il a condamné M. [U] à restituer à Mme [Y] les sommes perçues. Il a en outre condamné M.[U] à verser des dommages et intérêts à Mme [Y] en relevant que cette dernière avait subi un préjudice puisqu'elle s'était impliquée dans le suivi de la formation et avait déboursé près de 2000 euros.

Par déclaration du 07 août 2019, M. [U] a relevé appel de tous les chefs de cette décision.

Mme [Y] a constitué avocat.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA (sous le numéro RG 19.12981) le 6 novembre 2019 auxquelles il convient de se référer, M. [U] demande à la cour :

- de déclarer son appel recevable et bien fondé,

- de réformer le jugement en ce qu'il a déclaré Monsieur [L] [U] responsable de la rupture du contrat et prononcé la résiliation du contrat,

- de réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de toutes ses demandes et en conséquence condamner avec exécution provisoire Madame [P] [Y] à lui payer, outre intérêts de droit à compter de l'émission de la facture et anatocisme :

* la somme de 590.60 euros au titre de l'abandon de formation outre intérêts de droit à compter de la mise en demeure en date du 6 janvier 2016 et ce jusqu'à parfait paiement le tout avec anatocisme selon l'article 1343-2 du code civil.

* la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts.

* la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure ainsi que les entiers dépens d'instance et de première instance.

- de débouter Mme [P] [Y] de ses demandes à titre de dommage et intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure.

- de condamner Mme [P] [Y] aux entiers dépens dont ceux de première instance, ceux d'appel distraits au profit de Maître Françoise BOULAN, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés.

Il conteste toute violation contractuelle et relève que Mme [Y] a abandonné la formation si bien qu'elle lui est redevable de certaines sommes, conformément au contrat conclu.

Il déclare que le contrat n'indiquait pas que le lieu de formation était fixe et immuable. Il précise que les changements de lieux étaient consécutifs à des causes qui lui étaient étrangères. Il ajoute qu'il n'avait aucune obligation de faire les formations en personne et qu'il pouvait les déléguer à toute autre personne en capacité de faire, alors même qu'il a dû subir une opération chirurgicale. Il affirme qu'il n'était pas précisé que le contrat était intitu personae.

Il demande des dommages et intérêts au motif de la résistance abusive de Mme [Y] au règlement des sommes dues.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA (sous le numéro RG 19.12981) le 27 janvier 2020 auxquelles il convient de se reporter, Mme [Y] demande à la cour  :

- de confirmer le jugement déféré,

- de débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner M. [U] au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de condamner M. [U] aux entiers dépens.

Elle reproche à M. [U] plusieurs manquements contractuels en raison de modifications unilatérales des clauses contractuelles (changements de date de formation; changement de lieu de formation; fin de la dispense de la formation par M. [U]).

Elle relève que le contrat initial mentionnait explicitement que le formateur était M.[U]. Elle en conclut avoir souscrit un contrat intuitu personae.

Elle conclut avoir été dans son bon droit en dénonçant le contrat et en sollicitant le remboursement du coût de la formation et la restitution de son chèque de garantie.

Elle sollicite des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi en lien avec la mauvaise exécution contractuelle de la convention par M.[U]. Elle rappelle n'avoir pu mener à bien cette formation uniquement en raison des manquements de ce dernier, ce qui l'a contrainte à reprendre un métier conventionnel, alors qu'elle souhaitait s'orienter vers la médecine chinoise.

La clôture a été prononcée le 04 avril 2024.

MOTIVATION

L'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, énonce que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L'article 1184 du même code, dans sa même version, stipule que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Enfin, selon l'article 1147 du même code dans sa même version, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Le contrat du 26 septembre 2014 a été conclu entre Mme [Y] et M.[U], formateur indépendant, avec, comme 'moyen d'encadrement' M.[U], dont il était indiqué qu'il était 'praticien et formateur en médecine chinoise, spécialité massage traditionnel chinois Tuina, bio énergéticien, réflexologie du visage, podo réflexologie chinoise, Yiseidhindo et Maître Reiki'. Le contrat portait sur un stage en 'médecine chinoise, spécialité massage traditionnel chinois Tuina et bio énergie'. Il était prévu des 'apports d'information du formateur' et des 'ateliers pratiques', avec la 'remise d'un dossier pédagogique par stagiaire'. Il était mentionné que le stage aboutirait à l'obtention d'un 'certificat technique professionnel de praticien en médecine chinoise, spécialité massage traditionnel chinois Tuina et un 'certificat technique professionnel de praticien en bio énergie'. Enfin, un calendrier était annexé au contrat s'agissant des jours de stage, qui devait se dérouler du 11 octobre 2016 jusqu'à l'année 2016 et le stage devait se dérouler à [Localité 3].

Dès le 09 avril 2015, M. [U] indiquait par courriel être obligé de se rendre à l'hôpital si bien que le week-end de stage des 2 et 3 mai serait décalé en fin de formation finale. Le 07 juin 2015, alors que le prochain week-end de stage devait se dérouler les 25, 26 et 27 septembre 2015 à [Localité 3], les stagiaires étaient informés par courriel que c'était Mme [U] et non plus M. [U] qui dispenserait la formation. Il ressort d'un courriel du 27 août 2015 envoyé par M. [U] aux stagiaires que le stage de 3 jours de septembre se déroulerait sur deux jours et non plus à [Localité 3] mais à Agay, que le week-end de deux jours de novembre 2015 s'effectuerait sur trois jours non à [Localité 3] mais à [Localité 5] et qu'un week-end, non visé dans le calendrier initial (les 9 et 10 janvier 2015) était organisé, toujours à [Localité 5], pour un examen en bio-énergie.

Le contrat conclu précisait que le formateur était M. [U], qui faisait état de plusieurs compétences lui permettant de dispenser la formation à laquelle souhaitait participer Mme [Y], formation qui devait déboucher sur l'obtention de certificats d'aptitude. Aucune délégation vers un autre formateur n'était prévue.

Il s'agit donc d'un contrat intuitu personae et le changement de formateur, sans que M.[U] ne justifie d'un cas de force majeure ou d'un cas fortuit, s'analyse comme une inexécution partielle de la convention conclue entre les parties. Les changements de date du calendrier ainsi que le changement de lieux, dont il n'est pas non plus rapporté la preuve qu'ils seraient dus à un cas de force majeure ou un cas fortuit, s'analysent également comme des manquements contractuels.

La physionomie générale du contrat a été bouleversée de façon substantielle et les modifications qui y ont été apportées constituent plusieurs manquements.

L'ensemble de ces manquements sont suffisamment graves pour justifier que soit prononcée la résolution du contrat.

Mme [Y], qui, contractuellement, bénéficiait de facilités de paiement, avait adressé 12 chèques de 164,20 euros et un chèque 'de caution' de 2298,60 euros, qui n'avait pas vocation à être encaissé, mais à être, en septembre 2015, échangé contre l'établissement de 14 chèques de 164,20 euros.

Le contrat étant résolu, il convient de remettre les parties dans l'état dans lequel elles étaient avant la conclusion du contrat.

Il convient de confirmer le jugement déféré qui a condamné M.[U] à payer à Mme [Y] la somme de 4269 euros en derniers ou quittances.

L'inexécution contractuelle par M.[U] de ses obligations a entraîné un préjudice à l'encontre de Mme [Y] qui s'était impliquée dans cette formation en consacrant quatre week-end à celle-ci, en vain. Son préjudice sera intégralement réparé par la somme de 500 euros. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

M.[U] ne démontre aucun manquement contractuel émanant de Mme [Y] qui a uniquement tiré les conséquences des inexécutions contractuelles de son co-contractant. Il sera débouté de sa demande tendant à la voir condamner à la somme de 590,60 euros au titre de l'abandon de la formation et à des dommages et intérêts. Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur les dépens et sur les frais irrépétibles

M.[U] est essentiellement succombant. Il sera condamné aux dépens de première instance et d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile. Il sera débouté de ses demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Il n'est pas équitable de laisser à la charge de Mme [Y] les frais irrépétibles qu'elle a exposés pour faire valoir ses droits en première instance et en appel.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné M.[U] aux dépens et au versement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera condamné à verser à Mme [Y] la somme de 1300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné M.[L] [U] à verser à Mme [P] [Y] la somme de 800 euros de dommages et intérêts,

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

CONDAMNE M.[L] [U] à verser à Mme [P] [Y] la somme de 500 euros de dommages et intérêts,

CONDAMNE M.[L] [U] à verser à Mme [P] [Y] la somme de 1300 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE M.[L] [U] aux dépens de la présente instance.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 22/13917
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;22.13917 ?
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