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27/06/2024 | FRANCE | N°21/13839

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 27 juin 2024, 21/13839


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024



N° 2024/





MAB/KV







Rôle N°21/13839

N° Portalis DBVB-V-B7F-BIEZX







S.N.C. LE MAS DE PIERRE





C/



[R] [W]

























Copie exécutoire délivrée

le : 27/06/2024

à :





- Nathalie KOULMANN de la SCP DELPLANCKE-POZZO DI BORGO-

ROMETTI & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE





- Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRASSE en date du 03 Septembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00081.




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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024

N° 2024/

MAB/KV

Rôle N°21/13839

N° Portalis DBVB-V-B7F-BIEZX

S.N.C. LE MAS DE PIERRE

C/

[R] [W]

Copie exécutoire délivrée

le : 27/06/2024

à :

- Nathalie KOULMANN de la SCP DELPLANCKE-POZZO DI BORGO-ROMETTI & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE

- Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRASSE en date du 03 Septembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00081.

APPELANTE

S.N.C. LE MAS DE PIERRE, sise [Adresse 1]

représentée par Me Nathalie KOULMANN de la SCP DELPLANCKE-POZZO DI BORGO-ROMETTI & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE substituée par Me Rebecca VANDONI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [R] [W], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [R] [W] a été engagé par la société Le mas de Pierre en qualité de maître d'hôtel, par contrat saisonnier du 1er avril 2013 au 31 octobre 2013, puis par divers contrats à durée déterminée et contrats saisonniers jusqu'au 7 novembre 2017.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels et restaurants (chaînes) et industrie hôtelière (3003).

La société Le mas de Pierre employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.

Le 16 février 2018, M. [W] a saisi la juridiction prud'homale, afin d'obtenir la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée et de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir diverses sommes tant en exécution qu'au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement de départage rendu le 3 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Grasse a :

- requalifié les contrats de travail à durée déterminée passés entre la société Le mas de Pierre et M. [W] en un contrat à durée indéterminée,

- constaté que la rupture du contrat de travail est imputable à la société Le mas de Pierre produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Le mas de Pierre à payer à M. [W] les sommes suivantes :

1 143,38 euros bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires impayées,

114,34 euros bruts à titre de congés payés afférents aux heures supplémentaires,

6 295,12 euros nets à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

629,51 euros nets à titre de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis,

3 603,96 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

3 147,56 euros nets à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail,

15 735 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Le mas de Pierre à remettre à M. [W] le certificat de travail, le dernier bulletin de salaire et l'attestation pôle emploi rectifiés,

- condamné la société Le mas de Pierre à payer à M. [W] la somme de l500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,

- ordonné le remboursement à pôle emploi par la société Le mas de Pierre des indemnités de chômages versées à M. [W] du jour du licenciement, soit le 7 novembre 2017, au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d'indemnité de chômage,

- condamné la société Le mas de Pierre aux dépens de l'instance,

- prononcé l'exécution provisoire du jugement,

- rejetté toutes les autres demandes.

La société Le mas de Pierre a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 mars 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 février 2024, l'appelante demande à la cour de :

* juger que M. [W] n'a pas été pourvu à un emploi permanent et durable au sein de la société Le mas de Pierre,

* juger que le comportement de M. [W] a justifié le non renouvellement de son contrat de travail,

* juger que M. [W] ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice,

* infirmer le jugement en ce qu'il a :

- requalifié les contrats de travail à durée déterminée passés entre la société Le mas de Pierre et M. [W] en un contrat à durée indéterminée,

- constaté que la rupture du contrat de travail est imputable à la société Le mas de Pierre produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Le mas de Pierre à payer à M. [W] les sommes suivantes :

1 143,38 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires impayées,

114,34 euros à titre de congés payés afférents aux heures supplémentaires,

6 295,12 euros nets à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

629,51 euros nets à titre de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis,

3603,96 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

3147,56 euros nets à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail,

15 735,00 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Le mas de Pierre à remettre à M. [W] le certificat de travail, le dernier bulletin de salaire et l'attestation pôle emploi rectifiés,

- condamné la société Le mas de Pierre à payer à M. [W] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les condamnations portent intérêts aux taux légaux à compter de la demande en justice,

- ordonné le remboursement à pôle emploi par la société Le mas de Pierre des indemnités de chômages versées à M. [W] du jour du licenciement, soit le 27 novembre 2017, au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d'indemnité de chômage,

- condamné la société Le mas de Pierre aux dépens de l'instance,

* confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande indemnitaire pour non-respect de la procédure de licenciement,

* statuant de nouveau, de :

- débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- débouter M. [W] de sa demande formulée dans le cadre de son appel incident, visant à condamner la société à verser la somme de 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif,

- condamner M. [W] à payer à la société Le mas de Pierre la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'appelante fait valoir que le poste occupé par M. [W] n'était pas un emploi permanent et durable de l'entreprise, justifiant le recours à des contrats à durée déterminée. Le non-renouvellement du contrat du salarié était justifié par son comportement agressif, et l'obligation faite à l'employeur de préserver la santé et la sécurité de ses autres employés. Sur les heures supplémentaires, elle soulève qu'elle n'a pas à appliquer les dispositions non étendues de la convention collective évoquée, dans la mesure où elle n'est ni signataire ni adhérente d'un syndicat ou groupement patronal signataire de la convention et qu'elle n'a fait qu'une application volontaire partielle de ladite convention.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2022, l'intimé demande à la cour de :

- rejeter les demandes, fins et prétentions de la société Le mas de Pierre,

- infirmer le jugement en ce qu'il a limité à la somme de 15 735 euros l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- et statuant à nouveau, condamner la société Le mas de Pierre à verser à M. [W] la somme de 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif,

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus.

- dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice avec capitalisation en application de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner la société Le mas de Pierre au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'intimé réplique que sur le régime applicable aux heures supplémentaires, la société a fait une application volontaire de la convention collective des hôtels et restaurants (chaînes) et industrie hôtelière (3003), sans ne préciser aucune réserve ou dérogation.

Sur la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, le salarié rappelle avoir été embauché au travers de 14 contrats à durée déterminée, saisonniers ou d'usage, tout au long de la période d'activité de l'entreprise, occupant ainsi un emploi permanent.

Au vu de la requalification, le non-renouvellement du contrat doit s'analyser en licenciement sans cause réelle et sérieuse, au vu de l'absence de notification du motif, les développements sur le comportement de M. [W] étant dès lors inopérants. Il sollicite une réévaluation de l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes relatives à la conclusion du contrat de travail

Sur la demande relative à la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

Selon l'article L.'1242-1 du code du travail, 'un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise'.

Par ailleurs, l'article L.'1242-2, du code du travail prévoit qu'un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, dans les cas suivants :

1° Remplacement d'un salarié en cas': (...)

2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ;

3° Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois, pour lesquels dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

(...)'

En l'espèce, M. [W] a été embauché par la société Le mas de Pierre :

- du 1er avril 2013 au 31 octobre 2013, en qualité de maître d'hôtel, par contrat à durée déterminée saisonnier,

- du 1er novembre 2013 au 6 décembre 2013, en qualité de maître d'hôtel, par contrat à durée déterminée d'usage,

- du 10 février 2014 au 31 mars 2014, en qualité e maître d'hôtel, par contrat à durée déterminée d'usage,

- du 1er avril 2014 au 30 septembre 2014, en qualité de maître d'hôtel, par contrat à durée déterminée saisonnier,

- du 1er octobre 2014 au 16 novembre 2014, par avenant prolongeant le contrat à durée déterminée saisonnier,

- du 17 novembre 2014 au 7 décembre 2014, en qualité de maître d'hôtel, par contrat à durée déterminée d'usage,

- du 11 février 2015 au 31 mars 2015, en qualité de maître d'hôtel, par contrat à durée déterminée d'usage,

- du 1er avril 2015 au 31 octobre 2015, en qualité de maître d'hôtel, par contrat à durée déterminée saisonnier,

- du 1er novembre 2015 au 8 décembre 2015, en qualité de maître d'hôtel, par contrat à durée déterminée d'usage,

- du 25 janvier 2016 au 31 mars 2016, en qualité de responsable de salle, par contrat à durée déterminée d'usage,

- du 1er avril 2016 au 31 octobre 2016, en qualité de responsable de salle, par contrat à durée déterminée saisonnier,

- du 27 mars 2017 au 30 septembre 2017, en qualité de responsable de salle, par contrat à durée déterminée saisonnier,

- jusqu'au 31 octobre 2017, par avenant au contrat à durée déterminée saisonnier,

- jusqu'au 7 novembre 2017, par avenant au contrat à durée déterminée saisonnier.

La faculté pour l'employeur de conclure des contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié afin de pourvoir un emploi saisonnier n'est assortie d'aucune limite au-delà de laquelle s'instaurerait entre les parties une relation à durée indéterminée.

Toutefois, si des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, le juge vérifie que le recours à l'utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi et que ces contrats successifs n'ont pas pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise sous peine de requalification en contrat à durée indéterminée.

En l'espèce, les contrats de travail signés entre la société Le mas de Pierre et M. [W] visent expressément le motif du recours prévu par l'article L 1242-2 du code du travail, que ce soit un contrat à durée déterminée d'usage ou un contrat à durée déterminée saisonnier. Il n'est pas contesté que dans cette branche d'activité, la société Le mas de Pierre était autorisée à recourir à des contrats à durée déterminée d'usage. S'agissant des contrats saisonniers, la société Le mas de Pierre soutient qu'elle embauche des salariés, pour toute la durée de la saison estivale, pour des emplois non durables puisque liés à l'exploitation saisonnière de l'hôtel.

Toutefois, la cour observe que M. [W] a occupé, par le biais de plusieurs contrats :

le poste de maître d'hôtel :

- du 1er avril 2013 au 6 décembre 2013, soit durant plus de huit mois,

- du 10 février 2014 au 7 décembre 2014, soit durant quasiment dix mois,

- du 11 février 2015 au 8 décembre 2015, soit durant quasiment dix mois,

et celui de responsable de salle :

- du 25 janvier 2016 au 31 octobre 2016, soit durant neuf mois,

- du 27 mars 2017 au 7 novembre 2017, soit durant plus de sept mois.

Ainsi, l'emploi occupé par M. [W] débordait de la seule saison estivale, qui justifiait le recours aux contrats saisonniers. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la société Le mas de Pierre recourait parallèlement à des contrats d'usage pour continuer à embaucher M. [W]. Ce faisant, la société Le mas de Pierre ne parvient pas à démontrer que l'emploi de maître d'hôtel ou de responsable de salle était par nature temporaire et que cette chaîne de contrats durée déterminée n'a pas eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, l'hôtel restaurant exploité étant ouvert toute l'année.

Il s'ensuit que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a requalifié les contrats de travail à durée déterminée conclus entre la société Le mas de Pierre et M. [W] en contrat de travail à durée indéterminée et fait droit au versement de l'indemnité de requalification au moins égale à un moins de salaire conformément aux dispositions des articles L.1245-1 et L.1245-2 du code du travail, soit 3 147, 56 euros.

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

Sur la demande au titre des heures supplémentaires

M. [W] soutient que l'article 31 de la convention collective des hôtels et restaurants (chaînes) prévoit une majoration de 25% des premières huit heures supplémentaires puis une majoration de 50%. Il affirme que la société Le mas de Pierre a appliqué par erreur les dispositions de la convention collective des hôtels cafés et restaurants, avec des majorations moindres. Il sollicite par conséquent le versement de la somme de 1 143,38 euros au titre du rappel de salaires et 114,34 euros au titre des congés payés afférents.

En réplique, la société Le mas de Pierre fait valoir que la convention collective des hôtels et restaurants (chaînes) n'a pas été étendue, de telle sorte qu'elle ne s'impose pas à tous les employeurs entrant dans son champ d'application. Or, n'étant ni signataire, ni adhérent d'un syndicat ou groupement patronal signataire de la convention, il n'est pas tenu de l'appliquer. Il affirme ensuite que s'il a appliqué volontairement cette convention, en y faisant expressément référence dans le contrat de travail, cela ne s'entend pas de l'intégralité de ses dispositions.

En l'espèce, il ne fait pas débat que la convention collective nationale des hôtels et restaurants (chaînes) et industrie hôtelière (3003) n'a pas été étendue, conformément à l'article L 2261-15 du code du travail ni que la société Le mas de Pierre ne fait pas partie d'un syndicat ou groupement patronal signataire de cette convention.

Il est de principe que si, dans les relations collectives de travail, une seule convention collective est applicable, laquelle est déterminée par l'activité principale de l'entreprise, dans les relations individuelles, le salarié peut demander l'application de la convention collective mentionnée sur le bulletin de paie et que cette mention vaut présomption de l'applicabilité de la convention collective à son égard, l'employeur étant admis à apporter la preuve contraire.

Par ailleurs, lorsqu'une convention collective ou un statut collectif ne sont pas applicables de plein droit, l'employeur peut en faire une application volontaire, intégrale ou partielle.

Les contrats de travail liant la société Le mas de Pierre à M. [W] font expressément référence sur les conditions d'engagement à l'application des 'conditions générales la convention collective des hôtels et restaurants (chaînes n°3003) et des conditions particulières indiquées ci-après'.

S'agissant de la rémunération, il est prévu que : 'le salarié percevra un salaire brut mensuel de 2 400 euros incluant l'indemnité de nourriture et la majoration de salaire de 10% applicable de la 36ème heure à la 39ème heure de travail'.

Les parties s'opposent sur l'étendue de l'application volontaire par la société Le mas de Pierre de cette convention collective. Sur l'ensemble des contrats à durée déterminée liant la société Le mas de Pierre à M. [W], mais également sur les bulletins de salaire délivrés par l'employeur, il est expressément fait référence à l'application de la convention collective nationale des hôtels et restaurants (chaînes) et industrie hôtelière (3003), et ce sans réserve, tandis qu'aucune référence n'est faite à l'application d'une autre convention collective. Ce faisant, la société Le mas de Pierre a exprimé une volonté claire et non équivoque d'appliquer la convention collective nationale des hôtels et restaurants (chaînes) et industrie hôtelière (3003).

L'article 31 de la convention collective nationale des hôtels et restaurants (chaînes) et industrie hôtelière (3003) dispose :

'Les heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire normale précisée à l'article 29 sont considérées comme des heures supplémentaires.

Elles ne pourront excéder 17 heures par semaine et 10 heures calculées sur une période moyenne de 12 semaines consécutives sauf accord de l'inspection du travail pour les exploitations saisonnières. La majoration de salaire pour ces heures est de 25 % pour les 8 premières et 50 % au-delà. Pour le calcul du supplément, les primes liées à la nature du travail, à l'exclusion de celles revêtant le caractère de frais ou d'indemnité, rentrent en ligne de compte. (...)'

L'article 29 de la même convention prévoit que 'la durée du travail est de 42 heures pour les cuisiniers, 43 heures pour les autres personnels, 50 heures pour le personnel de gardiennage de nuit'.

Toutefois, les dispositions de l'article L3121-27 qui fixe la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet à 35 heures par semaine, et de l'article L 3121-28 du même code qui dispose que 'toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent', sont d'ordre public. Le champ de la négociation collective se cantonne dès lors, selon l'article L 3121-33 du code du travail, au taux de majoration des heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale ou de la durée considérée comme équivalente.

Il s'ensuit que l'article 31 de la convention collective nationale des hôtels et restaurants (chaînes) et industrie hôtelière (3003) doit être lu en lien avec les dispositions d'ordre public du code du travail, de telle sorte qu'il prévoit la majoration à 25% des huit premières heures au-delà de la durée légale, puis une majoration à 50% pour les heures supplémentaires suivantes.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné la société Le mas de Pierre à verser à M. [W] les sommes de 1 143,38 euros au titre des heures supplémentaires et 114,34 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

La cour ayant requalifié les contrats en contrat à durée indéterminée, le contrat ne pouvait être rompu que dans les conditions posées aux articles L 1231-1 et suivants du code du travail. Le non-renouvellement du dernier contrat à durée déterminée doit s'analyser en licenciement à l'initiative de l'employeur.

Si la société Le mas de Pierre justifie dans ses conclusions son choix de ne plus recourir aux services de M. [W], en raison du comportement inapproprié de ce dernier et de son obligation de sécurité à l'égard de ses autres employés, force est de constater que la procédure de licenciement prévue à l'article L 1232-6 du code du travail qui dispose que lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception, n'a pas été respectée. A défaut de notification écrite du licenciement et de ses motifs, le licenciement est déclaré sans cause réelle et sérieuse.

La cour constate ne pas être saisie concernant les montants alloués par le jugement du conseil des prud'hommes relatifs à l'indemnité légale de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis, ni s'agissant du rejet de la demande du salarié d'une indemnisation pour irrégularité de procédure. M. [W] sollicite en revanche l'infirmation du jugement en ce qu'il a limité l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 15 735 euros, et sollicite la condamnation de la société Le mas de Pierre au versement d'une somme 40 000 euros, en réparation de son préjudice.

Selon l'article L1235-3 du code du travail dans sa version en vigueur du 24 septembre 2017 au 1er avril 2018 : si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau prévu par le texte.

En application de l'article susvisé, le salarié, qui justifie de 4 ans d'ancienneté dans une entreprise qui emploie habituellement au moins 11 salariés, est fondé à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à une somme comprise entre 3 mois et 5 mois de salaire.

Toutefois, M. [W] réclame à titre principal une somme de 40 000 euros, soutenant que le barème d'indemnisation de l'article L.1235-3 du code du travail ne fait pas obstacle à la détermination d'une réparation adéquate, proportionnée et individualisée, en application notamment de l'article 10 de la convention n°158 de l'Organisation internationale du travail sur le licenciement et de l'article 24 de la Charte sociale européenne.

Or, il est désormais constant que le barème d'indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, n'étant pas contraire à l'article 10 de la convention n°158 de l'Organisation internationale du travail, le juge français ne peut écarter, même au cas par cas, l'application de ce barème.

En outre, la loi française ne peut faire l'objet d'un contrôle de conformité à l'article 24 de la Charte sociale européenne, qui n'est pas d'effet direct.

Il en résulte que la fixation du montant de l'indemnité due par l'employeur en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse est régie, en l'espèce par l'article L.1235-3 du code du travail s'agissant d'une entreprise de plus de 11 salariés.

M. [W], âgé de 45 ans au moment de la rupture de son contrat de travail, justifie de sa situation de demandeur d'emploi jusqu'au 1er mai 2018, date à laquelle il a été engagé en qualité de maître d'hôtel dans un autre secteur géographique. Au vu de la distance avec son domicile, il a été amené à renoncer à cet emploi.

Eu égard, à son âge, à son ancienneté dans l'entreprise, au montant de sa rémunération, aux circonstances de la rupture et à ce qu'il justifie de sa situation postérieure à la rupture, la cour confirme le jugement entrepris qui lui a alloué une somme équivalente à 5 mois de salaires, soit la somme de 15 735 euros.

Sur les autres demandes

Sur les intérêts

Les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.

Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

L'article 1343-2 du code civil dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. La demande ayant été formée par le salarié et la loi n'imposant aucune condition pour l'accueillir, il y a lieu, en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, d'ordonner la capitalisation des intérêts.

Celle-ci portera sur des intérêts dus au moins pour une année entière.

Sur les frais du procès

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Le mas de Pierre sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2 500 euros.

Par conséquent, la société Le mas de Pierre sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Dit que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

Condamne la société Le mas de Pierre aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne la société Le mas de Pierre à payer à M. [W] une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Le mas de Pierre de sa demande d'indemnité de procédure en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-5
Numéro d'arrêt : 21/13839
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;21.13839 ?
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