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27/06/2024 | FRANCE | N°21/10106

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 27 juin 2024, 21/10106


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024



N°2024/277













Rôle N° RG 21/10106 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHX67







[H] [V]

[P] [R] épouse [V]





C/



[G] [T]

[X] [O] épouse [T]





























Copie exécutoire délivrée le :

à :



Me Caroline DE FORESTA

Me Marie

-Joëlle DESBISSONS





Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AIX EN PROVENCE en date du 27 Mai 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/04196.





APPELANTS



Monsieur [H] [V]

né le 27 Septembre 1947 à [Localité 3] ([Localité 3]), demeurant [Adresse 2]
...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024

N°2024/277

Rôle N° RG 21/10106 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHX67

[H] [V]

[P] [R] épouse [V]

C/

[G] [T]

[X] [O] épouse [T]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Caroline DE FORESTA

Me Marie-Joëlle DESBISSONS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AIX EN PROVENCE en date du 27 Mai 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/04196.

APPELANTS

Monsieur [H] [V]

né le 27 Septembre 1947 à [Localité 3] ([Localité 3]), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Caroline DE FORESTA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

Madame [P] [R] épouse [V]

née le 17 Novembre 1944 à [Localité 6], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Caroline DE FORESTA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIMES

Monsieur [G] [T]

né le 20 Septembre 1953 à [Localité 7], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Marie-Joëlle DESBISSONS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [X] [O] épouse [T], demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Marie-Joëlle DESBISSONS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Avril 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre, et Madame Carole MENDOZA, Conseillère, chargées du rapport.

Madame Carole MENDOZA, Conseillère, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024.

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [R] épouse [V] est propriétaire d'un bien situé chemin de Repentance à [Localité 4] qu'elle occupe avec son époux, M.[V].

Ces derniers se sont plaints de l'utilisation bruyante de la piscine par leurs voisins mitoyens.

Par acte d'huissier du 28 mai 2018, les époux [V] ont fait assigner les consorts [A], aux fins notamment de les voir condamner à réparer le préjudice qu'ils disaient subir.

Par acte d'huissier du 21 août 2019, les époux [V] ont fait assigner M.et Mme [T] (occupants du bien appartenant aux consorts [A]) aux fins principalement d'ordonner la jonction d'avec la procédure intentée à l'encontre des époux [A], de dire que le jugement à intervenir dans le cadre de cette précédente procédure sera opposable à M.et Mme [T], d'ordonner la démolition ou le bouchage de la piscine des consorts [A] ou des consorts [T] sous astreinte et de les voir condamner à des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice matériel et moral.

Par jugement du 31 octobre 2019 confirmé par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 25 mai 2023, les demandes de M.et Mme [V] à l'encontre des consorts [A] ont été déclarées irrecevables car prescrites. La cour a également rejeté les demandes tendant à obtenir la jonction, le renvoi à la mise en état et le sursis à statuer.

Le 30 mars 2020, M.et Mme [T] ont acquis le bien appartenant aux époux [A].

Par jugement contradictoire du 27 mai 2021, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a :

- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture du 26 octobre 2020,

- prononcé la clôture au 08 avril 2021,

- déclaré recevables les pièces et conclusions signifiées jusqu'à cette date,

- déclaré recevable l'action initiée par Mme [P] [R] épouse [V] et M.[H] [V],

- débouté Mme [P] [R] épouse [V] et M.[H] [V] de leur demande de dommages et intérêts,

- condamné in solidum Mme [P] [R] épouse [V] et M.[H] [V] à verser à M.[G] [T] et Mme [X] [O] épouse [T] la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 05 juillet 2021, M.et Mme [V] ont relevé appel de cette décision en ce qu'elle les a déboutés de leurs demandes et qu'elle les a condamnés aux dépens et au versement d'une indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

M.et Mme [T] ont constitué avocat et formé un appel incident.

Par conclusions notifiées par RPVA le 04 octobre 2021 auxquelles il convient de se reporter, M.et Mme [V] demandent à la cour :

- de faire droit à leur appel

- de confirmer le jugement qui les a déclarés recevables dans leur action comme non prescrite.

- de confirmer le jugement qui a débouté les époux [T] de leurs demandes.

- de réformer le jugement

- de dire que M.et Mme [T] ont commis une faute à leur détriment

- de dire qu'ils justifient du lien de causalité entre la faute de M.et Mme [T] et des préjudices qu'ils subissent.

Subsidiairement

- de dire que M.et Mme [T] leur causent des troubles anormaux de voisinage

- de dire et juger qu'ils justifient ne plus pouvoir jouir paisiblement de leur bien, subir une gêne anormale et des problèmes de santé de ce fait.

- de condamner M.et Mme [T] à démolir ou à boucher leur piscine sous astreinte de 1000 euros par jour de retard, courant à compter du second mois après la signification de la décision à intervenir.

A titre subsidiaire,

-d'interdire solidairement à M.et Mme [T], à tous occupants de leur chef à quelque titre que ce soit, ayant cause ou ayants droit, d'utiliser la piscine sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard courant à compter des 15 jours après la signification de la décision à intervenir.

Dans tous les cas,

- de réformer le jugement entrepris et de dire n'y avoir lieu à les condamner à payer aux époux [T] la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

- de condamner solidairement Monsieur et Madame [T] à leur payer:

- 6.000 euros en réparation de leur préjudice matériel.

- 10.000 euros en réparation de leur préjudice moral.

- 7.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant notamment les frais d'expertise acoustique de M. [S] du 3 avril 2018, les frais des constats d'huissier de la SCP AIX JUR'ISTRES du 29 janvier 2018, de la SELARL COUTANT du 27 novembre 2018, distraits au profit de Maitre C. de FORESTA avocat.

Ils indiquent que les époux [A], leurs anciens voisins mitoyens qui ont acquis leur bien en 1989, ont adopté un comportement fautif à leur encontre dans le cadre de l'utilisation de leur piscine, construite sans permis et située en limite de leur propriété et sous leur terrasse située au sud. Ils relatent avoir subi les conséquences du comportement fautif de ces derniers. Ils font également état d'un trouble anormal du voisinage lié à l'utilisation de cette piscine, en raison d'importantes nuisances sonores. Ils soutiennent ne plus pouvoir séjourner sur leur terrasse et dans une partie de leur maison dès l'arrivée des beaux jours.

Ils relèvent que ces nuisances ont continué lors de l'arrivée des époux [T] dont la famille

a utilisé cette piscine dès le mois d'août 2018, et ce, de façon anormalement bruyante et en dépit d'une tentative de règlement amiable du litige.

Ils soutiennent que leur demande n'est pas prescrite. Ils relèvent que les époux [T] sont arrivés en août 2018 et que leur action s'appuie sur des actes reprochés à ces derniers ou sur un trouble anormal de voisinage causés par ces derniers.

Ils font état d'une prescription de 10 ans, en application de l'article 2270-1 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, et de l'article 2224 du code civil. Ils soulignent que le point de départ de la prescription court à compter de la réalisation du dommage ou de son aggravation et relèvent que les nuisances à répétition ouvrent droit à réparation à chaque fois qu'elles se manifestent.

Ils estiment engagée la responsabilité délictuelle des époux [T] qui refusent d'adapter leur comportement lors de l'utilisation de la piscine; subsidiairement, ils fondent leur action sur le trouble anormal de voisinage.

Ils déclarent subir un effet de caisse de résonance lorsque la piscine de leurs voisins est utilisée.

Ils indiquent subir un préjudice de jouissance puisqu'ils ne peuvent plus utiliser leur terrasse comme ils le souhaitent. Ils évoquent également un préjudice matériel lié à la procédure et un préjudice moral. Ils exposent subir des troubles de santé en raison du stress provoqué aussi bien par le conflit les opposant à leurs voisins que par les nuisances sonores.

Ils sollicitent en conséquence la démolition ou le bouchage de la piscine et subsidiairement l'interdiction d'utiliser celle-ci.

Ils demande la réparation des préjudices qu'ils ont subis.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 22 décembre 2021, M.et Mme [T] demandent à la cour :

- de déclarer l'appel de M.et Mme [V] comme étant mal fondé ;

- de déclarer leur appel incident recevable

- de déclarer l'action en responsabilité délictuelle diligentée par M. Mme [V] irrecevable comme étant infondée ;

- de déclarer l'action en trouble anormal du voisinage diligentée par M. Mme [V] irrecevable comme étant infondée ;

- de débouter M. Mme [V] de l'intégralité de leurs demandes

En conséquence :

- de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a déclaré M. Mme [V] recevable en leur action et en ce qu'il a débouté M. Mme [T] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- de réformer le jugement ce qu'il a déclaré M. Mme [V] recevable en leur action et en ce qu'il a débouté M. Mme [T] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau

Sur la prescription de l'action de M. Mme [V] :

- de déclarer prescrite l'action formée par M. Mme [V] en responsabilité délictuelle et en trouble anormal de voisinage ;

- de déclarer irrecevable M. Mme [V] en leur action ;

- de les débouter de l'intégralité de leurs demandes ;

Sur la demande reconventionnelle relative à l'allocation de dommages et intérêts pour procédure

abusive :

- de dire et juger l'action intentée par les époux [V] abusive et dilatoire ;

- de condamner solidairement M. Mme [V] à leur verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de cette action abusive

et dilatoire ;

- à titre subsidiaire:

Si la Cour venait à retenir une faute et/ou l'anormalité des troubles invoqués par les époux [V],

- de rejeter la demande tendant à la démolition de la piscine sous astreinte ou l'interdiction d'y accéder comme étant disproportionnée ;

- de rejeter la demande indemnitaire formulée par M.et Mme [V], au titre de leur préjudice

matériel ;

- de rejeter la demande indemnitaire formulée par M.et Mme [V], au titre de leur préjudice

moral ;

A titre infiniment subsidiaire, pour le cas où, par extraordinaire, la Cour venait à entrer en voie de condamnation,

- de ramener l'indemnisation des époux [V] à de plus justes proportion laquelle ne saurait excéder la somme de 2.000 euros, tout préjudice confondu ;

- en tout état de cause :

- de débouter M. Mme [V] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- de condamner solidairement M.et Mme [V] à verser la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner M.et Mme [V] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ils soulèvent l'irrecevabilité des demandes de M.et Mme [V]. Ils affirment que c'est l'existence même de la piscine, située à une faible distance de leur logement, qui est une cause de gêne pour ces derniers. Ils soutiennent que cette piscine existe depuis plus de 40 ans, si bien que les actions intentées, qu'il s'agisse d'une action délictuelle ou d'une action pour trouble anormal de voisinage, sont prescrites. Ils précisent que M.et Mme [V] se plaignent de nuisances sonores liées à la piscine depuis l'année 1998.

Subsidiairement, ils contestent toute faute et tout trouble anormal de voisinage.

Très subsidiairement, ils soutiennent que la demande de démolition ou de bouchage de la piscine est disproportionnée.

Ils indiquent que les époux [V] ne démontrent pas le préjudice qu'ils auraient subi. A tout le moins, ils déclarent que leurs prétentions indemnitaires sont excessives.

Ils sollicitent des dommages et intérêts au motif que la procédure intentée par les époux [V] est abusive. Ils indiquent que ces derniers ont réitéré, à leur encontre, l'action qu'ils avaient entreprise à l'encontre des époux [A] alors même qu'ils en ont été déboutés. Ils estiment que la poursuite de la procédure à leur encontre avait pour but de leur nuire.

Par ordonnance du 23 mai 2023, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande d'expertise sollicitée par M.et Mme [V].

Par avis du 04 décembre 2023, les parties étaient informées que l'affaire serait plaidée le 17 avril 2024, avec une clôture quinze jours avant, soit le 03 avril 2024.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 30 mars 2024 auxquelles il convient de se reporter, M.et Mme [V] demandent à la cour :

- de recevoir leur appel partiel,

- de confirmer le jugement qui a déclaré leur action recevable,

- de dire que M.et Mme [T] ont commis une faute à leur détriment,

- de dire qu'ils justifient de la faute de M.et Mme [T], du dommage et du lien de causalité entre la faute et les préjudices qu'ils subissent,

*subsidiairement,

- de dire et juger que M.et Mme [T] leur causent des troubles anormaux de voisinage

*à titre subsidiaire, sur l'expertise :

- d'ordonner une expertise acoustique et désigner un expert spécialiste en acoustique, bruits et vibrations qui aura mission habituelle en la matière et notamment de :

' Se rendre sur les lieux ; prendre connaissance de tous les documents utiles à l'exécution de

sa mission et se faire communiquer notamment les pièces des parties, les documents relatifs

à la règlementation applicable aux lieux à la piscine. ( urbanisme etc..)

' Décrire des lieux la piscine le pool house la terrasse correspondante ,la maison terrasse Sud

des époux [T], la terrasse la maison la terrasse Sud des époux [V] et leurs

environnement respectifs.

' Procéder à des campagnes de mesures du bruits provenant d'échanges de paroles de

l'utilisation de la piscine et des abords immédiats entre et par plusieurs personnes, chez

Monsieur et Madame [T] entre les mois de mai et octobre , de jour comme de nuit

jusqu'à minuit , ce de manière répétée , contradictoire ou inopinée.

' Mesurer le nombre et l'intensité des bruits ambiants d'échanges entre plusieurs personnes,

de paroles, cris , de plongeons lors de l'utilisation de la piscine et autour de la piscine.

' Proposer toutes les solutions techniques ,dire les conditions de leur faisabilité technique

' Décrire chiffrer le cout , la mise en 'uvre des travaux , de la main d''uvre, leur durée .

' Procéder à une médiation.

' Donner un avis à la Cour sur les fautes et responsabilités, sur l'existence d'un trouble

anormal de voisinage.

' Fournir tous éléments d'appréciation sur les préjudices subis de toute nature.

- d'indiquer le délai dans lesquels l'expert déposera son pré rapport et son rapport .

- de partager les frais d'expertise par moitié entre les époux [V] et les époux [T] les frais d'expertise .

Dans tous les cas,

- de réformer le jugement qui les a condamnés à payer aux époux [T] la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure civile .

- de débouter M.et Mme [T] de toutes leurs demandes fins et conclusions.

- de condamner M.et Mme [T] à démolir ou à boucher leur piscine sous astreinte de 1000 euros par jour de retard, courant à compter du second mois après la signification de la décision à intervenir.

Subsidiairement sur ce point :

- d'interdire solidairement à M. et Mme [T], à tous occupants de leur chef à quelque titre que ce soit, ayant cause ou ayants droit, d'utiliser la piscine sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard courant à compter des 15 jours après la signification de la décision à intervenir.

- de condamner solidairement M.et Mme [T] à leur payer:

- 6.000 euros en réparation de leur préjudice matériel.

- 10.000 euros en réparation de leur préjudice moral.

- 7.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant notamment les frais des constats d'huissier de la SELARL COUTANT du 27 novembre 2018, constat de la SCP MAUREL du 6 septembre 2019, distraits au profit de Maitre C de FORESTA avocat.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 03 avril 2024.

Par conclusions de procédure notifiées le 11 avril 2024 sur le RPVA, M.et Mme [T] demandent à la cour :

- de déclarer leurs conclusions recevables,

- d'écarter des débats les conclusions des consorts [V] notifiées le 30 mars 2024,

- de rejeter toutes demandes contraires.

Ils demandent le rejet des conclusions des appelants notifiées le 30 mars 2024, un samedi, pendant le week-end de Pâques, alors que la clôture devait intervenir le 03 avril 2024, pour violation du principe du contradictoire.

Ils relèvent que ces conclusions contiennent de nouvelles demandes.

Par conclusions de procédure notifiées le 16 avril 2024 sur le RPVA, M.et Mme [V] demandent à la cour :

- de débouter les époux [T] de leurs conclusions et demandes tendant à écarter es conclusions au fond des époux [V] signifiées le 30 mars 2024.

- de dire irrecevables dans leurs conclusions de procédure la demande subsidiaire des époux [T] tendant à l'irrecevabilité des conclusions des époux [V] signifiées le 30 mars 2024 sur la demande d'expertise et de dommages et intérêts,

- de dire n'y avoir lieu à écarter les conclusions des époux [V] signifiées le 30 mars 2024, les déclarer recevables et les admettre au débat de fond,

- de rejeter toutes demandes fins et conclusions contraires.

Ils soutiennent que leurs conclusions notifiées le 30 mars 2024 ne violent pas le principe du contradictoire. Ils relèvent que l'arrêt du 25 mai 2023 dans l'affaire qui les opposait aux consorts [A], ne leur a été communiqué par les consorts [T] que le 20 mars 2024 et qu'ils ont donc articulé leurs arguments à l'aune de cet arrêt.

Ils font observer que leurs conclusions n'ajoutent qu'une demande subsidiaire d'expertise et que leur argumentation générale n'a pas été modifiée. Ils contestent avoir formulé de nouvelles demandes principales.

Ils précisent que les intimés pouvaient solliciter le report de l'ordonnance de clôture pour répondre à leurs conclusions.

Ils ajoutent n'avoir communiqué aucune nouvelle pièce.

MOTIVATION

Sur les conclusions notifiées le 30 mars 2024 par les époux [V]

Selon l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense. Aux termes l'article 16 du même code,le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir dans sa décision les moyens, lesexplications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Les intimés avaient conclu le 22 décembre 2021 en réponse aux premières conclusions des appelants du 04 octobre 2021. L'arrêt de la cour d'appel du 25 mai 2023 était connu par les époux [V] dès son prononcé puisqu'ils étaient parties à la procédure. Par ailleurs, les époux [T] n'ont pas reconclu dans la procédure actuelle après cet arrêt.

Ainsi, les époux [V] ne peuvent se prévaloir de la communication du 20 mars 2024 de cet arrêt par les époux [T] pour justifier leurs nouvelles conclusions du 30 mars 2024, qui remodulent leur argumentaire, formulent une nouvelle demande subsidiaire, alors même qu'ils étaient avisés depuis le 04 décembre 2023 que l'affaire devait être clôturée le 04 avril 2024 et que leurs conclusions, notifiées le samedi 30 mars 2024, l'ont été durant un week-end qui comprenait un lundi férié, le premier avril 2024, si bien que les intimés n'ont pas eu le temps nécessaire pour appréhender ces nouvelles conclusions et pouvoir y répondre. Il ne peut être fait le reproche aux époux [T] de n'avoir pas sollicité le report de l'ordonnance de clôture alors qu'il appartenait en réalité aux époux [V] de respecter le principe du contradictoire. En conséquence, il convient d'écarter des débats les conclusions notifiées par ces derniers le 30 mars 2024.

La cour ne tiendra donc compte que des conclusions notifiées le 04 octobre 2021 par les appelants.

Sur la prescription de l'action des consorts [V] en responsabilité délictuelle des époux [V]

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Les consorts [V] fondent leur action sur une faute extra-contractuelle commise par les époux [T] dans le cadre de l'utilisation de la piscine.

Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il n'est pas constesté que les époux [T] sont arrivés dans le bien durant l'été 2018.

Les nuisances sonores en lien avec l'utilisation de la piscine par les époux [T] ont débuté, selon les pièces produites, le 14 août 2018.

Dès lors, l'action en responsabilité intentée à leur encontre par l'assignation du 21 août 2019 n'est pas prescrite. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la faute extra-contractuelle des époux [T]

L'article 1240 du code civil énonce que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Aux termes de l'article 1242 du code civil, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.

Il ressort d'une attestation de Mme [N] que ' le 14 août 2018 (...), les voisins (...) sont venus se baigner dans la piscine contiguë au chemin d'accès de la villa; l'usage de cette piscine (sauts, plongeons, ébats) occasionne un bruit continu très gênant qui perturbe l'usage des extérieurs de la maison de Mme [V] (...). En effet, le lieu de construction de cette piscine est une caisse de résonance qui renvoie les bruits d'eau et de conversation, les cris d'enfants qui jouent dans l'eau (...)

Mme [C] atteste que le 21 août 2018, elle a constaté '(...) des cris stridents d'enfants et d'adolescents qui sautaient dans une piscine toute proche (...). Nous étions envahis par les hurlements comme cela se passe souvent autour d'une piscine. Cela raisonnait très fort comme s'ils étaient autour de nous (...)'.

Un constat d'huissier du 27 novembre 2018 mentionne que ce professionnel a visionné un film réalisé par M.[V] à partir de sa terrasse jouxtant la propriété des consorts [A] et la piscine de ces derniers. Il note que le dvd comporte un bruit persistant de personnes qui parlent fort, hurlent dans la piscine et plongent.

Par lettre du 18 septembre 2017, avant même l'arrivée des consorts [T], Mme [V] indiquait à M.et Mme [A] que 'votre piscine installée tout contre la limite de nos deux propriétés et construite presque sous nos fenêtres, sans respecter la distance règlementaire, a toujours été pour nous une grave source de nuisance et a toujours représenté, quelle que soit l'heure de la journée, telle l'épée de Damoclès, une perpétuelle menace d'agression sonore et une atteinte permanente à notre droit fondamental de pouvoir jouir paisiblement de notre domicile. Nous avons toujours été patients et conciliants et ce, malgré cette menace 'aléatoire' qui apparaissait dès l'arrivée des beaux jours. Nous vous en avons fait souvent la remarque et nombre de personnes venues nous rendre visite se sont étonnées d'un tel état de fait, comme si vous aviez annexé une grande partie de notre espace de vie(...). votre piscine au Nord sous notre nez, ouvre tous azimuts sans respect pour l'intimité des autres. Ces bruits multiples nous reviennent en force, se répercutant en écho pendant des heures contre la façade Nord de votre maison, déjà très proche, et revenant nous frapper jusque dans notre propre chambre perturbant la quiétude de notre vie. Pas question de sieste, de discussion ni de lecture ou de rpos. Et quand ce sont des cris et des ébats aquatiques très agités, ce qui est malheureusement un fait trop fréquent, cela devient vite l'enfer (...). Nous vous mettons en demeure d'entreprendre dès réception de la présente tous les travaux nécessaires anti-bruits pour faire cesser ce trouble anormal de voisinage. A défaut d'entendre raison, je serais amenée à saisir un avocat pour vous y contraindre et vous faire condamner à la neutralisation de cette piscine et à des dommages et intérêts'.

L'ensemble de ces éléments permettent de comprendre que la difficulté soulevée par les époux [V] concerne en réalité la configuration de l'emplacement de la piscine; en effet, ils indiquent que lorsque celle-ci est utilisée, les bruits inhérents à son utilisation sont répercutés dans leur propriété; ils évoquent, comme Mmes [N] et [C], un phénomène de caisse de résonance, comme si les usagers de la piscine étaient parmi eux.

Ainsi, il n'est nullement démontré par les époux [V] que les consorts [T] auraient eu un comportement fautif dans le cadre de l'utilisation de la piscine. Ils ne démontrent pas que ces derniers, leurs invités ou les enfants qu'ils avaient sous leur garde, auraient commis des fautes dans l'usage qu'ils ont fait de la piscine.

En conséquence, Mme et Mme [V], qui sont défaillants dans l'administration de la preuve d'une faute commise par les époux [T], seront déboutés de leurs demandes à l'encontre de ces derniers, sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la prescription de l'action des consorts [V] au titre d'un trouble anormal de voisinage

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Les consorts [V] fondent subsidiairement leur demande sur le trouble anormal de voisinage, en lien avec l'utilisation de la piscine, contruite par les époux [A].

Ils visent l'ancien article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 19 juin 2008 (date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008), ce qui témoigne bien, comme ils l'indiquent dans leurs conclusions et comme le démontrent leurs pièces, que les nuisances qu'ils déplorent résultent de l'existence même de la piscine construite par les époux [A], en 1994, date non contestée et révélée par l'arrêt du 25 mai 2023, quelques que soient les utilisateurs.

L'article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 19 juin 2008, énonce que les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.

Selon l'article 2222 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, la loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.

En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

L'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il ressort de l'arrêt du 25 mai 2023 qu'une lettre du 04 février 1999 des époux [V] faisait état de discussions quant à la prise en charge du coût de la construction d'un mur isolant les fonds des parties et qu'une attestation datant d'août 2000 faisait état 'de terribles nuisances sonores' par des 'ébats de grands adolescents dans la piscine (...)'.

Ainsi, le trouble anormal de voisinage, lié à l'existence même de la piscine (quels que soient les utilisateurs) dont la configuration rend l'usage pénible pour les époux [V], peut être fixé au plus tard en août 2000, qui est le point de départ du délai de la prescription. A cette date, les époux [V] bénéficiaient d'un délai de dix ans pour agir. Compte tenu des éléments précédemment indiqués, l'action intentée à l'encontre des consorts [T], sur le fondement du trouble anormal de voisinage, par un acte introductif d'instance du 21 août 2019, est prescrite. Les demandes formées par les époux [V] sur ce fondement sont en conséquences irrecevables. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par les consorts [T] au titre d'une procédure abusive intentée par les époux [V]

Bien que l'action intentée par les époux [V] n'ait pas prospéré, elle n'a cependant pas dégénéré en abus de droit. Il n'est pas démontré que cette procédure avait pour but de nuire à M.et Mme [T]. Le jugement déféré qui a rejeté leur demande sur ce fondement sera confirmé.

Sur les dépens et sur les frais irrépétibles

M.et Mme [V] sont essentiellement succombants. Ils seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile. Leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles seront rejetées.

Il n'est pas équitable de laisser à la charge de M.et Mme [T] les frais irrépétibles qu'ils ont exposés en première instance et en appel.

Le jugement déféré qui a condamné M.et Mme [V] aux dépens et à verser la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera confirmé.

M.et Mme [V] seront en outre condamnés in solidum à verser à M.et Mme [T] la somme de 2800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

ÉCARTE des débats les conclusions notifiées le 30 mars 2024 par M.[H] [V] et Mme [P] [R] épouse [V],

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action intentée par M.[H] [V] et Mme [P] [R] épouse [V] sur le fondement du trouble anormal de voisinage,

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

DÉCLARE irrecevable pour être prescrite l'action intentée par M.[H] [V] et Mme [P] [R] épouse [V] sur le fondement du trouble anormal de voisinage,

CONDAMNE M.[H] [V] et Mme [P] [R] épouse [V] au versement de la somme de 2800 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE M.[H] [V] et Mme [P] [R] épouse [V] aux dépens de la présente instance.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 21/10106
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;21.10106 ?
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