COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 26 JUIN 2024
N° 2024/264
Rôle N° RG 20/08851 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGI4B
S.A. CNP ASSURANCES
C/
[T] [S]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Philippe CAMPS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULON en date du 06 Juin 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/02006.
APPELANTE
S.A. CNP ASSURANCES venant aux droits de la Compagnie d'assurance vie ECUREUIL VIE,
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité à ladite adresse,
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Philippe CAMPS de la SELARL CFG AVOCATS, avocat au barreau de TOULON
INTIMÉ
Monsieur [T] [S]
né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 3] ([Localité 3]),
demeurant [Adresse 2]
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mai 2024, en audience publique, devant Madame Fabienne ALLARD, Conseillère.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Madame Catherine OUVREL, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Anaïs DOVINA.
Le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Juin 2024.
ARRÊT
Défaut,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 26 Juin 2024
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Anaïs DOVINA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé des faits et de la procédure
Le 4 juin 2016, M. [T] [S] a souscrit auprès de la société caisse d'épargne Ecureuil vie un contrat d'assurance vie 'Ricochet'.
Le 8 juillet 2017, il a demandé le rachat partiel de son contrat.
Le 10 août 2017, la société Natixis a versé sur son compte une somme de 14 000 €.
Soutenant que ce versement procède d'une erreur, en ce que la valeur de l'épargne de M. [S] à cette date s'élevait à seulement 2 782,16 €, la SA CNP assurances, indiquant venir aux droits de la société Ecureuil vie, a, par acte du 25 mars 2019, assigné M. [S] devant le tribunal de grande instance de Toulon en remboursement de la somme de 11 217, 84 € indûment versée.
Par jugement réputé contradictoire du 6 février 2020, le tribunal judiciaire de Toulon a déclaré l'action irrecevable et condamné la SA CNP assurances aux dépens au motif qu'elle ne justifie par aucun document venir aux droits de la société Ecureuil vie.
Par acte du 15 septembre 2020, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la SA CNP assurances a relevé appel de cette décision en visant chacun des chefs de son dispositif.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 17 avril 2024.
Prétentions et moyens des parties
Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 13 novembre 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la SA CNP assurances demande à la cour de :
' annuler le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulon le 6 février 2020 ;
' juger qu'elle a qualité à agir et est recevable en son action en répétition de l'indu ;
' condamner M. [S] à lui rembourser la somme de 11 217, 84 €, augmentée des intérêts au taux légal capitalisé depuis le 16 février 2018 ;
' condamner M. [S] à lui payer la somme de 1 121, 80 € à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamner M. [S] aux dépens.
Elle fait valoir qu'elle justifie de la chaîne de contrats entre elle et la société Ecureuil vie caisse d'épargne, de sorte que sa qualité pour agir ne peut être contestée et, sur le fond, qu'au jour de la demande de rachat de son contrat, le compte de M. [S] n'avait été approvisionné qu'à hauteur que de 2 782, 16 €, de sorte qu'en lui versant une somme de 14 000 €, la société Natixis lui a indûment payé une somme de 11 217,84 €.
Elle considère que M. [S] a fait preuve d'une résistance abusive en s'opposant sans motif légitime au remboursement, l'obligeant à avoir recours à un organisme de recouvrement.
M. [S], assigné par la SA CNP assurances, par acte d'huissier du 23 novembre 2020, transformé en procès verbal de recherches infructueuses et contenant dénonce de l'appel, n'a pas constitué avocat.
Motifs de la décision
L'arrêt sera rendu par défaut conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
Sur la demande d'annulation du jugement
La régularité du jugement est soumise à des exigences substantielles et formelles destinées à assurer un bon fonctionnement de la justice et à permettre la sauvegarde des intérêts des parties et de leur droit à un juge impartial et équitable.
En l'espèce, la SA CNP Assurances n'invoque, au soutien de sa demande d'annulation du jugement, aucun moyen tiré de l'irrégularité de la décision par violation de formalités, substantielles ou formelles, destinées à garantir ses droits.
Elle ne démontre ni n'allègue aucun vice grave affectant la régularité intrinsèque de la décision, ou consacrant un excès de pouvoir, la violation d'un principe général du droit ou d'un principe fondamental de procédure.
En conséquence, il n'y a pas lieu d'annuler le jugement rendu le 6 février 2020 par le tribunal de grande instance de Toulon.
Lorsque l'appel porte sur la nullité du jugement et non sur celle de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité, dès lors que l'appelant réitère les moyens de fond qu'il avait soumis au premier juge puisque, ce faisant, il soutient son appel.
En l'espèce, l'appelante critique les chefs de la décision du premier juge en ce qu'il a déclaré sa demande irrecevable et demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en sa demande, de sorte que la cour est saisie de l'entier litige et doit statuer au fond.
Sur la recevabilité de la demande
La SA CNP assurances agit à l'encontre de M. [S], titulaire d'un contrat souscrit auprès de la société Caisse d'épargne Ecureuil vie le 4 juin 2016, afin d'obtenir le remboursement de sommes, selon elle, indûment versées en exécution de ce contrat.
Lorsque le défendeur ne comparait pas, le juge doit s'assurer que la demande est recevable.
Il appartint donc à la SA CNP assurances de justifier de sa qualité à agir.
Le contrat sur lequel la demande est fondée a été conclu entre M. [S] et la société Caisse d'épargne Ecureuil vie.
Cependant, la SA CNP assurances justifie avoir, par traité de fusion signé les 9 et 16 juillet 2007, absorbé la société Ecureuil vie Caisse d'épargne, de sorte que depuis le 1er janvier 2007, elle détient l'actif et le passif de cette société. En exécution de ce traité de fusion absorption, qui entraîne transfert du portefeuille de contrats et qui a été approuvé par le comité des entreprises d'assurances le 3 décembre 2007, les opérations de la société Ecureuil vie caisse d'épargne sont considérées comme accomplies par la SA CNP assurances.
Dès lors, la SA CNP assurances justifie de sa qualité à agir à l'encontre de M. [S] au titre du contrat que celui-ci a souscrit auprès de la société Caisse d'épargne écureuil vie.
Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a déclaré l'action irrecevable.
Sur la demande de remboursement de fonds indûment versés
Le paiement indu est intervenu le 10 août 2017, soit après le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
En application de l'article 1302 du code civil, tout paiement suppose une dette et ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.
L'article 1302-1 du même code dispose que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
En l'espèce, M. [S], qui a souscrit un contrat d'assurance vie le 4 juin 2016, a demandé le 8 juillet 2017 le rachat partiel de ce contrat.
La SA CNP assurances justifie qu'au jour de cette demande de rachat, le montant de l'épargne de M. [S] en exécution de ce contrat s'élevait à 2 782,16 €, compte tenu des versements effectués par l'intéressé entre le 4 juin 2016 et le 16 avril 2017.
Or, la société Natixis, agissant pour le compte de la SA CNP assurances, lui a versé le 10 août 2017 la somme de 14 000 €, soit 11 217,84 € de plus que ce qu'il était en mesure, aux termes du contrat, de percevoir au titre d'un rachat.
La SA CNP assurances justifie avoir vainement réclamé à M. [S] le remboursement de la somme indûment versée, notamment par courrier recommandé avec avis de réception du 5 janvier 2018, qui n'a jamais été réclamé par l'intéressé, puis par l'intermédiaire de la société AGIR recouvrement, mandatée à cet effet, par courrier recommandé du 19 février 2018.
Il importe peu que la somme ait été versée à la faveur d'une erreur commise par le mandataire de l'assureur.
Dès lors que M. [S] a perçu la somme par erreur, il doit la restituer.
En conséquence, M. [S] sera condamné à payer à la SA CNP assurances une somme de 11 217,84 €, avec intérêts au taux légal à compter du 19 février 2018, date d'envoi de la lettre recommandée de mise en demeure de la société Agir recouvrement.
Il sera également fait application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, de sorte que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêt.
Sur la demande de dommages-intérêts
La SA CNP assurances sollicite la condamnation de M. [S] à lui payer, en sus de la restitution des sommes indûment versées, une somme de 1 121,80 € à titre de dommages-intérêts.
Elle invoque la résistance abusive de M. [S] qui s'oppose au remboursement, sans motif légitime, depuis plus de seize mois.
Le succès de sa demande indemnitaire suppose la preuve d'une faute de M. [S] mais également du dommage qui en est résulté.
Or, à supposer que la mauvaise foi de M. [S] soit établie, la SA CNP assurances ne justifie pas d'un dommage distinct que celui que lui cause le retard dans le paiement, lequel est réparé par la condamnation aux intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer.
Elle fait valoir qu'elle a été contrainte de recourir aux services d'un cabinet de recouvrement mais ne justifie pas du coût exposé à ce titre.
En conséquence, la SA CNP assurances sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont infirmées.
M. [S], qui succombe, supportera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.
L'équité justifie d'allouer à la SA CNP Assurances une indemnité de 1 500 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et devant la cour.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort
Dit n'y avoir lieu à annulation du jugement rendu le 6 février 2020 par le tribunal judiciaire de Toulon ;
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 février 2020 par le tribunal judiciaire de Toulon ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare la demande recevable ;
Condamne M. [T] [S] à payer à la SA CNP Assurances la somme de 11 217,84 € avec intérêts au taux légal à compter du 19 février 2018 ;
Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêt dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil ;
Déboute la SA CNP assurances de sa demande de dommages-intérêts ;
Condamne M. [T] [S] à payer à la SA CNP assurances une indemnité de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en appel ;
Condamne M. [T] [S] aux entiers dépens de première instance et d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT