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26/06/2024 | FRANCE | N°20/08543

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 26 juin 2024, 20/08543


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 26 JUIN 2024



N° 2024/261









Rôle N° RG 20/08543 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGHZE







S.A.R.L. MONFORENS FINANCE





C/



[J] [X]























Copie exécutoire délivrée

le :





à :

- Me Rémy CRUDO

- Me Corinne SANTIAGO



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de DIGNE-LES-BAINS en date du 31 Juillet 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° .





APPELANTE



S.A.R.L. MONFORENS FINANCE prise en la personne de son gérant en exercice,

demeurant [Adresse 2]



représentée...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 26 JUIN 2024

N° 2024/261

Rôle N° RG 20/08543 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGHZE

S.A.R.L. MONFORENS FINANCE

C/

[J] [X]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Rémy CRUDO

- Me Corinne SANTIAGO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de DIGNE-LES-BAINS en date du 31 Juillet 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° .

APPELANTE

S.A.R.L. MONFORENS FINANCE prise en la personne de son gérant en exercice,

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Rémy CRUDO de la SELEURL REMY CRUDO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE

Madame [J] [X]

née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 5],

demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Corinne SANTIAGO de la SELARL BAYETTI SANTIAGO REVAH, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE substituée par Me Eve MAURINO, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Anaïs DOVINA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 26 Juin 2024

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Anaïs DOVINA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé des faits et de la procédure

La SARL Monforens Finance, qui a pour gérant M. [G] [B], expose qu'elle est propriétaire d'un véhicule Mini clubmann cooper D, immatriculé [Immatriculation 4], mis à la disposition de Mme [J] [X], épouse du gérant, et qui refuse de la lui restituer.

Par acte du 20 septembre 2018, elle a fait assigner cette dernière devant le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains en revendication du véhicule.

Par jugement en date du 31 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains a :

- dit que le véhicule mini immatriculé [Immatriculation 4] est la propriété de Mme [X] par l'effet de la possession ;

- débouté la SARL Monforens finance de toutes ses demandes à l'encontre de Mme [X] ;

- condamné la SARL Monforens finance à payer à Mme [X] la somme de 3 000 €, pour procédure abusive ;

- condamné la SARL Monforens finance à payer à Mme [X] la somme de 1 500 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que, si les deux parties se prévalent d'un titre de propriété sur le véhicule, Mme [X] justifie d'une possession effective de bonne foi, de sorte qu'elle en est présumée propriétaire et que les éléments produits par la SARL Monforens sont insuffisants pour renverser cette présomption.

Par déclaration en date du 4 septembre 2020, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la SARL Monforens finance a relevé appel de cette décision en visant expressément chacun des chefs de son dispositif, sauf en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens de l'instance.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 17 avril 2024.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 27 janvier 2023, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des conclusions et moyens, la SARL Monforens demande à la cour, au visa des articles 544 et suivants du code civil, de :

' infirmer le jugement ;

Statuant à nouveau,

' dire et juger qu'elle justifie être propriétaire du véhicule immatriculé [Immatriculation 4] ;

En conséquence,

' condamner Mme [X] à lui restituer le véhicule et les pièces administratives s'y rattachant sous astreinte de 150 € par jour à compter de la date de la décision à intervenir ;

Subsidiairement, à défaut de pouvoir restituer le véhicule qui ne serait plus en sa possession ou qui serait hors d'état d'usage,

' condamner Mme [X] à lui payer la somme de 20 000 € correspondant au prix d'acquisition du véhicule, la somme de 3 000 € pour procédure abusive ainsi qu'une indemnité de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, distraits au profit de son avocat.

A l'appui de ses demandes et prétentions, elle fait valoir que :

- ni le certificat d'immatriculation au nom de Mme [X], ni le fait qu'elle en est la seule conductrice, qu'elle assure le véhicule et a supporté le coût des dépenses d'entretien et de réparations, ne sont suffisants pour considérer qu'elle en est la propriétaire légitime ;

- Mme [X] ne justifie pas des fonds avec lesquels elle payé le véhicule et ne conteste pas que son achat a été financé par la reprise d'un véhicule dont elle n'était pas propriétaire ;

- en ce qui la concerne, elle produit une facture à son nom, confirmée par une attestation établie par la SARL Auto Deals, ainsi que des documents comptables démontrant qu'elle est propriétaire de ce véhicule qui, en conséquence, doit lui être restitué.

Dans ses dernières conclusions d'intimée, régulièrement notifiées au greffe le 12 septembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des conclusions et moyens, Mme [X] demande à la cour de :

' confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

' débouter la SARL Monforens finance de l'ensemble de ses demandes ;

Y ajoutant,

' condamner la SARL Monforens finance à lui payer la somme de 7 000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- elle est présumée propriétaire du véhicule litigieux, dès lors que le certificat d'immatriculation est à son nom et qu'il est corroboré par d'autres éléments, dont la facture, à son nom, de la société allemande qui lui a vendu le véhicule et le certificat d'acquisition également établi à son nom ;

- elle justifie avoir réglé les frais d'immatriculation, ainsi que l'assurance du véhicule depuis août 2017 et prendre en charge son entretien ;

- la facture produite par la SARL Monforens finance est douteuse, en ce qu'elle ne comporte aucun tampon ou signature, que son numéro correspond à la date du jour de son émission et qu'y est mentionné un prix de 20 000 €, alors que le tableau d'amortissement mentionne un prix de 25 000 € ;

- l'attestation fournie par une société 'Autodeals', non datée et imprécise, est produite deux ans après le début de la procédure, alors que cette société n'a jamais été mentionnée auparavant par l'appelante comme l'ancienne propriétaire du véhicule litigieux.

Motifs de la décision

La SARL Monforens finance revendique la propriété du véhicule Mini clubman cooper qui est en possession de Mme [X].

Le certificat d'immatriculation du véhicule est au nom de Mme [X]. Celle-ci produit également une facture d'achat n° 2017-415, établie à son nom le 29 août 2017 par la société allemande Brass, comportant le tampon de la société et une signature.

La SARL Monforens finance soutient en être la propriétaire pour avoir seule, assuré son financement.

Elle produit une facture n° 29082017, établie le 29 août 2017 par la société Autosmile, à son nom et mentionnant un prix de 20 000 €, payé par compensation avec la reprise d'un véhicule BMW X5 immatriculé [Immatriculation 3] d'une valeur de 20 000 €.

Cependant, cette facture ne comporte ni le tampon de la société venderesse, ni signature.

La société Monforens produit également une attestation de son expert comptable indiquant qu'elle 'détient depuis le 25 août 2017 le véhicule de marque Mini acquis pour 25 000 €', à laquelle est joint un tableau d'amortissement supportant le tampon et la signature de l'expert comptable, faisant ressortir l'inscription dans les comptes de la société de l'acquisition le 25 août 2017, au prix de 25 000 €, d'un véhicule Mini.

Outre que la facture dont se prévaut la société Monforens ne comporte ni tampon de la société venderesse, ni signature, elle mentionne un prix de 20 000 €, alors que les documents comptables de la société font état d'un achat de ce véhicule au prix de 25 000 €.

Par ailleurs, l'attestation de M. [R] [E], qui se présente comme expert comptable inscrit près la cour d'appel d'Aix en Provence, indique que la société 'détient' le véhicule depuis le 25 août 2017, ce qui est manifestement inexact, si on considère que Mme [X] a toujours été en possession du véhicule et qu'elle justifie d'une carte grise à son nom et du règlement des cotisations d'assurance.

La preuve de la propriété mobilière est libre et rapportée par tous moyens.

Cependant, lorsque le possesseur du bien meuble s'oppose à la revendication, il bénéficie, en application de l'article 2276 du code civil, selon lequel en fait de meubles possession vaut titre, d'une présomption légale de propriété.

Celle-ci oblige le demandeur à l'action en revendication à renverser la présomption, soit en prouvant que le possesseur est détenteur précaire, soit que sa possession est viciée.

L'article 2255 du même code définit la possession comme la détention ou la jouissance d'une chose ou d'un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou qui l'exerce en notre nom.

Par ailleurs, en application de l'article 2256 du même code, on est toujours présumé posséder pour soi, et à titre de propriétaire, s'il n'est prouvé qu'on a commencé à posséder pour un autre.

Enfin, les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent valablement fonder une possession.

En l'espèce, Mme [X] produit une facture établie à son nom, attestant de l'achat du véhicule le 29 août 2017 à la société allemande Brass pour la somme de 19 990 €, un certificat d'acquisition établi à son nom le 26 mars 2018, la copie d'une demande d'immatriculation du véhicule BMW Mini clubman cooper le 6 avril 2018, le certificat d'immatriculation établi le 9 avril 2018 à son nom, une facture de la SARL Florenzano à [Localité 7] en date du 4 avril 2018, faisant état d'un changement des plaquettes de frein sur le véhicule Mini Clubman immatriculé [Immatriculation 4], la copie du contrat d'assurance qu'elle a souscrit auprès de la société Generali et de l'échéancier de cotisations à son nom pour le véhicule Mini immatriculé [Immatriculation 4].

Il en résulte qu'elle justifie de l'acte juridique par lequel le précédent propriétaire lui a transmis la propriété du véhicule. Or, la production d'une facture d'achat suffit à établir le droit de propriété, sans qu'il soit nécessaire de prouver le paiement.

Par ailleurs, les autres documents démontrent que Mme [X] est le possesseur du véhicule depuis son acquisition, qu'elle a obtenu la délivrance à son nom du certificat d'immatriculation et qu'elle supporte, tant les cotisations d'assurance obligatoire que l'entretien du véhicule.

De son côté, la société Monforens finance produit tout au plus une facture non signée, comme telle dénuée de force probante, dont les mentions relatives au prix sont contredites par ses propres écritures comptables.

Quant à l'attestation de société 'Autodeals', elle est, à elle seule, insuffisante pour contrer les effets juridiques attachés à la facture d'achat établie au nom de Mme [X].

Par ailleurs, en matière de véhicules de société, les documents administratifs sont établis au nom de la société elle-même et non du salarié auquel le véhicule est confié, en ce inclus le certificat d'immatriculation et l'attestation d'assurance, de sorte que la SARL Monforens ne peut utilement soutenir qu'il s'agit d'un véhicule de société prêté gracieusement à Mme [X] en sa qualité d'épouse du gérant.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les preuves produites par la SARL Monforens sont insuffisantes pour démontrer que la possession, par Mme [X], du véhicule litigieux est viciée, précaire ou équivoque.

Dès lors, la revendication ne peut prospérer, puisque la possession continue du véhicule, ni viciée ni équivoque, dont Mme [X] rapporte la preuve, vaut titre à son profit.

C'est donc à juste titre que le premier juge a débouté la SARL Monforens finance de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer à Mme [X] une indemnité de 3 000 € pour procédure abusive. En effet, si l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas à elle seule constitutive d'une faute, en l'espèce, au regard des pièces produites par Mme [X], la SARL Monforens, dont le gérant est l'ex-compagnon de cette dernière, ne pouvait, à l'évidence, croire au succès de ses prétentions au regard notamment de la faiblesse de la qualité probatoire des pièces produites. En conséquence, en l'assignant, elle a, à dessein de lui nuire, abusé de son droit d'agir en justice.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont confirmées.

La SARL Monforens finance, qui succombe, supportera la charge des entiers dépens d'appel et n'est pas fondée à solliciter une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité justifie d'allouer à Mme [X] une indemnité de 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 31 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains ;

Y ajoutant,

Déboute la SARL Monforens finance de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de frais irrépétibles exposés devant la cour ;

Condamne la SARL Monforens finance à payer à Mme [J] [X] une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés devant la cour ;

Condamne la SARL Monforens finance aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats, qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 20/08543
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;20.08543 ?
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