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25/06/2024 | FRANCE | N°24/00900

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Rétention administrative, 25 juin 2024, 24/00900


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE



CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative





ORDONNANCE

DU 25 JUIN 2024



N° 2024/00900



N° RG 24/00900 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNIP4













Copie conforme

délivrée le 25 Juin 2024 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP



















Décision déférée à la Cour :



Ordonnance re

ndue par le Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 22 Juin 2024 à 12h30.







APPELANT



[R] se disant Monsieur [W] [Y]

né le 20 Août 1992 à [Localité 11] (Tunisie)

de nationalité Tunisienne

comparant en personne, assisté de Me Maeva LAURENS, avocat au ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 25 JUIN 2024

N° 2024/00900

N° RG 24/00900 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNIP4

Copie conforme

délivrée le 25 Juin 2024 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 22 Juin 2024 à 12h30.

APPELANT

[R] se disant Monsieur [W] [Y]

né le 20 Août 1992 à [Localité 11] (Tunisie)

de nationalité Tunisienne

comparant en personne, assisté de Me Maeva LAURENS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, avocat choisi, et de Mme [O] [C], interprète en langue arabe inscrite sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence;

INTIMÉ

Monsieur le Préfet des Alpes-Maritimes

Avisé et non représenté;

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé et non représenté;

******

DÉBATS

L'affaire a été débattue en audience publique le 25 Juin 2024 devant M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de M. Corentin MILLOT, Greffier.

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 25 Juin 2024 à 13h12,

Signée par M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller, et M. Corentin MILLOT, Greffier.

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 28 mars 2024 par le préfet des Alpes-Maritimes, notifié à [R] se disant Monsieur [W] [Y] le même jour à 16h51 ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 19 juin 2024 par le préfet des Alpes-Maritimes notifiée à [R] se disant Monsieur [W] [Y] le même jour à 13h55;

Vu l'ordonnance du 22 Juin 2024 rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE décidant le maintien de [R] se disant Monsieur [W] [Y] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 28 jours ;

Vu l'appel interjeté le 24 Juin 2024 à 7h52 par Me Perrine DELLA SUDDA, avocate de [R] se disant Monsieur [W] [Y];

[R] se disant Monsieur [W] [Y] a comparu et a été entendu en ses explications. Il déclare : 'J'ai une adresse en France mais je ne sais pas où, c'est à [Localité 6], je viens d'arriver, je ne sais pas trop où. Je vous assure, j'ai une adresse. J'ai de la famille en France : Ma tante et mon cousin à [Localité 8]. J'ai de la famille en Tunisie : J'ai ma mère et mes 2 soeurs. Je suis en France depuis 3 ans. Je travaille sur [Localité 8], je suis venu à [Localité 6] pour récupérer de l'argent, je n'ai pas un travail déclaré. Je n'ai rien à dire. Je suis d'accord pour partir en Tunisie. Je n'ai rien compris, je ne sais pas pourquoi je suis ici, je n'ai rien compris devant le JLD, je ne suis pas au courant pour la prolongation de 28 jours. L'avocate de 1ère instance a évoqué avec moi l'appel. Je n'ai rien à ajouter.'

Son avocate a été régulièrement entendue. Elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise et d'ordonner la remise en liberté du retenu. A ces fins, elle soutient que le premier juge n'a pa répondu aux différents moyens soulevés devant lui. Par ailleurs, elle demande à la cour de relever d'office les moyens susceptibles d'emporter la mainlevée de la mesure de rétention en application de l'arrêt de la cour de justice de l'Union européenne en date du 8 novembre 2022. Elle considère que le contrôle d'identité de l'appelant réalisé sur la base des dispositions de l'article 78-2 alinéa 9 du code de procédure pénale est irrégulier, en ce qu'il ne précise pas les heures de début et de fin du contrôle. Elle soutient en outre que la preuve de l'habilitation de l'agent ayant consulté le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) n'est pas rapportée, ce qui vicie la procédure. Elle demande à la présente juridiction de contrôler cette habilitation. Elle pointe également le délai excessif de transfert entre le commissariat de police de [Localité 4] et le centre de rétention administrative de [Localité 6], reprochant à l'administration la prise en charge de [R] se disant Monsieur [W] [Y] par les fonctionnaires de police aux fins de transfert au centre de rétention une heure après la notification de la décision de placement en rétention. Elle argue enfin de l'irrecevabilité de la requête préfectorale en prolongation, faute de production de pièces justificatives utiles. Ainsi, elle estime que la production après le dépôt de la requête d'une version plus lisible de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire, ainsi que l'éventuelle production lors de l'audience d'appel de la preuve de l'habilitation de l'agent ayant consulté le FAED ne permet pas de régulariser la carence initiale.

Le préfet des Alpes-Maritimes, bien que régulièrement convoqué, n'était ni présent, ni représenté.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur la recevabilité de l'appel

Aux termes des dispositions de l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), 'L'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel, dans les vingt-quatre heures de son prononcé, par l'étranger, le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. Lorsque l'étranger n'assiste pas à l'audience, le délai court pour ce dernier à compter de la notification qui lui est faite. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.

Le ministère public peut interjeter appel de cette ordonnance selon les mêmes modalités lorsqu'il ne sollicite pas la suspension provisoire.'

Selon les dispositions de l'article R743-11 alinéa 1 du CESEDA, 'A peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée. Elle est transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel qui l'enregistre avec mention de la date et de l'heure.'

L'ordonnance querellée a été rendue le samedi 22 juin 2024 à 12h30 et notifiée à [R] se disant Monsieur [W] [Y] à ces mêmes date et heure. Ce dernier a interjeté appel le lundi 24 juin 2024 à 7h52 en adressant au greffe de la cour, par l'intermédiaire de son avocate, une déclaration d'appel motivée. Son recours sera donc déclaré recevable.

2) Sur le moyen tiré du défaut de réponse du premier juge aux moyens soulevés devant lui

Selon les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif.

L'article 458 du code de procédure civile prévoit que ce qui est prescrit par les articles 447, 451, 454, en ce qui concerne la mention du nom des juges, 455 (alinéa 1) et 456 doit être observé à peine de nullité.

Il sera relevé que les moyens soulevés par [R] se disant Monsieur [W] [Y] devant le premier juge sont ceux invoqués en appel, outre la contestation de l'arrêté de placement en rétention.

Or, contrairement à ce que soutient l'intéressé, l'examen de la décision du juge des libertés et de la détention révèle que ce dernier a répondu à l'intégralité des moyens invoqués devant lui. Si la décision critiquée ne comporte pas de paragraphe concernant la demande faite au juge de relever d'office tout moyen susceptible d'emporter la mainlevée de la mesure de rétention, cette absence d'indication sur ce point traduit en réalité la volonté du premier juge de ne relever aucun moyen d'office.

Le moyen soulevé sera donc rejeté.

3) Sur le moyen tiré de l'irrégularité du contrôle d'identité

Selon les dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale, 'Les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :

-qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;

-ou qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit ;

-ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit ;

-ou qu'elle a violé les obligations ou interdictions auxquelles elle est soumise dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'une mesure d'assignation à résidence avec surveillance électronique, d'une peine ou d'une mesure suivie par le juge de l'application des peines ;

-ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.

Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions qu'il précise, l'identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d'identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

L'identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens.

Dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les Etats parties à la convention signée à [Localité 10] le 19 juin 1990 et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà, ainsi que dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et désignés par arrêté et aux abords de ces gares, pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière, l'identité de toute personne peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi. Lorsque ce contrôle a lieu à bord d'un train effectuant une liaison internationale, il peut être opéré sur la portion du trajet entre la frontière et le premier arrêt qui se situe au-delà des vingt kilomètres de la frontière. Toutefois, sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et présentant des caractéristiques particulières de desserte, le contrôle peut également être opéré entre cet arrêt et un arrêt situé dans la limite des cinquante kilomètres suivants. Ces lignes et ces arrêts sont désignés par arrêté ministériel. Lorsqu'il existe une section autoroutière démarrant dans la zone mentionnée à la première phrase du présent alinéa et que le premier péage autoroutier se situe au-delà de la ligne des 20 kilomètres, le contrôle peut en outre avoir lieu jusqu'à ce premier péage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés par cette disposition sont désignés par arrêté. Le fait que le contrôle d'identité révèle une infraction autre que celle de non-respect des obligations susvisées ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. Pour l'application du présent alinéa, le contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi ne peut être pratiqué que pour une durée n'excédant pas douze heures consécutives dans un même lieu et ne peut consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionnés au même alinéa.

Dans un rayon maximal de dix kilomètres autour des ports et aéroports constituant des points de passage frontaliers au sens de l'article 2 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières [Localité 10]), désignés par arrêté en raison de l'importance de leur fréquentation et de leur vulnérabilité, l'identité de toute personne peut être contrôlée, pour la recherche et la prévention des infractions liées à la criminalité transfrontalière, selon les modalités prévues au premier alinéa du présent article, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi. L'arrêté mentionné à la première phrase du présent alinéa fixe le rayon autour du point de passage frontalier dans la limite duquel les contrôles peuvent être effectués. Lorsqu'il existe une section autoroutière commençant dans la zone mentionnée à la même première phrase et que le premier péage autoroutier se situe au-delà des limites de cette zone, le contrôle peut en outre avoir lieu jusqu'à ce premier péage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés par cette disposition sont désignés par arrêté. Le fait que le contrôle d'identité révèle une infraction autre que celle de non-respect des obligations susmentionnées ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. Pour l'application du présent alinéa, le contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi ne peut être pratiqué que pour une durée n'excédant pas douze heures consécutives dans un même lieu et ne peut consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones mentionnées au présent alinéa.

Dans une zone comprise entre les frontières terrestres ou le littoral du département de la Guyane et une ligne tracée à vingt kilomètres en-deçà, et sur une ligne tracée à cinq kilomètres de part et d'autre, ainsi que sur la route nationale 2 sur le territoire de la commune de [Localité 9], l'identité de toute personne peut être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi.'

En l'espèce, il résulte du procès-verbal d'interpellation établi le 18 juin 2024 à 14h30 par le gardien de la paix [H], agissant conformément aux instructions du commandant de police [X], officier de police judiciaire, que [R] se disant Monsieur [W] [Y] a été contrôlé dans les circonstances suivantes:

'De passage en gare de [Localité 4] où nous mettons pieds à terre pour effectuer une surveillance discrète des lieux. Disons remarquer un individu vêtu d'un tee-shirt rouge, porteur d'une casquette noire et de lunettes de soleil avec un sac à dos qui évite le passage des contrôleurs et des agents de la sûreté ferroviaire qui patrouillent. Dès lors, Nous trouvant sur l'emprise de la gare de [Localité 4], gare ferroviaire ouverte au trafic international prévue par l'arrêté du 18 juillet 2023 établissant la liste des gares internationales. Agissant conformément à l'article 78-2 alinéa 9 du code de procédure pénale. Décidons de contrôler l'individu.'

Si l'agent de police judiciaire vise les dispositions de l'article 78-2 alinéa 9 du code de procédure pénale, le contrôle d'identité est en réalité effectué non pas en raison du lieu où se trouve l'appelant mais de son comportement. En effet, le fonctionnaire de police relève préalablement au contrôle que ce dernier évite le passage des contrôleurs et des agents de la sûreté ferroviaire, attitude laissant penser qu'il s'apprête à commettre un délit ou qu'il vient d'en commettre un. Dès lors, ce seul élément justifiait le contrôle d'identité sur le fondement de l'article 78-2 alinéas 2 et 3.

Le contrôle d'identité est donc régulier.

Le moyen sera rejeté.

4) Sur le moyen tiré du défaut d'habilitation de l'agent ayant consulté le FAED

En application de l'article L. 142-2 du CESEDA, en vue de l'identification d'un étranger qui n'a pas justifié des pièces ou documents mentionnés à l'article L. 812-1 ou qui n'a pas présenté à l'autorité administrative compétente les documents de voyage permettant l'exécution d'une décision de refus d'entrée en France, d'une interdiction administrative du territoire français, d'une décision d'expulsion, d'une mesure de reconduite à la frontière, d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, d'une interdiction de retour sur le territoire français ou d'une peine d'interdiction du territoire français ou qui, à défaut de ceux-ci, n'a pas communiqué les renseignements permettant cette exécution, les données des traitements automatisés des empreintes digitales mis en 'uvre par le ministère de l'intérieur peuvent être consultées par les agents expressément habilités des services de ce ministère dans les conditions prévues par le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Le traitement automatisé des empreintes digitales, mentionné à l'article L. 142-2 du CESEDA est régi par le décret n° 87-249 du 8 avril 1987 modifié relatif au fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de l'intérieur selon l'article R. 142-41 du CESEDA.

L'article 8 du décret en date du 8 avril 1987 relatif au FAED dispose que :

Les fonctionnaires et militaires individuellement désignés et habilités des services d'identité judiciaire de la police nationale, du service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale ainsi que des unités de recherches de la gendarmerie nationale peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et aux informations contenues dans le traitement :

1° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande de l'autorité judiciaire, des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, ou des agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en vertu des dispositions de l'article 28-1 du code de procédure pénale ;

2° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande de l'autorité judiciaire, des fonctionnaires de la police ou des militaires de la gendarmerie dans le cadre des recherches aux fins d'identification des personnes décédées prévues aux articles L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales et 87 du code civil et du décret n° 2012-125 du 30 janvier 2012 relatif à la procédure extrajudiciaire d'identification des personnes décédées ;

3° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions des articles L. 611-1-1 , L. 611-3 et L. 611-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

4° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions de l'article 78-3 du code de procédure pénale .

Le fichier FAED, fichier automatisé des empreintes digitales, a été créé par le décret no 87-249 du 8 avril 1987.Il est également utilisé pour vérifier l'identité des personnes retenues en application de l'article 78-3 du code de procédure pénale ou dans les conditions de l'article L. 142-2 du CESEDA. Plus précisément, il permet d'identifier les personnes par comparaison biométrique des traces et empreintes relevées sur les lieux de commission d'infractions et de s'assurer de la véritable identité des personnes mises en cause dans une procédure pénale ou condamnées à une peine privative de liberté. L'enregistrement de traces d'empreintes digitales ou palmaires donne lieu à l'établissement d'une fiche alphabétique qui comporte de très nombreux renseignements, dont en particulier l'identification de la personne, la nature de l'affaire et la référence de la procédure, l'origine de l'information et les clichés anthropométriques dans le cas d'empreintes. Toutes les informations peuvent être conservées pendant 25 ans. L'accès au FAED est prévu par le décret en date du 8 avril 1987.

Au regard de l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constituent, au sens de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la conservation dans un fichier automatisé des empreintes digitales d'un individu identifié ou identifiable et la consultation de ces données, l'habilitation des agents à les consulter est une garantie institutionnelle édictée pour la protection des libertés individuelles.

S'il ne résulte pas des pièces du dossier que l'agent ayant consulté les fichiers d'empreintes était expressément habilité à cet effet, la procédure se trouve entachée d'une nullité d'ordre public, sans que l'étranger qui l'invoque ait à démontrer l'existence d'une atteinte portée à ses droits ( CIV 1ère, 14 octobre 2020)

La CEDH juge par ailleurs'que la conservation, dans un fichier des autorités nationales, des empreintes digitales d'un individu identifié ou identifiable constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée' (M. K. c. France du 18 avril 2013, requête no 19522/09, point 29 ' S. et Marper c/ Royaume-Uni, § 86) et d'autre part, que la législation interne doit donc ménager des garanties appropriées pour empêcher toute utilisation de données à caractère personnel qui ne serait pas conforme aux garanties prévues dans l'article 8 CEDH (S. et Marper, précité, § 103, Gardel c/ France, requête no 16428/05, § 62 ; Bouchacourt c/ France, requête no 5335/06, § 61).

L'article 15-5 du code de procédure pénale rappelle que seuls les personnels spécialement et individuellement habilités peuvent procéder à la consultation de ces traitements informatiques, que la réalité de cette habilitation peut être contrôlée à tout moment par un magistrat à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée et que l'absence de mention de cette habilitation sur les différentes pièces de la procédure résultant de la consultation de ces traitements n'emporte pas, par elle-même, la nullité de la procédure.

Selon les dispositions de l'article L743-12 du CESEDA, 'En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats.'

En l'espèce, il résulte du rapport d'identification dactyloscopique en date du 19 juin 2024 que le FAED a été consulté par Mme [U] [D], sans précision de son éventuelle habilitation.

Si l'article 15-5 du code de procédure pénale crée une présomption d'habilitation, il permet aussi à la personne concernée par la consultation de demander au juge de vérifier la réalité de l'habilitation de l'agent y ayant procédé. Le conseil de l'appelant demande à la cour de vérifier l'habilitation.

Cependant, le préfet des Alpes-Maritimes n'ayant pas comparu à l'audience, aucun élément complémentaire n'a été communiqué à la juridiction au sujet de l'habilitation critiquée.

La preuve de l'habilitation de Mme [U] [D] n'est donc pas rapportée, ce qui vicie la procédure et fait nécessairement grief à [R] se disant Monsieur [W] [Y].

Il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance du premier juge et d'ordonner la mainlevée de la mesure de rétention du susnommé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Déclarons recevable l'appel formé par [R] se disant Monsieur [W] [Y],

Rejetons les moyens tirés du défaut de réponse du premier juge aux moyens soulevés devant lui et de l'irrégularité du contrôle d'identité,

Infirmons l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 22 Juin 2024,

statuant à nouveau,

Disons que la preuve de l'habilitation de l'agent ayant consulté le fichier automatisé des empreintes digitales n'est pas rapportée,

Disons que la procédure est irrégulière,

en conséquence,

Ordonnons la mainlevée de la mesure de rétention de [R] se disant Monsieur [W] [Y],

Rappelons à l'intéressé qu'il doit quitter immédiatement le territoire français par ses propres moyens,

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

[R] se disant Monsieur [W] [Y]

né le 20 Août 1992 à [Localité 11] (Tunisie)

de nationalité Tunisienne

assisté de , interprète en langue arabe.

Interprète

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 5]

Aix-en-Provence, le 25 Juin 2024

À

- Monsieur le préfet des Alpes-Maritimes

- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 6]

- Monsieur le procureur général

- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de NICE

- Maître Maeva LAURENS

NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE

J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 25 Juin 2024, suite à l'appel interjeté par :

[R] se disant Monsieur [W] [Y]

né le 20 Août 1992 à [Localité 11] (Tunisie) (99)

de nationalité Tunisienne

Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Rétention administrative
Numéro d'arrêt : 24/00900
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;24.00900 ?
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