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21/06/2024 | FRANCE | N°20/00736

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 21 juin 2024, 20/00736


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT AU FOND

DU 21 JUIN 2024



N°2024/114













Rôle N° RG 20/00736 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFOMD







[W] [V]





C/



SAS SEFEE ET ELECTRIQUES (SEFEE),

























Copie exécutoire délivrée

le : 21 Juin 2024

à :



Me Serge MIMRAN-VALENSI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE<

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(Vest 82)



Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vest 68)





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX EN PROVENCE en date du 03 Décembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F17/00770.



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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 21 JUIN 2024

N°2024/114

Rôle N° RG 20/00736 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFOMD

[W] [V]

C/

SAS SEFEE ET ELECTRIQUES (SEFEE),

Copie exécutoire délivrée

le : 21 Juin 2024

à :

Me Serge MIMRAN-VALENSI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vest 82)

Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vest 68)

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX EN PROVENCE en date du 03 Décembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F17/00770.

APPELANT

Monsieur [W] [V], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Serge MIMRAN-VALENSI de la SELARL MIMRAN-VALENSI - SION, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SAS SEFEE SOCIETE D'ETUDES ET DE FABRICATIONS ELECTRONIQUES ET ELECTRIQUES, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Floriane PETITJEAN de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de BESANCON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mars 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre, et Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante, chargées du rapport.

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2024, délibéré prorogé au 21 Juin 2024

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2024.

Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [W] [V] a été embauché par la société Amphenol Socapex selon contrat à durée indéterminée en date du 4 avril 2005 en qualité de Business Développement Manager Europe, cadre, position III, indice B, en contrepartie d'une rémunération annuelle brute de 72.500 €.

Le Groupe Amphenol, créé en 1932, est spécialisé dans la fabrication de connecteurs, câbles et systèmes d'interconnexions destinés aux marchés Aéronautique, Défense, Ferroviaire, Médical, Automobile, Télécommunication, Géophysique, Recherche Pétrolière et Energie.

La convention collective aux relations des parties est celle de la métallurgie.

Le 1er octobre 2008, Monsieur [V] a signé un contrat de travail à durée indéterminée avec la Société d'Etudes et de Fabrications Electroniques et Electriques (la société SEFEE, ci-après), filiale d'Amphénol Socapex, pour y occuper les fonctions de directeur technique et commercial, cadre, position III, indice C, en contrepartie d'une rémunération brute annuelle de 105 000 euros outre une prime annuelle de performance laissée à l'appréciation de la hiérarchie.

Par avenant en date du 25 mars 2016 à effet du 4 avril 2016 conclu avec le même employeur, Monsieur [V] a accepté d'occuper le poste de directeur marketing et management international en 'home office' pour les sociétés IONIX et SEFEE, filiales à 100% du groupe Amphénol.

Il a été convoqué à un entretien préalable le 7 mars 2017 dans le cadre d'une procédure de ré-organisation économique avec compression d' effectifs liée à la situation du secteur 'câblage aérostructure' du groupe Amphénol

Par lettre recommandée en date du 4 avril 2017, la société SEFEE a procédé à son licenciement pour motif économique et impossibilité de reclassement

Par requête en date du 16 octobre 2017, Monsieur [V] a saisi le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence aux fins de voir prononcer la nullité de son licenciement pour harcèlement moral et subsidiairement de voir dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse à défaut de justificatif de la réalité des difficultés économiques du secteur d'activité 'câblage et aérostructures'.

Il sollicitait sa réintégration et demandait en conséquence la condamnation de la société SEFEE à lui payer :

- 415.784,60 € pour violation des dispositions de l'article L 1152-1 du code du travail,

- 56.697,90 € pour violation des dispositions de l' article L 1 152-4 du code du travail (obligation de prévention du harcèlement moral)

- 56.697,90 € pour violation des dispositions des articles L 1152-3 et 1153-4 du code du travail,

- 5.000 € au titre de la violation de l'article L 1222-1 du code du travail,

- 86.340 € pour privation par l'employeur de sa rémunération complémentaire,

- 13.578 € à titre de rappel d'indemnité de licenciement.

le prononcé de l'exécution provisoire de la décision à intervenir et la condamnation de la société SEFEE à la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement en date du 3 décembre 2019 notifié le le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence a :

Dit qu'aucun fait de harcèlement n'est avéré ;

Dit que le licenciement de Monsieur [V] repose bien sur un motif économique et que l'employeur a satisfait à ses obligations de reclassement ;

Dit qu'il n'y a pas lieu de dire la nullité du licenciement de Monsieur [V] ;

Condamné Monsieur [V] à verser à la société SEFEE la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté Monsieur [V] du surplus de ses demandes ;

Condamné Monsieur [V] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 16 janvier 2020, M [V] a interjeté appel du jugement dans chacun des chefs de son dispositif.

Par conclusions N°2 déposées et notifiées par RPVA le 30 juin 2022, il demande à la cour de :

Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Prononcer la nullité du licenciement

Condamner la société SEFEE à lui payer les sommes suivantes :

- 415 784,60 euros pour violation des dispositions de l'article 1152-1 du code du travail ;

- 56 697,90 euros pour violation de l'article L 1152-4 du code du travail ;

- 56 697,90 euros pour violation des articles L 1152-3 et L 1153-4 du code du travail ;

- 5 000 euros au titre de la violation de l'article 1222-1 du code du travail ;

- 86 340 euros pour privation par l'employeur de sa rémunération complémentaire (stock option) ;

- 13 578 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

Condamner la société SEFEE à la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître Serge Mimran Valensi sur son affirmation de droit.

Par conclusions déposées et notifiées par RPVA le 25 juin 2000, la société intimée demande à la cour de

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 décembre 2019 par le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence,

Débouter Monsieur [V] de l'ensemble de ses demandes.

En conséquence,

Condamner Monsieur [V] à lui verser la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Le condamner aux entiers dépens.

L'ordonnante de clôture est en date du 20 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur l'existence d'une situation de harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction postérieure à la loi n° 20181088 du 8 août 2016, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.

Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Défini objectivement par l'article L. 1152-1 du code du travail, le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.

En l'espèce l'appelant fait essentiellement valoir que depuis le début 2015 il subi le harcèlement de M [G], son supérieur hiérarchique, pour avoir manifesté la volonté d'accorder moins de priorité aux demande du groupe Airbus Helicopters et réduire ainsi la dépendance de l'entreprise à son égard.

Il expose que le harcèlement qu'il dénonce s'est manifesté par les faits suivants :

' l'absence de préparation par son supérieur de son entretien professionnel de janvier 2015, manifestant ainsi un total désintérêt à son égard ainsi que le démontre l'absence d'entretiens postérieurs jusqu'à la date du licenciement.

' le fait qu'au cours d'une réunion en date du 10 avril 2015 la société a vidé la substance de ses fonctions à 95 % en l'écartant brutalement et sans préparation des relations commerciales France pour les confier à un autre salarié en la personne de [H] [E] et ce, sans expliciter sa décision malgré ses demandes ce qui a eu pour effet de l'isoler professionnellement ainsi que le démontre d'une part les modifications d'organigramme et d'autre part le fait qu'il n'a pas été destinataire d'un mail du 30 avril 2015 félicitant l'ensemble de l'équipe commerciale.

' sa mise à l'écart du CODIR tandis que M [E] y entrait

' la notification d'un avertissement bien qu'il ait dénoncé la situation subie dans une lettre de contestation de l'avertissement restée sans suite alors que la société a elle même admis ultérieurement qu'elle devait clarifier les liens hiérarchiques et fonctionnels.

' l'impact de la situation sur sa santé ce qui l'a conduit à accepter l'avenant à son contrat de travail le plaçant sous la direction de la société IONIX et lui permettant de travailler à domicile.

' le fait que toutefois la société a coupé son accès au serveur de l'entreprise et par voie de conséquence à ses dossiers clients et ne l'a rétabli que le 29 juin 2016 soit un mois après la fin des travaux allégués par l'employeur pour sa défense.

' le fait qu''elle l'a écarté de la réunion stratégique du 21 août 2016 après l'avoir sollicité pour la préparer, l'a écarté de la préparation du budget 2017 et a supprimé l'ensemble de ses déplacements professionnels

L'appelant produit aux débats :

' son évaluation de 2015, non renseignée par son supérieur hiérarchique, dans laquelle il pointe les difficultés d'organisation interne à l'entreprise,

'l'organigramme de la société Sefee en 2011 le positionnant en qualité de directeur technique et commercial comme supérieur hiérarchique de M [E] et l'organigramme d'avril 2015 les positionnant tous deux au même niveau hiérarchique sous la direction de M [G] ;L'organigramme du mois d'avril acte un retrait des fonctions de directeur commercial France confiées à M [E] tandis que M [V] devient directeur technique et marketing tout en conservant toutefois la fonction de Directeur commercial export et l'autorité hiérarchique sur le support clients, le bureau d'étude et le marketing produits,

' un mail de félicitations daté d'avril 2015 adressé par M [G] à divers personnels pour la remise d'une offre commerciale de Sefee en réponse à un appel d'offre sur lequel l'appelant ne figure ni comme destinataire direct ni en copie outre un graphique censé démontrer une moindre communication par mail à partir de la même période,

' un mail en date du 29 mai 2015 sollicitant son supérieur hiérarchique sur la définition du périmètre de ses fonctions suite à la nomination de M [E] en qualité de directeur commercial ( l'appelant souhaite savoir si il conserve la responsabilité de la politique commerciale ) et la réponse du supérieur ('à quoi tu joues''),

' un mail du 15 septembre 2015 sollicitant à nouveau une clarification des rôles de chacun,

' un mail du 16 novembre 2015 sollicitant une nouvelle clarification sur le rattachement hiérarchique d'un collaborateur s'estimant sous l'autorité directe de [H] [E] alors que l'organigramme mentionne un simple lien fonctionnel,

' un avertissement signé de M.[G] en date du 14 janvier 2016 faisant état de la fonction de Directeur Business developpement et d'une négligence dans l'exercice des responsabilités confiées ayant eu pour conséquence la dégradation des relations entre les diverses catégories de personnel et notamment avec le personnel du service commercial France ainsi que la lettre de contestation de la sanction faisant remarquer le caractère imprécis des griefs, la réduction des responsabilités et le défaut de clarté de l'organisation à compter d'avril 2015, l'existence de remontrances verbales et faisant état d'une situation de harcèlement impactant la santé de l'appelant,

' un compte-rendu de la réunion du 10 février 2016 admettant la nécessité de clarifier l'organisation commerciale et notamment les liens hiérarchiques et fonctionnels en relation avec l'organigramme d'avril 2015 suite à l'incompréhension de la réorganisation et l'absence de mise à jour des processus et un nouvel organigramme retirant à Monsieur [V] l'autorité hiérarchique sur le support clients, le bureau d'étude et le marketing produits confiée à Monsieur [H] [E], et dont il résulte que Monsieur [V] était effectivement détaché du reste des équipes pour être placé sous l'autorité hiérarchique directe du supérieur de M. [G] avec lequel il conservait un lien fonctionnel,

' une affectation en 'home office ' à compter de mars 2016 par avenant à son contrat

' un mail du 13 mai 2016 faisant état d'une impossibilité d'accéder au réseau commercial de l'entreprise le privant de l'accès aux projets commerciaux France et étranger, aux contrats et à ses propres documents de travail et un mail du M. [G] du 29 juin 2016 sollicitant l'accès aux divers réseaux pour M. [V],

' des réclamations portant sur une augmentation de salaire promise fin janvier 2016 mai non attribuée effectivement en octobre ainsi que le remboursement de frais engagés,

' divers arrêts médicaux en janvier et novembre 2016 pour des bouffées d'angoisse et épisode anxieux ayant nécessité une mise sous traitement et une exploration d'une douleur thoracique dont l'examen n'a pas permis d'établir la cause.

Ces éléments établissent la matérialité d'une réduction progressive des fonctions initialement confiées à l'appelant dont les demandes réitérées de clarification de ses missions ont été sanctionnées disciplinairement nonobstant le fait que leur bien-fondé ait été ultérieurement reconnu. Ils révèlent qu'en dépit d'une proposition d'affectation sur un poste à caractère international en home office, l'appelant s'est vu retirer l'accès aux données informatiques de l'entreprise et privé du paiement d'une augmentation accordée.

L'appelant justifie par ailleurs d'une dégradation concomitante de son état de santé.

En conséquence la cour considère que, pris dans leur ensemble, ces éléments font effectivement présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Il convient à ce stade de vérifier si l'employeur démontre que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce la société intimée fait valoir

' que l'entretien d'évaluation du 13 janvier 2015 a bien été mené sans que le salarié n'exprime de difficulté avec sa hiérarchie ; qu'on été abordés les thèmes de l'entretien d'évaluation et de l'entretien professionnel ; que Monsieur [V] demandait son évolution en dehors de SEFEE, ce qui s'est concrétisé quelques mois plus tard

' que la réorganisation de sa direction technique et commerciale présentée le 10 avril 2015 était justifiée par l'existence de tensions entre les différents cadres de l'équipe technique et commerciale s'apparentant à une « guerre d'égos », à laquelle l'appelant faisait référence dans le cadre d'un courriel du 24 novembre 2014 rapportant des difficultés relationnelles avec 3 des 5 cadres de l'équipe sous son autorité à savoir Monsieur [E] (Directeur Commercial France), Monsieur [K] (Responsable Support Client) et Monsieur [O] (Directeur Industriel) pour appeler à une profonde réorganisation à laquelle il a été associé contrairement à ce qu'il prétend.

' que suite à cette réorganisation, Monsieur [V] avait conservé la responsabilité du service Commercial Export, du bureau d'études ainsi que du support clients et missions de Développement du Marketing avaient été renforcées, comme il le sollicitait d'ailleurs lors de son entretien du 10 janvier 2015 ; qu'il en avait fait ultérieurement part à Airbus, de sorte qu'il ne peut affirmer avoir été privé de 95% de ses missions.

' que la réorganisation n'ayant pas eu pour effet de nommer l'appelant au poste de Directeur adjoint qu'il souhaitait, il s'inscrivait dès lors dans un comportement de défiance, souhaitant mettre en porte à faux Monsieur [G] vis-à-vis de son supérieur hiérarchique ainsi que le démontrent divers courriels produits aux débats, ce qui a conduit à l'avertissement de janvier 2016.

' que l'acceptation de l'avenant du 25 mars 2016 concrétise la réalisation d'un souhait verbalisé dès l'entretien de janvier 2015 lui permettant en outre de vivre à [Localité 1] et de conforter sa situation personnelle,

' qu'elle avait manifesté le plus grand intérêt pour la difficulté d'accès au réseau exprimée par Monsieur [V],

' que l'appelant a toujours été déclaré apte à son poste de sorte que ses difficultés de santé ne sont pas en relation causale avec sa situation professionnelle et le harcèlement qu'il dénonce,

' qu'à compter de 2015, le Directeur Général a pris la décision de se rendre uniquement avec Monsieur [S], Directeur Financier, aux revues opérationnelles, réunions budgétaires et réunions stratégiques.

L'intimée verse aux débats :

' Un courriel de l'appelant en date du 24 novembre 2014 établissant que, préalablement à l'évolution de l'organigramme portant réorganisation de la direction technique et commerciale de la société, à l'époque confiée à l'appelant dans sa globalité, M. [V] se plaignait de difficultés relationnelles avec 2 des 4 sous directeurs placés sous son autorité à savoir : Messieurs [E] et [B] ainsi qu'avec le directeur industriel M.[O] et que, dans ce contexte, il appelait de ses voeux sa désignation en qualité de Directeur Général le plaçant en position hiérarchique face à Monsieur [O] ou à tout le moins à une profonde réorganisation voire à la mise à profit de son expérience 'ailleurs dans le groupe si opportunité',

' Une attestation de Monsieur [E] faisant état de réunions entre Messieurs [G] et [V] préalablement à la réorganisation annoncée au cours du comité de direction d'avril 2015,

' Une attestation de Monsieur [S] indiquant que la nouvelle organisation présentée en présence de Messieurs [V] et [E] n'a fait l'objet d'aucune objection mais avait été source de tensions avec Monsieur [V] qui ne l'acceptait pas,

' Le procès-verbal de présentation de la nouvelle réorganisation au comité d'entreprise le 21 avril 2015 indiquant que l'organisation définie permettrait à Monsieur [V] de se concentrer sur le développement à l'international et le marketing produits,

' Un mail de Monsieur [V] en date du 26 août 2015 portant la réorganisation à la connaissance de Airbus qui, selon l'employeur, démontre une parfaite connaissance de la réorganisation menée et justifie la réponse 'à quoi tu joues'' au mail adressé le 29 mai 2015 à M [G],

' Un mail adressé le 30 juillet 2015 par Monsieur [V] à Monsieur [G] démontrant selon elle son mauvais état d'esprit en l'état de la réflexion suivante : 'mais pour qui se prennent nos commerciaux'',

' Des fiches médicales d'aptitudes en date des 12 février 2015 et 6 janvier 2017 dans lesquelles ne sont mentionnées aucune difficulté avec l'employeur,

'Une attestations de Monsieur [F] écartant toute responsabilité de Monsieur [G] dans la suppression des droits d'accès de Monsieur [V] aux répertoires informatiques de l'entreprise et l'ouverture d'un nouvel accès le 27 mai 2016.

Après examen de ces éléments, la cour retient tout d'abord que, faute d'avoir renseigné le compte rendu de l'entretien d'évaluation de l'appelant en mars 2015, l'employeur ne peut valablement tirer argument de perspectives de carrière sur lesquelles il ne s'est pas prononcé pour justifier a posteriori les décisions qu'il a prises à l'égard du salarié.

Si il est indéniable que Monsieur [V] se trouvait confronté fin 2014 à des difficultés de management le déterminant à solliciter une réorganisation, il n'est en revanche pas démontré qu'il entendait la voir limiter à la seule direction technique et commerciale puisqu'il faisait également état de difficultés avec le directeur industriel et souhaitait sa propre désignation en qualité de directeur général.

Dans ce contexte, la société intimée qui pouvait parfaitement refuser le poste sollicité au titre de son pouvoir de direction, ne verse aux débats aucune pièce venant démontrer la réalité de 'l'organisation de différentes réunions entre Monsieur [V] et Monsieur [E] au début 2015" alléguée en page 39 de ses écritures.

Au contraire l'attestation de Monsieur [E] se borne à évoquer des réunions entre Messieurs [G] et [V] sans précisions de dates tandis que l'attestation de Monsieur [S] fait uniquement état d'une annonce de l'employeur à l'origine de tensions ultérieures, peu compréhensibles dans l'hypothèse d'une décision préparée conjointement.

Force est de constater en l'espèce qu'alors même qu'elle préservait son autorité hiérarchique sur le service Commercial Export, le Bureau d'études et le Support clients, Monsieur [V] a formulé, par mails réitérés, des interrogations sur la portée réelle de la réorganisation annoncée

Ces interrogations, partagées par d'autres salariés (cf pièce 14 de l'appelant, le mail de Monsieur [K] sollicitant un clarification des rôles de chacun ), sont présentées par l'employeur comme autant de manifestations de défiance ou de manoeuvres de déstabilisations des équipes à l'origine de l'avertissement de janvier 2016 alors que le compte-rendu de la réunion du 10 février 2016 admet la nécessité de clarifier l'organisation commerciale et notamment les liens hiérarchiques et fonctionnels en relation avec l'organigramme diffusé en avril 2015, ce qui ôte de fait toute justification à la sanction prononcée.

Or l'organigramme diffusé postérieurement à cette réunion pour clarification consacre bien un retrait des fonctions quasi concomitant à l'acceptation par l'appelant du poste en home office rattaché directement à la société mère du groupe mais également à la suppression non justifiée de son accès aux données informatiques nécessaires à son activité professionnelle laquelle, pourtant signalée dès le 13 mai 2016, n'a été rétablie que le 29 juin 2016 ainsi que le démontre le mail de Monsieur [G] au service informatique de l'entreprise ( pièce 24 de l'appelant ) contrairement à l'attestation de M [F].

Au vu de l'ensemble de ces éléments et de la justification de manifestations anxieuses qu'aucun autre facteur ne vient expliquer, la cour retient l'existence du harcèlement moral dénoncé et infirme le jugement de ce chef.

II - Sur le licenciement et ses conséquences financières

Le licenciement d'un salarié victime de harcèlement moral est nul par application de l'article L 1152-3 du code du travail dès lors qu'il présente un lien avec des faits de harcèlement.

Néanmoins, le fait pour le salarié de subir une situation de harcèlement moral ne suffit pas en soi a établit qu'il a été licencié pour avoir subi ou refusé de continuer à subir de tels faits,

il appartient au salarié de rapporter la preuve d'un lien entre de causalité entre le harcèlement subi et le licenciement dont il a fait l'objet

En l'espèce le salarié soutient que la société a procédé à son licenciement pour motif économique, alors que cette décision allait à l'encontre des intérêts de l'entreprise, ce qui dissimulait ainsi un motif inhérent à sa personne dans une procédure de licenciement économique collectif.

Il conteste le sérieux du motif économique invoqué car

' ce licenciement n'a pas été mené conjointement par ses deux employeurs SEFEE et Ionix System,

' il n'existe aucun document relatant les éventuelles difficultés économiques de la société Ionix Systems, ni même du groupe Amphenol dans le secteur d'activité du câblage aérostructure,

' si les résultats financiers des trois entreprises SEFEE, Amphenol Provens et Amphenol Griffith Enterprise démontrent une baisse de l'activité globale, ils n'établissent pas l'existence d'une baisse du secteur d'activité du câblage aérostructures en l'état de l'absence totale d'information sur cette activité, ce qui avait été dénoncé par les représentants du personnel à l'occasion de leur consultation le 23 janvier 2017,

' le champ des ruptures de contrat de travail pour motif économique a été artificiellement limité à la société SEFEE dans un premier temps, puis au seul établissement de [Localité 3] dans un second, pour finalement aboutir à le cibler pour un motif inhérent à sa personne,

' en effet si le « redimensionnement de la capacité de production compte tenu du plan de charge prévisionnel entrainant la suppression d'emploi d'agents de fabrication » peut être une mesure justifiée, la réorganisation du département commercial/marketing entrainant la suppression du poste de Directeur Marketing et Développement International seul à même de développer le chiffre d'affaire à l'export est contraire à l'intérêt des entreprises et n'est pas causée, ce que démontre d'ailleurs la référence au motif fort peu explicite de "recentrage du champ opérationnel",

' la consultation des délégués du personnel a été incomplète à défaut d'information donnée sur sa catégorie d'emploi et la justification de la suppression de son poste tandis que les autres salariés du service n'ont pas été affectés,

' la proposition de reclassement a été effectuée sans consultation de la société Ionix ni consultation du groupe Amphénol ; elle vise un secteur d'activité inconnu pour une rémunération inférieure et n'a été accompagnée d'aucune proposition de formation, ce qui démontre son caractère déloyal et la méconnaissance de l'obligation de reclassement par l'employeur.

La société intimée fait valoir

' que la procédure de licenciement est régulière en l'absence de situation de co-emploi

' qu'en effet, en mars 2016, la société Ionix lui a confié une mission de diversification de l'activité à l'international attribuée à l'appelant sans aucun changement d'employeur ainsi que le démontre le fait que l'avenant est signé seulement par elle.

' que la consultation des délégués du personnel respecte les dispositions de l'article L 1233-8 du code du travail

' que la cause économique du licenciement est démontrée au regard des dispositions de l'article L 1233-3 du code du travail dès lors

- qu'en l'espèce la situation du secteur câblage aérostructure du groupe Amphenol, composé des sociétés SEFEE, Amphenol Provens et Amphenol Griphit Enterprises, a été impactée par la crise du secteur de l'aéronautique et tout particulièrement par la situation d'Airbus Helicopters son principal client (72% de son chiffre d'affaires et 93% de celui d'Amphenol) se traduisant par une diminution de son chiffre d'affaire et de son plan de charge en heures de travail,

- que la suppression du poste de Directeur marketing et développement international s'est inscrite dans le redimensionnement de l'activité de production et une réorganisation du département marketing compte tenu du nécessaire recentrage du champ opérationnel de ce département sur les grands donneurs d'ordres nationaux et les marchés pérennes, l'international n'ayant pas donné de résultat ;

- que les suppressions de postes ont concerné les salariés de plusieurs sociétés et non pas le seul appelant,

- qu'il est légitime que la catégorie professionnelle ne comportant qu'un seul poste, les critères d'ordre des licenciements n'aient pas eu vocation à s'appliquer.

' que l'obligation de reclassement a été respectée : Par courrier du 27 janvier 2017, elle avait interrogé Monsieur [V] sur son souhait de bénéficier d'un reclassement en France et à l'étranger et procédé des recherches de reclassement dans toutes les Sociétés du Groupe Amphenol présentes sur le territoire national :

- Amphenol Socapex,

- Amphenol Air LB,

- Auxel FTG,

- Amphenol Provens,

- Fauche.

Mais également auprès d'entreprises extérieures (Thales, E2V)

Qu'elle a proposé le seul poste disponible de chargé de communication numérique disponible a été identifié au sein de la Société Amphenol Air LB dont elle lui a communiqué la fiche de poste avec le courrier d'offre de reclassement.

***

Selon l'article L1233-3 du code du travail dans sa version en vigueur du 01 décembre 2016 au 24 septembre 2017 applicable en l'espèce :

Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l'une des causes énoncées au présent article.

En application de ce texte, il convient de rappeler que lorsque l'entreprise appartient à un groupe les difficultés économiques s'apprécient à la date du licenciement au regard du secteur d'activité du groupe auquel l'entreprise concernée appartient et qu' il n'y a pas lieu de limiter l'appréciation de la cause économique du licenciement aux entreprises établies sur le territoire national

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, si la réalité de l'indicateur économique relatif à la baisse du chiffre d'affaires ou des commandes au cours de la période de référence précédant le licenciement n'est pas établie, il appartient au juge, au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier, de rechercher si les difficultés économiques sont caractérisées par l'évolution significative d'au moins un des autres indicateurs économiques énumérés par ce texte, tel que des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Quand la nécessité d'une réorganisation de l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité est établie il n'appartient pas au juge de contrôler le choix effectué par l'employeur entre les solutions possibles.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 4 avril 2017 fait état de difficultés économiques affectant le secteur d'activité de câblage aérostructure pour l'aéronautique du groupe Amphénol en lien avec les difficultés rencontrée par la Société Airbus Helicopters, principal client de la société SEFEE représentant 72% de son chiffre d'affaire, entrainant une baisse de charge très importante et une forte dégradation du chiffre d'affaires du secteur depuis 2013 rendant indispensable une réorganisation de l'entreprise afin de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité câblage aérostructure.

Elle indique que la réorganisation passe par un redimensionnement de la capacité de production de la société SEFEE en conséquence du plan de charge prévisionnel et la réorganisation de son département marketing et développement international.

Il n'est pas contesté en l'espèce que le secteur d'activité câblage aéronautique du groupe est commun aux sociétés SEFEE, Amphenol Provens et Amphenol Griphit Enterprises.

L'appelant qui soutient que ces entreprises ont une autre activité que l'activité de câblage aérostructure, cela afin de contester les éléments produits par l'intimée pour établir les difficultés économiques à l'origine d'une perte de compétitivité justifiant le licenciement économique de plusieurs salariés, n'en fait pas la démonstration.

A l'inverse, La société intimée qui fait état d'une diminution constante du chiffre d'affaires du secteur d'activité du câblage aérostructures produit aux débats des éléments d'appréciation du chiffre d'affaires global des sociétés susvisées de 2013 à 2016, lesquels démontrent effectivement, s'agissant d'elle-même et de la société Amphenol Provens, une diminution du chiffre d'affaires global de ces sociétés sur la période considérée

Ainsi le chiffre d'affaires cumulé des deux sociétés du secteur évolue de 35 579 K euros en 2013 à 33 787 K euros en 2014 puis 34 180 K euros en 2015 et 30 365 euros en 2016.

La société SEFEE établit également la réalité de la diminution de ses résultats ainsi que de ceux de la société Amphenol Provens sur la même période, en effet le résultat cumulé des deux sociétés évolue de 2 628 K euros en 2013 à 2 990 K euros en 2014 puis 2 641 K euros en 2015 et 1479 K euros en 2016.

La cour constate néanmoins

- que la réalité de l'évolution du chiffre d'affaires de la société Amphenol Griphit Enterprises décrite dans les écritures de l'appelant n'est pas justifiée par les pièces versées aux débats (le chiffre d'affaires figurant aux écritures de l'intimée n'est pas justifié par sa pièce 47) ce qui ne permet pas une appréciation de la situation de l'ensemble du secteur d'activité.

- que l'évolution du chiffre d'affaires 2017 arrêté à la date de la rupture du contrat de travail, présentée sur la base d'une estimation lors de la communication du projet de réorganisation au comité d'entreprise, n'est justifiée par aucune des pièces produites,

- que l'intimée ne produit pas les documents susceptibles d'établir la dépendance de 72 % du chiffre d'affaires de l'ensemble du secteur câblage aérostructure au client Airbus Helicopters dont elle fait pourtant état alors que sa pièce 51 chiffre le montant des produits facturés par SEFEE à Airbus en 2016 à la somme de 14 805 K euros ce qui représente une part de 49 % du chiffre d'affaires de cette société, aucun élément n'étant produit concernant les sommes qui lui ont été facturées par Amphenol Provens et Amphenol Griphit Enterprises

- que l'intimée ne verse aux débats aucun élément permettant d'apprécier la réduction - dont elle fait état - du plan de charge de travail de la société SEFEE en heures d'activités alors que sa pièce 51 démontre au contraire que le total du chiffre d'affaires des produits qu'elle a vendus et facturées à Airbus en 2017 s'établit à 14 942 K euros contre 14 805 K euros en 2016 et 15 790 euros en 2018, ce qui exclut l'existence un effondrement de l'activité.

Dans ces conditions, la cour considère que la preuve d'une menace sur la compétitivité du secteur d'activité susceptible de justifier la réorganisation de l'entreprise n'est pas rapportée. Elle note par ailleurs que l'entreprise ne démontre pas, faute d'élément concernant le plan de charge, en quoi les suppressions de postes et notamment celui de l'appelant est susceptible de la rétablir.

En conséquence la cour infirme le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement litigieux repose bien sur un motif économique.

En revanche, la cour ne peut déduire de l'absence de justification d'une menace sur la compétitivité la preuve de ce que le licenciement de l'appelant est ipso facto l'ultime manifestation du harcèlement moral subi alors que les pièces produites aux débats démontrent que d'autres licenciements pour motif économique sont effectivement intervenus non seulement au sein de la société SEFEE mais également au sein de la société Amphenol Provens ce qui exclut la thèse selon laquelle l'appelant aurait été ' ciblé ' par la procédure de licenciement collectif.

Par ailleurs, la cour constate que le salarié ne produit aucun justificatif de la poursuite du harcèlement moral après le départ de M [G] en juillet 2016.

En conséquence le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté l'appelant de sa demande de nullité du licenciement.

S'agissant des conséquences financières, la cour observe qu'au dispositif de ses conclusions l'appelant n'a formulé aucune demande de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, il sollicite uniquement l'indemnisation des conséquence de la violation des dispositions de l'article L 1152-1 du code du travail.

En conséquence la cour ayant rejeté la demande de nullité du licenciement limite l'indemnisation de l'appelant aux préjudice lié au harcèlement moral subi qu'elle évalue à 40 000 euros compte tenu de l'ancienneté de l'appelant dans la société et de ses fonctions, étant précisé que l'appelant, qui n'a pas porté le harcèlement dont il était l'objet à la connaissance du supérieur hiérarchique de M [G] ni à celle des institutions représentatives du personnel, n'établit aucun préjudice distinct du préjudice moral lié au harcèlement à l'appui de ses demandes fondées sur les articles L 1152- 3, L 1152-4 et L 1121-1 du code du travail.

III Sur les autres demandes

A/ Sur le rappel d'indemnité de licenciement

L'appelant sollicite la condamnation de l'intimée à lui payer 13 578 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement sur le fondement des dispositions conventionnelles attribuant une majoration de 30% de l'indemnité aux cadres licenciés entre 55 et 60 ans.

Il fait valoir que l'employeur ne peut lui opposer l'âge pivot de 60 ans, fixé en référence à l'âge légal du départ à la retraite alors applicable, alors que l'esprit de cette disposition est de sanctionner le licenciement des salariés qui ne peuvent prétendre à une retraite à taux plein à la date du licenciement ce qui est son cas puisqu'il pouvait prétendre à une retraite à taux plein le 1 avril 2021.

L'intimée fait valoir que l'article 29 de la convention collective limite la majoration à l'âge de 60 ans et prévoit une minoration au delà de 60 ans de sorte que l'appelant a été rempli de ses droits

L'article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadre de la métallurgie dispose :

'Il est alloué à l'ingénieur ou cadre, licencié sans avoir commis une faute grave, une indemnité de licenciement distincte du préavis.

Le taux de cette indemnité de licenciement est fixé comme suit, en fonction de la durée de l'ancienneté de l'intéressé dans l'entreprise :

'pour la tranche de 1 à 7 ans d'ancienneté : 1/5 de mois par année d'ancienneté ;

'pour la tranche au-delà de 7 ans : 3/5 de mois par année d'ancienneté.

Pour le calcul de l'indemnité de licenciement, l'ancienneté et, le cas échéant, les conditions d'âge de l'ingénieur ou cadre sont appréciées à la date de fin du préavis, exécuté ou non. Toutefois, la première année d'ancienneté, qui ouvre le droit à l'indemnité de licenciement, est appréciée à la date d'envoi de la lettre de notification du licenciement.

En ce qui concerne l'ingénieur ou cadre âgé d'au moins 50 ans et de moins de 55 ans et ayant

cinq ans d'ancienneté dans l'entreprise, le montant de l'indemnité de licenciement sera majoré de 20 % sans que le montant total de l'indemnité puisse être inférieur à 3 mois.

En ce qui concerne l'ingénieur ou cadre âgé d'au moins 55 ans et de moins de 60 ans et ayant

deux ans d'ancienneté dans l'entreprise, l'indemnité de licenciement ne pourra être inférieure à 2 mois.

S'il a cinq ans d'ancienneté dans l'entreprise, le montant de l'indemnité de licenciement résultant du barème prévu au deuxième alinéa sera majoré de 30% sans que le montant total de l'indemnité puisse être inférieur à 6 mois.

L'indemnité de licenciement résultant des alinéas précédents ne peut pas dépasser la valeur de

18 mois de traitement.

En ce qui concerne l'ingénieur ou cadre âgé d'au moins 60 ans, le montant de l'indemnité de licenciement résultant des dispositions ci-dessus, et limité à 18 mois conformément à l'alinéa précédent,

sera minoré de :

' 5 %, si l'intéressé est âgé de 61 ans ;

'10 %, si l'intéressé est âgé de 62 ans ;

'20 %, si l'intéressé est âgé de 63 ans ;

'40 %, si l'intéressé est âgé de 64 ans.

La minoration ne pourra aboutir à porter l'indemnité conventionnelle de licenciement à un montant inférieur à celui de l'indemnité légale de licenciement calculée conformément aux articles L.1234-9, L. 1234-11, R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du Travail.

La minoration deviendra inapplicable s'il est démontré que, le jour de la cessation du contrat de travail, soit l'intéressé n'a pas la durée d'assurance requise au sens de l'article L. 351-1 du code de la Sécurité sociale pour bénéficier d'une retraite à taux plein, soit l'intéressé ne peut pas prétendre faire liquider sans abattement une des retraites complémentaires auxquelles l'employeur cotise avec lui.

Par dérogation à l'article 10, la durée des contrats de travail antérieurs avec la même entreprise n'est pas prise en compte pour la détermination de l'ancienneté servant au calcul de l'indemnité de licenciement. Toutefois, sont prises en compte, le cas échéant, pour le calcul de cette ancienneté :

'en application de l'article L. 1243-11, alinéa 2, du code du Travail, la durée du contrat de travail à durée déterminée avec la même entreprise, lorsque la relation de travail s'est poursuivie après l'échéance du terme de ce contrat ;

'en application de l'article L. 1244-2, alinéa 3, du code du Travail, la durée des contrats de travail à durée déterminée à caractère saisonnier successifs avec la même entreprise, lorsque la relation de travail s'est poursuivie après l'échéance du terme du dernier de ces contrats ;

'en application de l'article L. 1251-38, alinéa 1, du code du Travail, la durée des missions de

travail temporaire effectuées par le salarié, dans l'entreprise utilisatrice, au cours des trois mois précédant son embauche par cette entreprise utilisatrice ;

'en application de l'article L. 1251-39, alinéa 2, du code du Travail, la durée de la mission de

travail temporaire effectuée dans l'entreprise utilisatrice, lorsque celle-ci a continué à faire travailler le salarié temporaire sans avoir conclu un contrat de travail ou sans nouveau contrat de mise à disposition.

L'indemnité de licenciement est calculée sur la moyenne mensuelle des appointements ainsi que des avantages et gratifications contractuels, dont l'ingénieur ou cadre a bénéficié au cours de ses 12 derniers mois précédant la notification du licenciement. Toutefois, si, à la date de fin du préavis, exécuté ou non, l'ancienneté de l'ingénieur ou cadre est inférieure à huit années, l'indemnité de licenciement pourra être calculée sur la moyenne des trois derniers mois si cette formule est plus avantageuse pour l'intéressé ; dans ce cas, toute prime ou gratification à périodicité supérieure au mois, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.

En cas de suspension du contrat de travail, pour quelque cause que ce soit, au cours des douze ou trois mois, il est retenu, au titre de chacune de ces périodes de suspension, la valeur de la rémunération que l'ingénieur ou cadre aurait gagnée s'il avait travaillé durant la période de suspension considérée, à l'exclusion de toutes les sommes destinées à se substituer aux salaires perdus ' telles que les indemnités de maladie ' éventuellement perçues par l'intéressé au titre de la période de suspension.

L'indemnité de licenciement est payable, en principe, lors du départ de l'entreprise ; toutefois,

lorsque son montant est supérieur à celui de l'indemnité légale de licenciement calculée conformément aux articles L. 1234-9, L. 1234-11, R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du Travail et excède 3 mois, la partie qui excède le montant de l'indemnité légale de licenciement peut être versée en plusieurs fois dans un délai maximum de 3 mois à dater du départ de l'entreprise.

Les dispositions du présent article 29 ont un caractère impératif au sens des articles L. 2252-1,

alinéa 1er, et L. 2253-3, alinéa 2, du code du travail'

Ces dispositions claires qui envisagent expressément le cas du licenciement du salarié âgé de plus de 60 ans ne totalisant pas une durée d'assurance lui permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein pour fixer le montant de l'indemnité de licenciement en excluant la majoration ont été reconduites dans la convention collective modifiée postérieurement à la date du licenciement ce qui exclut l'argumentation de l'appelant.

Dès lors c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes à débouté M [V] de sa demande de rappel sur indemnité de licenciement correspondant précisément au montant de la majoration.

B/Sur la demande en paiement des stock options

L'appelant sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer 86 340 euros pour privation par l'employeur de sa rémunération complémentaire (stock option) ; il fait valoir que la nullité du licenciement lui permet de percevoir ces sommes que l'employeur réserve au salarié titulaire d'un contrat de travail et souligne que la demande figurait expressément dans le dispositif de ses conclusions de première instance par lequel il sollicitait la réserve de ses droits sur ce point.

L'intimée soulève l'irrecevabilité de la demande nouvelle en appel et fait valoir au fond que le plan d'options applicable à l'entreprise prévoit en ses articles 3.1 et 3.2 qu'aucune option ne peut plus être acquise après la date de cession de l'emploi du titulaire de l'option de sorte que l'appelant a perdu ses droits sur 10400 options non acquises à la date de la rupture de son contrat.

La cour rappelle que la demande de voir réserver des droits ne s'analyse pas en une prétention en ce qu'elle ne tend à aucun résultat concret, en conséquence la demande au titre des stock options est bien nouvelle en appel et doit être déclarée irrecevable en applicable de l'article 564 du code de procédure civile.

La société intimée qui succombe sur la demande au titre du harcèlement moral est condamnée à payer à l'appelant la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle est déboutée de sa propre demande à ce titre et condamnée aux dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare irrecevable la demande au titre du rappel de rémunération complémentaire liée au stock options ;

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M [V] de sa demande de nullité du licenciement, de sa demande au titre du rappel sur indemnité de licenciement, et de ses demandes au titre de la violation des articles L 1152-4, 1152-3, 1153-4 et 1222-1 du code du travail ;

Statuant à nouveau

Condamne la SAS SEFEE (Société d'Etudes et de Fabrications Electroniques et Electriques) à payer à M [V] :

- 40 000 euros de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral suite au harcèlement moral subi

Et y ajoutant

Condamne la SAS SEFEE (Société d'Etudes et de Fabrications Electroniques et Electriques) à payer à M [V] 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SAS SEFEE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS SEFEE aux dépens de premier instance et d'appel distraits au profit de Maître MIMRAN VALENSI avocat.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 20/00736
Date de la décision : 21/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-21;20.00736 ?
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