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21/06/2024 | FRANCE | N°20/00702

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 21 juin 2024, 20/00702


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT AU FOND

DU 21 JUIN 2024



N°2024/













Rôle N° RG 20/00702 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFOJP







[F] [I]





C/



EURL [M]



























Copie exécutoire délivrée

le : 21 Juin 2024

à :



Me Laurent CANTARINI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vest 90)
>

Me Stéphanie BAGNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vest 87)





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Martigues en date du 31 Décembre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00209.







APPELANT



Monsieur [F] [I], demeuran...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 21 JUIN 2024

N°2024/

Rôle N° RG 20/00702 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFOJP

[F] [I]

C/

EURL [M]

Copie exécutoire délivrée

le : 21 Juin 2024

à :

Me Laurent CANTARINI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vest 90)

Me Stéphanie BAGNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vest 87)

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Martigues en date du 31 Décembre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00209.

APPELANT

Monsieur [F] [I], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Laurent CANTARINI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

EURL [M] Prise en la personne de son liquidateur amiable, Monsieur [D] [M], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Stéphanie BAGNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mars 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre, et Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante, chargées du rapport.

Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante, a fait un rapport oral à l'audience avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2024, délibéré prorogé au 21 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2024.

Signé par Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante et Mme Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [F] [I] a été engagé en qualité de mécanicien par l'Eurl [M] dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet à effet du 5 octobre 2000.

Il a été victime d'un accident consécutif à un malaise cardiaque, qui a justifié un arrêt de travail du 8 février 2010 au 18 mai 2012.

A l'issue de deux visites de reprise dont la seconde réalisée le 11 juin 2012, il a été déclaré apte à la reprise de son emploi 'à temps partiel thérapeutique'.

Par une lettre remise en mains propres contre décharge le 21 novembre 2018, la société [M] l'a convoqué à un entretien préalable à éventuel licenciement économique auquel le salarié s'est rendu assisté d'un conseiller du salarié, représentant syndical, et qui s'est tenu le 29 novembre 2018.

Le salarié a accepté le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) qui lui avait été remis à cette occasion et ce, par le biais d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 18 décembre 2018, reçue le 19 par l'employeur.

Par une lettre datée du 20 décembre 2018, ce dernier a alors notifié au salarié qu'il suspendait le licenciement en cours et qu'il considérait la CSP nulle et non avenue.

M. [I] a objecté dans une lettre datée du 22 décembre suivant que le contrat était effectivement rompu depuis le 18 décembre suite à son acceptation du CSP qui lui avait été remis lors de l'entretien préalable.

Par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception portant la date du 10 décembre 2018, mais postée le 27 et reçue le 29 par le salarié la société [M] a fait connaître à M. [I] les motifs du licenciement économique en ces termes :

'Ma décision de vous licencier repose sur la suppression de votre poste de mécanicien compte tenu de la baisse considérable de notre activité.

Le chiffre d'affaire accuse une diminution de plus de 50% depuis le mois d'octobre 2018. En effet, le chiffre d'affaires de main d'oeuvre de l'atelier était de 7.197 € HT en octobre 2018, il était de 2.686 € HT en novembre 2018 et le début du mois de décembre 2018 est catastrophique.

Je n'ai aucune perspective d'évolution favorable de notre activité '.

La société [M] a décidé de sa dissolution anticipée le 28 février 2019. Les opérations de liquidation amiable ont été clôturées le 30 avril 2019.

Entre temps, soit le 11 mars 2019, M. [I] a saisi le conseil des prud'hommes de Martigues pour contester le caractère réel et sérieux de son licenciement en invoquant le fait qu'il n'avait pas été informé du motif économique avant son acceptation du CSP et en faisant également état d'une reprise de l'activité de l'entreprise sous un autre numéro SIREN et sans inscription de l'employeur au Il se prévalait par ailleurs d'une méconnaissance de la priorité de réembauchage et, subsidiairement, du non respect de la procédure de licenciement.

Vu le jugement du 31 décembre 2019 qui débouté M. [I] de toutes ses demandes, rejeté la demande de la société [M] au titre de ses frais irrépétibles et condamné le salarié aux dépens,

Vu la déclaration d'appel de M. [I] en date du 16 janvier 2020,

Vu ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 12 février 2024, par lesquelles il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, en substance, de :

- dire que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

- condamner la société [M] à lui payer les sommes suivantes :

- 32.710,98 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2.255,93 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la priorité de réembauche,

- 4.511,86 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 451,10 € au titre des congés payés afférents,

- 3.194,01 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- à titre subsidiaire, condamner la société [M] à lui payer la somme de 2.255,93 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,

- en tout état de cause, condamner la société intimée à lui délivrer l'attestation destinée au Pôle Emploi, les bulletins de salaire et le solde de tout compte rectifiés sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification 'du jugement à intervenir',

- condamner la société [M] représentée par son liquidateur amiable à lui payer une indemnité de 3.600 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Vu les uniques conclusions transmises par voie électronique pour le compte de la société [M], aux fins de voir :

- à titre principal, confirmer le jugement entrepris et débouter le salarié de ses demandes,

- à titre subsidiaire, débouter M. [I] de toute demande supérieure à 4.528,80 € s'agissant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et rejeter ses autres demandes du fait qu'il a déjà perçu l'indemnité légale de licenciement, l'indemnité de préavis et les congés payés afférents,

- condamner le salarié au paiement d'une indemnité de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 20 février 2024,

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites susvisées.

A l'issue de l'audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue le 24 mai 2024 par mise à disposition au greffe. Elles ont été informées par le greffe du prorogé de ce délibéré au 21 juin 2024.

SUR CE :

Sur le licenciement :

Pour débouter M. [I] de toutes ses prétentions, le conseil des prud'hommes de Martigues a considéré que son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle constituait une rupture conventionnelle lui interdisant de remettre en cause le bien fondé de la mesure et des motifs économiques qu'il n'avait pas contesté dans son courrier d'acceptation.

Au soutien de son appel, M. [I] fait tout d'abord valoir que l'adhésion à un tel contrat, qui constitue une modalité du licenciement pour motif économique, ne le privait du droit d'obtenir l'indemnisation du préjudice que lui a causé l'irrégularité de la procédure de licenciement et qu'en l'espèce, la procédure de licenciement n'avait pas été respectée dès lors que l'employeur avait prononcé le licenciement au cours de l'entretien préalable tandis que l'employeur s'était abstenu d'indiquer le ou les motifs du licenciement envisagé.

Il conteste ensuite le bien-fondé de la mesure, ce que l'adhésion au CSP ne lui interdisait pas davantage de faire, et il fait valoir d'une part que le motif économique ne lui avait pas été notifié avant l'acception de ce CSP, pas plus d'ailleurs que la mention du bénéfice de la priorité de réembauchage et, d'autre part, que :

- le départ en retraite de Mme [M] et de M. [N] évoqué lors de l'entretien préalable ne justifiait pas son licenciement dès lors que l'activité de la société [M] avait été reprise par 'la société de fait [N] [E] et [M]' mentionnée dans le courrier en date du 20 décembre 2018,

- la suppression de son poste de mécanicien lié à la baisse considérable d'activité mentionnée dans la lettre de licenciement n'était pas suffisante pour justifier son licenciement économique du fait de la période de référence, bien trop courte pour justifier la décision,

- l'employeur ne justifiait pas d'une démarche de reclassement,

- il n'avait pas été informé du bénéfice de la priorité de réembauchage.

S'agissant de l'irrégularité de la procédure, le liquidateur amiable de la société [M] objecte en substance que le compte rendu de l'entretien préalable est dépourvu de force probante faute de comporter la signature des deux parties, que le salarié avait bien été informé des motifs d'ordre économique qui amenait l'entreprise à le licencier et qu'il avait régulièrement été licencié par une lettre reprenant les motifs invoqués lors de cet entretien. Il ajoute que le salarié ne peut prétendre à aucune indemnité s'il soutient par ailleurs que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur le fond, il oppose l'impossibilité de procéder à une recherche de reclassement dans une entreprise n'ayant qu'un seul salarié et s'apprêtant à fermer, que la société de fait composée de M. [N] et M. [M], tous deux retraités, se limitait à la vente de quelques voitures et à de la petite carrosserie et mécanique, que M. [I] avait bien été informé de sa priorité de réembauchage dans le courrier du 10 décembre 2018, soit avant son acceptation du CSP et qu'il ne démontrait pas l'embauche d'un autre mécanicien. De surcroît il ne justifiait pas d'un préjudice distinct de celui résultant du licenciement lui-même.

Il demande la confirmation du jugement sur le fond, et subsidiairement il oppose le barème et la limitation du montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à une somme comprise entre 3 et 14,5 mois de salaire, l'absence de preuve de préjudice en l'état de l'acceptation du CSP.

Le représentant de l'employeur oppose par ailleurs que le salarié a d'ores et déjà reçu une indemnité légale de licenciement dans le cadre de ce contrat, qu'il n'a jamais contesté le montant de l'indemnité perçue, et qu'il n'est pas en droit de solliciter une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents dans le cadre du CSP qu'il a accepté.

La cour rappelle pour sa part que l'adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle constitue en effet une modalité du licenciement pour motif économique et ne prive donc pas le salarié de la possibilité de contester la régularité et le bien fondé de ce licenciement.

Par ailleurs, une décision de licenciement prise à l'issue de l'entretien préalable, avant l'envoi de la lettre de licenciement motivée, constitue effectivement une irrégularité de procédure (Soc., 11 juillet 2007, pourvoi n° 06-40.225).

Enfin, le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse lorsque l'employeur n'a pas remis ou adressé personnellement au salarié un document écrit énonçant le motif économique de la rupture avant l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par ce dernier (Soc., 18 janvier 2023, pourvoi n° 21-19.349).

En l'occurrence, c'est donc à tort que le conseil des prud'hommes a refusé de statuer sur la régularité et le bien fondé du licenciement de M. [I].

En effet, il résulte suffisamment du compte rendu de l'entretien préalable - qui est bien signé par M. [V] [C], conseiller du salarié, lequel a fourni la copie de sa pièce d'identité - que cet entretien s'est tenu en présence de Madame [Z] [M], Monsieur [D] [M] et Monsieur [E] [N], gérants, ainsi que de M. [I] et du conseiller du salarié, et qu'à cette occasion, 'Mme [M] a(vait) signifié à M. [I] son licenciement économique au 31 décembre 2018 pour motif : licenciement économique et départ en retraite (d'elle-même) et de M. [N]', avant la remise d'un contrat de sécurisation professionnelle contre décharge. Ensuite de quoi, 'l'entretien était terminé'.

Nonobstant la notification ultérieure d'une lettre exposant les motifs économiques du licenciement, cette manière de procéder était irrégulière, sans compter le fait que le nombre de personnes représentant l'employeur n'était pas propice à l'instauration d'un échange avec le salarié.

Par ailleurs et alors que M. [I] avait accepté le CSP et notifié son adhésion par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception daté du 18 décembre 2018 et distribuée le 19, l'employeur a commencé par écrire, le 20, qu'il suspendait le licenciement - ce qu'il ne pouvait légalement faire - avant d'énoncer pour la première fois dans une lettre signée par M. [D] [M] en qualité de gérant, certes datée du 10 décembre mais postée seulement le 27 suivant, les motifs du licenciement dans les termes déjà rappelés.

Outre le fait que cette notification était tardive puisque postérieure à l'adhésion du salarié au CSP, comme le fait à juste titre valoir M. [I], son contenu n'était pas propre à justifier un licenciement pour motif économique au regard des critères stipulés par l'article L.1233-3 du code du travail : notamment la baisse du chiffre d'affaires invoquée concernait les mois d'octobre et novembre 2018 et elle indiquait seulement que le mois de décembre était 'catastrophique', sans autre précision, tandis qu'il est établi par ailleurs que l'activité de garage s'est poursuivie par le biais d'une société créée de fait et non enregistrée au RCS.

Aussi bien, et sans qu'il soit besoin de s'interroger sur le respect de l'obligation de reclassement par la société [M], la cour constate que le licenciement de M. [I] était dépourvu des cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières :

En l'état d'un tel licenciement, le salarié ne peut réclamer le paiement d'une indemnité spécifique pour l'irrégularité de la procédure ayant consisté à lui faire part de la décision de le licencier lors de l'entretien préalable, dès lors que cette indemnité ne se cumule pas avec l'indemnité destinée à réparer le préjudice résultant de la perte de l'emploi auquel il a droit sur la base des dispositions de l'article L.1235-3 dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable aux licenciements prononcés, comme c'est le cas en l'espèce, après le 23 septembre 2017. Le salarié a d'ailleurs fait figurer cette prétention dans un subsidiaire au niveau du dispositif de ses conclusions écrites.

M. [I] n'est pas davantage fondé à demander le paiement d'une indemnité pour non respect de la priorité de réembauchage, en lien avec le fait que la société [M] ne lui en a pas fait part avant qu'il n'adhère au CSP. En effet, l'article L.1235-14 du code du travail prévoit que les dispositions relatives à la sanction du non respect de cette priorité prévues à l'article L.1235-13 ne sont pas applicables au licenciement opéré par un employeur employant habituellement moins de onze salariés, ce qui est le cas en l'espèce où le salarié appelant était le seul mécanicien employé du garage. L'article L.1235-14 précise in fine que le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi, dont il ne justifie pas dès lors qu'il n'établit pas la réalité de la poursuite d'activité de l'entreprise dans un cadre rendant nécessaire la création d'un nouveau poste de mécanicien.

En l'absence de réintégration, M. [I] peut en revanche prétendre à une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau - le 'barème Macron' - à savoir, pour une ancienneté de plus de 18 années au sein de l'entreprise : 3 mois de salaire au minimum et 14,5 mois au maximum comme le souligne l'employeur, dont le montant dépend du préjudice subi du fait de la rupture et de ses circonstances.

Ainsi, au vu des conditions de la rupture, du montant de la rémunération versée (2.255,93 € correspondant à la moyenne des salaires avant l'arrêt de travail et la reprise à temps partiel, cette base n'étant pas contestée par l'employeur pour le calcul de cette indemnité), de l'âge du salarié (51 ans), de son ancienneté dans l'entreprise (18 ans et 5 mois, durée non contestée par l'employeur qui s'y réfère, pour le calcul de l'indemnité en cause), de la capacité de M. [I] à retrouver un emploi eu égard à sa formation ainsi que de son expérience professionnelle et - d'une manière générale - des conséquences effectives du licenciement à son égard tel que cela résulte des pièces communiquées et des explications fournies à la cour, démontrant qu'il a retrouvé un emploi dans un temps relativement court, la société [M] sera condamnée à lui verser la somme de 16.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Du reste, la Cour de cassation vient de juger qu'il résulte de la combinaison de l'article L.1132-1 du code du travail, interdisant toute mesure discriminatoire directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, en raison notamment de son état de santé, ainsi que des articles L.1234-5, L.1235-3, L.1234-9 et R.1234-4 du code du travail, que :

'lorsque le salarié en raison de son état de santé travaille selon un temps partiel thérapeutique lorsqu'il est licencié, le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est le salaire perçu par le salarié antérieurement au temps partiel thérapeutique et à l'arrêt de travail pour maladie l'ayant, le cas échéant, précédé et que l'assiette de calcul de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celle des douze ou des trois derniers mois précédant le temps partiel thérapeutique et l'arrêt de travail pour maladie l'ayant, le cas échéant, précédé' (Soc., 12 juin 2024, pourvoi n° 23-13.975, commenté notamment au Dalloz Actualité, édition du 19 juin 2024).

Au vu de cet arrêt dont il résulte qu'il importe peu qu'un avenant ait été signé avec le salarié au moment de sa reprise d'activité en temps partiel thérapeutique, M. [I] est bien fondé à réclamer le paiement d'une somme de 3.194,01 € au titre de l'indemnité légale de licenciement, qui correspond à la différence entre :

- d'une part, l'indemnité à laquelle il peut prétendre sur la base de la moyenne de salaire des trois derniers mois précédant son temps partiel thérapeutique et l'arrêt de travail pour maladie qui l'avait précédé (11.655,63 €) compte tenu à la fois d'une ancienneté de 18 ans et 5 mois et d'une moyenne de salaires (2.255,93 €) calculée sur la base des salaires perçus lorsqu'il travaillait à temps complet avant son arrêt de travail

- et, d'autre part, celle qui lui a effectivement été versée au moment de son licenciement (8.561,62 €).

En effet, le calcul effectué par l'employeur et produit par le salarié (sa pièce 20) n'est pas conforme à cette jurisprudence, puisque l'indemnité allouée au salarié a été calculée sur la base des salaires versés au cours des douze derniers mois précédents son licenciement, à savoir 1.509,60 €, et d'une ancienneté de 16 ans et 7 mois après déduction des arrêts maladie du 6 février 2010 au 18 mai 2012.

M. [I] est également fondé à réclamer le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire nonobstant son adhésion au CSP proposé par la société [M], dès lors que le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse.

Et cette indemnité doit être calculée en prenant en considération le salaire perçu par le salarié antérieurement au temps partiel thérapeutique et à l'arrêt de travail pour maladie l'ayant, le cas échéant, précédé. La demande d'octroi d'une somme de 4.511,86 € (2.255,93 € x 2) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, est donc parfaitement justifiée, et elle sera majorée pare la somme de 451,10 € au titre des congés payés afférents.

Sur les autres demandes :

Il convient d'accueillir la demande de remise des documents sociaux, sans que l'astreinte soit nécessaire.

Et condamner la société [M], qui est partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, à supporter les dépens de première instance et d'appel.

Dans ce contexte, il serait inéquitable que M. [I] supporte l'intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que la société [M] qui succombe doit en être déboutée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe :

- Infirme le jugement rendu le 31 décembre 2019 par le conseil des prud'hommes de Martigues en ce qu'il a rejeté les prétentions de M. [F] [I] au titre d'un licenciement économique sans cause réelle et sérieuse, ainsi que ses demandes d'indemnité à ce titre, de l'indemnité légale de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents à cette dernière et la demande de remise de documents sociaux, et en ces dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;

- Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

- Condamne la société [M] à payer à M. [F] [I] les sommes suivantes :

- 16.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, somme nette de tous prélèvements sociaux et fiscaux,

- 3.194,01 € à titre de complément de l'indemnité légale de licenciement

- 4.511,86 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, en brut,

- 451,10 € au titre des congés payés afférents, en brut,

- Dit que la société [M] devra transmettre à M. [F] [I] dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision un certificat de travail et une attestation destinée au Pôle emploi (devenu France Travail) conformes ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif ;

- Condamne la société [M] à payer à M. [F] [I] la somme de 3.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Déboute la société [M] de ses prétentions sur ce même fondement ;

- Condamne cette dernière aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 20/00702
Date de la décision : 21/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-21;20.00702 ?
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