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21/06/2024 | FRANCE | N°20/00580

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 21 juin 2024, 20/00580


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT AU FOND

DU 21 JUIN 2024



N° 2024/113













Rôle N° RG 20/00580 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFN2O







Société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE





C/



[F] [X]















Copie exécutoire délivrée

le : 21 juin 2024

à :



Me Layla TEBIEL de la SCP CABINET BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Ves

t 385)



Me Guylène GAUTHIER, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIGNE LES BAINS en date du 20 Décembre 2019 enregistré(e) au répertoire gé...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 21 JUIN 2024

N° 2024/113

Rôle N° RG 20/00580 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFN2O

Société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE

C/

[F] [X]

Copie exécutoire délivrée

le : 21 juin 2024

à :

Me Layla TEBIEL de la SCP CABINET BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vest 385)

Me Guylène GAUTHIER, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIGNE LES BAINS en date du 20 Décembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00091.

APPELANTE

Société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE Dont le siège social est sis [Adresse 2] à [Localité 4], prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Layla TEBIEL de la SCP CABINET BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [F] [X], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Guylène GAUTHIER, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2024, délibéré prorogé au 21 juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2024

Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [X] a été engagé par contrat à durée indéterminée par la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE le 3 Octobre 2011 en qualité de chauffeur PL N II coefficient 150 en contrepartie d'un salaire brut de 1789,58 euros.

La convention collective applicable est celle des ouvriers des travaux publics.

Par avenant en date du 4 Mai 2012 Monsieur [X] s'est vu confier le poste de conducteur d'engin polyvalent coefficient 155 classification N3P1, avec un salaire brut porté à 1845 euros.

Par courrier en date du 10 août 2017, la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE convoquait Monsieur [F] [X] à un entretien préalable.

Par courrier en date du 5 Septembre 2017, la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE notifiait à Monsieur [X] son licenciement pour faute grave.

Monsieur [F] [X] a saisi le conseil de Prud'hommes le 18 Septembre 2017 aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui payer des dommages intérêts ainsi que des indemnités de rupture outre une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 29 décembre 2019 notifié à la société EIFFAGE ROUTE MEDITERANNEE le 2 janvier 2020 le conseil de prud'hommes de Digne les Bains a :

- Ecarté la pièce numéro 20 fournie par la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE des débats,

- Débouté Monsieur [X] de sa demande d'audition en qualité de témoin de Monsieur [U] [B],

- Débouté Monsieur [X] de sa demande de production par la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE, des disques chronotachygraphes,

- Débouté Monsieur [X] de sa demande de production par la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE des disques chronotachygraphes du camion d'arrosage utilisé par Monsieur [F] [X] durant le chantier,

- Dit que le licenciement de Monsieur [X] est sans cause réelle et sérieuse,

- Condamné la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE à régler à Monsieur [F] [X] les sommes suivantes :

- 20 300,00 euros nets au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4691 ,50 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 469,15 euros bruts au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

- 2775,80 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement,

- Fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2345,75euros,

- Déboute Monsieur [X] de sa demande d'exécution provisoire du jugement,

- Ordonné le remboursement par la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE des allocations versées dans la limite de 6 mois, en application des dispositions de l'article L 1234-5 du code du travail,

- Condamné la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE à régler à Monsieur [F] [X] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Débouté la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE de sa demande à titre subsidiaire de limiter le montant des dommages et intérêts éventuellement alloués à la somme égale à 6 mois,

- Déboute la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Rejeté le surplus des demandes.

- Condamné la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE aux entiers dépens.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 14 janvier 2020 la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE a interjeté appel du jugement dans chacun des chefs de son dispositif lui faisant grief.

Le 11 mars 2020 le greffe a adressé à l'appelant un avis d'avoir à signifier la déclaration d'appel.

Le 9 avril 2020 l'appelant a déposé ses conclusions et les a signifiées avec la déclaration d'appel à l'intimé le 14 avril 2020 à étude.

Aux termes de ses ultimes conclusions déposées et notifiée par RPVA le 12 octobre 2020 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens l'appelante demande à la cour de

Infirmer le jugement du Conseil des prud'hommes de DIGNE LES BAINS du 20 décembre 2019 dans toutes ses dispositions.

STATUANT A NOUVEAU :

A TITRE PRINCIPAL

DIRE ET JUGER que la faute grave du salarié est caractérisée.

DIRE ET JUGER que le licenciement a une cause réelle et sérieuse.

DEBOUTER le salarié de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.

LE DEBOUTER de ses demandes tendant à ce qu'il soit ordonné la production par la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE des disques chronotachygraphes du camion benne immatriculé 2287MS04 pour la période du 31/07/17 au 09/09/17 et des disques chronotachygraphes du camion d'arrosage utilisé par Monsieur [X] durant le chantier.

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE

En tout état de cause, limiter le montant des dommages et intérêts éventuellement alloués à une somme égale à 6 mois de salaire.

Condamner le salarié à verser à la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANNEE la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose en substance que

' Le 9 août le conducteur de travaux du chantier sur lequel le salarié était affecté lui a demandé d'arroser la piste à la demande du client et de conduire un chargeur pour déplacer les matériaux, qu'il s'est énervé en indiquant qu'il n'exécuterait pas plusieurs taches et a refusé d'exécuter la consigner ce qui caractérise une insubordination.

Que sollicité à nouveau par le conducteur de travaux une trentaine de minute plus tard, il a quitté le chantier ce qui caractérise un abandon de poste dont la preuve est rapportée d'une part par le relevé du camion GPS arroseur et d'autre part par le relevé du véhicule berlingot utilisé par l'appelant démontrant que le chantier a été quitté vers 13H11et qu'il a rejoint son domicile à 14h27 contraignant ainsi l'employeur a réorganiser le chantier.

' Que ses fonctions de conducteur d'engins polyvalents telles que définies par la convention collective lui imposent de réaliser l'ensemble de travaux, notamment délicats, de sa spécialité sous l'autorité de son supérieur qu'il ne lui appartient pas de contester alors qu'il disposait des moyens nécessaires (camion arroseur et camion chargeur) à la tâche demandée laquelle entrait dans son temps de travail et ses fonctions.

' Que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité de sorte que le conseil de prud'hommes ne pouvait écarter la seconde attestation de M [B] au seul motif qu'elle ne respectait pas les règles de formes prévues par ce texte.

' Que le salarié avait préalablement fait l'objet de quatre avertissement pour des faits similaires entre avril 2014 et le 26 novembre 2016;

Elle fait valoir subsidiairement que le salarié ne justifie pas d'un préjudice supérieur à 6 mois de salaire.

Par conclusions déposées et notifiées par RPVA le 13 juillet 2020, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens l'intimé demande à la cour de

Confirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes de DIGNE-LES-BAINS en date du 20/12/2019 en ce qu'il a écarté des débats la pièce numéro 20 fournie par la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE (Attestation de Monsieur [U] [B]).

Confirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes de DIGNE-LES-BAINS en date du 20/12/2019 en ce qu'il a dit le licenciement de Monsieur [F] [X] sans cause réelle et sérieuse.

Confirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes de DIGNE-LES-BAINS en date du 20 décembre 2019 en ce qu'il a condamné la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE à régler à Monsieur [F] [X] les sommes suivantes :

-20.300,00 euros nets au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-4.691,50 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

-469,15 euros bruts au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis

-2.775,80 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement

-1.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Condamner la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE à régler à Monsieur [F] [X] la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du C.P.C ainsi qu'aux entiers dépens.

Débouter la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire,

Infirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes de DIGNE-LES BAINS en date du 20 décembre 2019 en ce qu'il a débouté Monsieur [X] de sa demande de production par la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE des disques chronotachygraphes.

Par conséquent :

Ordonner la production par la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE des disques chronotachygraphes du camion benne immatriculé 2287MS04 pour la période du 31/07/17 au 09/09/17

Ordonner la production par la société EIFFAGE ROUTE MEDITERRANEE des disques chronotachygraphes du camion d'arrosage utilisé par Monsieur [X] durant le chantier.

Il expose en substance

' Qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu'il invoque à l'appui du licenciement , qu'en cas de doute il profite au salarié.

Le salarié soutient qu'en l'espèce :

- il n'a pas quitté le chantier mais que c'est M [C] qui lui a demandé de partir ainsi que l'a attesté M [B] le 14 septembre 2017 (pièce 15) ; que l'attestation du même salarié produite en pièce 20 par l'employeur doit être écartée des débats car obtenue sous la pression et rédigée sans respect des dispositions de l'article 202 du code de procédure civile.

Que le relevé du trajet du véhicule Citroën Berlingot démontre qu'il est repassé par le siège de l'entreprise ce qui n'est pas une attitude compatible avec l'abandon de poste qui lui est reproché.

- que le temps d'exécution des taches demandées par M [C] est minoré car le temps nécessaire à un arrosage est de 1 heure et non de 15 mn compte tenu de la nécessité d'accomplir un trajet pour aller charger l'eau à la centrale à béton Lafarge, ce qui est démontré par le propre relevé GPS de l'employeur les jours précédents ou postérieurs au 9 août 2017.

- qu'il a refusé d'accomplir les taches demandées car les engins mis à sa disposition n'étaient pas adaptés aux travaux : qu'ainsi le camion benne 2287 MS04 qu'il devait utiliser n'était pas adapté au transports de gravats tandis que le godet du chargeur permettait seulement le transport de sable et non de blocs.

Que le jour même de son départ l'entreprise a d'ailleurs fait livrer deux tombereaux pour remplacer le camion benne et un camion WA250 pour remplacer le chargeur inadapté et refuse de produire les disques chronotachygraphes des camions réellement utilisés antérieurement.

Il souligne qu'en tout état de cause le doute doit lui profiter.

' Qu'en application de l'article L 1332-5 du code du travail l'employeur ne peut invoquer des sanctions disciplinaires antérieures de plus de trois ans à l'appui du licenciement.

' Que l'avertissement du 28 novembre 2016 ne peut être invoqué car les faits sanctionnés ne sont pas des faits d'abandon de poste mais de retard dans la prise de poste.

' Que le licenciement a entrainé des conséquences psychologiques et des difficultés financières qui justifient le montant des dommages intérêts alloués par le conseil de prud'hommes.

L'ordonnance de clôture est en date du 5 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

L'article L.1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'existence d'une faute grave n'est pas subordonnée à la mise à pied préalable, à titre conservatoire.

Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve

En l'espèce la lettre de licenciement du 5 septembre 2017 énonce :

' Monsieur [C] vous a alors donné les consignes suivantes ; arrosage de la piste à la demande de notre client et conduite d'un chargeur pour déplacer les matériaux.

Vous êtes alors énervé et avez annoncé que vous ne feriez pas plusieurs taches dans l'après midi.

M [C] vous a rappelé la demande expresse du client

Vous avez clairement refusé d'exécuter cette consigne ce qui caractérise un abandon de poste

Une trentaine de minute plus tard M [C] vous a de nouveau croisé sur l'emprise du chantier et vous a rappelé qu'en persistant dans votre attitude vous vous placiez en situation d'abandon de poste . Vous avez alors quitté le chantier en proférant des menaces contre le chantier '

Ainsi il est reproché à l'appelant, au delà du vocabulaire employé, tout d'abord une insubordination pour avoir refusé l'exécution des consignes données par son supérieur hiérarchique puis un abandon de poste pour avoir quitté le chantier.

La cour constate qu'aux termes de ses écritures l'appelant ne conteste nullement avoir refusé d'exécuter les consignes données par son supérieur hiérarchique, il considère que le caractère fautif de son comportement ne peut être retenu en raison de l'inadaptation du matériel mis à sa dispositions au regard des tâches demandées.

Dans sa lettre de contestation de son licenciement adressé à l'employeur le 12 septembre 2017 l'appelant fait état de règles de sécurité non respectées pour justifier son refus.

Il ne démontre toutefois pas avoir fait état de telles difficultés lors du 'briefing sécurité ' auquel il affirme avoir assisté le matin même avec le client EDF pour le compte duquel les travaux étaient exécutés alors que l 'employeur verse aux débats une correspondance du secrétaire général de la fédération du bâtiment, un courriel d'EDF ainsi qu'un courrier de l'organisme de prévention OPPBTP affirmant qu'un camion du type de celui utilisé pour l'arrosage est en adéquation avec les besoins du chantier ;

L'appelant admet d'ailleurs lui même qu'antérieurement au 9 août 2017 les mêmes taches étaient exécutées avec le même matériel ainsi qu'il le reconnaît en procédant à l'analyse des relevés GPS du camion immatriculé BH514CZ utilisé.

Ses critiques portant sur la faible contenance du camion à l'origine de temps de voyage et d'arrosage plus longs sont indifférentes à la solution du litige dès lors que le pouvoir de direction appartient au seul employeur.

Une analyse similaire d'impose s'agissant de la chargeuse AS150 mise à disposition par l'employeur laquelle était associée selon l'intimé à un camion benne permettant de réduire les trajets supérieurs à 100 m et par voie de conséquence les risques liés à l'exposition aux vibrations corps entier et dont l'inadaptation n'est pas démontrée.

Il importe peu dès lors que l'employeur ait loué, le lendemain, des tombereaux dont il n'est pas démontré qu'ils étaient nécessairement destinés aux tâches dont l'exécution était ordonnée la veille, arrosage et déplacement de matériaux à l'aide du chargeur ) et même qu'il ait procédé au remplacement de l'engin de chargement.

Ainsi la cour considère que le grief d'insubordination est établi.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de production aux débats des disques chronotachygraphes des divers engins, pièces sans incidence sur la solution du litige.

S'agissant des circonstances ayant amené l'intimé à quitter le chantier, l'appelant produit une attestation du conducteur de travaux indiquant que suite à son refus d'exécution des tâches confiées, l'intimé a indiqué partir. M [C] précise qu'il lui a alors demandé de déposer la voiture de l'entreprise au bureau avant de rentrer chez lui.

M [C] distingue ainsi deux temps dans le déroulement des faits : un temps de décision du salarié, un temps de réaction du supérieur hiérarchique.

La décision de quitter le chantier prise par l'intimé seul est confirmée par M [H] chef de chantier.

La cour considère qu'il n'y a pas lieu d'écarter les attestations de M [C] et [H] des débats dès lors que les témoins de différents sur le lieu du travail sont nécessairement des personnes liées à l'entreprise.

L'intimé soutient pour sa part qu'il n'a pas quitté le lieu du travail de sa propre initiative mais qu'il a exécuté l'ordre de M [C].

Il s'appuie sur le témoignage de M [B] (pièce 15 de l'intimé) et demande à la cour d'écarter la pièce 20 de l'employeur qui consiste en une seconde attestation de M [B] (pièce 20 de l'appelant) ne remplissant pas les conditions de l'article 202 du code de procédure civile, toutefois il ne conteste pas que cette attestation a bien été rédigée de la main de M [B] dont il produit une troisième attestation (pièce 20 de l'intimé) dans laquelle M [B] affirme que M [V], chef de chantier, a fait pression sur lui pour qu'il revienne sur ses déclarations.

Bien que ne respectant pas les conditions de forme de l'article 202 du code de procédure civile qui ne sont pas prescrites à peine de nullité la cour considère, contrairement au conseil de prud'hommes, qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats la pièce 20 de l'employeur dès lors que les parties s'accordent pour affirmer que l'auteur de l'attestation est bien M [B].

La cour retient que la thèse d'une pression de l'employeur résulte de la seule affirmation de M [B] et n'est corroborée par aucune autre élément, dans ces conditions elle considère qu'en raison des contradictions qui l'entache le témoignage de M [B] est dépourvu de force probante.

Enfin l'employeur produit aux débats le relevé gps de l'utilisation du véhicule Berlingot avec lequel l'intimé ne conteste pas avoir quitté l'entreprise ; ce relevé mentionne une l'immobilisation de 20 mn à proximité chantier répertorié sous le code 04 180, ce qui correspond parfaitement d'une part aux déclarations de l'intimé qui , dans sa lettre de contestation adressée à l'employeur , affirme s'être arrêté pour téléphoner et en conséquence aux mentions de la lettre de licenciement faisant état de la présence de l'intimé sur le chantier 30 minute après son refus d'exécuter les instructions de l'employeur.

En revanche il ne mentionne aucun arrêt aux bureaux de [Localité 3] bien que le kilométrage retenu soit compatible avec le déplacement allégué.

Force est de constater en toute hypothèse que l'intimé qui soutient n'avoir pu déposer le véhicule car ' il n'y avait personne ' n'en fait pas la démonstration.

En conséquence la cour considère que qu'il est établi que dans les suites de son refus d'accomplir les tâches qui lui ont été assignées par l'employeur, l'intimé a volontairement quitté le lieux du travail sans y être autorisé.

En contrepartie du salaire versé la principale obligation du salarié est d'exécuter les directives de l'employeur et de se tenir à sa dispositions permanente pendant le temps du travail.

Si l'employeur ne peut effectivement invoquer les avertissements antérieurs au 5 septembre 2014 pour justifier la sanction prononcée la cour considère, à l'inverse du conseil de prud'hommes, qu'il peut se prévaloir de l'avertissement du 21 novembre 2016 qui sanctionnait le salarié pour l'absence de respect de ses horaires de travail, ce qui s'analyse effectivement comme un manquement à l'obligation de se tenir à disposition de l'employeur.

En conséquence la cour considère que c'est à juste titre que l'employeur a pu retenir la faute grave pour prononcer la licenciement.

Le jugement est donc infirmé dans toutes ses dispositions.

M [X] qui succombe est condamné à payer à la société EIFFAGE ROUTE MEDITERANNEE la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et est débouté de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement

Infirme le jugement dans toutes ses dispositions

Statuant à nouveau

Dit le licenciement pour faute grave bien fondé ;

Déboute M [X] de l'intégralité de ses demandes ;

Le condamne à payer à la société EIFFAGE ROUTE MEDITERANNEE la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le condamne aux dépens.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 20/00580
Date de la décision : 21/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-21;20.00580 ?
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