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21/06/2024 | FRANCE | N°20/00569

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 21 juin 2024, 20/00569


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT AU FOND

DU 21 JUIN 2024



N° 2024/112













Rôle N° RG 20/00569 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFNZC







[X] [S]





C/



SAS MAINTENANCE THERMIQUE



















Copie exécutoire délivrée

le : 21 juin 2024

à :



Me Benjamin CORDIEZ de la SCP CORDIEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vest 22

7)



Me Laurent DESCHAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 28 Novembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00222.





A...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 21 JUIN 2024

N° 2024/112

Rôle N° RG 20/00569 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFNZC

[X] [S]

C/

SAS MAINTENANCE THERMIQUE

Copie exécutoire délivrée

le : 21 juin 2024

à :

Me Benjamin CORDIEZ de la SCP CORDIEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vest 227)

Me Laurent DESCHAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 28 Novembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00222.

APPELANT

Monsieur [X] [S]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2020/001635 du 06/03/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Benjamin CORDIEZ de la SCP CORDIEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Marie DUFRÊNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SAS MAINTENANCE THERMIQUE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Laurent DESCHAUD, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Michèle DUVAL de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2024, délibéré prorogé au 21 Juin 2024

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2024

Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [S] [X] a été embauché par la SAS MAINTENANCE THERMIQUE le 1er décembre 2010 selon contrat à durée indéterminée, en qualité de plombier-chauffagiste, statut ETAM, niveau E.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, M. [S] occupait l'emploi de "Plombier Chauffagiste " moyennant un salaire de base d'un montant brut de 2.488,90 pour un horaire mensuel de 151 ,67 heures.

Les rapports contractuels des parties étaient régis par les dispositions de la Convention Collective des ETAM du Bâtiment du 1 2 juillet 2006.

Le 15 mars 2013, M. [S] a été victime d'un accident du travail.

Cet accident du travail a fait l'objet d'une consolidation fixée dans un premier temps par la CPAM au 7 janvier 2014, puis ensuite au 26 février 2014.

Suite à cette consolidation, Monsieur [S] s'est vu prescrire des arrêts du travail pour maladie ordinaire;

Il se voyait parallèlement reconnaître la qualité de travailleur handicapé à compter du 4 mars 2015 par la MDPH.

LE 29 juin 2015 à l'occasion de la visite de reprise, le médecin a émis l'avis suivant : " Apte à la reprise du travail sur un poste aménagé ; pas de station debout prolongée, pas position agenouillée ou accroupie, pas de montées/descentes fréquentes d'escalier-échafaudage ou crinoline, pas de déplacement sur terrain accidenté. A revoir dans 15 jours ".

Au terne d'une seconde visite en date du 15 juillet 2015, le médecin du travail a déclaré Monsieur [S] définitivement inapte à son poste de Plombier-Chauffagiste dans les termes suivants : " Inapte -Etude de poste du 07/07/2015- A reclasser à un poste :

Sans station debout prolongée

Sans position agenouillée ou accroupie

Sans montées/descentes fréquentes d 'escalier-échafaudage ou crinoline Sans déplacements sur terrain accidenté

A reclasser à un poste de type gardiennage, surveillance chantier ,encadrement de chantier ".

La SAS MAINTENANCE THERMIQUE a convoqué Monsieur [S] à un entretien préalable fixé au 5 août 2015, auquel il ne s'est pas présenté.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 août 2015, la SAS MAINTENANCE THERMIQUE a notifié à Monsieur [S] son licenciement pour inaptitude physique à son emploi, d'origine non professionnelle, et impossibilité de reclassement.

Contestant les conditions de la rupture de son contrat de travail, Monsieur [S] a saisi le 29 juillet 20 1 6, le conseil des prud'hommes de Martigues, Section Industrie, aux fins de voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité de préavis et congés payés afférents, de rappel d'indemnité de licenciement , d'indemnité pour irrégularité de la procédure , de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse , le tout assorti des intérêts de droit avec capitalisation outre une somme au titre de l'article 700 et la délivrance sous astreinte des documents de fin de contrats rectifiés.

Par jugement en date du 28 novembre 2019 notifié le 20 décembre 2019 le conseil de prud'hommes de Martigues a

Dit que le licenciement de M. [S] pour inaptitude est fondé, et ne peut en aucun cas être considéré comme irrégulier ou dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Débouté M.[S] de ses demandes de dommages et intérêts au titre de l' article L. 1235-2 et L. 123 5-3 du Code du Travail.

Débouté M.[S] de ses plus amples demandes.

Débouté la SAS SOCIÉTÉ MAINTENANCE THERMIQUE de sa demande reconventionnelle

Dit Monsieur [S] infondé en ses prétentions au titre des frais irrépétibles.

Laissé les dépens à la charge de M. [S]

Par déclaration enregistrée au RPVA le 14 janvier 2020 M. [S] a interjeté appel de la décision dans chacun des chefs de son dispositif.

Aux termes de ses conclusions d'appelant n°3 déposées et notifiées par RPVA le 19 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, il demande à la cour de :

INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

STATUANT A NOUVEAU,

DIRE le licenciement de Monsieur [S] tant irrégulier que dépourvu de cause réelle et sérieuse,

EN CONSÉQUENCE,

CONDAMNER la société MAINTENANCE THERMIQUE au paiement des sommes suivantes :

- 8.533,14 € (huit mille cinq cent trente trois euros et quatorze centimes) à titre d'indemnité de préavis,

- 853,31 € (huit cent cinquante trois euros et trente et un centimes) à titre d'incidence congés payés sur indemnité précitée,

- 5.309,50 € (cinq mille trois cent neuf euros et cinquante centimes) à titre de rappel d'indemnité de licenciement, en deniers ou quittance,

A TITRE SUBSIDIAIRE

CONDAMNER la société MAINTENANCE THERMIQUE au paiement des sommes suivantes :

- 8.533,14 € (huit mille cinq cent trente-trois euros et quatorze centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis (art. L1226-14 du Code du travail),

- 853,31 € (huit cent cinquante-trois euros et trente et un centimes) à titre d'incidence congés payés sur indemnité précitée,

ORDONNER à la société MAINTENANCE THERMIQUE d'avoir à délivrer à Monsieur [S] le document suivant :

. Attestation Pôle Emploi rectifiée conformément à l'arrêt et mentionnant au titre de la rupture un «licenciement sans cause réelle et sérieuse »

DIRE que les créances salariales précitées porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes, et à compter de la décision à intervenir pour les demandes indemnitaires,

ORDONNER la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du Code Civil,

CONDAMNER en outre la société MAINTENANCE THERMIQUE au paiement des sommes suivantes :

- 34.132,56 € (trente-quatre mille cent trente-deux euros et cinquante-six centimes) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.500,00 € (deux mille cinq cents) à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la société MAINTENANCE THERMIQUE aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Il fait en substance valoir que

' son inaptitude est d'origine professionnelle nonobstant le fait que les arrêts postérieurs à la consolidation aient été délivrés pour maladie ordinaire, ce dont l'employeur avait connaissance ainsi que le démontre la consultation des délégués du personnel avant l'engagement de la procédure de licenciement qui ne s'imposait que dans ce cas à la date du licenciement ;

Qu'en effet selon la jurisprudence de la Cour de cassation le régime protecteur d'un licenciement d'origine professionnelle prévu par les articles l'article L.1226-14 et suivants du Code du travails'applique dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie (Cass. soc., 31 mars 2016, n° 14-17.471). Que la cour de cassation décide que 'la circonstance que la salariée ait été au moment du licenciement déclarée consolidée de son accident du travail par la caisse primaire d'assurance maladie et prise en charge par les organismes sociaux au titre de la maladie n'est pas de nature à faire perdre à la salariée le bénéfice de la législation protectrice des accidentés du travail ; qu'ayant relevé que la salariée avait été victime d'un accident du travail le 27 novembre 2007 et qu'elle n'avait pas repris le travail jusqu'à ce qu'elle soit déclarée inapte par le médecin du travail, la cour d'appel a constaté que l'inaptitude avait au moins partiellement pour origine l'accident du travail et a fait ressortir que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement '

' Qu'en application des dispositions de l'article L.1226-10 du Code du travail, dans leur rédaction antérieure aux ordonnances du 22 septembre 2017, l'employeur est tenu de proposer au salarié déclaré inapte, un autre emploi approprié à ses capacités, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Qu'il appartient à l'employeur de prouver la réalité et le sérieux de sa recherche de reclassement , qu'à cet égard la Cour de cassation considère que l'employeur doit justifier de démarches précises et personnalisées pour parvenir au reclassement du salarié, notamment pour envisager des mutations adaptations ou transformations de postes de travail ou un aménagement du temps de travail, démarches devant être conduites 'tant au niveau de l'entreprise que parmi l'ensemble des entreprises appartenant au même groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettaient d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel'.

Qu'en l'espèce 8 jours après l'avis du médecin du travail la société concluait déjà à l'impossibilité du reclassement, que la lettre de licenciement mentionne qu'il a été procédé à la recherche de reclassement auprès des seules sociétés CRUDELI ,VO2 et SPMCP alors qu'appartenant au groupe Nexilis qui comprend 11 sociétés il lui appartenait de contacter chacune des sociétés du groupe et d'en justifier. Il souligne qu'en l'espèce la société VO2 a fait connaître sa réponse après la consultation des délégués du personnel.

Qu'en outre l'employeur a sollicité le médecin du travail sur les possibilités de reclassement postérieurement à la consultation des délégués du personnel, privant ainsi la consultation de tout effet.

' Que dans ces conditions l'appelant peut prétendre en application de l'article L1226-14 du code du travail

- à l'indemnité de préavis et congés payés afférents. Qu'en application de l'article L5213-9 du code du travail cette indemnité est de trois mois de salaires.

- à une indemnité spéciale de licenciement

- à des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peuvent être inférieurs à 12 mois de salaires en application de l'article L 1226-15 du code du travail.

Par conclusions d'intimé N°2 signifiées par RPVA le 9 décembre 2020, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens , la société SAS Maintenance Thermique demande à la cour de

CONFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Martigues du 28 novembre 2019 en ce qu'il a :

« Dit que le licenciement de Monsieur [S] pour inaptitude est fondé, et ne peut en aucun cas être considéré comme irrégulier ou dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Débouté Monsieur [S] de ses demandes de dommages et intérêts au titre de l'article L1235-2 et L1235-3 du code du travail.

Débouté Monsieur [S] de ses plus amples demandes.

Dit Monsieur [S] infondé en ses prétentions au titre des frais irrépétibles

Laisse les dépens à la charge de Monsieur [S] »

INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Martigues du 28 novembre 2019 en ce qu'il a :

« Débouté la SAS MAINTENANCE THERMIQUE de sa demande reconventionnelle »

En conséquence,

- DIRE Monsieur [S] infondé en son action.

- DIRE ET JUGER que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Monsieur [S] repose sur une cause réelle et sérieuse

- DIRE ET JUGER que la société MAINTENANCE THERMIQUE a respecté son obligation de reclassement

- DIRE ET JUGER que l'inaptitude de Monsieur [S] n'a pas une origine professionnelle

- LE DEBOUTER l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- CONDAMNER Monsieur [S] à verser à la société MAINTENANCE THERMIQUE la somme de 2.000 euros en première instance sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- CONDAMNER Monsieur [S] à verser à la société MAINTENANCE THERMIQUE la somme de 2.500 euros en cause d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- LE CONDAMNER aux entiers dépens.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

- RAMENER sa demande indemnitaire à de plus justes proportions

L'intimé fait valoir que

' Qu'en l'espèce l'inaptitude est d'origine non professionnelle ainsi qu'il résulte de la consolidation constatée par la CPAM au motif qu'il n'existe plus de séquelles indemnisables de l'accident du travail et des arrêts de travail postérieurs délivrés pour maladie ordinaire.

Qu'au moment de la déclaration d'inaptitude la salarié était consolidé depuis plus d'un an de sorte que rien ne permet d'affirmer le lien de causalité entre l'accident et l'inaptitude constatée.

' Qu'en conséquence son obligation de reclassement repose sur les dispositions de l'article L 1226-12 du code du travail ; que sur le fondement de ce texte si l'employeur a un devoir général d'adaptation du salarié à l'évolution de son emploi, dont il doit, le cas échéant, faire usage au bénéfice du salarié inapte, il n'est pas pour autant tenu d'assurer à l'intéressé une formation qualifiante que celui-ci ne possède pas.

Qu'en l'espèce l'obligation de reclassement a été respectée ; qu'en effet le médecin du travail a été sollicité pour déterminer les postes de reclassement envisageables le 23 juin 2015 mais répondait ne pouvoir faire de proposition.

Que le 23 juillet 2015 le médecin écartait la proposition du poste de reclassement qui lui était soumise et qu'aucun autre poste de reclassement ne pouvait être proposé au sein de l'entreprise en l'absence de postes disponibles et vacants, comme le démontre le registre d'entrée et de sortie du personnel versé aux débats.

Que les recherches de reclassement auprès des sociétés du groupe se sont avérées infructueuses le seul poste identifié étant un poste d'ingénieur auquel le salarié ne pouvait prétendre en raison de sa formation, qu'il est justifié par les pièces produites que les autres sociétés du groupe évoquées par l'appelant n'étaient plus en activité ou se trouvaient dépourvues de salariés.

Que la société est allée au delà de ses obligations en consultant les délégués du personnel et a dûment informé son salarié de l'impossibilité de reclassement .

' Que l'appelant ne justifie pas du préjudice au titre des dommages intérêts pour cause réelle et sérieuse alors que la cour de cassation a abandonné la notion de préjudice nécessaire ; que subsidiairement le préjudice doit être limité à 6 mois de salaires

MOTIFS DE LA DÉCISION

I Sur l'origine de l'inaptitude

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Les juges du fond ont obligation de rechercher eux-mêmes l'existence de ce lien de causalité et la connaissance qu'avait l'employeur de l'origine professionnelle de l'accident ou de la maladie et, conformément au principe de l'autonomie du droit du travail par rapport au droit de la sécurité sociale ne sont pas liés par la décision d'un organisme de sécurité sociale.

La recherche doit être faite dès qu'un tel lien est invoqué par le salarié au soutien de ses demandes d'indemnités sur le fondement de l'article L.1226-14.

Enfin, l'appréciation de la connaissance par l'employeur de l'origine professionnelle de l'inaptitude au moment du licenciement relève du pouvoir souverain des juges du fond.

Il est rappelé que la consolidation d'un état de santé ne signifie pas la guérison mais simplement la stabilisation de la lésion, ou son absence d'évolution. Dès lors, la circonstance que l'état de santé d'un salarié ait été, au moment du licenciement, déclaré consolidé de son accident du travail par la caisse primaire d'assurance maladie et pris en charge par les organismes sociaux au titre de la maladie n'est pas en soi de nature à lui faire perdre le bénéfice de la législation protectrice des accidentés du travail. Les règles protectrices liées à un accident du travail ne s'appliquent que dans l'hypothèse où l'inaptitude du salarié a au moins partiellement pour origine l'accident du travail et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle.

Dans le cas d'espèce le certificat médical initial suite à l'accident du travail et les arrêts de prolongation postérieurs jusqu'au 24 février 2014 font état d'un traumatisme du genou droit, les arrêts de travail postérieurs, qui sont tous des arrêt de prolongation ne mentionnent en avril, juin aucune pathologie distincte de la pathologie initiale toutefois à compter du mois de juin 2014 apparaissent des troubles anxieux réactionnels et un syndrome dépressif.

L'avis d'inaptitude du médecin du travail en date du 15 juillet 2015 en ce qu'il ne fait pas références à des troubles anxio dépressifs se rapporte à l'évidence et de manière exclusive aux conséquences du traumatisme du genou dès lors qu'il exclut la station debout prolongée, la position agenouillée ou accroupie, les montées/descentes fréquentes d'escalier-échafaudage ou crinoline et les déplacements sur terrain accidenté.

Dans ces conditions la cour juge que l'inaptitude de l'appelant est effectivement d'origine professionnelle .Cet avis d'inaptitude ayant été porté à la connaissance de l'employeur , qui a dûment consulté les délégués du personnel avant de procéder au licenciement, la preuve de sa connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude est rapportée.

II Sur l'obligation de reclassement

En vertu de l'article L1226-10 du code du travail, dans sa version applicable au litige :

Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

Selon les dispositions de l'article L1226-12 dans sa version applicable au litige :

Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.

La preuve de l'impossibilité de reclassement, à laquelle ne sont pas assimilables les difficultés de reclassement, incombe à l'employeur.

Les recherches et propositions de reclassement doivent être "sérieuses". L 'emploi offert doit être aussi comparable que possible à celui précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

L'employeur doit proposer au salarié non seulement les postes relevant de sa qualification et compatibles avec les restrictions médicales, mais aussi ceux d'une catégorie inférieure et ceux qu'il pourrait occuper moyennant une formation complémentaire.

En présence d'un groupe, la possibilité de reclassement doit s'apprécier à l'intérieur du dit groupe. Le groupe s'entend, en dehors de toute notion de droit commercial, des entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent à l'employeur d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

C'est à l'employeur qui dispose des éléments utiles d'apporter les éléments principaux permettant de déterminer le périmètre du groupe de reclassement ; en l'absence de précisions il appartient à la cour d'apprécier les éléments produits par l'une et l'autre partie.

En l'espèce la cour constate que bien que mentionnant avoir procédé à des recherches de reclassement auprès des sociétés VO2, SPMPC et CRUDELI dans la lettre en date du 23 juillet 2015 notifiant à l'appelant l' impossibilité de son reclassement ainsi que dans la lettre de licenciement , l'employeur ne justifie pas aux pièces de son dossier des demandes de reclassement effectivement adressées aux sociétés SMPC ET CRUDELI ni de leur réponse.

En conséquence de ce seul chef le licenciement se trouve dénué de cause réelle et sérieuse , le jugement est donc infirmé dans toutes ses dispositions.

III Sur les demandes financières

Le licenciement étant déclaré sans cause réelle et sérieuse pour défaut d'exécution de son obligation de reclassement par l'employeur c'est à juste titre que l'appelant sollicite l'application des dispositions de l'article L 1226-14 du code du travail pour

-prétendre à une indemnité de préavis de trois mois et aux congés payés afférents en application l'article L5213-9 du code du travail puisqu'il justifie de sa qualité de travailleur handicapé reconnu par la MDPH à la date de son licenciement.

-prétendre une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

Le montant du salaire moyen n'étant pas discuté par l'employeur il est fait droit aux demandes de l'appelant de ce chef.

En application de l'article L 1226-15 du code du travail l'indemnité réparant la perte d'emploi ne peut être inférieure à douze mois de salaires. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement prévues à l'article L. 1226-14.

Le montant minimum de cette indemnité étant fixée par la loi, la cour ne peut apprécier la réalité du préjudice subi pour le minorer contrairement à ce que soutient l'intimée, il est donc fait droit à la demande de l'appelant.

Il est fait droit à la demande de délivrance d'une attestation pôle emploi rectifiée conformément aux dispositions du présent arrêt.

L'intimée succombe dans ses prétentions , le jugement est donc confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, elle est déboutée de sa demande à ce titre en cause d'appel et condamnée à payer à l'appelant la somme de 2500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en appel.

Les sommes à caractère salarial accordées par la présence décision porteront intérêts à compter du 4 août 2016 date de la réception par l'intimée de sa convocation devant le bureau des conciliation et à compter du présent arrêt qui les fixe en ce qui concerne les sommes à caractère indemnitaire.

La capitalisation des intérêts est de droit en application de l'article 1343-2 du code civil.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Maintenance Thermique de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau

Condamne la SAS Maintenance Thermique à payer à M [S]:

- 8533,14 euros brut à titre d'indemnité de préavis

- 853,31 euros brut au titre des congés payés afférents

- 5309,50 euros en deniers ou quittance au titre de l'indemnité de licenciement

- 34 132,56 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Dit que les sommes allouées à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 4 août 2016 et que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts aux taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dûs pour une année entière ;

Ordonne à la société Maintenance Thermique de remettre à M [S] une attestation pôle emploi rectifiée mentionnant un licenciement sans cause réelle et sérieuse comme cause de la rupture du contrat de travail ;

Et y ajoutant

Condamne la SAS Maintenance Thermique à payer à M [S] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la Maintenance thermique de sa demande de ce chef en cause d'appel ;

Condamne la SAS Maintenance thermique aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 20/00569
Date de la décision : 21/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-21;20.00569 ?
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