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20/06/2024 | FRANCE | N°23/10371

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 20 juin 2024, 23/10371


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 20 JUIN 2024



N° 2024/418









Rôle N° RG 23/10371 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLXPO







[S] [A]





C/



[Z] [P]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN





Me Radost VELEVA-REINAUD







Décision

déférée à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 14 juin 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/05958.





APPELANT



Monsieur [S] [A]

demeurant [Adresse 8]



représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 20 JUIN 2024

N° 2024/418

Rôle N° RG 23/10371 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLXPO

[S] [A]

C/

[Z] [P]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN

Me Radost VELEVA-REINAUD

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 14 juin 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/05958.

APPELANT

Monsieur [S] [A]

demeurant [Adresse 8]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

et assisté de Me Olivier BURTEZ-DOUCEDE de la SCP CABINET BERENGER, BLANC, BURTEZ-DOUCEDE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIME

Monsieur [Z] [P]

né le [Date naissance 1] 1927 à [Localité 9], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Radost VELEVA-REINAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

et assisté de Me Sandra BLANCHARD, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Léa VOSKARIDES, avocat au barreau de MARSEILLE plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 mai 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme PERRAUT, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Angélique NETO, Conseillère

Mme Florence PERRAUT, Conseillère rapporteur

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline VAN-HULST, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Suivant actes authentiques des 28 janvier 1965 et 1er juillet 1992, monsieur [Z] [P] a acquis les lots n°3 et 5 (correspondant à l'avant dernier et deuxième étage) et le lot n°6, qui (correspondant au dernier et troisième étage) de l'immeuble, situé sur la parcelle cadastrée [Cadastre 7], dont l'entrée s'effectue [Adresse 3] (13), donnant sur le [Adresse 11].

Monsieur [S] [A] est propriétaire du lot n°4 et usufruitier du lot n°2, correspondant à l'immeuble mitoyen de deux étages, situé sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 6], dont l'entrée s'effectue sise [Adresse 2] (13).

Le 18 septembre 2019, la maire de [Localité 4] a délivré à M. [A] un arrêté de non-opposition à la déclaration préalable de travaux, en vue de la réfection et de la couverture partielle de sa terrasse, située sur la parcelle [Cadastre 6].

M. [A] a procédé à un prolongement de la partie couverte de sa terrasse et fermé cette partie pour agrandir la partie habitable.

Par assignation du 25 novembre 2022, M. [P] a fait attraire M. [A], devant le président du tribunal judiciaire de Marseille, statuant en référé, aux fins d'entendre :

- constater que la construction réalisée par M. [A] constitue un trouble manifestement illicite, portant atteinte à son droit de propriété et excédant Ies inconvénients normaux de voisinage ;

- ordonner à M. [A] de procéder à la démolition intégrale de I 'aménagement réalisé sur Ie toit-terrasse de l'immeuble, situé [Adresse 2], dans un délai de 15 jours, à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de

retard et ce, afin de mettre fin au trouble manifestement illicite ;

- condamner M. [A] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de I 'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par ordonnance contradictoire du 14 juin 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille a :

- ordonné à M. [A] de procéder à la remise de son toit terrasse dans son état antérieur à la réalisation des travaux, et ce conformément au dossier de déclaration de travaux déposé à la mairie de [Localité 4], le 18 septembre 2019, et ce dans un délai de trois mois, à compter de la signification de la décision par commissaire de justice ;

- faute d'exécution totale et spontanée passé ce délai, condamné M. [P] au paiement d'une astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard et ce pendant 24 mois, à compter de la signification de Ia décision ;

- condamné M. [A] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outres les dépens de l'instance en référé.

Ce magistrat a notamment considéré :

- qu' il était démontré que M. [P] avait acquis les lots n°3 et 5 (qui correspondent aux 2ème et 3ème étages) au sein de la copropriété [Adresse 3], le 28 janvier 1965 par la production de l'état descriptif de division et un document rédigé par [X] [F] le 7 novembre 1980, relatif à la situation des immeubles ;

- qu'il était démontré que Ie 3ème étage, comme le 4ème étage, disposaient de fenêtres, par la production de cartes postales anciennes, datées par la partie demanderesse du XIXème siècle, point non contesté par le défendeur ;

-qu'il résultait des photographies produites par le défendeur, et qui n'étaient pas contestées, qu'une des fenêtres, se trouvant sur le pignon de l'immeuble de M. [P], avait vue directe sur un cabanon se trouvant sur la terrasse de M. [A] et que l'autre faisait face au port de [Localité 4] ;

- qu'il en résultait également que ces fenêtres n'étaient pas couvertes par une toiture ;

- que le défendeur se prévalait de ce que les ouvertures auraient été modifiées dans leur ampleur et que les hauteurs de planchers auraient été rehaussées, modifiant la hauteur des fenêtres par rapport au sol, ce qui n'était nullement démontré, en tout cas en ce qui concernait cet étage ;

- qu'il n'était pas contesté que ces fenêtres étaient susceptibles d'être ouvertes ;

- que l'obtention d'un permis de construire, et a plus forte raison la simple déclaration de travaux, n'était pas de nature à préjudicier aux droits des tiers ;

- que dans de telles conditions, il était suffisamment démontré que M. [P] disposait depuis plus de 30 ans de deux fenêtres qui permettaient de d'éclairer, fût-ce partiellement, son bien, de l'aérer, et dont une, avait une vue droite sur le port de [Localité 4] ;

- qu'il résultait du constat d'huissier en date du 12 juillet 2022 que le fait de couvrir et fermer partiellement sa terrasse pour l'intégrer à son habitation a eu pour conséquences que les fenêtres M. [P] s'ouvraient désormais sur une pièce à vivre comprenant salon, salle à manger, cuisine et escalier, d'une part, et sur une pièce non encore aménagée, mais qui pouvait s'apparenter à une buanderie ou une salle de bain d'autre part ;

- que le fait de transformer son habitat au point que les fenêtres du voisin n'ouvraient plus sur l'extérieur, mais sur des pièces intérieures, le privant d'une vue droite plus que trentenaire, mais surtout d'un éclairage et d'une aération naturels, constituaient un trouble présentant un caractère manifestement excessif au regard des inconvénients normaux du voisinage ;

- que le fait que cette construction prenait appui sur un mur qui appartennait soit a M. [P], soit à la copropriété dans laquelle se situait son bien, sans qu'aucune autorisation n'ait été sollicitée, venait s'ajouter à ce trouble, manifestement illicite, et qu'il convenait de le faire cesser en ordonnant la remise du bien dans son état antérieur ;

- qu'il convenait de s'assurer de la bonne exécution de son ordonnance par le prononcé d'une astreinte.

Selon déclaration reçue au greffe le 2 août 2023, M. [A] a interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes les dispositions dûment reprises.

Par dernières conclusions transmises le 18 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il sollicite de la cour qu'elle :

- réforme l'ordonnance entreprise ;

- juge que le premier juge a commis une erreur de droit en retenant le trouble manifestement illicite et en qualifiant les ouvertures de vues, sans mettre en évidence les critères donnés par l'article 678 du code civil ;

- juge que le juge des référés est incompétent pour connaître de la demande au profit du juge du fond ;

en conséquence ;

- rejette l'intégralité des demandes de M. [P] ;

- déboute M. [P] de son appel incident ;

reconventionnellement ;

- se déclare incompétent au profit du juge du fond ;

en toute hypothèse :

- condamne M. [P] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir :

- que sa construction est désormais conforme à la déclaration préalable de travaux ;

- que le site est délicat, que les dossiers ont été regardés avec précision puisque le Port de [Localité 4] est classé et que l'architecte des bâtiments de France intervient sur ce site ;

- qu'aucune fenêtre principale de la façade principale donnant sur le [Adresse 10] dénommé [Adresse 11], n'a été supprimée ;

- que les ouvertures principales de la façade sur le quai sont maintenues ;

- que les deux ouvertures dont il est question aujourd'hui sont une ouverture en arrière-plan se trouvant derrière la terrasse de M. [A] et une ouverture latérale donnant sur le côté gauche, face à la construction qui existait déjà sur la terrasse et que cette ouverture était déjà à moins de 1,90 m de la construction se trouvant sur la terrasse ;

- qu'il faut s'interroger sur le régime juridique applicable à la situation, à savoir ni nous sommes en présence de l'application des dispositions du code civil ou de celle de la copropriété ;

- que les deux immeubles, qui comportent deux adresses différentes sont imbriqués les uns dans les autres ;

- qu'à l'époque les travaux de M. [P] ont été validés par une assemblée de copropriété, que le document a été enregistré chez le notaire et qu'il s'agit de l'acte du 3 juillet 2018 ;

- que M. [P] n'avait pas les deux ouvertures des vues sur la terrasse ;

- que M. [P] n'est aucunement propriétaire du mur aux droits des combles ;

- que ces murs appartiennent à la copropriété ;

- que dans le cadre de la rénovation il a pris la propriété des combles qui appartenaient aux parties communes de l'immeuble dans lequel était sa copropriété ;

- que ce sont ses propres travaux autorisés par sa copropriété qui lui ont permis d'acquérir la propriété des ouvertures existantes et d'inclure dans son lot les deux ouvertures qu'il revendique ;

- que M. [P] est de mauvaise foi ;

-qu'il n'y a pas de trouble manifestement illicite, car cela supposerait d'avoir une atteinte à un droit qui n'existe pas.

Par dernières conclusions transmises le 22 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [P] sollicite de la cour qu'elle :

- confirme l'ordonnance entreprise en ce que M. [A] a été condamné à la remise en état antérieur à la réalisation des travaux de son toit terrasse et condamné au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- l'infirme partiellement en ce qu'il a été condamné à tort au paiement d'un astreinte de 200 euros par jour de retard, en lieu et place de M. [A] ;

statuant à nouveau :

- condamne M. [A] au paiement d'une astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard et ce pendant 24 mois, à compter de la signification de l'ordonnance ;

- condamne M. [A] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir :

- que l'aménagement empiète sur un mur privatif lui appartenant ;

- que la construction a été adossée à son mur sans son consentement et constitue une atteinte à son droit de propriété ;

- qu'une construction sur un mur séparatif ne suffit pas à lui conférer un caractère mitoyen ;

- que quand bien même ces travaux s'inscriraient dans une copropriété, ni M. [P] ni aucune autre personne au sein de la copropriété n'a donné son accord pour la réalisation de la construction litigieuse ;

- que le trouble manifestement illicite occasionné par la fermeture de ses deux servitudes de vue, l'empêche de jouir paisiblement de son bien dès lors qu'ils créent une promiscuité évidente et une insécurité permanente, redoutant que les locataire de M. [A] ne pénètrent dans son appartement ;

- qu'il est propriétaire de ces fenêtres depuis plus de 30 ans et qu'elles existaient depuis plus de 100 ans ;

- qu'il se prévaut de la prescription acquisitive ;

- qu'il existe une perte de vue, d'ensoleillement, d'aération naturelle, d'intimité dans l'aménagement réalisé qui excède les inconvénients normaux de voisinage.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close par ordonnance du 16 avril 2024.

MOTIFS

Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constater', 'donner acte', 'dire et juger' ou 'déclarer' qui, sauf dispositions légales spécifiques, ne sont pas des prétentions, en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, mais des moyens qui ne figurent que par erreur dans le dispositif, plutôt que dans la partie discussion des conclusions d'appel.

Sur la rectification d'erreur matérielle

Aux termes de l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement (ou un arrêt), même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.

Il n'est pas contestable en l'espèce que c'est par une erreur purement matérielle, que le premier juge a, en page 5 de son ordonnance, mentionné que M. [Z] [P], au lieu et place de M. [S] [A], sera condamné, faute d'exécution, au paiement d'une astreinte provisoire.

En effet, il ressort des motifs et dispositif de la décision que c'est M. [A] qui a été condamné à procéder à la remise en état de son toit terrasse dans son état antérieur et ce, dans un délai de trois mois, à compter de la signification de la décision. Le premier juge a précisé 'qu'au vu de l'ancienneté du litige entre les parties et du comportement de M. [A], il convenait de s'assurer de la bonne exécution de la décision par le prononcé d'une astreinte'.

Son ordonnance sera donc corrigée en ce qu'au lieu et place de 'M. [P]' il faudra lire 'M. [A]".

Sur l'exception d'incompétence du juge des référés

Dès lors que les moyens tirés de l'absence d'urgence, de l'existence de contestations sérieuses et de l'absence d'un trouble manifestement et/ou d'un dommage imminent ne constituent pas une exception de procédure mais des moyens de nature à faire obstacle aux pouvoirs du juge des référés, l'appelant n'apporte pas la preuve de l'incompétence du juge des référés pour se prononcer sur la recevabilité et le bien-fondé de l'action exercée par M. [P].

Il y a donc lieu de rejeter l'exception d'incompétence soutenue par l'appelant.

Sur le trouble manifestement illicite

Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence, peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite : dans les cas ou l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

Si l'existence de contestations sérieuses n'interdit pas au juge de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite, il reste qu'une contestation réellement sérieuse sur l'existence même du trouble et sur son caractère manifestement illicite doit conduire le juge des référés à refuser de prescrire la mesure sollicitée.

La cour doit apprécier l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite au moment où le premier juge a statué, peu important le fait que ce dernier ait cessé, en raison de l'exécution de l'ordonnance déférée, exécutoire de plein droit.

Constitue un trouble manifestement illicite la violation évidente d'une règle de droit résultant d'un fait matériel ou juridique, le juge des référés pouvant mettre fin à un tel trouble en cours de réalisation.

Aux termes de l'article 25 b de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant ... l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci.

Par application des dispositions de ce texte, tous les travaux effectués par un copropriétaire sur les parties communes, même à usage privatif, doivent être autorisés et ce, même s'ils tendent à rendre l'immeuble conforme au règlement de copropriété ou à l'état descriptif.

Il est acquis qu'à défaut d'obtention d'une telle autorisation, le syndicat des copropriétaires est en droit d'exiger le rétablissement des lieux en leur état antérieur, sans avoir justifier d'un quelconque préjudice.

S'agissant des travaux réalisés sur les parties privatives, ils peuvent être entrepris, sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires à la condition de ne pas affecter l'harmonie de l'immeuble.

En principe le règlement de copropriété détermine les parties communes et les droits des copropriétaires.

Par ailleurs, il est de principe que 'nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage'.

Le trouble anormal de voisinage étant indépendant de la notion de faute, le juge doit en toute hypothèse rechercher si le trouble allégué dépasse les inconvénients normaux du voisinage, que son auteur ait ou pas enfreint la réglementation applicable à son activité. Cette appréciation s'exerce concrètement notamment selon les circonstances de temps (nuit et jour) et de lieu (milieu rural ou citadin, zone résidentielle ou industrielle). L'anormalité du trouble de voisinage s'apprécie en fonction des circonstances locales, doit revêtir une gravité certaine et être établie par celui qui s'en prévaut.

L'auteur du trouble anormal de voisinage, qui voit sa responsabilité engagée, peut être condamné à réparer les préjudices subis par son voisin.

En l'espèce, il est démontré par acte notarié du 3 juillet 2018, contenant dépôt de pièces, à la requête des époux [J] et [G] [A], et de la SCI Les Hauts de Sainte-Croix, que l'immeuble cadastré [Cadastre 7], [Adresse 3], consistant en une maison élevée par rapport au [Adresse 11], d'un rez-de-chaussée et de trois étages, le premier étage étant au niveau de la rue [Adresse 12], est divisé en 6 lots :

- la SCI les Hauts de Sainte-Croix est propriétaire du lot n°1

- M. [J] [A] est usufruitier du lot n°2, la nue-propriété appartenant à son épouse et propriétaire avec son épouse du lot n°4

- M. [Z] [P] est propriétaire des lots n°3,5 et 6.

L'immeuble cadastré [Cadastre 7] est soumis au statut de la copropriété.

A cet égard, M. [S] [A] et M. [P] versent aux débats le compte rendu de la réunion des copropriétaires des immeubles cadastrés [Cadastre 7] et [Cadastre 5] du 21 mars 1996, à laquelle M. [Z] [P] et les époux [J] [A] étaient présents ou représentés.

Ainsi les copropriétaires ont prévu l'établissement par Maître [E] [N] d'un règlement de copropriété pour l'immeuble [Cadastre 7], après mise à jour des plans et des millièmes, déjà établis par Maître [D] [C], géomètre expert. Il était précisé que ce règlement prévoirait notamment que :

- tous les combles des immeubles étaient la propriété privative de M. [P] ;

- la possibilité d'affecter à usage commercial- autre que restauration sur place et à emporter, débit de boissons, salle de jeux, appareils musicaux et autres commerces nuisants- le local à usage d'habitation appartenant aux consorts [A], soit après le décés de M. [P], soit le jour où il aurait cédé à titre onéreux la totalité de ses locaux;

- que le local des consorts [A] ouvrant à rez-de-chaussée du [Adresse 11]  communiquait avec l'immeuble section [Cadastre 6]. Il était à usage commercial- autre que restauration...- et pouvait être affecté à tous commerces, soit après le décès de M. [P], soit le jour où il aurait cédé à titre onéreux la totalité de ses locaux ;

Par ailleurs, les copropriétaires ont autorisé à M. [P] à effectuer, à ses frais et responsabilités, tous les travaux prévus par les plans de principe présentés par M. [T], en date du 1er avril 1996 et approuvés.

Par conséquent, au vu de l'ensemble de ces éléments et en application de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965, les murs de l'immeuble cadastré [Cadastre 7] sont, à défaut de preuve contraire, des parties communes de l'immeuble. Il en ressort également que l'immeuble cadastré [Cadastre 7], communique avec l'immeuble cadastré section [Cadastre 6].

Ainsi, M. [P] produit le règlement de copropriété reçu par Maître [N] le 6 mai 2013 de l'immeuble [Adresse 2], cadastré [Cadastre 6], consistant en une maison élevée avec façade sur le [Adresse 11], d'un rez-de-chaussée et deux étages, avec une terrasse, l'accès aux étages et à la terrasse s'effectuant par une entrée portant le numéro 9 bis sur la rue [Adresse 12].

Cet immeuble comprend trois lots et est également soumis au statut de la copropriété.

Or la page 10 du règlement, institue une servitude de passage constituée au profit des futurs propriétaires et occupants des lots 2 (1er étage, partie d'appartement) et 3 (2ème étage, appartement). Il est précisé : ce droit de passage profitera aux propriétaires successifs des lots n°2 et 3, à leur famille, ayants-droits et préposés, pour leurs besoins personnels, et le cas échéant pour le besoin de leurs activités.

Ce droit de passage s'exercera à l'emplacement figuré par la teinte bleue sur le plan ci-annexé, qui dépend de l'appartement situé au rez-de-chaussée de la maison à [Adresse 3], cadastrée section [Cadastre 7], dont il forme le lot n°4 (voir rectificatif)...

Pour les besoins de la publicité foncière, il est indiqué que le lot n°1 (rez-de-chaussée, local commercial) dépendant de la maison ) [Adresse 3], cadastrée [Cadastre 7] appartient aux époux [A] de la même manière que l'immeuble objet du présent acte.

Le règlement de copropriété prévoit page 11 que le dégagement et la terrasse situés au 3ème étage sont des parties communes. Il stipule en page 13 que tous travaux qui entraineraient une emprise ou une jouissance exclusive des parties communes de l'immeuble ou affecteraient celles-ci ou l'aspect extérieur des bâtiments et de l'immeuble doivent être soumis à l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, statuant dans les conditions de majorité de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965 ou éventuellement celle de l'article 25-1, et éventuellement celle de l'article 26 dans la mesure où les travaux touchent à la structure personnelle de l'immeuble.

Il précise page 18, que les copropriétaires pourront par voie de décisions extraordinaires décider de travaux comportant transformation, addition ou amélioration des parties communes.

En outre, il ressort de ces éléments que les deux immeubles sont imbriqués.

Les locaux commerciaux du rez-de-chaussée appartiennent à deux copropriétés différentes et l'appartement au 1er étage est situé sur les deux bâtiments et appartient à M. [A]. En 1980, un syndic provisoire avait été nommé et avait proposé de mettre en place une copropriété commune pour ces deux immeubles.

A cet égard, par courrier du 18 mars 2020 M. [P] a signalé à M. [A] que de graves fissures étaient apparues sur leur 'mur mitoyen' de son côté, suite aux travaux entrepris par ce dernier.

En tout état de cause, les travaux entrepris par M. [S] [A], prennent appui sur le mur séparant l'immeuble cadastré [Cadastre 6] et l'immeuble cadastré [Cadastre 7].

M. [A], ne démontre pas avoir obtenu une quelconque autorisation de l'assemblée des copropriétaires, afin d'effectuer ses travaux. Or ces constructions portent atteinte aux parties communes de l'immeuble.

Par ailleurs, il ressort des photographies versées aux débats, ainsi que du constat d'huissier réalisé le 12 juillet 2022, à la requête de M. [P], que :

- l'appartement de M. [P] est issu de la réunion de plusieurs appartements mitoyens est traversant, donnant côté Nord Est sur la rue [Adresse 12], et côté Sud Ouest, sur le port de [Localité 4] ;

- au niveau du mur pignon Nord, son voisin a entrepris de surélever son immeuble sans se soucier des ouvertures existantes, de telle sorte que des fenêtres dont il bénéficiait ouvrent désormais dans la pièce-à-vivre de l'appartement nouvellement créé ;

- au dernier étage du bien de M. [P], il existe une fenêtre orientée Sud Ouest, laquelle donne sur la toiture de l'appartement de M. [A], partie nouvellement surélevée du fonds voisin ;

- depuis une autre fenêtre, de l'appartement de M. [P], ouverte sur le mur pignon Nord, l'huissier a constaté la présence de compresseurs de climatisation à l'état neuf, fixés sur la façade ;

- à l'étage inférieur, en procédant à l'ouverture de la fenêtre de la façade Sud Ouest, l'huissier a constaté que l'on apercevait à l'intérieur d'un appartement à l'état neuf ;

- ensuite, au niveau de la façade Nord, en ouvrant la fenêtre, il a constaté qu'elle donnait également sur un appartement à l'état neuf, en cours de réalisation dont les travaux étaient inachevés ;

- sur la partie droite du fonds de M. [A], vue du port de [Localité 4], l'huissier a constaté qu'on apercevait deux murs édifiées l'un contre l'autre en partie basse de l'extension, de telle sorte que la partie haute de l'extension semblait reposer sur le mur pignon de M. [P] .

L'huissier a pris une série de clichés photographiques des lieux, tout en restant chez M. [P].

Il résulte de ces éléments que M. [A] a, au lieu d'une couverture partielle de la toiture, aménagé un appartement.

Les deux fenêtres de M. [P], dont l'une donnait sur le port de [Localité 4], et l'autre avait vue directe sur un cabanon se trouvant sur la terrasse de M. [A], s'ouvrent désormais sur un appartement réalisé par M. [A].

De plus, il s'évince des anciennes photographies et cartes postales versées aux débats que les fenêtres de M. [P] situées sur son bien datent du XIXème siécle et étaient susceptibles d'être ouvertes, permettant d'éclairer, même partiellement, et d'aérer le bien de M. [P].

Au vu de ces éléments, il apparaît avec l'évidence requise en référé que ces fenêtres constituaient des vues et non de simples jours de souffrance.

En effet, elles pouvaient s'ouvrir laissant passer l'air et la lumière et permettaient d'apercevoir le fonds voisin, contrairement au jour de souffrance qui se définit comme une ouverture laissant passer uniquement la lumière, sans permettre, ni regard sur le fonds voisin, ni l'aération du fonds bénéficiaire.

L'article 2258 du code civil, dispose que la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la

mauvaise foi.

L'article 2261 du même code prévoit que pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.

L'article 678 précise qu'on ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou autres semblables saillies sur l'héritage ledit héritage, à moins que le fonds ou la partie du fonds sur lequel s'exerce la vue ne soit déjà grevé, au profit du fonds qui en bénéficie, d'une servitude de passage faisant obstacle à l'édification de construction.

L'article 679 dispose qu' on ne peut, sous la même réserve, avoir des vues par côté ou obliques sur le même héritage, s'il n'y a six décimètres de distance.

En l'espèce, il ressort de son acte notarié que M. [P] est propriétaire des lots n°3 et 5 depuis une acquisition du 28 janvier 1965 et pour le lot n°6 epuis le 10 juillet 1992. Il possède ces lots de manière continue et non interrompue depuis leur acquisition. Leur présence existait avant le dépôt de la déclaration préalable des travaux litigieux en 2019.

Le fait de transformer son habitat au point que les fenêtres de M. [P] n'ouvrent plus sur l'extérieur mais sur des pièces intérieures, le privant d'une vue droite plus que trentenaire sur le port, constitue un trouble manifestement illicite, qualifiable de trouble anormal du voisinage.

Il en résulte qu'il n'est pas possible d'avoir une vue droite sur la propriété de son voisin à moins de 19 décimètres, entre la fenêtre et le bien du voisin.

De même, il n'est pas possible d'avoir une vue oblique sur le bien du voisin, s'il n'y a pas 60 cm séparant la vue du bien.

Il est acquis que le propriétaire bénéficiaire d'une servitude est en droit de demander la démolition de la construction ne respectant pas la distance légale par rapport à la fenêtre sur laquelle existe une servitude.

Cet aménagement empêche M. [P] de jouir paisiblement de son bien, puisqu'il crée une promiscuité et une insécurité, dès lors que n'importe quel locataire de M. [A] peut pénétrer aisément dans son appartement, par ces fenêtres.

C'est donc à bon droit que le premier juge a considéré au moment où il a statué qu'il existait un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser en ordonnant la remise du bien dans son état antérieur, à tout le moins autour des fenêtres de M. [P], peu important que des travaux postérieurs aient été engagés en vue d'une mise en conformité avec la déclaration préalable de travaux.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée de ce chef.

Il convient également de la confirmer en ce qu'elle a condamné M. [A] à effectuer les travaux de remise en état sous astreinte provisoire, de 200 euros par jour de retard et ce pendant 24 mois, passé un délai de trois mois, à compter de la signification de la décision.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné M. [A] aux dépens de l'instance et à verser à M. [P] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [A], qui succombe au litige, sera débouté de sa demande formulée sur le fondement de ce texte. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de l'intimé les frais non compris dans les dépens, qu'il a exposés pour sa défense. Il lui sera donc alloué une somme de 2 000 euros en cause d'appel.

M. [A] supportera, en outre, les dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Dit qu'en page 5 de l'ordonnance rendue, le 14 juin 2023, numérotée n°23/406, rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseillle, dans la procédure enregistrée au répertoire générale, sous le numéro de RG 22/05958, il faudra lire, dans le dispositif, 'M. [A]" aux lieu et place de 'M. [P]' ;

Dit que pour plus de lisibilité, en page 5 de l'ordonnance précitée :

- la phrase 'Faute d'exécution totale et spontanée passé ce délai, condamnons [Z] [P] au paiement d'une astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard et ce pendant 24 mois, à compter de la signification de la présente ordonnance ;'

sera remplacée par :

- 'Faute d'exécution totale et spontanée passé ce délai, condamnons [S] [A] au paiement d'une astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard et ce pendant 24 mois, à compter de la signification de la présente ordonnance ;'

Confirme l'ordonnance entreprise ainsi rectifiée en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Condamne M. [A] à payer à M. [P] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. [A] de sa demande sur ce même fondement ;

Condamne M. [A] aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-2
Numéro d'arrêt : 23/10371
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.10371 ?
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