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20/06/2024 | FRANCE | N°23/10022

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 20 juin 2024, 23/10022


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRET SUR RENVOI DE CASSATION



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024



N°2024/















Rôle N° RG 23/10022 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLWJV







S.A. AXA FRANCE IARD





C/



S.A.R.L. NANO

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :
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Me Romain CHERFILS



Me Alain CHETRIT





Arrêt en date du 20 Juin 2024 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 15 juin 2023, qui a cassé et annulé l'arrêt n° RG 21/05985 rendu le 13 janvier 2022 par la cour d'appel de AIX EN PROVENCE (Chambre 1.3 ).





DEMANDERESSE SUR RENVOI DE...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRET SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

N°2024/

Rôle N° RG 23/10022 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLWJV

S.A. AXA FRANCE IARD

C/

S.A.R.L. NANO

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Romain CHERFILS

Me Alain CHETRIT

Arrêt en date du 20 Juin 2024 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 15 juin 2023, qui a cassé et annulé l'arrêt n° RG 21/05985 rendu le 13 janvier 2022 par la cour d'appel de AIX EN PROVENCE (Chambre 1.3 ).

DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION

S.A. AXA FRANCE IARD

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Rebecca VANDONI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE (avocat postulant) et Me David CUSINATO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE (avocat plaidant

DEFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION

S.A.R.L. NANO

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Alain CHETRIT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 02 Avril 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente,

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Patricia CARTHIEUX.

ARRÊT

FAITS ET PROCÉDURE

Le 31 janvier 2020, la société NANO a souscrit auprès de la société AXA FRANCE IARD S.A, un contrat d'assurance multirisque professionnelle ayant pour objet d'assurer l'activité de restaurant exploitée à [Localité 4] avec effet au 1er février 2020.

Le contrat prévoit dans ses conditions générales une garantie perte d'exploitation, et dans ses conditions particulières une extension de la garantie relative à la perte d'exploitation suite à une fermeture administrative, assortie d'une clause d'exclusion :

« PERTE D'EXPLOITATION SUITE A FERMETURE ADMINISTRATIVE

La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous même

2. la décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.

Durée et limite de la garantie

La garantie intervient pendant la période d'indemnisation, c 'est-à-dire la période commençant le jour du sinistre et qui dure tant que les résultats de l'établissement sont affectés par ledit sinistre, dans la limite de 3 mois maximum.

Le montant de la garantie est fixé à 300 fois l'indice.

L'assuré conservera à sa charge une franchise de 3 jours ouvrés. »

Par lettre recommandée du 19/10/2020, la société NANO a déclaré auprès de la société AXA France IARD un sinistre de perte d'exploitation suite à la fermeture administrative de l'établissement en raison de l'épidémie de COVID 19.

La société AXA FRANCE IARD S.A a refusé de garantir le sinistre, en invoquant les dispositions prévues dans le contrat.

Par ordonnance du 07 janvier 2021 le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé et renvoyé les parties à l'audience du 04/02/2021.

Par jugement du 04 mars 2021 le tribunal de commerce de Marseille a principalement :

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances,

Déclaré réputée non écrite, la clause d'exclusion de garantie dont se prévaut la société AXA FRANCE IARD libellée en ces termes :

« SONT EXCLUES

LES PERTES DEXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE. »

En conséquence,

Condamné la société AXA FRANCE IARD S.A. à payer à la société NANO S.A.R.L. la somme de 10 000 € à titre de provision, à valoir sur les pertes d'exploitation qu'elle a subies lors des fermetures de son établissement, dans la limite de trois mois ;

Sur le quantum des pertes d'exploitation subies par la société NANO S.A.R.L. lors de la fermeture de son établissement :

Désigné Monsieur [D] [I] demeurant [Adresse 2] en qualité d'expert a'n de véri'er et 'naliser contradictoirement le montant de l'indemnité due à la société NANO au titre de sa perte d'exploitation avec une mission spécifique.

Condamné la société AXA FRANCE IARD S.A. à payer à la société NANO S.A.R.L la somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par arrêt du 13 janvier 2022 la Cour d'appel d'Aix en Provence a confirmé le jugement précité en toutes ses dispositions et complété la mission de l'expert.

Par arrêt du 15 juin 2023, la cour de cassation a cassé cet arrêt en toutes ses dispositions au visa de l'article L113-1 du code des assurances considérant :

-d'une part que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

-d'autre part la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Elle a renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel d'Aix en Provence autrement composée.

La S.A. AXA FRANCE IARD a saisi la cour d'appel par déclaration au greffe du 26 juillet 2023 pour obtenir la réformation du jugement rendu le 04 mars 2021 par le Tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il a :

- Déclaré réputée non écrite, la clause d'exclusion de garantie dont se prévaut la société AXA FRANCE IARD libellée en ces termes : « SONT EXCLUES LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITÉ, FAIT L'OBJET, SUR LE MEMETERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE »

- Condamné la société AXA FRANCE LARD S.A. à payer à la SARL NANO la somme provisionnelle de 10000 €à titre de provision, à valoir sur sa garantie perte d'exploitation et celle de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Désigné Monsieur [D] [I], en qualité d'expert, afin de vérifier et finaliser contradictoirement le montant de l'indemnité due à la SARL LE NANO au titre de sa perte d'exploitation et avec pour mission de :

D'entendre les parties en leurs explications et de répondre à leurs dires et à leurs observations,

° de se faire communiquer tous documents utiles à ses investigations, notamment l'estimation effectuée par la Société FHALFAMILY et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années, d'entendre tous sachants,

° de s'adjoindre, si besoin, un sapiteur de son choix,

° d'évaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute sur une période maximum de 3 (trois) mois, déduction faite d'une franchise de 3 (trois) jours,

° d'examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, d'évaluer le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causées par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires - charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées, en recherchant si du chiffre d'affaires a été généré par des ventes à emporter ou « click and collect » et en le retranchant alors, en prenant compte les facteurs externes indépendamment des pertes d'exploitation liées à la fermeture administrative,

° d'évaluer le montant des pertes financières,

° de chiffrer le montant de la perte de marge brute subie par la Société FHALFAMILY sur une période maximum de 3 (trois) mois, déduction faite d'une franchise de 3 (trois) jours.

- Condamné la Société AXA France IARD S.A. à payer à la Société NANO S.A.R.L.U. la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamné la Société AXA FRANCE IARD S.A. aux dépens

- Dit que le présent jugement est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

- Débouté la Société AXA FRANCE IARD S.A de ses demandes, fins et conclusions.

L'affaire a été fixée à l'audience des plaidoiries du 2 Avril 2024 par avis communiqué aux parties le 20 septembre 2023.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 01/03/2024, la SA AXA FRANCE IARD demande à la Cour :

Vu la clause d'exclusion stipulée dans le contrat d'assurance souscrit par l'assurée auprès d'AXA FRANCE IARD,

Vu les pièces produites aux débats,

Vu les articles 1103, 1170 et 1192 du Code civil,

Vu les articles L. 113-1 et L. 121-1 du Code des assurances,

Vu le jugement dont appel,

- DECLARER recevable et bien-fondé l'appel interjeté par la société AXA FRANCE IARD et, y faisant droit :

A TITRE PRINCIPAL

- INFIRMER le jugement du 4 mars 2021 du Tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il a:

' Considéré que la clause d'exclusion ne serait ni formelle ni limitée au sens de l'article L.113-1 du Code des assurances et qu'AXA FRANCE IARD devra garantir la société NANO au titre de la perte d'exploitation de son activité de restauration ;

' Condamné AXA FRANCE IARD à payer à la société NANO, à titre de provision, la somme de 10.000€

' Ordonné une expertise judiciaire et nommé à cette fin monsieur [D] [I] avec la mission telle que décrite dans le jugement entrepris,

' Condamné AXA FRANCE IARD à payer à la société NANO la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

' Condamné AXA FRANCE IARD aux entiers dépens.

- INFIRMER le jugement du 4 mars 2021 du Tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il a débouté AXA FRANCE IARD de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion

STATUANT A NOUVEAU

- JUGER que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est applicable en l'espèce ;

- JUGER que cette clause d'exclusion respecte le caractère formel exigé par l'article L. 113-1 du Code des assurances ;

- JUGER que cette clause d'exclusion ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et respecte le caractère limité de l'article L. 113-1 du Code des assurances et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle d'AXA FRANCE IARD de sa substance au sens de l'article 1170 du Code civil ;

En conséquence :

- JUGER applicable en l'espèce la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie ;

- DEBOUTER la société NANO de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre d'AXA FRANCE IARD et la condamner à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement du 4 mars 2021 ;

- ANNULER la mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le Tribunal de commerce de Marseille ;

A TITRE SUBSIDIAIRE

- ORDONNER la fixation de la mission de l'Expert désigné par le Tribunal de commerce de Marseille comme suit :

' Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'assurée et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années ;

' Entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations ;

' Examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur une période maximum de trois mois et en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable

' Donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, comprenant le calcul de la perte de marge brute et déterminer le montant des charges salariales et des économies réalisées ;

' Donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'Assurée ;

' Donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars et le 29 octobre 2020.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- DEBOUTER la société NANO de toutes demandes, fins ou conclusions contraires au présent dispositif ;

- CONDAMNER la société NANO à payer à AXA FRANCE IARD la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat associé, aux offres de droit.

L'intimée n'a pas notifié de conclusions nouvelles après cassation.

A l'audience du 02 avril 2024, l'affaire a été retenue.

MOTIVATION

Il n'est pas contesté et il résulte des pièces contractuelles versées au dossier de la procédure que la relation des parties est régie par un contrat d'assurance Multirisque Professionnelle avec effet au 1er février 2020 comprenant les conditions générales 690200Q et les conditions particulières du contrat n°10594528404.

La page 7 des conditions particulières mentionne un paragraphe relatif à une extension de garantie à la perte d'exploitation suite à la fermeture administrative de l'établissement.

Cette garantie porte sur les pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1.la décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente et extérieure à l'assuré.

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.

La garantie commence le jour du sinistre et dure tant que les résultats de l'établissement sont affectés par le dit sinistre dans la limite de 3 mois maximum.

Le montant de la garantie est limité à 300 fois l'indice.

L'assuré conserve à sa charge une franchise de 3 jours ouvrés.

La clause d'exclusion de garantie opposée par la société AXA France IARD pour dénier à l'assuré la garantie perte d'exploitation pour la période de fermeture de l'établissement en raison de l'épidémie de COVID 19 est rédigée comme suit :

SONT EXCLUES :

LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE.

L'assuré fait valoir que cette clause doit être réputé non écrite voire nulle comme non conforme aux dispositions régissant la légalité des clauses d'exclusion de garantie.

L'article L113-1 du code des assurances dispose que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Ce texte implique que pour être opposable à l'assuré, la portée ou l'étendue de la clause d'exclusion de garantie doit être claire, précise, sans ambigüité et sans incertitude afin que celui-ci puisse déterminer le périmètre de la non garantie et si, de ce fait, l'assurance proposée correspond à ses attentes et est conforme à l'intérêt de l'entreprise.

La jurisprudence en déduit que lorsqu'elle est sujette à interprétation, une clause d'exclusion de garantie ne peut être considérée comme formelle et limitée.

En ce qui concerne la clause de garantie des pertes financières précitée offerte par AXA à sa clientèle, même si les conditions d'application de la clause limitant l'étendue de la garantie ont généré un contentieux important , si AXA a transigé avec une partie de ses assurés, si les clauses de cette nature ont suscité une réflexion sur la qualité de rédaction des polices d'assurance notamment par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, si de ce fait l'assureur a pu vouloir en modifier les termes s'agissant des contrats à venir et si une solution différente a pu être retenue dans d'autres pays voisins s'agissant de polices d'assurance équivalentes(Royaume Uni), la cour de cassation a jugé que la clause litigieuse de cette police répondait aux critères définis par le texte précité et sa jurisprudence.

La plupart des cours d'appel saisies sur renvoi lui ont emboîté le pas.

Dans l'arrêt du 15 juin 2023 concernant le présent litige ,la Cour de cassation relève que s'agissant d'un contrat prévoyant la garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative consécutive à certaines causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, est formelle la clause qui exclut ces pertes d'exploitation de la garantie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ;

Elle ajoute que n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance la clause qui exclut de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative de l'établissement assuré, pour plusieurs causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique à l'une de celles énumérées.

La jurisprudence retient ainsi que le risque couvert par la garantie est la fermeture administrative pouvant avoir plusieurs causes expressément mentionnées, un meurtre, un suicide, une épidémie, une maladie contagieuse, une intoxication et non le risque épidémie et que la clause d'exclusion portant sur la fermeture administrative édictée à l'égard de plusieurs établissements n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance et reste formelle et limitée.

La garantie contractuelle objet du litige couvre ainsi les hypothèses de la fermeture du seul établissement exploité par la SARL NANO dans le département des Bouches du Rhône en raison de la survenance d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie, d'une maladie contagieuse, d'une intoxication.

La clause conditionnant la garantie à l'absence de fermeture par l'autorité administrative d'autres établissements du même département pour une cause identique est limitée en ce qu'elle ne fait pas obstacle à la garantie de la fermeture administrative de l'établissement pour les autres causes qu'une épidémie.

La jurisprudence décide ainsi que s'agissant de la fermeture administrative pour cause d'épidémie, le fait que la garantie contractuelle porte sur la fermeture par l'autorité administrative du seul établissement exploité par la SARL NANO dans le territoire de l'intégralité du département urbanisé des Bouches du Rhône en raison d'une épidémie ne vide pas la garantie de sa substance.

Dans un arrêt du 21 septembre 2023 n°21/25921, la cour de cassation statuant sur le moyen suivant lequel il est illusoire qu'une fermeture administrative liée à une épidémie, s'agissant d'une maladie contagieuse se propageant à une population étendue, puisse ne concerner qu'un unique établissement et relevant que l'assureur ne cite aucun cas de fermeture administrative isolée suite à une propagation par contagion mais uniquement des cas d'intoxications par des produits corrompus ou causées par un manque d'hygiène ou d'entretien, a maintenu que la garantie couvrant le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance.

Or la fermeture administrative pour laquelle l'assurée demande la garantie de l'assureur résulte d'un arrêté du 14 mars 2020 édictant l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons de l'ensemble du territoire et donc de l'intégralité du département des Bouches du Rhône d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020 puis d'un décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

Par voie de conséquence, il y a lieu de réformer sur ce point le jugement du tribunal de commerce de Draguignan en application de la jurisprudence susvisée

La SA AXA France IARD demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'il a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire,

Cependant le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ; Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer cette demande.

Il en est de même relativement à l'expertise ordonnée par le premier juge.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La décision du premier juge étant réformée au principal, il y a lieu de l'infirmer en ce qu'elle condamne la SA AXA France IARD aux dépens et alloue une somme de 2000 euros à la SARL NANO sur le fondement de l'article 700 du code de procédure.

A l'issue du litige, il convient ainsi de condamner la SARL NANO aux dépens et au paiement d'une somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement du tribunal de commerce de MARSEILLE en date du 04 mars 2021.

Statuant à nouveau,

Déboute la SARL NANO de sa demande d'indemnisation des sinistres perte d'exploitation du fait de la fermeture de l'établissement en application des mesures gouvernementales de protection contre la propagation de l'épidémie de COVID 19 formulée à l'encontre de son assureur la SA AXA France IARD.

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour

Condamne la SARL NANO à payer la somme de 1500 euros à la SA AXA France IARD en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SARL NANO aux dépens de première instance et d'appel y compris les frais d'expertise, dont distraction au profit des avocats en ayant fait l'0avance.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et M. Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 23/10022
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.10022 ?
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