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20/06/2024 | FRANCE | N°23/08189

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 20 juin 2024, 23/08189


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRET SUR RENVOI DE CASSATION



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024



N°2024/















Rôle N° RG 23/08189 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLPPP







S.A. AXA FRANCE IARD





C/



S.A.R.L. L'ATELIER DE PAULINE







Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Romain CHERFILS



Me Jean-pierre TERTIAN





Arrê

t en date du 20 Juin 2024 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 25 Mai 2023, qui a cassé et annulé l'arrêt n° RG 21/1864 rendu le 9 Septembre 2021 par la cour d'appel de AIX EN PROVENCE (Chambre 1-3).





DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATIO...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRET SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

N°2024/

Rôle N° RG 23/08189 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLPPP

S.A. AXA FRANCE IARD

C/

S.A.R.L. L'ATELIER DE PAULINE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Romain CHERFILS

Me Jean-pierre TERTIAN

Arrêt en date du 20 Juin 2024 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 25 Mai 2023, qui a cassé et annulé l'arrêt n° RG 21/1864 rendu le 9 Septembre 2021 par la cour d'appel de AIX EN PROVENCE (Chambre 1-3).

DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION

S.A. AXA FRANCE IARD

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me David CUSINATO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Thomas MARIANI, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION

S.A.R.L. L'ATELIER DE PAULINE

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-pierre TERTIAN de la SCP TERTIAN-BAGNOLI & ASSOCIÉS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Annabelle AYME, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Inès BONAFOS, Président-Rapporteur,

et M. Adrian CANDAU, conseiller- rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2024, puis avisées par message le 23 Mai 2024, que la décision était prorogée au 20 Juin 2024.

ARRÊT

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL L'ATELIER DE PAULINE exploite un fonds de commerce de restaurant à [Localité 3] ; elle a souscrit le 11 juillet 2014 auprès de la société Axa France IARD un contrat d'assurance «multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière ».

A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la SARL L'ATELIER DE PAULINE a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que :

« La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même.

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».

Par courrier du 30 septembre 2020, l'assuré a déclaré à son assureur le sinistre fermeture administrative en raison du covid 19.

L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en 'uvre, en raison de la clause excluant les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.

La SARL L'ATELIER DE PAULINE a effectué une seconde déclaration de sinistre à la suite d'une nouvelle fermeture administrative ordonnée à compter du 30 octobre 2020, par décret du 29 octobre 2020.

L'assureur lui opposant un refus de garantie, la SARL L'ATELIER DE PAULINE l'a assigné devant le tribunal de commerce de Marseille afin d'obtenir l'indemnisation des pertes d'exploitation générées par la fermeture de l'établissement en application des décisions réglementaires précitées.

Par jugement en date du 25 janvier 2021, le Tribunal de commerce de Marseille a :

Déclaré valable le contrat d'assurance garantie pertes d'exploitation souscrit entre les parties le 11 juillet 2014 ;

Vu les dispositions de l'article L. 113-1 du Code des Assurances,

Déclaré reputtée non écrite la clause d'exclusion de garantie libellée en ces termes :

« SONT EXCLUES

LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L 'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CEL UI DE L 'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE. »

En conséquence,

Condamné la SA AXA FRANCE IARD à payer à la SARL L'ATELIER DE PAULINE la somme de 65 000 € à titre de provision à valoir sur les pertes d'exploitation qu'elle a subies lors des fermetures administratives de son activité de restaurant du 15 mars au 2 juin 2020 et à partir du 30 octobre 2020 jusqu'à la date de réouverture autorisée de cette activité dans la limite de trois mois, avec intérêts au taux légal à compter du prononce du présent jugement »

Désigné , aux frais avancés de l'assuré ,monsieur [G] [R] en qualité d'expert avec pour mission d'évaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute au titre de l'activité de restaurant de la SARL L'ATELIER DE PAULINE pendant les périodes du 15 mars au 2 juin 2020 et à partir du 30 octobre 2020 jusqu'à la date de réouverture autorisée de cette activité dans la limite de trois mois , le montant des frais supplémentaires d'exploitation de l'activité de restaurant pendant la période d'indemnisation, le montant des pertes financières de l'activité de restaurant, le montant des facteurs internes et externes à l'activité de restaurant susceptibles d'avoir eu, indépendamment du sinistre, une influence sur l'activité et sur le chiffre d'affaires , le montant des charges normales au titre de l'activité de restaurant, que du fait du sinistre, la SARL L'ATELIER DE PAULINE, a cessé de payer pendant la période d'indemnisation , le montant de la perte de marge brute subie par la SARL L'ATELIER DE PAULINE au titre de l'activité de restaurant pendant les périodes suivantes du 15 mars au 2 juin 2020 et à partir du 30 octobre 2020 jusqu'à la date de réouverture autorisée dans la limite de trois mois .

Condamné la SA AXA FRANCE IARD à payer à la Sarl L'ATELIER DE PAULINE la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamné la SA AXA FRANCE IARD aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu'énoncés par l'article 695 du Code de Procédure Civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction sont liquides a la somme de 74,18 euros TTC

Dit que le présent jugement est de plein droit exécutoire à titre provisoire ;

Rejette pour le surplus toutes autres demandes, 'ns et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement ;

Par arrêt en date du 09 septembre 2021, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4) a :

CONFIRME le jugement déféré,

ET Y AJOUTANT,

AJOUTE à la mission con'ée à l'expert les chefs de mission suivants :

- examiner les documents comptables, notamment les bilans et comptes d'exploitation sur les trois années antérieures à chaque sinistre, ainsi que le détail des comptes sur l'année 2020,

-préciser le montant des aides et/ou subventions octroyées par l'Etat à la SARL L'ATELIER DE PAULINE' et donner son avis sur l'incidence de ces aides et/ou subventions sur le sinistre,

CONDAMNE la SA AXA FRANCE IARD à payer à la SARL L'ATELIER DE PAULINE une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence pour la suite de la procédure,

-Condamné la SA Axa France IARD à payer à la SARL A LA BONNE FRANQUETTE la somme de 7000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Condamné la SA Axa France IARD aux dépens d'appel et fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me [P] [Y].

Par arrêt en date du 25 mai 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare valable le contrat d'assurance garantie pertes d'exploitation souscrit entre les parties le 11 juillet 2014, l'arrêt rendu le 9 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société L'Atelier de Pauline aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Par déclaration au greffe en date du 21 juin 2023, la SA AXA France IARD a saisi la Cour d'Appel sur renvoi, en l'état de la cassation partielle intervenue le 25 mai 2023 par l'arrêt de Cassation, aux fins de réformer et/ou annuler le jugement rendu par le Tribunal de Marseille le 25 janvier 2021, en ses dispositions qui ont :

Déclaré réputée non écrite la clause d'exclusion de garantie libellée en ces termes :

« SONT EXCLUES LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L 'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D 'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE »

- Condamné la SA AXA FRANCE IARD à payer à la SARL L'ATELIER DE PAULINE la somme de 65 000 € à titre de provision à valoir sur les pertes d'exploitation qu'elle a subies lors des fermetures administratives de son activité de restaurant du 15 mars au 2 juin 2020 et à partir du 30 octobre 2020 jusqu'à la date de réouverture autorisée de cette activité dans la limite de trois mois, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement.

- Sur le quantum des pertes d'exploitation subies par la SARL L'ATELIER DE PAULINE lors des fermetures administratives de son activité de restaurant du 15 mars au 2 juin 2020 et à partir du 30 octobre 2020 jusqu'à la date de réouverture autorisée de cette activité dans la limite de trois mois, Désigné Monsieur [G] [R] en qualité d'expert avec pour mission :

° d'évaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute au titre de l'activité de restaurant de la Société L'ATELIER DE PAULINE pendant les périodes suivantes :

* du 15 mars au 2 juin 2020

*à partir du 30 octobre 2020 jusqu'à la date de réouverture autorisée de cette activité dans la limite de trois mois

° d'évaluer le montant des frais supplémentaires d'exploitation de l'activité de restaurant pendant la période d'indemnisation

° d'évaluer le montant des pertes financières de l'activité de restaurant

° d'évaluer le montant des facteurs internes et externes à l'activité de restaurant susceptibles d'avoir eu, indépendamment du sinistre, une influence sur l'activité et le chiffre d'affaires de cette activité

° de déterminer le montant des charges normales au titre de l'activité de restaurant, que du fait du sinistre, la SARL L'ATELIER DE PAULINE, a cessé de payer pendant la période d'indemnisation

° de chiffrer le montant de la perte de marge brute subie par la SARL L'ATELIER DE PAULINE au titre de l'activité de restaurant pendant les périodes suivantes :

* du 15 mars au 2 juin 2020

* à partir du 30 octobre 2020 jusqu'à la date de réouverture autorisée dans la limite de trois mois

- Condamné la SA AXA FRANCE IARD à payer à la SARL L'ATELIER DE PAULINE la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamné la SA AXA FRANCE IARD aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance.

- Dit que le présent jugement est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

- Débouté la SA AXA FRANCE IARD de ses demandes.

Par conclusions du 19 février 2024, la société AXA France IARD sollicite voir :

Vu la clause d'exclusion stipulée dans le contrat d'assurance souscrit par l'assurée auprès d'AXA FRANCE IARD,

Vu les pièces produites aux débats,

Vu les articles 1103, 1170 et 1192 du Code civil,

Vu les articles L112-4, L. 113-1 et L. 121-1 du Code des assurances,

Vu le jugement dont appel,

- DECLARER recevable et bien-fondé l'appel interjeté par la société AXA FRANCE IARD et, y faisant droit :

A TITRE PRINCIPAL

- INFIRMER le jugement du 25 janvier 2021 du Tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il a :

- Déclaré valable le contrat d'assurance garantie pertes d'exploitation souscrit entre les parties le 11 juillet 2014. ;

- Déclaré réputée non écrite, la clause d'exclusion de garantie libellée en ces termes :

« SONT EXCLUES :

- LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITÉ, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE »

- Condamné la Société AXA FRANCE TARD S.A. à payer à la Société L'ATELIER DE PAULINE la somme de 65.000 € à titre de provision, à valoir sur les pertes d'exploitation qu'elle a subies lors de la fermeture de son établissement du 15 mars au 2 juin 2020 et à partir du 30 octobre 2020 jusqu'à la date de réouverture autorisée de cette activité dans la limite de trois mois, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;

- Désigné Monsieur [G] [R] en qualité d'expert, l'expertise étant aux frais avancés par l'assuré;

- Condamné la Société AXA FRANCE IARD S.A. À payer à la SARL L'ATELIER DE PAULINE la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamné la SA AXA FRANCE IARD aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance;

- Dit que le présent jugement est de plein droit, exécutoire à titre provisoire ;

- Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement.

- INFIRMER le jugement du 25 janvier 2021 du Tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il a débouté AXA FRANCE IARD de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion.

STATUANT A NOUVEAU

- JUGER que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est applicable en l'espèce ;

- JUGER que cette clause d'exclusion respecte le caractère formel exigé par l'article L. 113-1 du Code des assurances ;

- JUGER que cette clause d'exclusion ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et respecte le caractère limité de l'article L.113-1 du Code des assurances et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle d'AXA FRANCE IARD de sa substance au sens de l'article 1170 du Code civil ;

- JUGER que cette clause d'exclusion ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et respecte le caractère limité de l'article L.113-1 du Code des assurances et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle d'AXA FRANCE IARD de sa substance au sens de l'article 1170 du Code civil ni ne rend l'obligation de garantie illusoire ou dérisoire et dénuée de contrepartie au sens des articles 1169 et 1170 du Code civil ;

- JUGER que cette clause d'exclusion est stipulée en caractères très apparents conformément aux dispositions de l'article L.112-4 du Code des assurances et opposable à l'assurée ;

En conséquence :

- JUGER applicable en l'espèce la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie ;

- DEBOUTER la société L'ATELIER DE PAULINE de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre d'AXA FRANCE IARD et la condamner à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement du 25 janvier 2021 ;

- ANNULER la mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le Tribunal de commerce de Marseille ;

A TITRE SUBSIDIAIRE

- JUGER qu'AXA n'a commis aucun manquement à son devoir d'information et de conseil ;

- ORDONNER la fixation de la mission de l'Expert désigné par le Tribunal de commerce de Marseille comme suit :

' Examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur une période maximum de trois mois et en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable ;

' Donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, comprenant le calcul de la perte de marge brute et déterminer le montant des charges salariales et des économies réalisées ;

' Donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'assurée ;

' Donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars et le 29 octobre 2020.

En conséquence :

- DEBOUTER la société L'ATELIER DE PAULINE de sa demande de condamnation sur le fondement d'un prétendu manquement d'AXA à son devoir d'information et de conseil ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- DEBOUTER la société L'ATELIER DE PAULINE de toutes demandes, fins ou conclusions contraires au présent dispositif ;

- CONDAMNER la société L'ATELIER DE PAULINE à payer à AXA FRANCE IARD la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat associé, aux offres de droit.

La société AXA France IARD soulève l'irrecevabilité au visa des articles 633 et 564 du code de procédure civile, et le caractère mal fondé du moyen nouveau présenté en appel relatif à l'absence de formalisme de la clause d'exclusion sur le fondement de l'article L112-4 du Code des assurances.

Sur le fond, elle fait valoir que la compréhension de la clause par l'assurée doit s'apprécier à la souscription. En l'espèce l'assurée ne pouvait ignorer l'objet de la garantie souscrite ainsi que la portée de la clause d'exclusion rédigée en caractères très apparents directement au sein de l'extension de garantie.

Le « caractère très apparent » de la clause d'exclusion imposée par cette disposition relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. Or conformément à la jurisprudence déjà rendue par plusieurs Cour d'appel sur la clause d'exclusion objet du présent litige, il ressort que la rédaction de ladite clause en lettres majuscules, en grand format et détachée des paragraphes précédents, répond au formalisme exigé par l'article L112-4 du Code des assurances.

La société AXA France sollicite la réformation du jugement. Elle se fonde sur l'harmonisation de la jurisprudence opérée par la Cour de cassation dans quatre arrêts du 1er décembre 2022, et confirmée depuis par d'autres arrêts.

Selon cette jurisprudence, une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire et il n'appartient pas au juge du fond qui ont jugé une clause limitée d'apprécier sa conformité aux anciens article 1131 et 1169 du code civil.

En l'espèce, la clause litigieuse indique expressément et clairement que la garantie perte financière résultant de la fermeture administrative de l'établissement ne peut jouer que lorsqu'aucun établissement du département n'est fermé par l'autorité administrative pour une cause identique et correspond à un risque aléatoire assurable et il ne peut être fait grief à l'assureur de l'absence de définition du terme épidémie alors qu'il ne correspond pas à un critère d'application de la clause d'exclusion de garantie mais à une condition de son application.

En effet, les critères d'application de la clause d'exclusion ne souffrent d'aucune imprécision et sont compréhensibles pour tout un chacun.

Un critère de nombre : la clause d'exclusion s'applique dès lors qu'il y a plus d'un établissement qui fait l'objet d'une fermeture administrative ;

Un critère territorial : le nombre d'établissement fermé s'apprécie à l'échelle d'un même département.

Ensuite, il est démontré que même si le caractère limité de la clause d'exclusion devait s'apprécier au seul regard de l'événement « épidémie », la clause d'exclusion est bien limitée dès lors qu'une épidémie peut donner lieu à une mesure de fermeture administrative « individuelle » puisque l'épidémie n'implique pas nécessairement une grande étendue géographique ou un grand nombre de personnes affectées ou encore une contagion d'un individu à l'autre.

De plus, la commune intention des parties, lors de la souscription du contrat, n'était pas de couvrir le risque d'une fermeture généralisée à l'ensemble du territoire, risque totalement imprévisible à l'époque, mais de couvrir les aléas inhérents à l'exploitation d'un restaurant exposé à des risques biologiques.

Enfin, la proposition d'avenant faite par AXA France ne remet pas en cause la clarté de la clause d'exclusion. En effet, la crise du Covid-19 a entraîné une reconsidération des risques liés aux épidémies par l'ensemble des acteurs du marché de l'assurance et de la réassurance. AXA FRANCE, au même titre que l'ensemble des assureurs, bénéficie d'une réassurance de son portefeuille. Elle a été contrainte de modifier ses conditions de garantie pour l'avenir afin d'exclure la prise en charge des risques liés aux épidémies, y compris lorsque l'épidémie entrainerait la fermeture d'un seul établissement.

Les pertes alléguées résultant de mesures gouvernementales généralisées, se traduisant par une fermeture « collective », constituent un préjudice anormal et spécial qui ne relève pas d'une garantie individuelle de droit privé et qui est contraire au principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques.

Enfin, dans un cadre subsidiaire, AXA France fait valoir que les demandes formulées par l'assurée ne sont pas justifiées au regard des stipulations contractuelles relatives aux règles de calcul des pertes d'exploitation indemnisables et à la prise en compte des facteurs internes et externes de nature à influer sur le chiffre d'affaires, des dispositifs d'aides de l'Etat, conformément principe indemnitaire prévu par l'article L121-1 du code des assurances.

Si la Cour estimait devoir faire droit aux prétentions de l'Intimée sur la validité de la clause d'exclusion ou sur le devoir de conseil, elle ne pourrait prononcer de condamnation définitive et devra ordonner un complément de mission.

Par conclusions du 09 octobre 2023 la SARL L'ATELIER DE PAULINE, intimée demande à la cour :

Vu les dispositions de l'Article 632 du Code de Procédure Civile ;

Vu les dispositions des articles 1108 et 1143 du Code Civil ;

Vu les dispositions des articles 1169 et 1170 du Code Civil ;

Vu les dispositions des articles L 113-1 et L.112-4 du Code des Assurances ;

Vu les dispositions de l'article 1231-1 du Code Civil ;

Vu le contrat d'assurance souscrit ;

CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce d'Aix en Provence le 25 janvier 2021 au besoin par adjonction des motifs, en ce qu'il a condamné la Société AXA FRANCE IARD à garantir les sinistres perte financière suite à fermeture administrative, subis par la SARL L'ATELIER DE PAULINE entre le 15 mars 2020 et le 2 juin 2020 et entre le 30 octobre 2020 et le 31 janvier 2021, après avoir déclarée la clause d'exclusion opposée à l'assuré non mobilisable et/ou non écrite, pour absence de caractère très apparent, absence de contrepartie, et pour absence de caractère formel et limité;

CONDAMNER la Société AXA FRANCE IARD à payer, en denier ou quittance, à la SARL L'ATELIER DE PAULINE, la somme de 65.000 € à titre de provision, et renvoyer les parties devant le Tribunal de Commerce de Marseille aux fins que soit statué sur l'indemnisation définitive de l'intimée sur la base du rapport d'expertise [R] ;

Subsidiairement,

INFIRMER le Jugement rendu et CONDAMNER la Société AXA FRANCE IARD à payer à la SARL L'ATELIER DE PAULINE la somme de 65.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison des manquements fautifs de l'assureur à ses obligations générales d'information, de conseil et de mise en garde.

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

DEBOUTER La Société AXA FRANCE IARD de ses demandes ;

CONDAMNER La Société AXA FRANCE IARD à payer 10.000 € à la SARL L'ATELIER DE PAULINE sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel ;

CONDAMNER La Société AXA FRANCE IARD aux dépens.

La SARL L'ATELIER DE PAULINE, rappelle préalablement que le prononcé d'un arrêt de cassation ne fige aucunement la jurisprudence. La juridiction est entièrement libre, dans le plein exercice de son pouvoir juridictionnel, de refuser de suivre la solution posée par l'arrêt de cassation l'ayant saisi de la connaissance du litige. La juridiction de renvoi, en effet, est investie d'un plein pouvoir juridictionnel, ce pourquoi l'article 638 du code de procédure civile énonce : « L'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation. » Et l'article L. 431-6 du code de l'organisation judiciaire prévoit que le renvoi devant l'assemblée plénière « doit » être ordonné « lorsque, après cassation d'un premier arrêt ou jugement, la décision rendue par la juridiction de renvoi est attaquée par les mêmes moyens ».

Or en l'espèce la contradiction des décisions rendues par les juges du fond dénote à tout le moins le caractère ni formel ni limité de la clause d'exclusion. Par ailleurs la décision rendue par la Cour de cassation est vivement critiquée par la doctrine. Rien n'interdit donc à la cour de céans, statuant comme juridiction de renvoi, de s'écarter de la solution posée par la Cour de cassation, dans ses arrêts du 1er décembre 2022.

La SARL L'ATELIER DE PAULINE, soutient que les sinistres pertes d'exploitation sont garantis par AXA. En effet, aux termes des Conditions Particulières du contrat liant les parties, régulièrement produit aux débats, la SARL L'ATELIER DE PAULINE, a expressément souscrit une garantie « protection financière » couvrant notamment la perte d'exploitation. Selon les critères du contrat, il apparait que la garantie perte financière est acquise dès lors que :

- Une fermeture administrative est prononcée : tel est le cas dès lors que la SARL L'ATELIER DE PAULINE, exploite essentiellement un restaurant, ces arrêtés et décrets ayant entrainé son arrêt quasi-total d'activité.

- La décision de fermeture a été prononcée par une autorité administrative : en l'espèce tant le Premier Ministre que le Ministre de la Santé, apparaissent comme de telles autorités conformément à l'article 21 de la Constitution21, et l'article L.3131-1 du Code de la Santé Publique 22 qui leur attribue un pouvoir de Police en cas de crise sanitaire ;

- Cette interdiction est motivée par l'existence d'une épidémie : en l'espèce l'épidémie de COVID 19 est qualifiée comme telle, et a entrainé l'ouverture réglementaire d'une période d'urgence sanitaire, pour lutter contre la « propagation du virus ».

Dès lors, que les Conditions Particulières de la Police d'assurance de l'intimée, prévoient expressément l'indemnisation des pertes financières en cas d'épidémie, il apparait que les critères d'indemnisation du sinistre qu'a subi la Société concluante sont remplis.

La SARL L'ATELIER DE PAULINE soutient que clause d'exclusion invoquée par AXA est inopposable.

Conformément à l'Article L.112-4 du Code des Assurances : « Les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents. ». En l'espèce la clause d'exclusion n'est ni soulignée, ni en gras, ni en couleur, ni encadrée par rapport à la clause de garantie elle-même, la seule chose qui les distingue est le fait qu'elle est écrit en lettre capitale. La mise en page est dense et l'utilisation de caractères majuscules ne suffit pas à la rendre très apparente dans la mesure ou d'autres mots du contrat sont également en lettre capitale et notamment les garanties elle-même. Il n'existe pas de titre permettant d'attirer spécialement l'attention de l'assuré sur l'existence d'une clause d'exclusion de garantie, qui figure d'ailleurs sous le même intitulé que la garantie « Protection financière ». La seule utilisation d'un caractère d'imprimerie différent pour singulariser les causes d'exclusion ne répond pas aux exigences de la loi de caractères très apparents et ne permet pas à l'assuré d'identifier clairement l'existence d'une clause d'exclusion dans les Conditions Particulières. La clause d'exclusion de garantie litigieuse ne correspond donc pas aux exigences de l'Article L.112-4 du Code des Assurances elle doit donc, de ce chef, être réputée non écrite

La SARL L'ATELIER DE PAULINE, fait de plus valoir que selon les termes de la clause litigieuse AXA avait prévu d'exclure la garantie uniquement en cas de pluralité de décisions de fermeture administrative individuelle, ayant une cause identique, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisqu'une seule décision collective a atteint l'ensemble des établissements de restauration sur le territoire national.

Si l'assureur avait voulu viser les fermetures collectives résultant d'une seule décision administrative, la clause aurait été rédigée autrement.

A la date du 14 mars 2020, date de l'arrêté, aucun établissement n'était fermé.

La SARL L'ATELIER DE PAULINE, soutient que la clause est inapplicable au visa des articles 1169 et 1108 du code civil en l'absence d'aléa du fait que la fermeture de plusieurs établissements en cas d'épidémie est certaine. Il en résulte également une absence de cause de l'obligation principale d'assurance du sinistre ayant pour origine une épidémie.

Ensuite, l'intimée se prévaut de l'absence de caractère formel et limité de la clause d'exclusion au sens de l'article L113-1 du Code des assurances :

L'assureur n'a pas contractuellement défini le terme « d'épidémie ». Or la Cour de cassation a retenu que l'absence de définition du terme ''épidémie'', incontestable en l'espèce, était sans conséquence puisque c'est la fermeture administrative pour « CAUSE IDENTIQUE » qui permet d'exclure la garantie dans les termes de la clause d'exclusion, et non l'épidémie elle-même. Un tel raisonnement est contesté, c'est bien la cause identique qui est visée dans la clause, et cette cause identique en l'espèce renvoie nécessairement à la notion d'épidémie. L'interprétation du terme d'épidémie est donc indispensable.

L'ensemble des définitions courantes proposées par les dictionnaires généraux et médicaux considère que l'épidémie est « le développement et la propagation rapide d'une maladie contagieuse, le plus souvent d'origine infectieuse, dans une population ». L'assuré considère qu'une telle clause rend dérisoire l'application de la garantie en cas d'épidémie, qui est une extension de la maladie contagieuse à un grand nombre de personne dans un lieu donné, en l'occurrence à minima une commune ou un département

La clause d'exclusion litigieuse nécessite ainsi incontestablement une interprétation, faute pour AXA d'avoir défini contractuellement les termes « fermeture », « établissement » mais aussi « épidémie », « maladie contagieuse » ou « intoxication ».

Cette clause encourt en outre la nullité en vertu des Articles 1170 du Code Civil et L.113-1 du Code des Assurances puisqu'elle vide de sa substance la garantie et, partant, l'obligation essentielle assumée par l'assureur, et par là même est dénuée de tout caractère limité.

La clause d'exclusion a pour effet de rendre inapplicable l'indemnisation des pertes d'exploitation consécutives à toutes fermetures administratives par les autorités en cas d'épidémie qui nécessairement ne se limitera jamais à un établissement.

En jugeant valable la garantie « fermeture administrative » parce qu'elle restait mobilisable au titre des autres causes de fermeture prévues par la clause d'extension, la Cour de Cassation a commis un abus de langage sur le terme « garantie ». La fermeture administrative n'est pas une garantie mais un évènement garanti, c'est-à-dire l'un des dommages couverts par la garantie. Or l'exclusion de garantie est réputée non écrite dès lors qu'elle rend dérisoire la couverture de chaque événement garanti pris séparément. Il importe donc peu qu'une garantie pour d'autres causes subsiste en cas de fermeture administrative dès lors que la garantie en cas d'épidémie est totalement anéantie par l'application de la clause d'exclusion.

En résumé les arrêts du 1er Décembre 2022 sont contestés par une doctrine presque unanime et au sein de la Haute Cour elle-même : un débat devant l'Assemblée Plénière apparait souhaitable tant en droit qu'en équité.

A titre subsidiaire, la SARL L'ATELIER DE PAULINE, soutient que l'assureur a manqué à son devoir de conseil.

La jurisprudence a mis à la charge de l'assureur, tenu personnellement ou du fait de ses mandataires, une obligation générale d'information, de conseil et de mise en garde. En l'espèce, AXA, en n'attirant pas l'attention de son assuré sur l'existence et le contenu de la clause d'exclusion, et en n'en explicitant ni le contenu ni la portée, a manqué à son devoir d'information et de conseil. AXA sera donc condamnée à indemniser le préjudice subi par la SARL L'ATELIER DE PAULINE qui correspond à l'absence de couverture du risque ou à la perte de chance de souscrire un contrat adapté aux risques, qui équivaut à l'indemnisation à laquelle l'assuré aurait pu prétendre s'il avait été couvert. Ce préjudice sera évalué à la somme de 65.000 €.

S'agissant des pertes subies par l'assuré, le contrat prévoit l'indemnisation de la perte d'exploitation, pour une durée maximum de trois mois par sinistre dans une limite de 300 fois l'indice FFB (994,50 au 1er octobre 2019), déduction faite d'une franchise de trois jours ouvrés. L'élément déclencheur de la garantie est la fermeture administrative : il y a donc autant de sinistres que de décisions de fermeture administrative. En l'espèce deux fermetures administratives sont intervenues, l'une de 79 jours (du 15 mars 2020 au 2 juin 2020), l'autre de 92 jours (du 30 octobre 2020 au 30 janvier 2021).

La SARL L'ATELIER DE PAULINE a produit aux débats ses comptes de résultat, arrêtés au 31 décembre.

La SARL L'ATELIER DE PAULINE a aussi produit une attestation de son expert-comptable, évaluant la perte de chiffres d'affaires et la perte d'exploitation subie soit 100091€ HT pour la première période et 62040,73€HT pour la deuxième période.

Dans le cadre des décisions rendues le 25 janvier 2021 par le tribunal de commerce et le 09 septembre 2021 par la cour d'appel, cassée par la Cour de Cassation, une expertise avait été confiée à monsieur [G] [R] qui a déposé son rapport le 21/03/2022. Il conviendra d'allouer à titre de provision, à la SARL L'ATELIER DE PAULINE une somme de 65000 €, montant des sommes par elle perçues dans le cadre de la procédure, et de renvoyer les parties à conclure sur le rapport d'expertise de monsieur [R] par devant le Tribunal de Commerce De Marseille aux fins de respecter le double degré de juridiction.

L'affaire a été fixée à l'audience du 05 mars 2024 à laquelle les parties ont pu présenter leurs observations.

MOTIVATION

Il n'est pas contesté et il résulte des pièces contractuelles versées au dossier de la procédure que la relation des parties est régie par un contrat d'assurance Multirisque Professionnelle souscrit avec effet au 02 juillet 2020 comprenant les conditions générales 690200Q et les conditions particulières du contrat n°6282385204.

La page 9 des conditions particulières mentionne un paragraphe relatif à une extension de garantie à la perte d'exploitation suite à la fermeture administrative de l'établissement.

Cette garantie porte sur les pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1.la décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente et extérieure à l'assuré.

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.

La garantie commence le jour du sinistre et dure tant que les résultats de l'établissement sont affectés par le dit sinistre dans la limite de 3 mois maximum.

Le montant de la garantie est limité à 300 fois l'indice.

L'assuré conserve à sa charge une franchise de 3 jours ouvrés.

La clause d'exclusion de garantie opposée par la société AXA France IARD pour dénier à l'assuré la garantie perte d'exploitation pour la période de fermeture de l'établissement en raison de l'épidémie de COVID 19 est rédigée comme suit :

SONT EXCLUES :

LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE.

L'assuré fait valoir que cette clause doit être réputé non écrite voire nulle comme non conforme aux dispositions régissant la légalité des clauses d'exclusion de garantie.

Sur la conformité de la clause litigieuse aux dispositions de l'article L112-4 du code des assurances

L'article L112-4 du code des assurances prévoit que les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.

L'assureur fait valoir que cette demande nouvelle en appel est irrecevable en vertu de l'article 910-4 du code de procédure civile.

Toutefois, il ne s'agit pas d'une demande nouvelle mais d'un fondement nouveau dans le but que soit déclarée non écrite la clause d'exclusion de garantie tout comme le moyen initial fondé sur les dispositions de l'article L113-1 du code des assurances.

L'article 563 du code de procédure civile prévoit que pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

L'article 565 du CPC énonce qu'une prétention n'est pas nouvelle lorsqu'elle tend « aux mêmes fins » que celles invoquées en première instance.

L'article 566 du code de procédure civile prévoit que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, sauf à ce que celles-ci soient l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge.

En outre la demande nouvelle tendant à faire écarter les prétentions adverses est recevable (ass. com., 15 fév. 2023, n°21-20.283)

Par voie de conséquence, l'argument nouveau relatif au caractère non suffisamment apparent de la clause d'exclusion est recevable.

La clause litigieuse est rédigée en caractères majuscules et est insérée dans la police d'assurance immédiatement à la suite de la définition de la garantie perte d'exploitation suite à la fermeture administrative dont elle se détache nettement du fait de l'emploi de lettres capitales.

Ainsi, la définition de la garantie et la clause restrictive sont distinctes et s'enchaînent permettant une lecture continue des éléments contractuels régissant la garantie perte d'exploitation suite à une fermeture administrative de l'établissement.

Si d'autres exclusions de garantie citées par l'assurée dans ses conclusions sont mentionnées en caractères gras, dans un cadre coloré, à l'inverse de celle-ci, elles ne sont pas en lettres capitales et rien n'oblige l'assureur à employer les mêmes éléments d'écritures rendant très apparents une clause dans toute la police.

Par voie de conséquence, la clause limitant la garantie perte d'exploitation suite à la fermeture administrative à la seule hypothèse d'une fermeture isolée de l'établissement est conforme aux dispositions exigeant que les clauses restrictives de garantie soient rédigées en caractères très apparents.

Sur la vocation de la clause litigieuse à s'appliquer :

L'assuré fait valoir qu'il n'est pas démontré que la clause litigieuse ait vocation à s'appliquer au cas d'espèce de la fermeture de l'établissement à l'initiative de l'administration par une décision d'application générale.

L'assureur fait valoir que s'agissant 'une demande nouvelle, elle est irrecevable.

L'article 565 du CPC énonce qu'une prétention n'est pas nouvelle lorsqu'elle tend « aux mêmes fins » que celles invoquées en première instance.

L'article 566 du code de procédure civile prévoit que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, sauf à ce que celles-ci soient l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge.

Ne s'agissant pas d'une prétention nouvelle mais d'une prétention tendant aux mêmes fins que celles invoquées précédemment à savoir le défaut de fondement du refus de l'assureur de garantir le sinistre en raison de la même clause d'exclusion, cet argument est recevable devant la cour de renvoi qui statue en l'espèce après cassation intégrale de son premier arrêt.

L'assurée fait valoir que dans des contrats similaires tel que la police multirisque de l'hôtellerie, l'assureur a exclu expressément la garantie des pertes d'exploitation consécutives à une fermeture collective dans une même région ou sur le plan national.

Elle précise que dans le présent contrat, si l'assureur entend exclure la fermeture collective, l'emploi d'une périphrase « ...AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE ' » relève d'une rédaction peu claire, ce que n'a pu entériner la cour de cassation par son arrêt du 25 mai 2023.

La clause ne peut donc avoir pour objet que d'exclure la garantie en cas de pluralité de décisions de fermeture individuelle, ce qui n'est pas le cas de la fermeture suite à l'arrêté du 15 mars 2020 édictant l'interdiction d'ouverture au public des établissements de restauration.

La fermeture administrative objet du litige étant collective, les conditions de la clause de non garantie ne sont pas réunies.

Toutefois le segment de phrase « ...AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE ' » ne peut être qualifié de périphrase de l'expression « une fermeture collective d'établissements » dans la mesure où il n'est pas exclusif de plusieurs fermetures simultanées ou successives alors que la fermeture collective d'établissements porte sur une seule décision formelle de fermeture applicable à plusieurs établissements .

La phrase employée a pour objet les fermetures administratives d'un autre établissement du même département pour une raison identique définie par l'extension perte d'exploitation consécutive à une fermeture administrative sans distinguer les fermetures par l'effet de décisions individuelles ou d'une décision collective.

Par voie de conséquence le segment de phrase « ...AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE ' » ne peut être considéré comme excluant la vocation de la clause litigieuse à s'appliquer à une fermeture de plusieurs établissements par une décision administrative unique.

Cette demande doit être rejetée.

Sur la conformité de la clause aux dispositions de l'article L113-1 du code des assurances

L'article L113-1 du code des assurances dispose que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Ce texte implique que pour être opposable à l'assuré, la portée ou l'étendue de la clause d'exclusion de garantie doit être claire, précise, sans ambigüité et sans incertitude afin que celui-ci puisse déterminer le périmètre de la non garantie et si, de ce fait, l'assurance proposée correspond à ses attentes et est conforme à l'intérêt de l'entreprise.

La jurisprudence en déduit que lorsqu'elle est sujette à interprétation, une clause d'exclusion de garantie ne peut être considérée comme formelle et limitée.

En ce qui concerne la clause de garantie des pertes financières précitée offerte par AXA à sa clientèle ,même si les conditions d'application de la clause limitant l'étendue de la garantie ont généré un contentieux important , si AXA a transigé avec une partie de ses assurés, si les clauses de cette nature ont suscité une réflexion sur la qualité de rédaction des polices d'assurance notamment par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution , si de ce fait l'assureur a pu vouloir en modifier les termes s'agissant des contrats à venir et si une solution différente a pu être retenue dans d'autres pays voisins s'agissant de polices d'assurance équivalentes(Royaume Uni), la cour de cassation a jugé que la clause litigieuse de cette police répondait aux critères définis par le texte précité et sa jurisprudence.

La plupart des cours d'appel saisies sur renvoi lui ont emboîté le pas.

Dans l'arrêt du 25 mai 2023 concernant le présent litige ,la Cour de cassation relève que s'agissant d'un contrat prévoyant la garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative consécutive à certaines causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, est formelle la clause qui exclut ces pertes d'exploitation de la garantie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ;

Elle ajoute que n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance la clause qui exclut de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative de l'établissement assuré, pour plusieurs causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique à l'une de celles énumérées.

La jurisprudence retient ainsi que le risque couvert par la garantie est la fermeture administrative pouvant avoir plusieurs causes expressément mentionnées, un meurtre, un suicide, une épidémie, une maladie contagieuse, une intoxication et non le risque épidémie et que la clause d'exclusion portant sur la fermeture administrative édictée à l'égard de plusieurs établissements n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance et reste formelle et limitée.

La garantie contractuelle objet du litige couvre ainsi les hypothèses de la fermeture du seul établissement « L'Atelier de Pauline » dans le département des Bouches du Rhône en raison de la survenance d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie, d'une maladie contagieuse, d'une intoxication.

La clause conditionnant la garantie à l'absence de fermeture par l'autorité administrative d'autres établissements du même département pour une cause identique est limitée en ce qu'elle ne fait pas obstacle à la garantie de la fermeture administrative de l'établissement pour les autres causes qu'une épidémie.

La jurisprudence décide ainsi que s'agissant de la fermeture administrative pour cause d'épidémie, le fait que la garantie contractuelle porte sur la fermeture par l'autorité administrative du seul établissement « L'Atelier de Pauline» dans le territoire de l'intégralité du département urbanisé des Bouches du Rhône en raison d'une épidémie ne vide pas la garantie de sa substance.

Dans un arrêt du 21 septembre 2023 n°21/25921, la cour de cassation statuant sur le moyen suivant lequel il est illusoire qu'une fermeture administrative liée à une épidémie, s'agissant d'une maladie contagieuse se propageant à une population étendue, puisse ne concerner qu'un unique établissement et relevant que l'assureur ne cite aucun cas de fermeture administrative isolée suite à une propagation par contagion mais uniquement des cas d'intoxications par des produits corrompus ou causées par un manque d'hygiène ou d'entretien, a maintenu que la garantie couvrant le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance.

Or la fermeture administrative pour laquelle l'assurée demande la garantie de l'assureur résulte d'un arrêté du 14 mars 2020 édictant l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons de l'ensemble du territoire et donc de l'intégralité du département des Bouches du Rhône d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020 puis d'un décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

Par voie de conséquence, il y a lieu de réformer sur ce point le jugement du tribunal de commerce de Marseille en application de la jurisprudence susvisée.

Sur l'application des dispositions des articles 1169 et 1170, 1108 et 1143 du code civil

L'assureur se prévaut de l'irrecevabilité de ces demandes qualifiées de nouvelles.

L'assuré se prévaut des dispositions des articles susvisés pour évoquer le caractère abusif de la clause de limitation de la garantie des pertes d'exploitation du fait de la fermeture de son commerce en raison d'une épidémie à l'unique hypothèse où la fermeture est limitée à son seul établissement à l'exclusions d'autres établissements.

L'article 565 du CPC énonce qu'une prétention n'est pas nouvelle lorsqu'elle tend « aux mêmes fins » que celles invoquées en première instance.

L'article 566 du code de procédure civile prévoit que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, sauf à ce que celles-ci soient l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge.

Ne s'agissant pas d'une prétention nouvelle mais d'une prétention tendant aux mêmes fins que celles invoquées précédemment à savoir le défaut de fondement du refus de l'assureur de garantir le sinistre en raison de la même clause d'exclusion, cet argument est recevable devant la cour de renvoi qui statue en l'espèce autrement composée après cassation intégrale de son premier arrêt.

L'article 1108 du code civil prévoit que le contrat est commutatif lorsque chacune des parties s'engage à procurer à l'autre un avantage qui est regardé comme l'équivalent de celui qu'elle reçoit.

Il est aléatoire lorsque les parties acceptent de faire dépendre les effets du contrat quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d'un évènement incertain.

Le contrat d'assurance est un contrat aléatoire comme l'indiquait expressément l'ancien article 1964 du code civil repris par l'article 1108 sans désigner spécifiquement des contrats particuliers.

L'article 1143 du code civil dispose qu'il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.

L'article 1169 du code civil dispose qu'un contrat est nul lorsqu'au moment de sa formation la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire.

Ces dispositions concernent les conditions de l'adhésion au contrat et son équilibre dans son ensemble et non celui d'une clause.

L'assuré ne rapporte pas la preuve de violence, d'abus de dépendance à l'égard de l'assureur dont il connaissait les pratiques et y avaient adhéré puisque le présent contrat succède à un précédent souscrit auprès du même assureur ;

Il ne démontre pas davantage un déséquilibre de l'économie du contrat au désavantage de l'assuré.

L'article 1170 suivant prévoit que toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est non écrite.

Au titre de l'extension de garantie perte d'exploitation, l 'obligation essentielle de l'assureur est la garantie des pertes d'exploitation ayant pour origine une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication.

La cour de cassation ayant jugé que la clause d'exclusion portant sur la fermeture administrative édictée à l'égard de plusieurs établissements n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance et reste formelle et limitée, il ne peut être retenue sans contradiction que par son étendue la clause prive de sa substance l'obligation essentielle de l'assureur.

Ce moyen ne peut donc être retenu au regard des dispositions de l'arrêt du 25 mai 2023.

L'ensemble des moyens soulevés par l'assuré afin d'obtenir que soit réputé non écrite la clause d'exclusion de garantie suivante :

SONT EXCLUES :

LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE.

ne pouvant prospérer sans contradiction avec la jurisprudence de la cour de cassation appliquée par de nombreuses cour d'appel et spécifiquement avec l'arrêt du 25 mai 2023 rendu dans le cadre du présent litige, la décision du tribunal de commerce de Marseille sera donc infirmée sur ce point.

Sur le moyen subsidiaire de la violation de son devoir d'information et de conseil par l'assureur

L'assureur se prévaut de l'irrecevabilité de ces demandes qualifiées de nouvelles.

L'assuré se prévaut de la violation du devoir d'information et de conseil de l'assureur pour établir le caractère abusif de la clause de limitation de la garantie des pertes d'exploitation du fait de la fermeture de son commerce en raison d'une épidémie à l'unique hypothèse où la fermeture est limitée à son seul établissement à l'exclusions d'autres établissements.

L'article 565 du CPC énonce qu'une prétention n'est pas nouvelle lorsqu'elle tend « aux mêmes fins » que celles invoquées en première instance.

L'article 566 du code de procédure civile prévoit que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, sauf à ce que celles-ci soient l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge.

Ne s'agissant pas d'une prétention nouvelle mais d'une prétention tendant aux mêmes fins que celles invoquées précédemment à savoir le défaut de fondement du refus de l'assureur de garantir le sinistre en raison de la même clause d'exclusion, cet argument est recevable devant la cour de renvoi qui statue en l'espèce autrement composée après cassation intégrale de son premier arrêt.

L'assuré fait valoir que l'assureur est débiteur d'une obligation d'information et de conseil du souscripteur de la police d'assurance au moment de la conclusion du contrat, obligation particulièrement renforcée s'agissant des clauses obscures ou ambigües.

La cour de cassation retient que le professionnel de l'assurance a l'obligation de conseiller utilement le souscripteur du contrat sur l'étendue des garanties et d'attirer plus spécialement son attention sur les exclusions et limites qu'elles comportent.

Il résulte de la jurisprudence que l'assureur comme le courtier en assurance doivent d'une part informer le souscripteur de la police d'assurance y compris dans le cadre de son activité professionnelle de l'étendue des garanties qu'il propose, de ces tarifs et d'autre part veiller à l'adaptation des garanties aux risques décrits par le candidat à l'assurance.

Une clause de limitation de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police ou dans le cadre d'un avenant au contrat pour lui être opposable.

Ensuite le manquement d'un assureur ne peut donner lieu qu'à l'allocation de dommages et intérêts et non entrainer l'inopposabilité à l'assuré de clauses du contrat (Civ.2. ' 8 février 2018, n° 16-27.495).

L'assuré ne peut donc solliciter sur ce fondement une indemnité équivalente au montant de la garantie due au cas d'inopposabilité de la clause litigieuse.

En l'espèce, lors de la signature du contrat le 07 juillet 2020, l'assuré a reconnu avoir pris connaissance des conditions de garanties et des exclusions via la remise des conditions générales.

Mais ces conditions générales ne mentionnent pas la clause d'exclusion objet du litige puisqu'il s'agit d'une extension de la garantie perte d'exploitation figurant en pages 20 à 22 des dites conditions générales.

La garantie du fait des pertes d'exploitation en raison de la fermeture administrative de l'établissement est spécifiquement prévue par les conditions particulières.

L'assureur produit la fiche d'information préalable à la proposition de signature du contrat telle que prévue par l'article L112-2 et L113-2 du code des assurances en date du 21/06/2019 sur laquelle l'assuré a coché la case perte d'exploitation et de perte de revenus.

La clause d'exclusion objet du litige ne comporte pas de termes techniques de nature à justifier de faire des recherches ou se rapprocher de sachant pour en déterminer le sens, elle ne nécessite pas un délai particulier de réflexion.

Les conditions particulières comportent en dernière ligne et donc au-dessus de la signature une mention indiquant que l'assuré reconnaît avoir été informé et avoir pris connaissance préalablement à la souscription du contrat d'assurance des informations particulières concernant le tarif et les conditions de garantie auprès du représentant de l'assureur.

Par voie de conséquence il ne peut être relevé une violation par l'assureur de son devoir d'information et de Conseil et ce moyen de l'assuré sera rejeté.

Il en résulte au final que la clause d'exclusion de garantie invoquée par l'assureur est conforme au droit positif et opposable à l'assuré .

La SA AXA France IARD demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'il a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire,

Cependant le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ; Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer cette demande.

Il en est de même relativement à l'expertise ordonnée par le premier juge.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La décision du premier juge étant réformée au principal, il y a lieu de l'infirmer en ce qu'elle condamne la SA AXA France IARD aux dépens et alloue une somme de 5000 euros à la SARL L'ATELIER DE PAULINE sur le fondement de l'article 700 du code de procédure.

A l'issue du litige, il convient ainsi de condamner la SARL L'ATELIER DE PAULINE aux dépens et au paiement d'une somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 25 janvier 2021 sauf en ce qu'il déclare valable le contrat d'assurance perte d'exploitation convenu entre les parties.

Statuant à nouveau,

Déboute la SARL L'ATELIER DE PAULINE de sa demande d'indemnisation des sinistres perte d'exploitation du fait de la fermeture de l'établissement en application des mesures gouvernementales de protection contre la propagation de l'épidémie de COVID 19 formulée à l'encontre de son assureur la SA AXA France IARD.

Condamne en conséquence la SARL L'ATELIER DE PAULINE à restituer à la SA AXA France IARD les sommes perçues à titre d'indemnité provisionnelle en vertu du jugement du tribunal de commerce de Marseille du 25 janvier 2021 et de l'arrêt en date du 09 septembre 2021 de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Dit n'y avoir lieu à expertise.

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour.

Condamne la SARL L'ATELIER DE PAULINE à payer la somme de 2500 euros à la SA AXA France IARD en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SARL L'ATELIER DE PAULINE aux dépens de première instance et d'appel y compris les frais d'expertise, dont distraction au profit des avocats en ayant fait l'avance.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 23/08189
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.08189 ?
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