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20/06/2024 | FRANCE | N°23/08187

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 20 juin 2024, 23/08187


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRET SUR RENVOI DE CASSATION



ARRÊT AU FOND

DU 20 Juin 2024



N°2024/















Rôle N° RG 23/08187 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLPPJ







S.A. AXA FRANCE IARD





C/



S.A.S. O COMPTOIR GOURMAND











Copie exécutoire délivrée

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Me Romain CHERFILS



Me Mehdi MEDJATI




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DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION


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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRET SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT AU FOND

DU 20 Juin 2024

N°2024/

Rôle N° RG 23/08187 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLPPJ

S.A. AXA FRANCE IARD

C/

S.A.S. O COMPTOIR GOURMAND

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Romain CHERFILS

Me Mehdi MEDJATI

Arrêt en date du 20 Juin 2024 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 25 Mai 2023, qui a cassé et annulé l'arrêt n° RG 21/2672 rendu le 9 Septembre 2021 par la cour d'appel de AIX EN PROVENCE (Chambre 1-3).

DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION

S.A. AXA FRANCE IARD

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me David CUSINATO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Thomas MARIANI, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION

S.A.S. O COMPTOIR GOURMAND

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Mehdi MEDJATI de la SELARL CABINET STATERAVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Charles REINAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Geneviève ADER-REINAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Inès BONAFOS, Président-Rapporteur,

et M. Adrian CANDAU, conseiller- rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2024, puis avisées par message le 23 Mai 2024, que la décision était prorogée au 20 Juin 2024.

ARRÊT

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS O' COMPTOIR GOURMAND exploite un fonds de commerce de restaurant à [Localité 3]; elle a souscrit le 1er septembre 2017 auprès de la société Axa France IARD un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière ».

A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la SAS O' COMPTOIR GOURMAND a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que :

« La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même.

 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».

Suite à une déclaration de sinistre et à un échange de correspondances, par courrier du 23 juin 2020, l'assureur a refusé de garantir le sinistre.

Après avoir formulé une requête en ce sens, la SAS O' COMPTOIR GOURMAND a été autorisée à assigner la société AXA France IARD à l'audience du 28 septembre 2020 du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence.

Par jugement en date du 1er février 2021, le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a : 

Déclaré valable l'assignation délivrée par la SAS O' COMPTOIR GOURMAND le 23 septembre 2020

Déclaré reputtée non écrite la clause d'exclusion de garantie dont se prévaut la société Axa France IARD

Condamné la SA AXA FRANCE IARD à payer à la SAS O' COMPTOIR GOURMAND la somme de 20 000 € à titre de provision à valoir sur les pertes d'exploitation qu'elle a subies lors des fermetures administratives de son activité de restaurant du 15 mars au 2 juin 2020.

Désigné aux frais avancés de l'assuré, monsieur [W] [M] en qualité d'expert avec pour mission :

Evaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute pendant la période d'indemnisation, la marge brute telle que définie par les conditions générales de vente du contrat AXA : « la marge brute est la différence entre le CA annuel hors TVA corrigé de la variation des stocks et le total des achats et charges variables. »

Evaluer le montant des frais supplémentaires d'exploitation pendant la période d'indemnisation,

Evaluer le montant des indemnisations de tous types déjà perçus,

Condamné la SA AXA FRANCE IARD à payer à la SAS O' COMPTOIR GOURMAND la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamné la SA AXA FRANCE IARD aux dépens en ce compris les frais de procédure liquidés à la somme de 84,48 euros.

Ordonné l'exécution provisoire.

Par arrêt en date du 09 septembre 2021, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4) a :

CONFIRME le jugement déféré,

ET Y AJOUTANT,

AJOUTE à la mission con'ée à l'expert les chefs de mission suivants :

- examiner les documents comptables, notamment les bilans et comptes d'exploitation sur les trois années antérieures à chaque sinistre, ainsi que le détail des comptes sur l'année 2020,

-préciser le montant des aides et/ou subventions octroyées par l'Etat à la SARL L'ATELIER DE PAULINE' et donner son avis sur l'incidence de ces aides et/ou subventions sur le sinistre,

CONDAMNE la SA AXA FRANCE IARD à payer à la SAS O' COMPTOIR GOURMAND une indemnité de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la SA Axa France IARD aux dépens d'appel et fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

 

Par arrêt en date du 25 mai 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a :

              - CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu le 09 septembre 2021, entre les parties par la cour d'appel d'Aix-en-Provence sauf en ce qu'il déclare valable l'assignation délivrée par la SAS O' COMPTOIR GOURMAND le 23 septembre 2020 ;

-             Remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

-             Condamné la SAS O' COMPTOIR GOURMAND aux dépens ;

-             En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes.

Par déclaration au greffe en date du 21 juin 2023, la SA AXA France IARD a saisi la Cour d'Appel sur renvoi, en l'état de la cassation partielle intervenue le 25 mai 2023 par l'arrêt de Cassation, aux fins de réformer et/ou annuler le jugement rendu par le Tribunal de Commerce d'Aix-en-Provence le 1er février 2021 en ce qu'il a :

- Déclaré réputée non écrite la clause d'exclusion de garantie dont se prévaut la compagnie AXA France IARD.

- Condamné la compagnie AXA FRANCE IARD à payer à la société O'COMPTOIR GOURMAND (SAS) la somme de 20.000 Euros à titre de provision, au titre des pertes d'exploitation qu'elle a subi lors de la fermeture de son établissement du 15 Mars 2020 au 02 Juin 2020.

 - Nommé comme expert judiciaire Monsieur [W] [M], avec pour mission de :

 ° Convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise,

 ° Recueillir si nécessaire des informations orales ou écrites de toutes personnes, sauf à préciser en ce cas leur identité et leurs liens éventuels avec les parties conformément à l'article 242 du Code de procédure civile,

 °Demander, aux parties et aux tiers, communication de tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission conformément à l'article 243 du Code de procédure civile,

 ° Évaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute pendant la période d'indemnisation, la marge brute telle que définie par les conditions générales de vente du contrat AXA : « la marge brute est la différence entre le CA Annuel hors TVA corrigé de la variation des stocks et le total des achats et charges variables »,

° Évaluer le montant des frais supplémentaire d'exploitation pendant la période d'indemnisation,

° Évaluer les montants des indemnisations de tous types déjà perçus,

- Condamné la compagnie AXA FRANCE IARD :

 ° à payer à la société O'COMPTOIR GOURMAND (SAS),

la somme de 2.000 Euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

 ° aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de procédure,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.                       

Dans ses dernières conclusions en date du 13 février 2024, la société AXA France IARD sollicite voir :

Vu la clause d'exclusion stipulée dans le contrat d'assurance souscrit par l'assurée auprès d'AXA FRANCE IARD,

Vu les pièces produites aux débats,

Vu les articles 1103, 1170 et 1192 du Code civil,

Vu les articles L. 113-1 et L. 121-1 du Code des assurances, 

Vu le jugement dont appel,

-  DECLARER recevable et bien-fondé l'appel interjeté par la société AXA FRANCE IARD et, y faisant droit : 

A TITRE PRINCIPAL  

-  INFIRMER le jugement du 1er février 2021 du Tribunal de commerce d'Aix en Provence en ce qu'il a:

 '  Déclaré réputée non écrite la clause d'exclusion de garantie dont se prévaut la compagnie AXA FRANCE IARD ; 

'  Condamne la compagnie AXA FRANCE IARD à payer à la société O'COMPTOIR GOURMAND la somme de 20.000 € à titre de provision au titre des pertes d'exploitation qu'elle a subi lors de la fermeture de son établissement du 15 mars au 2 juin 2020 ; 

'  Désigne Monsieur [M] [W] comme expert judiciaire avec mission plus amplement détaillée au dispositif du jugement ; 

'  Condamne AXA FRANCE IARD au paiement d'une somme de 2000  €  en  application  de  l'article  700  du  code  de  procédure civile ; 

-  INFIRMER le jugement du 1er février 2021 du Tribunal de commerce d'Aix en Provence en ce qu'il a débouté AXA FRANCE IARD de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion;  

STATUANT A NOUVEAU  

-  JUGER que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est applicable en l'espèce ; 

-  JUGER que cette clause d'exclusion respecte le caractère formel exigé par l'article L. 113-1 du Code des assurances ; 

-  JUGER que cette clause d'exclusion ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et respecte le caractère limité de l'article L.113-1 du Code des assurances et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle d'AXA FRANCE IARD de sa substance au sens de l'article 1170 du Code civil ; 

-  JUGER  que  cette  clause  d'exclusion  ne  crée  aucun  déséquilibre significatif  susceptible  d'être  sanctionné  sur  le  fondement  des dispositions  de  l'article  L212-1  et  suivants  du  Code  de  la consommation, inapplicable en l'espèce s'agissant de relations entre professionnels, ni de l'article 1171 du Code civil, en l'absence de déséquilibre  significatif  justifié entre  les  droits  et  obligations respectifs des parties ;  

En conséquence : 

-  JUGER applicable en l'espèce la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie ; 

-  DEBOUTER la société O'COMPTOIR GOURMAND de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre d'AXA FRANCE IARD et la condamner à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement du 1er février 2021 ; 

-  ANNULER la mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le Tribunal de commerce d'Aix en Provence;

 A TITRE SUBSIDIAIRE 

-  ORDONNER  la  fixation  de  la  mission  de  l'Expert  désigné  par  le Tribunal de commerce d'Aix en Provence comme suit :  

'  Se  faire  communiquer  tous  documents  et  pièces  qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation  effectuée  par  l'assurée  et/ou  son  expert-comptable, accompagnée  de  ses  bilans  et  comptes d'exploitation sur les trois dernières années ;

'  Entendre  les  parties  ainsi  que  tout  sachant  et  évoquer,  à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations ;

'  Examiner  les  pertes  d'exploitation  garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur une période maximum de trois mois et en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable ;

'  Donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, comprenant le calcul de  la  perte  de  marge  brute  et  déterminer  le  montant  des charges salariales et des économies réalisées ;

'  Donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'assurée ;   

 '  Donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars et le 29 octobre 2020. 

EN TOUT ETAT DE CAUSE 

-  DEBOUTER la société O'COMPTOIR GOURMAND de toutes demandes, fins ou conclusions contraires au présent dispositif ;  

-  CONDAMNER la société O'COMPTOIR GOURMAND à payer à AXA FRANCE IARD la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Romain

CHERFILS, membre de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat associé, aux offres de droit.

La société AXA France se fonde sur l'harmonisation de la jurisprudence opérée par la Cour de cassation dans plusieurs arrêts du 1er décembre 2022, du 25 mai 2023 et postérieurement, suivis de décisions dans le même sens de cours d'appel.

La société AXA FRANCE sollicite la réformation du jugement en ce qu'il a jugé que la clause d'exclusion devait être considérée comme non-écrite et a condamné AXA FRANCE à verser à l'assurée la somme de 20000euros au titre de provision à valoir sur ses pertes d'exploitation. En effet, le Tribunal a débouté AXA FRANCE de sa demande tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion dont elle sollicite la stricte application.          

D'une part, AXA France soutient que la clause d'exclusion, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, est parfaitement formelle et que l'intimée en a par ailleurs parfaitement compris la portée. La Cour de cassation a validé le caractère formel de la clause d'exclusion au sens de l'article L113-1 du Code des assurances, en jugeant que la notion d'épidémie était sans incidence sur la compréhension de la clause, de sorte que celle-ci devait s'appliquer dès lors qu'à la date de fermeture de l'établissement assuré, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique.

Le caractère formel d'une clause d'exclusion s'apprécie seulement par rapport aux termes et critères d'application qu'elle comprend, et en aucun cas par rapport aux clauses définissant l'objet de la garantie ou aux conditions de garantie. Les règles d'interprétation du Code civil ne lui sont pas applicable.

La clause d'exclusion était donc suffisamment claire. Elle ne laisse place à aucune incertitude quant à la volonté de l'Assureur d'écarter la garantie lorsque la fermeture administrative affecte concomitamment, dans le même département, un autre établissement pour une cause identique, et donc lorsqu'une même épidémie entraîne la fermeture administrative d'un autre établissement.

La compréhension de la clause par l'assurée doit s'apprécier à la souscription. En l'espèce l'assurée ne pouvait ignorer l'objet de la garantie souscrite ainsi que la portée de la clause d'exclusion rédigée en caractères très apparents directement au sein de l'extension de garantie. Il a contracté en qualité de professionnel de la restauration afin de s'assurer contre le risque des épidémies d'origine alimentaire, l'épidémie de type Covid 19 n'étant jamais survenue en France à la date de la souscription. 

Par ailleurs il ne peut être fait grief à AXA France de ne pas avoir défini le terme « d'épidémie » qui est seulement employé au titre des conditions de garantie, et n'affecte en rien la validité de la clause d'exclusion conformément à la position retenue par la Cour de cassation.

Les trois critères d'application de la clause d'exclusion ne souffrent d'aucune imprécision et sont compréhensibles pour tout un chacun.

Un critère de nombre : la clause d'exclusion s'applique dès lors qu'il y a plus d'un établissement qui fait l'objet d'une fermeture administrative ;

Un critère territorial : le nombre d'établissement fermé s'apprécie à l'échelle d'un même département;

Un critère causal : les fermetures d'établissements intervenues au sein d'un même département doivent être consécutives à une « cause identique », ces termes étant parfaitement compréhensibles par un assuré, sans qu'il ne soit besoin d'apprécier le terme « épidémie » compris au titre des conditions de garantie. Ce qui compte, ce n'est pas la nature de l'épidémie et donc indirectement sa définition, mais sa conséquence : la fermeture du seul établissement assuré ou celle de plusieurs établissements dans le département pour la même cause.

La proposition d'avenant faite par AXA France ne remet pas en cause la clarté de la clause d'exclusion. En effet, la crise du Covid-19 a entraîné une reconsidération des risques liés aux épidémies par l'ensemble des acteurs du marché de l'assurance et de la réassurance. AXA FRANCE, au même titre que l'ensemble des assureurs, bénéficie d'une réassurance de son portefeuille. Elle a été contrainte de modifier ses conditions de garantie pour l'avenir afin d'exclure la prise en charge des risques liés aux épidémies, y compris lorsque l'épidémie entrainerait la fermeture d'un seul établissement.

Il résulte de l'ensemble de ces arguments que la clause d'exclusion respecte le caractère formel de l'article L. 113-1 du Code des assurances.             

D'autre part, AXA FRANCE soutient que la clause d'exclusion respecte le caractère limité exigé par l'article L. 113-1 du Code des assurances et ne vide pas de sa substance l'obligation essentielle souscrite par l'Assurée, car une épidémie peut être la cause de la fermeture administrative d'un unique établissement.

Au visa de l'article L. 113-1 du Code des assurances, la jurisprudence considère qu'une clause d'exclusion est non limitée et donc nulle, lorsqu'elle est générale au point de supprimer toute hypothèse de garantie du risque. A l'inverse, sont valables les clauses d'exclusion qui viennent seulement limiter, et non supprimer, la garantie du risque. Selon la Cour de cassation, le caractère limité d'une clause d'exclusion doit s'apprécier non pas en considération de ce qu'elle exclut mais en considération de ce qu'elle garantit après sa mise en 'uvre. Dans un arrêt rendu le 1er décembre 2022 , la Cour de cassation est venue préciser l'appréciation du caractère limité d'une clause d'exclusion, en considérant qu'elle ne devait pas avoir pour effet de rendre la « garantie dérisoire ». Ainsi, dès lors qu'une clause d'exclusion est jugée limitée, elle est nécessairement pourvue d'une « cause » puisque la garantie donnée a été considérée comme non « dérisoire », de sorte qu'il ne revient pas aux juges du fond ayant jugé une clause limitée d'apprécier sa conformité aux dispositions des articles 1131 ancien du Code civil et 1169 du Code civil.

En l'espèce, il est démontré que même si le caractère limité de la clause d'exclusion devait s'apprécier au seul regard de l'événement « épidémie », la clause d'exclusion est bien limitée dès lors qu'une épidémie peut donner lieu à une mesure de fermeture administrative « individuelle ». En effet :

La réalité scientifique selon laquelle une épidémie peut n'affecter qu'un unique établissement ne s'oppose pas avec la définition qu'en donne le Robert.

Une épidémie n'implique pas nécessairement une grande étendue géographique de l'épidémie ou un grand nombre de personnes affectées ou encore une contagion d'un individu à l'autre.

En pratique il est fréquent qu'une épidémie touche un seul établissement et entraine sa fermeture administrative.

Le risque de fermeture « individuelle » d'un établissement pour cause d'épidémie est une réalité juridique confirmée par les textes eux-mêmes et par les exemples fournis par AXA FRANCE, dont certains sont issus de décisions de justice et de rapports émanant d'autorités sanitaires autorisées et compétentes.

Si la preuve des conditions d'application de l'exclusion aux faits de l'espèce pèse effectivement sur AXA FRANCE ' preuve apportée en l'espèce par l'existence de l'arrêté du 14 mars 2020 et du décret du 29 octobre 2020 qui avaient une portée générale, ce n'est pas à AXA FRANCE de supporter la charge de la preuve de la validité de la clause d'exclusion.

Par ailleurs le seul constat de la possibilité d'une fermeture administrative « individuelle », même à supposer qu'elle soit improbable, aurait dû conduire les tribunaux à reconnaître la validité de la clause d'exclusion dès lors que la garantie n'est pas totalement vidée de sa substance, conformément à l'application de la jurisprudence en vigueur de la Cour de cassation. La garantie d'un risque aléatoire constitue l'essence même d'un contrat d'assurance. La clause ne peut donc être jugée comme étant nulle pour défaut d'aléa au sens de l'article 1108 du Code civil. Au demeurant, le caractère improbable du risque couvert est formellement contesté en l'espèce par AXA FRANCE.

De plus, en l'espèce l'extension de garantie souscrite a également vocation à être mobilisée lorsque le foyer d'une épidémie se trouve à l'extérieur de l'établissement assuré. Le critère d'application de la clause d'exclusion tient seulement à la nature isolée de la fermeture administrative, ou encore à l'impossibilité pour AXA FRANCE de rapporter la preuve de la fermeture administrative d'un autre établissement dans le département lié à la même épidémie.

La commune intention des parties, lors de la souscription du contrat, n'était pas de couvrir le risque d'une fermeture généralisée à l'ensemble du territoire, risque totalement imprévisible à l'époque, mais de couvrir les aléas inhérents à l'exploitation d'un restaurant exposé à des risques biologiques. L'article 1190 du Code civil n'est pas applicable, la commune intention étant manifeste.

Les pertes alléguées résultant de mesures gouvernementales généralisées, se traduisant par une fermeture « collective », constituent un préjudice anormal et spécial qui ne relève pas d'une garantie individuelle de droit privé et qui est contraire au principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques.

Enfin, dans un cadre subsidiaire dans l'hypothèse de la mobilisation de la garantie l'assureur soulève l'impossibilité pour la Cour de prononcer une condamnation définitive à l'encontre d'AXA au titre de la première période et devra ordonné un complément de mission afin qu'il soit effectivement tenu compte des conditions du contrat, de la limite de trois mois, de la méthode de calcul de l'indemnité prévue par le contrat, des facteurs externes , des économies de charges pendant la fermeture  de l'établissement, du montant des aides perçues de l'Etat et fait pleinement application de l'article L121-1 du code des assurances.       

Par conclusions du 29 janvier 2024 la SAS O'COMPTOIR GOURMAND, intimée sollicite voir:

Vu la cassation intervenue,

Vu l'article L212-1 et suivants du code de la consommation,

 Vu le jugement entrepris,

 INFIRMER, en l'état de la cassation intervenue, le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que la clause d'exclusion litigieuse n'était pas formelle et limitée, 

ET, STATUANT A NOUVEAU,  

AU PRINCIPAL 

JUGER que la clause litigieuse, opposée par AXA, est abusive en ce qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de l'assuré, 

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a déclaré la clause litigieuse réputée non écrite, 

CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence en date du 1 er février 2021 en toutes ses autres dispositions,  

A TITRE SUBSIDIAIRE 

JUGER la clause de garantie mobilisée du seul fait de la fermeture administrative, CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence en ce qu'il a reconnu le droit à indemnisation de son assurée, 

EN TOUT ETAT DE CAUSE 

DEBOUTER AXA de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

LA CONDAMNER à la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,  

LA CONDAMNER aux entiers dépens

La SAS O'COMPTOIR GOURMAND, se prévaut de que l'article L212-1 du code de la consommation qui prévoit que sont abusives dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs les clauses ayant pour objet ou effet de créer au détriment de ce dernier un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations respectifs des parties au contrat.

La clause d'exclusion dont se prévaut l'assureur est rédigée comme suit :

« Sont exclues les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique». 

Cette clause d'exclusion fait directement suite, dans les conditions particulières du contrat, à la clause de garantie de la perte d'exploitation qui serait liée à « la décision de fermeture qui serait « la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication »

Si la définition et la mise en 'uvre de cette clause ne sont pas critiquables en ce qui concerne l'intoxication, le meurtre ou le suicide, puisqu'il s'agit dans cette hypothèse d'un événement nécessairement isolé, qui ne saurait intervenir dans plusieurs établissements d'un même département de manière concomitante, il n'en va pas de même pour une maladie contagieuse ou une épidémie. 

Le propre même de la maladie contagieuse et de l'épidémie est de se répandre dans une zone géographique donnée et d'y produire les mêmes effets :  les mêmes effets sanitaires et, par conséquent, les mêmes effets administratifs.

La clause d'exclusion a été opposée dans le cadre de la pandémie du Covid 19, qui a frappé le monde entier, faisant des milliers de victimes et mettant à l'arrêt de nombreux Etats. 

Prévoir qu'en cas d'épidémie, la garantie sera exclue si un seul autre établissement est frappé d'une décision administrative de fermeture, c'est ab initio prévoir qu'une clause d'exclusion aura vocation à être systématiquement applicable en cas d'épidémie. 

Or, la systématicité d'une clause d'exclusion est parfaitement contraire au principe de l'aléa, sur lequel repose tout contrat d'assurance. En outre la clause objet du litige définit un périmètre large d'exclusion puisqu'il s'étend au niveau départemental.

Exclusive de la garantie de manière systématique lorsque la fermeture administrative a pour origine une épidémie, cette clause crée un déséquilibre significatif entre les parties au préjudice de l'assuré.

Conscient de la difficulté, l'assureur a proposé une nouvelle clause d'exclusion en remplacement de cet objet du litige abandonnant le critère de la fermeture administrative.

A titre subsidiaire, la SAS O'COMPTOIR GOURMAND fait valoir que les conditions de la garantie sont remplies puisque la fermeture de l'établissement a pour origine une décision d'une autorité habilitée extérieure à l'entreprise et porte notamment sur les établissements de restauration exclusivement sur place.

Il n'est pas distingué selon que la fermeture ait pour origine une décision individuelle ou collective.

Enfin , le complément d'expertise demandé par la partie adverse ne présente aucune utilité.

 

MOTIVATION

Il n'est pas contesté et il résulte des pièces contractuelles versées au dossier de la procédure que la relation des parties est régie par un contrat d'assurance Multirisque Professionnelle avec effet au 01/07/2017 comprenant les conditions générales 690200O et les conditions particulières du contrat n°7230976604.

Les pages 8 et 9 des conditions particulières mentionnent un paragraphe relatif à une extension de garantie à la perte d'exploitation suite à la fermeture administrative de l'établissement.

Cette garantie porte sur les pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1.la décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente et extérieure à l'assuré.

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.

La garantie commence le jour du sinistre et dure tant que les résultats de l'établissement sont affectés par le dit sinistre dans la limite de 3 mois maximum.

Le montant de la garantie est limité à 300 fois l'indice.

L'assuré conserve à sa charge une franchise de 3 jours ouvrés.

La clause d'exclusion de garantie opposée par la société AXA France IARD pour dénier à l'assuré la garantie perte d'exploitation pour la période de fermeture de l'établissement en raison de l'épidémie de COVID 19   est rédigée comme suit :

SONT EXCLUES :

LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE.

L'assuré fait valoir que cette clause doit être réputé non écrite voire nulle comme non conforme aux dispositions régissant la légalité des clauses d'exclusion de garantie.

 

Sur la conformité de la clause litigieuse aux dispositions de l'article L212-1 du code de la consommation

L'article L212-1 du code de la consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Ce texte a vocation à protéger les personnes physiques ou morales qui agissent en dehors d'une activité professionnelle industrielle, commerciale, libérale ou agricole, dans le cadre des relations qu'elles peuvent avoir avec une personne physique ou morale qui   elle agit à des fins commerciales, industrielles, artisanales, libérales ou agricoles.

En l'espèce la SAS O'CONNOR a souscrit le contrat d'assurances objet du litige dans le cadre et pour les besoins de l'exercice de son activité professionnelle.

Ce texte n'est donc pas applicable.

S'agissant d'une clause d'exclusion de garantie d'un contrat d'assurance, il y a lieu de se référer aux dispositions de droit commun et spécifiques du droit des assurances et spécialement l'article L113-1 du code des assurances.

L'article L113-1 du code des assurances dispose que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Ce texte implique que pour être opposable à l'assuré, la portée ou l'étendue de la clause d'exclusion de garantie doit être claire, précise, sans ambigüité et sans incertitude afin que celui-ci puisse déterminer le périmètre de la non garantie et si, de ce fait, l'assurance proposée correspond à ses attentes et est conforme à l'intérêt de l'entreprise.

La jurisprudence en déduit que lorsqu'elle est sujette à interprétation, une clause d'exclusion de garantie ne peut être considérée comme formelle et limitée.

En ce qui concerne la clause de garantie des pertes financières précitée offerte par AXA à sa clientèle, même si les conditions d'application de la clause limitant l'étendue de la garantie  ont généré un contentieux important , si AXA a transigé avec une partie de ses assurés,  si les clauses de cette nature ont suscité une réflexion sur la qualité de rédaction des polices d'assurance notamment par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution , si de ce fait l'assureur a pu vouloir en modifier les termes s'agissant des contrats à venir et si une solution différente a pu être retenue dans d'autres pays voisins s'agissant de polices d'assurance équivalentes(Royaume Uni), la cour de cassation a jugé que la clause litigieuse  de cette police répondait aux critères définis par le texte précité et sa jurisprudence.

La plupart des cours d'appel saisies sur renvoi lui ont emboîté le pas.

Dans l'arrêt du 25 mai 2023 concernant le présent litige ,la Cour de cassation relève que s'agissant d'un contrat prévoyant la garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative consécutive à certaines causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, est formelle la clause qui exclut ces pertes d'exploitation de la garantie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ;

Elle ajoute que n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance la clause qui exclut de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative de l'établissement assuré, pour plusieurs causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique à l'une de celles énumérées.

La jurisprudence retient ainsi que le risque couvert par la garantie est la fermeture administrative pouvant avoir plusieurs causes expressément mentionnées, un meurtre, un suicide, une épidémie, une maladie contagieuse, une intoxication et non le risque épidémie et que la clause d'exclusion portant sur la fermeture administrative édictée à l'égard de plusieurs établissements n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance et reste formelle et limitée.

La garantie contractuelle objet du litige couvre ainsi les hypothèses de la fermeture du seul établissement « O'COMPTOIR GOURMAND » dans le département des Bouches du Rhône en raison de la survenance d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie, d'une maladie contagieuse, d'une intoxication.

La clause conditionnant la garantie à l'absence de fermeture par l'autorité administrative d'autres établissements du même département pour une cause identique est limitée en ce qu'elle ne fait pas obstacle à la garantie de la fermeture administrative de l'établissement pour les autres causes qu'une épidémie.

La jurisprudence décide ainsi que s'agissant de la fermeture administrative pour cause d'épidémie, le fait que la garantie contractuelle porte sur la fermeture par l'autorité administrative du seul établissement « O'COMPTOIR GOURMAND » dans le territoire de l'intégralité du département urbanisé des Bouches du Rhône en raison d'une épidémie ne vide pas la garantie de sa substance.

Dans un arrêt du 21 septembre 2023 n°21/25921, la cour de cassation statuant sur le moyen suivant lequel il est  illusoire qu'une fermeture administrative liée à une épidémie, s'agissant d'une maladie contagieuse se propageant à une population étendue, puisse ne concerner qu'un unique établissement et relevant que l'assureur ne cite aucun cas de fermeture administrative isolée suite à une propagation par contagion mais uniquement des cas d'intoxications par des produits corrompus ou causées par un manque d'hygiène ou d'entretien, a maintenu que la garantie couvrant le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance.

Or la fermeture administrative pour laquelle l'assurée demande la garantie de l'assureur résulte d'un arrêté du 14 mars 2020 édictant l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons de l'ensemble du territoire et donc de l'intégralité du département des Bouches du Rhône d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020.

L'assuré se prévaut du caractère aléatoire du contrat d'assurance et fait valoir que la clause d'exclusion dont se prévaut l'assureur fait perdre au contrat cette caractéristique ;

L'article 1170 suivant prévoit que toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est non écrite.

Au titre de l'extension de garantie perte d'exploitation, l 'obligation essentielle de l'assureur est la garantie des pertes d'exploitation ayant pour origine une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication.

La cour de cassation ayant jugé que la clause d'exclusion portant sur la fermeture administrative édictée à l'égard de plusieurs établissements n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance et reste formelle et limitée, il ne peut être retenue sans contradiction que par son étendue la clause prive de sa substance l'obligation essentielle de l'assureur et anéanti le caractère aléatoire du contrat d'assurance.

Ce moyen ne peut donc être retenu au regard des dispositions de l'arrêt du 25 mai 2023.

L'ensemble des moyens soulevés par l'assuré afin d'obtenir que soit réputé non écrite la clause d'exclusion de garantie suivante :

 SONT EXCLUES :

LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE.

Ne pouvant prospérer sans contradiction avec la jurisprudence de la cour de cassation appliquée par de nombreuses cour d'appel et spécifiquement avec l'arrêt du 25 mai 2023 rendu dans le cadre du présent litige, la décision du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence sera donc infirmée sauf en ce qu'il déclare valable l'assignation délivrée par la SAS O' COMPTOIR GOURMAND le 23 septembre 2020.

La SA AXA France IARD demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'il a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire,

Cependant le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ; Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer cette demande.

Il en est de même relativement à l'expertise ordonnée par le premier juge.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La décision du premier juge étant réformée au principal, il y a lieu de l'infirmer en ce qu'elle condamne la SA AXA France IARD aux dépens et alloue une somme de 2000 euros à la SAS O' COMPTOIR GOURMAND sur le fondement de l'article 700 du code de procédure.

A l'issue du litige, il convient ainsi de condamner la SAS O' COMPTOIR GOURMAND aux dépens et au paiement d'une somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement du tribunal de commerce d'Aix en Provence du 1er février 2021 sauf en ce qu'il déclare valable l'assignation délivrée par la SAS O' COMPTOIR GOURMAND le 23 septembre 2020;

Statuant à nouveau,

Déboute la SAS O' COMPTOIR GOURMAND de sa demande d'indemnisation des sinistres perte d'exploitation du fait de la fermeture de l'établissement en application des mesures gouvernementales de protection contre la propagation de l'épidémie de COVID 19 formulée à l'encontre de son assureur la SA AXA France IARD.

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour.

Condamne la SAS O' COMPTOIR GOURMAND à payer la somme de 2500 euros à la SA AXA France IARD en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne SAS O' COMPTOIR GOURMAND aux dépens de première instance et d'appel y compris les frais d'expertise, dont distraction au profit des avocats en ayant fait l'avance.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 23/08187
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.08187 ?
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