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20/06/2024 | FRANCE | N°23/08186

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 20 juin 2024, 23/08186


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRET SUR RENVOI DE CASSATION



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024



N°2024/















Rôle N° RG 23/08186 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLPPF







S.A. AXA FRANCE IARD





C/



S.A.S. LE BOUDDHA







Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Romain CHERFILS



Me Jean-pierre TERTIAN





Arrêt en date d

u 20 Juin 2024 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 25 Mai 2023, qui a cassé et annulé l'arrêt n° RG 21/13408 rendu le 24 Mars 2022 par la cour d'appel de AIX EN PROVENCE (Chambre 1-3).





DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION



S.A. AXA ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRET SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

N°2024/

Rôle N° RG 23/08186 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLPPF

S.A. AXA FRANCE IARD

C/

S.A.S. LE BOUDDHA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Romain CHERFILS

Me Jean-pierre TERTIAN

Arrêt en date du 20 Juin 2024 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 25 Mai 2023, qui a cassé et annulé l'arrêt n° RG 21/13408 rendu le 24 Mars 2022 par la cour d'appel de AIX EN PROVENCE (Chambre 1-3).

DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION

S.A. AXA FRANCE IARD

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me David CUSINATO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Thomas MARIANI, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION

S.A.S. LE BOUDDHA

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-pierre TERTIAN de la SCP TERTIAN-BAGNOLI & ASSOCIÉS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Annabelle AYME, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Inès BONAFOS, Président-Rapporteur,

et M. Adrian CANDAU, conseiller- rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2024, puis avisées par message le 23 Mai 2024, que la décision était prorogée au 20 Juin 2024.

ARRÊT

FAITS ET PROCÉDURE

Le 20 juillet 2016, la S.A.S LE BOUDDHA, souscrit auprès de la société AXA FRANCE IARD S.A, un contrat d'assurance multirisque professionnelle n° 7210276804 ayant pour objet d'assurer l'activité de restaurant traditionnel, exploitée à [Localité 3].

Le contrat prévoit la garantie relative à la perte d'exploitation suite à une fermeture administrative, assortie d'une clause d'exclusion.

La S.A.S LE BOUDDHA a déclaré auprès de la société AXA France IARD S.A des sinistres de perte d'exploitation suite aux fermetures administratives de l'établissement par deux fois en raison de l'épidémie de COVID 19.

Le 16 juillet, la société AXA FRANCE IARD S.A a refusé de garantir le sinistre, en invoquant les dispositions prévues dans le contrat.

Par citation délivrée le 9 avril 2021, la S.A.S LE BOUDDHA a cité, devant le tribunal de commerce de Marseille, la société AXA FRANCE IARD S.A pour entendre :

*Vu les dispositions des articles 1108 et 1143 du Code Civil ;

*Vu les dispositions des articles 1169 et 1170 du Code Civil ;

*Vu les dispositions des articles L 113-1 et L. 112-4 du Code des Assurances,

*Vu les dispositions de l'article 1231-1 du Code Civil ;

*Vu le contrat d'assurance souscrit ;

CONDAMNER la société AXA FRANCE IARD à garantir le sinistre perte financière suite à la fermeture administrative pour épidémie, subi par la société LE BOUDDHA entre le 15 mars et le 2 juin 2020, après avoir déclaré non écrite et/ou abusive la clause d'exclusion opposée à l'assuré et subsidiairement pour manquement à son devoir d'information et de conseil ;

CONDAMNER la société AXA FRANCE IARD à payer à la société LE BOUDDHA la somme de 251327,57€, montant du plafond de garantie, des pertes d'exploitation du 15 mars au 2 juin 2020, outre intérêts de droit à compter de la déclaration de sinistres du 7 Juillet2020 ;

CONDAMNER la société AXA FRANCE IARD à garantir le sinistre perte financière suite à la fermeture administrative pour épidémie, subi par la société LE BOUDDHA entre le 30 octobre 2020 et le 30 janvier 2021 jusqu'à réouverture après avoir déclaré non écrite et/ou abusive la clause d'exc1usion opposée à l'assuré et subsidiairement pour manquement à son devoir d'information et de conseil ;

CONDAMNER la société AXA FRANCE IARD à payer à la SAS LE BOUDDHA la somme de 252746,05€ HT, montant du plafond de garantie, des pertes d'exploitation du 30 octobre 2020 au30 janvier 2021 augmentée des intérêts légaux à compter de la date de l'assignation

Subsidiairement SUR LE PREJUDICE,

CONDAMNER la société AXA FRANCE IARD à payer à la SAS LE BOUDDHA une provision globale de 500.000 € HT en cas d'expertise judiciaire qui sera instaurée aux frais avancés de la société AXA FRANCE IARD portant sur les pertes d'exploitation indemnisables sur l'ensemble des fermetures administratives dont la SAS LE BOUDDHA a fait l'objet en 2020 et 2021 ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

CONDAMNER la société AXA FRANCE IARD à payer la somme de 10.000 € à la SAS LE BOUDDHA sur le fondement de l'article 700 du CPC outre les entiers dépens.

Par jugement du 06 juillet 2021 le tribunal de commerce de Marseille a principalement:

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances,

Déclaré réputée non écrite, la clause d'exclusion de garantie dont se prévaut la société AXA FRANCE IARD libellée en ces termes :

« SONT EXCLUES LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L '0BJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CEL UI DE L 'ETABLISSEMENT ASSURE, D 'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CA USE IDENTIQUE » ;

En conséquence,

Condamne la société AXA FRANCE IARD S.A. à payer à la société LE BOUDDHA S.A.S la somme provisionnelle de 176 400 € à titre de provision, à valoir sur sa garantie perte d'exploitation et celle de 3 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Sur le quantum de la perte d'exploitation de la société LE BOUDDHA S.A.S 

Désigné Monsieur [T] [X], en qualité d'expert, a'n de véri'er et 'naliser contradictoirement le montant de l'indemnité due à la société LE BOUDDHA S.A.S au titre de sa perte d'exploitation avec une mission spécifique.

Par arrêt du 24 mars 2022 la Cour d'appel d'Aix en Provence a confirmé le jugement en date du 10 mars 2021 en toutes ses dispositions et complété la mission de l'expert.

Par arrêt du 25 mai 2023, la cour de cassation a cassé cet arrêt en toutes ses dispositions au visa de l'article L113-1 du code des assurances considérant :

-d'une part que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur  la  compréhension,  par  l'assuré,  des  cas  dans  lesquels  l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

-d'autre part la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue  dans  d'autres  circonstances  que  celles  prévues  par  la  clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Elle a renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel d'Aix en Provence autrement composée.

La S.A. AXA FRANCE IARD a saisi la cour d'appel par déclaration au greffe du 21 juin 2023 pour obtenir la réformation du jugement rendu 09/09/2021 par le Tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il a :

 - Déclaré réputée non écrite, la clause d'exclusion de garantie dont se prévaut la société AXA FRANCE IARD libellée en ces termes : « SONT EXCLUES LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITÉ, FAIT L'OBJET, SUR LE MEMETERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE »

 - Condamné la société AXA FRANCE LARD S.A. à payer à la S.A.S LE BOUDDHA la somme provisionnelle de 176 400 €à titre de provision, à valoir sur sa garantie perte d'exploitation et celle de 3 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 - Désigné monsieur [T] [X], en qualité d'expert, afin de vérifier et finaliser contradictoirement le montant de l'indemnité due à la S.A.S LE BOUDDHA au titre de sa perte d'exploitation et avec pour mission de :

° se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par la société LE BOUDDHA S.A.S et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années,

 ° entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations,

° examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur les périodes de fermeture, étant pour chacune limitée à 3 mois et à 50 fois l'indice soit 289 800,00 €, déduction faite d'une franchise de 3 jour ouvrée,

° évaluer le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires ' charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées, en recherchant si du chiffre d'affaires a été généré par des ventes à emporter ou « click and collect » et en le retranchant alors, en prenant compte les facteurs externes indépendamment des pertes d'exploitation liées à la fermeture administrative,

 - Condamné la société AXA FRANCE LARD S.A. aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu'énoncés par l'article 695 du code de procédure civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction sont liquidés à la somme de 70,55 €

- Réservé les dépens à venir.

- Dit que l'exécution provisoire s'avérant compatible avec la nature de l'affaire, il n'y a pas lieu d'écarter.

 - Débouté la SA AXA France IARD de ses demandes.

 - Condamné la société AXA France IARD à payer la somme de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné la société AXA France IARD aux dépens de la présente instance.

 

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 13/02/2024, la SA AXA FRANCE IARD demande à la Cour :

Vu la clause d'exclusion stipulée dans le contrat d'assurance souscrit par l'assurée auprès d'AXA FRANCE IARD,

Vu les articles 1103, 1170 et 1192 du Code civil,

Vu les articles L. 112-4, L. 113-1 et L. 121-1 du Code des assurances, 

Vu le jugement dont appel,

 -  DECLARER recevable et bien-fondé l'appel interjeté par la société AXA FRANCE IARD et, y faisant droit : 

A TITRE PRINCIPAL

-  INFIRMER le jugement du 9 septembre 2021 du Tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il a :

-  Considéré que la clause d'exclusion ne serait ni formelle ni limitée au sens de l'article L.113-1 du Code des assurances et qu'AXA FRANCE IARD devra garantir la société LE BOUDDHA au titre de la perte d'exploitation de son activité de restauration ; 

-  Condamné AXA FRANCE IARD à payer à la société LE BOUDDHA, la somme provisionnelle de 176.400 euros ;  

-  Ordonné une expertise judiciaire et nommé à cette fin monsieur [T] [X] avec la mission telle que décrite dans le jugement entrepris, 

-  Condamné AXA FRANCE IARD à payer à la société LE BOUDDHA la somme de 3.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; 

-  Condamné AXA FRANCE IARD aux entiers dépens. 

-  INFIRMER le jugement du 9 septembre 2021 du Tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il a débouté AXA FRANCE IARD de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion; 

STATUANT A NOUVEAU  

-  JUGER que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est applicable en l'espèce ; 

-  JUGER que cette clause d'exclusion respecte le caractère formel exigé par l'article L. 113-1 du Code des assurances ;

 -  JUGER que cette clause d'exclusion ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et respecte le caractère limité de l'article L.113-1 du Code des assurances et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle d'AXA FRANCE IARD de sa substance au sens de l'article 1170 du Code civil ; 

-  JUGER qu'AXA FRANCE IARD n'a pas manqué à son devoir d'information ou de conseil ; 

En conséquence : 

-  JUGER applicable en l'espèce la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie ;

-  DEBOUTER la société LE BOUDDHA de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre d'AXA FRANCE IARD et la condamner à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement du 9 septembre 2021 ; 

-  ANNULER la mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le Tribunal de commerce de Marseille ; 

A TITRE SUBSIDIAIRE 

-  ORDONNER la fixation de la mission de l'Expert désigné par le Tribunal de commerce de Marseille comme suit :

  

'  Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'assurée et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années ;

'  Entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations ;

'  Examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur une période maximum de trois mois et en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable ;

'  Donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, comprenant le calcul de la perte de marge brute et déterminer le montant des charges salariales et des économies réalisées ;

'  Donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'assurée ;

'  Donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars et le 29 octobre 2020.

EN TOUT ETAT DE CAUSE 

-  DEBOUTER la société LE BOUDDHA de toutes demandes, fins ou conclusions contraires au présent dispositif ; 

-  CONDAMNER la société LE BOUDDHA à payer à AXA FRANCE IARD la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat associé, aux offres de droit.

L'affaire a été fixée à l'audience des plaidoiries du 05 mars 2024 par avis communiqué aux parties le 21 septembre 2023.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 13/10/2023 la SAS LE BOUDDHA demande à la cour :

Vu les dispositions de l'Article 632 du Code de Procédure Civile ;

Vu les dispositions des articles 1108 et 1143 du Code Civil ;

Vu les dispositions des articles 1169 et 1170 du Code Civil ;

Vu les dispositions des articles L 113-1 et L.112-4 du Code des Assurances ;

Vu les dispositions de l'article 1231-1 du Code Civil ;

Vu le contrat d'assurance souscrit ;

CONFIRMER  le  jugement  rendu  par  le  Tribunal  de  Commerce  de  Marseille  le  9 Septembre  2021 au  besoin  par  adjonction  des  motifs,  en  ce  qu'il  a  condamné  la Société AXA FRANCE IARD à garantir les sinistres perte financière suite à fermeture administrative, subis par la Société LE BOUDDHA entre le 15 mars 2020 et le 2 juin 2020, et entre le 30 octobre 2020 et le 30 janvier 2021, après avoir déclarée la clause d'exclusion  opposée  à  l'assuré  non  mobilisable  et/ou  non  écrite,  pour  absence  de caractère très apparent, absence de contrepartie, et pour absence de caractère formel et limité ; 

CONDAMNER la société AXA FRANCE IARD à payer, en denier ou quittance, à la société LE BOUDDHA, la somme de 176.400,00 € à titre de provision, et renvoyer les parties devant le Tribunal de Commerce de Marseille aux fins que soit statué sur l'indemnisation définitive de l'intimée après dépôt du rapport d'expertise [X] ;

Subsidiairement,

INFIRMER le Jugement rendu et CONDAMNER la société AXA FRANCE IARD à payer à la société LE BOUDDHA la somme de 176.400,00 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison des manquements fautifs de l'Assureur à ses obligations générales d'information, de conseil et de mise en garde.

En tout état de cause,

DEBOUTER la société AXA FRANCE IARD de ses demandes ;

CONDAMNER la société AXA FRANCE IARD à payer 10.000 € à la société LE BOUDDHA sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel ;

CONDAMNER la société AXA FRANCE IARD aux dépens.

MOTIVATION

Il n'est pas contesté et il résulte des pièces contractuelles versées au dossier de la procédure que la relation des parties est régie par un contrat d'assurance Multirisque de l'entreprise avec effet au 01/07/2016 comprenant des conditions générales n°460645H éditées en novembre 2015 et les conditions particulières du contrat n°7210276804.

La page 11 des conditions particulières mentionne un paragraphe relatif à une extension de garantie à la perte d'exploitation suite à la fermeture administrative de l'établissement.

Cette garantie porte sur les pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1.la décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente et extérieure à l'assuré.

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.

La garantie commence le jour du sinistre et dure tant que les résultats de l'établissement sont affectés par le dit sinistre dans la limite de 3 mois maximum.

Le montant de la garantie est limité à 50 fois la valeur en euros de l'indice.

L'assuré conserve à sa charge une franchise de 3 jours ouvrés de marge brute annuelle du dernier exercice comptable clos de l'établissement assuré.

La clause d'exclusion de garantie opposée par la société AXA France IARD pour dénier à l'assuré la garantie perte d'exploitation pour la période de fermeture de l'établissement en raison de l'épidémie de COVID 19 est rédigée comme suit :

Sont exclues :

° les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.

L'assuré fait valoir que cette clause doit être réputé non écrite voire nulle comme non conforme aux dispositions régissant la légalité des clauses d'exclusion de garantie.

Sur la conformité de la clause litigieuse aux dispositions de l'article L112-4 du code des assurances

L'article L112-4 du code des assurances prévoit que les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.

L'assureur fait valoir que cette demande nouvelle en appel est irrecevable en vertu de l'article 910-4 du code de procédure civile.

Toutefois, il ne s'agit pas d'une demande nouvelle mais d'un fondement nouveau dans le but que soit déclarée non écrite la clause d'exclusion de garantie tout comme le moyen initial fondé sur les dispositions de l'article L113-1 du code des assurances.

L'article 563 du code de procédure civile prévoit que pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

L'article 565 du CPC énonce qu'une prétention n'est pas nouvelle lorsqu'elle tend « aux mêmes fins » que celles invoquées en première instance.

L'article 566 du code de procédure civile prévoit que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, sauf à ce que celles-ci soient l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge.

En outre la demande nouvelle tendant à faire écarter les prétentions adverses est recevable (ass. com., 15 fév. 2023, n°21-20.283)

Par voie de conséquence, l'argument nouveau relatif au caractère non suffisamment apparent de la clause d'exclusion est recevable.

La clause litigieuse est rédigée en caractères gras et est insérée dans la police d'assurance immédiatement à la suite de la définition de la garantie perte d'exploitation suite à la fermeture administrative dont elle se détache nettement du fait de l'emploi des caractères gras avec un entête souligné.

Ainsi, la définition de la garantie et la clause restrictive sont distinctes et s'enchaînent permettant une lecture continue des éléments contractuels régissant la garantie perte d'exploitation suite à une fermeture administrative de l'établissement.

Par voie de conséquence, la clause limitant la garantie perte d'exploitation suite à la fermeture administrative à la seule hypothèse d'une fermeture isolée de l'établissement est conforme aux dispositions exigeant que les clauses restrictives de garantie soient rédigées en caractères très apparents.

Sur la vocation de la clause litigieuse à s'appliquer :

L'assuré fait valoir qu'il n'est pas démontré que la clause litigieuse ait vocation à s'appliquer au cas d'espèce de la fermeture de l'établissement à l'initiative de l'administration par une décision d'application générale.

L'assureur fait valoir que s'agissant d'une demande nouvelle, elle est irrecevable.

L'article 565 du CPC énonce qu'une prétention n'est pas nouvelle lorsqu'elle tend « aux mêmes fins » que celles invoquées en première instance.

L'article 566 du code de procédure civile prévoit que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, sauf à ce que celles-ci soient l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge.

Ne s'agissant pas d'une prétention nouvelle mais d'une prétention tendant aux mêmes fins que celles invoquées précédemment à savoir le défaut de fondement du refus de l'assureur de garantir le sinistre en raison de la même clause d'exclusion, cet argument est recevable devant la cour de renvoi qui statue en l'espèce après cassation intégrale de son premier arrêt.

L'assurée fait valoir que dans des contrats similaires tel que la police multirisque de l'hôtellerie, l'assureur a exclu expressément la garantie des pertes d'exploitation consécutives à une fermeture collective dans une même région ou sur le plan national.

Elle précise que dans le présent contrat, si l'assureur entend exclure la fermeture collective, l'emploi d'une périphrase « ... au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique' » relève d'une rédaction peu claire, ce que n'a pu entériner la cour de cassation par son arrêt du 25 mai 2023.

La clause ne peut donc avoir pour objet que d'exclure la garantie en cas de pluralité de décisions de fermeture individuelle, ce qui n'est pas le cas de la fermeture suite à l'arrêté du 15 mars 2020 édictant l'interdiction d'ouverture au public des établissements de restauration.

La fermeture administrative objet du litige étant collective, les conditions de la clause de non garantie ne sont pas réunies.

 

Toutefois le segment de phrase « ... au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique' » ne peut être qualifié de périphrase de l'expression « une fermeture collective d'établissements » dans la mesure où il n'est pas exclusif de plusieurs fermetures simultanées ou successives alors que la fermeture collective d'établissements  porte sur une seule  décision formelle de fermeture applicable à plusieurs établissements .

La phrase employée a pour objet les fermetures administratives d'un autre établissement du même département pour une raison identique définie par l'extension perte d'exploitation consécutive à une fermeture administrative sans distinguer les fermetures par l'effet de décisions individuelles ou d'une décision collective.

Par voie de conséquence le segment de phrase « ... au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique' » ne peut être considéré comme excluant la vocation de la clause litigieuse à s'appliquer à une fermeture de plusieurs établissements par une décision administrative unique.

Cette demande doit être rejeté.

Sur la conformité de la clause aux dispositions de l'article L113-1 du code des assurances

L'article L113-1 du code des assurances dispose que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Ce texte implique que pour être opposable à l'assuré, la portée ou l'étendue de la clause d'exclusion de garantie doit être claire, précise, sans ambiguïté et sans incertitude afin que celui-ci puisse déterminer le périmètre de la non garantie et si, de ce fait, l'assurance proposée correspond à ses attentes et est conforme à l'intérêt de l'entreprise.

La jurisprudence en déduit que lorsqu'elle est sujette à interprétation, une clause d'exclusion de garantie ne peut être considérée comme formelle et limitée.

En ce qui concerne la clause de garantie des pertes financières précitée offerte par AXA à sa clientèle  ,même si les conditions d'application de la clause limitant l'étendue de la garantie  ont généré un contentieux important , si AXA a transigé avec une partie de ses assurés,  si les clauses de cette nature ont suscité une réflexion sur la qualité de rédaction des polices d'assurance notamment par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution , si de ce fait l'assureur a pu vouloir en modifier les termes s'agissant des contrats à venir et si une solution différente a pu être retenue dans d'autres pays voisins s'agissant de polices d'assurance équivalentes(Royaume Uni), la cour de cassation a jugé que la clause litigieuse  de cette police répondait aux critères définis par le texte précité et sa jurisprudence.

La plupart des cours d'appel saisies sur renvoi lui ont emboîté le pas.

Dans l'arrêt du 25 mai 2023 concernant le présent litige ,la Cour de cassation relève que s'agissant d'un contrat prévoyant la garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative consécutive à certaines causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, est formelle la clause qui exclut ces pertes d'exploitation de la garantie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ;

Elle ajoute que n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance la clause qui exclut de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative de l'établissement assuré, pour plusieurs causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique à l'une de celles énumérées.

La jurisprudence retient ainsi que le risque couvert par la garantie est la fermeture administrative pouvant avoir plusieurs causes expressément mentionnées, un meurtre, un suicide, une épidémie, une maladie contagieuse, une intoxication et non le risque épidémie et que la clause d'exclusion portant sur la fermeture administrative édictée à l'égard de plusieurs établissements n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance et reste formelle et limitée.

La garantie contractuelle objet du litige couvre ainsi les hypothèses de la fermeture du seul établissement exploité par la SAS LE BOUDDHA dans le département des Bouches du Rhône en raison de la survenance d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie, d'une maladie contagieuse, d'une intoxication.

La clause conditionnant la garantie à l'absence de fermeture par l'autorité administrative d'autres établissements du même département pour une cause identique est limitée en ce qu'elle ne fait pas obstacle à la garantie de la fermeture administrative de l'établissement pour les autres causes qu'une épidémie.

La jurisprudence décide ainsi que s'agissant de la fermeture administrative pour cause d'épidémie, le fait que la garantie contractuelle porte sur la fermeture par l'autorité administrative du seul établissement exploité par la SAS LE BOUDDHA dans le territoire de l'intégralité du département urbanisé des Bouches du Rhône en raison d'une épidémie ne vide pas la garantie de sa substance.

Dans un arrêt du 21 septembre 2023 n°21/25921, la cour de cassation statuant sur le moyen suivant lequel il est  illusoire qu'une fermeture administrative liée à une épidémie, s'agissant d'une maladie contagieuse se propageant à une population étendue, puisse ne concerner qu'un unique établissement et relevant que l'assureur ne cite aucun cas de fermeture administrative isolée suite à une propagation par contagion mais uniquement des cas d'intoxications par des produits corrompus ou causées par un manque d'hygiène ou d'entretien, a maintenu que la garantie couvrant le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance.

Or la fermeture administrative pour laquelle l'assurée demande la garantie de l'assureur résulte d'un arrêté du 14 mars 2020 édictant l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons de l'ensemble du territoire et donc de l'intégralité du département des Bouches du Rhône d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020 puis d'un décret  n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

Par voie de conséquence, il y a lieu de réformer sur ce point le jugement du tribunal de commerce de Marseille en application de la jurisprudence susvisée.

 

Sur l'application des dispositions des articles 1169 et 1170, 1108 et 1143 du code civil

L'assureur se prévaut de l'irrecevabilité de ces demandes qualifiées de nouvelles.

L'assuré se prévaut des dispositions des articles susvisés pour évoquer le caractère abusif de la clause de limitation de la garantie des pertes d'exploitation du fait de la fermeture de son commerce en raison d'une épidémie à l'unique hypothèse où la fermeture est limitée à son seul établissement à l'exclusion d'autres établissements.

L'article 565 du CPC énonce qu'une prétention n'est pas nouvelle lorsqu'elle tend « aux mêmes fins » que celles invoquées en première instance.

L'article 566 du code de procédure civile prévoit que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, sauf à ce que celles-ci soient l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge.

Ne s'agissant pas d'une prétention nouvelle mais d'une prétention tendant aux mêmes fins que celles invoquées précédemment à savoir le défaut de fondement du refus de l'assureur de garantir le sinistre en raison de la même clause d'exclusion, cet argument est recevable devant la cour de renvoi qui statue en l'espèce autrement composée après cassation intégrale de son premier arrêt.

L'article 1108 du code civil prévoit que le contrat est commutatif lorsque chacune des parties s'engage à procurer à l'autre un avantage qui est regardé comme l'équivalent de celui qu'elle reçoit.

Il est aléatoire lorsque les parties acceptent de faire dépendre les effets du contrat quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d'un évènement incertain.

Le contrat d'assurance est un contrat aléatoire comme l'indiquait expressément l'ancien article 1964 du code civil repris par l'article 1108 sans désigner spécifiquement des contrats particuliers.

L'article 1143 du code civil dispose qu'il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.

L'article 1169 du code civil dispose qu'un contrat est nul lorsqu'au moment de sa formation la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire.

Ces dispositions concernent les conditions de l'adhésion au contrat et son équilibre dans son ensemble et non celui d'une clause.

L'assuré ne rapporte pas la preuve de violence, d'abus de dépendance à l'égard de l'assureur dont il connaissait les pratiques et y avait adhéré puisque le présent contrat succède à un précédent souscrit auprès du même assureur ;

Il ne démontre pas davantage un déséquilibre de l'économie du contrat au désavantage de l'assuré.

L'article 1170 suivant prévoit que toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est non écrite.

Au titre de l'extension de garantie perte d'exploitation, l 'obligation essentielle de l'assureur est la garantie des pertes d'exploitation ayant pour origine une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication.

La cour de cassation ayant jugé que la clause d'exclusion portant sur la fermeture administrative édictée à l'égard de plusieurs établissements n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance et reste formelle et limitée, il ne peut être retenue sans contradiction que par son étendue la clause prive de sa substance l'obligation essentielle de l'assureur.

Ce moyen ne peut donc être retenu au regard des dispositions de l'arrêt du 01 décembre 2022.

L'ensemble des moyens soulevés par l'assuré afin d'obtenir que soit réputé non écrite la clause d'exclusion de garantie suivante :

Les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.

ne pouvant prospérer sans contradiction avec la jurisprudence de la cour de cassation appliquée par de nombreuses cour d'appel suite à plusieurs arrêts du 1er décembre 2022 et spécifiquement avec l'arrêt rendu dans le cadre du présent litige, la décision du tribunal de commerce de Marseille sera donc infirmée sur ce point.

Sur le moyen subsidiaire de la violation de son devoir d'information et de conseil par l'assureur

L'assureur se prévaut de l'irrecevabilité de ces demandes qualifiées de nouvelles.

L'assuré se prévaut de la violation du devoir d'information et de conseil de l'assureur pour établir le caractère abusif de la clause de limitation de la garantie des pertes d'exploitation du fait de la fermeture de son commerce en raison d'une épidémie à l'unique hypothèse où la fermeture est limitée à son seul établissement à l'exclusions d'autres établissements.

L'article 565 du CPC énonce qu'une prétention n'est pas nouvelle lorsqu'elle tend « aux mêmes fins » que celles invoquées en première instance.

L'article 566 du code de procédure civile prévoit que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, sauf à ce que celles-ci soient l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge.

Ne s'agissant pas d'une prétention nouvelle mais d'une prétention tendant aux mêmes fins que celles invoquées précédemment à savoir le défaut de fondement du refus de l'assureur de garantir le sinistre en raison de la même clause d'exclusion, cet argument est recevable devant la cour de renvoi qui statue en l'espèce autrement composée après cassation intégrale de son premier arrêt.

L'assuré fait valoir que l'assureur est débiteur d'une obligation d'information et de conseil du souscripteur de la police d'assurance au moment de la conclusion du contrat, obligation particulièrement renforcée s'agissant des clauses obscures ou ambiguës.

La cour de cassation retient que le professionnel de l'assurance a l'obligation de conseiller utilement le souscripteur du contrat sur l'étendue des garanties et d'attirer plus spécialement son attention sur les exclusions et limites qu'elles comportent.

Il résulte de la jurisprudence que l'assureur comme le courtier en assurance doivent d'une part informer le souscripteur de la police d'assurance y compris dans le cadre de son activité professionnelle de l'étendue des garanties qu'il propose, de ces tarifs et d'autre part veiller à l'adaptation des garanties aux risques décrits par le candidat à l'assurance.

Une clause de limitation de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police ou dans le cadre d'un avenant au contrat pour lui être opposable.

Ensuite le manquement d'un assureur ne peut donner lieu qu'à l'allocation de dommages et intérêts et non entrainer l'inopposabilité à l'assuré de clauses du contrat (Civ.2. ' 8 février 2018, n° 16-27.495).

L'assuré ne peut donc solliciter sur ce fondement une indemnité équivalente au montant de la garantie due au cas d'inopposabilité de la clause litigieuse.

En l'espèce, lors de la signature du contrat le 20 juillet 2016, l'assuré a reconnu avoir pris connaissance des conditions de garanties et des exclusions via la remise des conditions générales.

Mais ces conditions générales ne mentionnent pas la clause d'exclusion objet du litige.

La garantie du fait des pertes d'exploitation en raison de la fermeture administrative de l'établissement est spécifiquement prévue par les conditions particulières.

L'assureur produit la fiche d'information préalable à la proposition de signature du contrat telle que prévue par l'article L112-2 et L113-2 du code des assurances en date du même jour que la signature du contrat mais le texte n'impose pas de délai entre la remise de cette fiche et la signature du contrat.

De plus la clause d'exclusion objet du litige ne comporte pas de termes techniques de nature à justifier de faire des recherches ou se rapprocher de sachant pour en déterminer le sens, elle ne nécessite pas un délai particulier de réflexion.

Les conditions particulières comportent en dernière ligne et donc au-dessus de la signature une mention indiquant que l'assuré reconnaît avoir été informé et avoir pris connaissance préalablement à la souscription du contrat d'assurance des informations particulières concernant le tarif et les conditions de garantie auprès du représentant de l'assureur.

Par voie de conséquence il ne peut être relevé une violation par l'assureur de son devoir d'information et de Conseil et ce moyen de l'assuré sera rejeté.

Il en résulte au final que la clause d'exclusion de garantie invoquée par l'assureur est conforme au droit positif .

La SA AXA France IARD demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'il a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire,

Cependant le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ; Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer cette demande.

Il en est de même relativement à l'expertise ordonnée par le premier juge.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La décision du premier juge étant réformée au principal, il y a lieu de l'infirmer en ce qu'elle condamne la SA AXA France IARD aux dépens et alloue une somme de 3500 euros à la SAS LE BOUDDHA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure.

A l'issue du litige, il convient ainsi de condamner la SAS LE BOUDDHA aux dépens et au paiement d'une somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 09 septembre 2021 dans toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Déboute la SAS LE BOUDDHA de sa demande d'indemnisation des sinistres perte d'exploitation du fait de la fermeture de l'établissement en application des mesures gouvernementales de protection contre la propagation de l'épidémie de COVID 19 formulée à l'encontre de son assureur la SA AXA France IARD.

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour .

Condamne la SAS LE BOUDDHA à payer la somme de 2500 euros à la SA AXA France IARD en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SAS LE BOUDDHA aux dépens de première instance et d'appel y compris les frais d'expertise, dont distraction au profit des avocats en ayant fait l'avance.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 23/08186
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.08186 ?
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