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20/06/2024 | FRANCE | N°23/08184

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 20 juin 2024, 23/08184


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRET SUR RENVOI DE CASSATION



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024



N°2024/















Rôle N° RG 23/08184 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLPO6







S.A. AXA FRANCE IARD





C/



S.C.P. LECA CRESSEND

S.A.R.L. LE JARDIN









Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Romain CHERFILS





Arrêt en date du

20 Juin 2024 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 25 Mai 2023, qui a cassé et annulé l'arrêt n° RG 21/11470 rendu le 10 Mars 2022 par la cour d'appel de AIX EN PROVENCE (Chambre 1-3).





DEMANDERESSES SUR RENVOI DE CASSATION



S.A. AXA F...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRET SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

N°2024/

Rôle N° RG 23/08184 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLPO6

S.A. AXA FRANCE IARD

C/

S.C.P. LECA CRESSEND

S.A.R.L. LE JARDIN

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Romain CHERFILS

Arrêt en date du 20 Juin 2024 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 25 Mai 2023, qui a cassé et annulé l'arrêt n° RG 21/11470 rendu le 10 Mars 2022 par la cour d'appel de AIX EN PROVENCE (Chambre 1-3).

DEMANDERESSES SUR RENVOI DE CASSATION

S.A. AXA FRANCE IARD

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me David CUSINATO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Thomas MARIANI, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDERESSES SUR RENVOI DE CASSATION

S.C.P. LECA CRESSEND

prise en la personne de Me Pierre-Alexandre LECA, mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société LE JARDIN

, demeurant [Adresse 2]

Défaillante

S.A.R.L. LE JARDIN

, demeurant [Adresse 1]

Défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Inès BONAFOS, Président-Rapporteur,

et M. Adrian CANDAU, conseiller- rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2024, puis avisées par message le 23 Mai 2024, que la décision était prorogée au 20 Juin 2024.

ARRÊT

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte en date du 24 mars 2021, la SARL LE JARDIN a fait assigner à jour fixe, à l'audience du 27 avril 2021 du Tribunal de Commerce de Draguignan la SA AXA France IARD aux fins de demander au tribunal de :

Juger la société LE JARDIN bien fondée en ses demandes,

Vu l'article L 113-1 du code des assurances,

Vu les articles 1108, 1169, 1170, 1231-6 nouveau et 1153 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016,

Juger que du fait de la fermeture administrative dont elle a fait l'objet le 14 mars 2020 et le 29 octobre 2020, liée à l'épidémie de COVID 19, et en l'état du contrat d'assurance multirisques professionnelle souscrit le 14 juin 2011, la société AXA FRANCE IARD doit assurer à la société LE JARDIN la garantie de ses pertes d'exploitation,

Déclarer non écrite la clause d'exclusion de garantie figurant dans les conditions particulières du contrat et mentionnant : "sont exclues : les pertes d'exploitation lorsqu'à la date de la décision de fermeture au moins un autre établissement quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique".

Subsidiairement et pour le cas ou par impossible le tribunal ne déclarerait pas cette clause d'exclusion non écrite,

Juger que cette clause d'exclusion est ambiguë et que par application de l'article 1190 du code civil, doit s'interpréter en faveur de la société LE JARDIN,

En conséquence,

Condamner l'assureur à payer une somme de 50 000€ à titre de provision à valoir sur l'indemnisation des pertes d'exploitation, sous astreinte de 1 000,00 € par jour à compter du 15ème jour de la signi'cation du jugement à intervenir et ce, pendant 60 jours période a laquelle il sera fait à nouveau droit,

Désigner un expert avec pour mission d'évaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute pendant la période d'indemnisation et au vu des garanties accordées par AX4 dans ses conditions particulières e générales,

Evaluer le montant des frais supplémentaires d'exploitation pendant Ia période d'indemnisation,

Condamner l'assureur à payer une somme de 20 000€ en réparation du préjudice causé par la résistance abusive opposée à l'assurée

Subsidiairement, et pour le cas ou par impossible, le tribunal dirait n'y avoir lieu à dommages et intérêts,

Dire et juger que les sommes dues par la société AXA FRANCE IARD porteront intérêts à compter de la mise en demeure en date du 5 juin 2020,

Constater que l'exécution du jugement à venir est de droit,

Condamner la société AXA FRANCE IARD à payer à la SARL LE JARDIN la somme de 5 000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile, et les entiers dépens.

Par jugement du 06 juillet 2021 le tribunal de commerce de Draguignan a principalement :

Vu l'article L113-1 du code des assurances,

Vu l'article 1170 du code civil,

Constate que les critères d'indemnisation de la SARL LE JARDIN concernant les pertes d'exploitation qu'elle a subies, garanties par le contrat n°5087121604 souscrit auprès de la société AXA FRANCE IARD sont réunis.

Déclare non-écrite la clause d'exclusion figurant ainsi au contrat « Sont exclues les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fail l'objet, sur le même Territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

Dit et juge que la société AXA FRANCE IARD doit garantir les sinistres perte financière suite à la fermeture administrative de la SARL LE JARDIN.

Condamne la société AXA FRANCE IARD à régler à la SARL LE JARDIN la somme de 3 000 € à titre de provision, avant calcul définitif de l'indemnisation.

Avant dire droit au fond sur le calcul de l'indemnisation due par la société AXA FRANCE IARD à la SARL LE JARDIN ordonné une expertise confiée à un expert-comptable, monsieur [D] [S], l'expert ayant pour mission :

- Examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance,

- Appliquer la méthode de calcul de l'indemnisation prévue au contrat pour les périodes concernées entre le 15 mars 2020 et le 1er juin 2020 et du 30 octobre 2020 au 31 décembre 2020,

- Donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires ' charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées,

- Donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'assurée, dire si les subventions reçues et les annulations des charges dont l'assurée a profité couvrent ses dépenses courantes, en vue de veiller au respect du principe indemnitaire impose par l'article L121-1 du code des assurances.

- Donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture,

- Faire ensuite le compte des sommes éventuellement dues par la société AXA FRANCE IARD en prenant compte de ces éléments,

-rejeté la demande de dommages intérêts de la SARL LE JARDIN pour résistance abusive au paiement de l'assureur,

Par arrêt du 10 mars 2022 la Cour d'appel d'Aix en Provence a confirmé le jugement en date du 10 mars 2021 en toutes ses dispositions et complété la mission de l'expert.

Par arrêt du 25 mai 2023, la cour de cassation a cassé cet arrêt sauf en ce qu'il déboute la société Le Jardin de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive au visa de l'article L113-1 du code des assurances considérant :

-d'une part que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme «épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

-d'autre part la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Elle a renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel d'Aix en Provence autrement composée.

La S.A. AXA FRANCE IARD a saisi la cour d'appel par déclaration au greffe du 21 juin 2023 pour obtenir la réformation du jugement rendu le 06 juillet 2021 par le Tribunal de commerce De Draguignan en ce qu'il a :

-Constaté que les critères d'indemnisation de la SARL LE JARDIN concernant les pertes d'exploitation qu'elle a subies, garanties par le contrat n° 5087121604 souscrit auprès de la société AXA France IARD sont réunis.

- Déclaré non-écrite la clause d'exclusion figurant ainsi au contrat « sont exclues les pertes d'exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique ».

- Dit et jugé que la société AXA France IARD doit garantir les sinistres perte financière suite à la fermeture administrative de la SARL LE JARDIN.

- Condamné la société AXA France IARD à régler à la SARL LE JARDIN la somme de 3000 € à titre de provision, avant calcul définitif de l'indemnisation.

- Avant dire-droit au fond sur le calcul de l'indemnisation due par la Société AXA France IARD à la SARL LE JARDIN sur les périodes suivantes entre le 15 Mars 2020 et le 1er Juin 2020 et entre le 30 Octobre et le 31 Décembre 2020,

Désigné monsieur [D] [S], expert-comptable, en qualité d'expert avec la mission qui en découle.

- Fixé à la somme de 2500 € le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, provision qui devra être consignée au Greffe dans le mois du présent jugement par la Société AXA France IARD, à peine de caducité.

- Condamné la société AXA France IARD à payer la somme de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné la société AXA France IARD aux dépens de la présente instance.

Elle a communiqué ses premières conclusions le 09 août 2023.

Par acte d'huissier du 15 septembre 2023, l'appelante a signifié la déclaration d'appel et ses conclusions.

L'affaire a été fixée à l'audience des plaidoiries du 05 mars 2024 par avis communiqué aux parties le 20 septembre 2023.

Par jugement du 03 octobre 2023, le tribunal de commerce de Draguignan a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL LE JARDIN, fixé la date de cessation des paiements au 01/05/2023 et désigné la SCP LE CA CRESSEND en qualité de mandataire judiciaire

Par acte extrajudiciaire du 11 décembre 2023, l'appelante a assigné en intervention forcée la SCP LECA CRESSEND qui a accepté l'acte.

Dans ses conclusions notifiées le 19 février 2024 et dénoncées le 28 février 2024 à la SCP LE CA CRESSEND, la société AXA FRANCE IARD demande à la cour :

Vu la clause d'exclusion stipulée dans le contrat d'assurance souscrit par l'assurée auprès d'AXA FRANCE IARD,

Vu les articles 1103, 1170 et 1192 du Code civil,

Vu les articles L112-4 ,L. 113-1 et L. 121-1 du Code des assurances,

- DECLARER recevable et bien-fondé l'appel interjeté par la société AXA FRANCE IARD et, y faisant droit :

A TITRE PRINCIPAL

- INFIRMER le jugement du 6 juillet 2021 du Tribunal de commerce de Draguignan en ce qu'il :

' Considéré que la clause d'exclusion ne répondrait pas au caractère limité de l'article L.113-1 du Code des assurances et qu'AXA FRANCE IARD devra garantir la SARL LE JARDIN au titre de la perte d'exploitation de son activité de restauration ;

' Condamné AXA FRANCE IARD à payer à la SARL LE JARDIN, la somme de 3000 € à titre provisionnel avant le calcul définitif de l'indemnisation,

' Ordonné une expertise judiciaire et nommé à cette fin monsieur [D] [S] avec la mission telle que décrite dans le jugement entrepris,

' Fixé à 2500€ le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, provision qui devra être consignée au Greffe dans le mois du jugement par AXA France IARD;

' Condamné AXA FRANCE IARD AXA FRANCE IARD à payer à la société LE JARDIN la somme de 1.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.;

- INFIRMER le jugement du 6 juillet 2021 du Tribunal de commerce de Draguignan en ce qu'il a débouté AXA FRANCE IARD de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion;

STATUANT A NOUVEAU

- JUGER que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est applicable en l'espèce ;

- JUGER que cette clause d'exclusion respecte le caractère formel exigé par l'article L. 113-1 du Code des assurances ;

- JUGER que cette clause d'exclusion ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et respecte le caractère limité de l'article L. 113-1 du Code des assurances et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle d'AXA FRANCE IARD de sa substance au sens de l'article 1170 du Code civil ;

-JUGER qu'AXA France IARD n'a pas manqué à son devoir d'information ou de conseil

En conséquence :

- JUGER applicable en l'espèce la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie ;

- DEBOUTER la SARL LE JARDIN de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre d'AXA FRANCE IARD et la condamner à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement du 6 juillet 2021 ;

- DEBOUTER la SARL LE JARDIN de toutes ses demandes fins ou conclusions contraire au présent dispositif

- ANNULER la mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de commerce

A TITRE SUBSIDIAIRE

-ORDONNER la fixation de la mission de l'Expert désigné par le Tribunal de commerce de Draguignan comme suit :

'Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'Assurée et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années ;

'Entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations ;

'Examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur une période maximum de trois mois et en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable ;

'Donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, comprenant le calcul de la perte de marge brute et déterminer le montant des charges salariales et des économies réalisées ;

'Donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'Assurée ;

'Donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars et le 29 octobre 2020.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

DEBOUTER la société LE JARDIN de toutes demandes, fins ou conclusions contraires au présent dispositif ;

-CONDAMNER la société LE JARDIN à payer à AXA FRANCE IARD la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat associé, aux offres de droit.

A l'audience du 05 mars 2024, l'affaire a été retenue.

MOTIVATION

Il n'est pas contesté et il résulte des pièces contractuelles versées au dossier de la procédure que la relation des parties est régie par un contrat d'assurance Multirisque Professionnelle avec effet au 14/05/2019 comprenant les conditions générales 690200Q et les conditions particulières du contrat n°5087121604.

La page 9 des conditions particulières mentionne un paragraphe relatif à une extension de garantie à la perte d'exploitation suite à la fermeture administrative de l'établissement.

Cette garantie porte sur les pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1.la décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente et extérieure à l'assuré.

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.

La garantie commence le jour du sinistre et dure tant que les résultats de l'établissement sont affectés par le dit sinistre dans la limite de 3 mois maximum.

Le montant de la garantie est limité à 300 fois l'indice.

L'assuré conserve à sa charge une franchise de 3 jours ouvrés.

La clause d'exclusion de garantie opposée par la société AXA France IARD pour dénier à l'assuré la garantie perte d'exploitation pour la période de fermeture de l'établissement en raison de l'épidémie de COVID 19 est rédigée comme suit :

SONT EXCLUES :

LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE.

L'assuré fait valoir que cette clause doit être réputé non écrite voire nulle comme non conforme aux dispositions régissant la légalité des clauses d'exclusion de garantie.

L'article L113-1 du code des assurances dispose que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Ce texte implique que pour être opposable à l'assuré, la portée ou l'étendue de la clause d'exclusion de garantie doit être claire, précise, sans ambigüité et sans incertitude afin que celui-ci puisse déterminer le périmètre de la non garantie et si, de ce fait, l'assurance proposée correspond à ses attentes et est conforme à l'intérêt de l'entreprise.

La jurisprudence en déduit que lorsqu'elle est sujette à interprétation, une clause d'exclusion de garantie ne peut être considérée comme formelle et limitée.

En ce qui concerne la clause de garantie des pertes financières précitée offerte par AXA à sa clientèle, même si les conditions d'application de la clause limitant l'étendue de la garantie ont généré un contentieux important , si AXA a transigé avec une partie de ses assurés, si les clauses de cette nature ont suscité une réflexion sur la qualité de rédaction des polices d'assurance notamment par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution , si de ce fait l'assureur a pu vouloir en modifier les termes s'agissant des contrats à venir et si une solution différente a pu être retenue dans d'autres pays voisins s'agissant de polices d'assurance équivalentes(Royaume Uni), la cour de cassation a jugé que la clause litigieuse de cette police répondait aux critères définis par le texte précité et sa jurisprudence.

La plupart des cours d'appel saisies sur renvoi lui ont emboîté le pas.

Dans l'arrêt du 25 mai 2023 concernant le présent litige ,la Cour de cassation relève que s'agissant d'un contrat prévoyant la garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative consécutive à certaines causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, est formelle la clause qui exclut ces pertes d'exploitation de la garantie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ;

Elle ajoute que n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance la clause qui exclut de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative de l'établissement assuré, pour plusieurs causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique à l'une de celles énumérées.

La jurisprudence retient ainsi que le risque couvert par la garantie est la fermeture administrative pouvant avoir plusieurs causes expressément mentionnées, un meurtre, un suicide, une épidémie, une maladie contagieuse, une intoxication et non le risque épidémie et que la clause d'exclusion portant sur la fermeture administrative édictée à l'égard de plusieurs établissements n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance et reste formelle et limitée.

La garantie contractuelle objet du litige couvre ainsi les hypothèses de la fermeture du seul établissement exploité par la SARL LE JARDIN dans le département des Bouches du Rhône en raison de la survenance d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie, d'une maladie contagieuse, d'une intoxication.

La clause conditionnant la garantie à l'absence de fermeture par l'autorité administrative d'autres établissements du même département pour une cause identique est limitée en ce qu'elle ne fait pas obstacle à la garantie de la fermeture administrative de l'établissement pour les autres causes qu'une épidémie.

La jurisprudence décide ainsi que s'agissant de la fermeture administrative pour cause d'épidémie, le fait que la garantie contractuelle porte sur la fermeture par l'autorité administrative du seul établissement « A la Bonne Franquette » dans le territoire de l'intégralité du département urbanisé des Bouches du Rhône en raison d'une épidémie ne vide pas la garantie de sa substance.

Dans un arrêt du 21 septembre 2023 n°21/25921, la cour de cassation statuant sur le moyen suivant lequel il est illusoire qu'une fermeture administrative liée à une épidémie, s'agissant d'une maladie contagieuse se propageant à une population étendue, puisse ne concerner qu'un unique établissement et relevant que l'assureur ne cite aucun cas de fermeture administrative isolée suite à une propagation par contagion mais uniquement des cas d'intoxications par des produits corrompus ou causées par un manque d'hygiène ou d'entretien, a maintenu que la garantie couvrant le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance.

Or la fermeture administrative pour laquelle l'assurée demande la garantie de l'assureur résulte d'un arrêté du 14 mars 2020 édictant l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons de l'ensemble du territoire et donc de l'intégralité du département des Bouches du Rhône d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020 puis d'un décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

Par voie de conséquence, il y a lieu de réformer sur ce point le jugement du tribunal de commerce de Draguignan en application de la jurisprudence susvisée

La SA AXA France IARD demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'il a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire,

Cependant le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ; Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer cette demande.

Il en est de même relativement à l'expertise ordonnée par le premier juge.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La décision du premier juge étant réformée au principal, il y a lieu de l'infirmer en ce qu'elle condamne la SA AXA France IARD aux dépens et alloue une somme de 1000 euros à la SARL LE JARDIN sur le fondement de l'article 700 du code de procédure.

A l'issue du litige, il convient ainsi de condamner la SARL LE JARDIN assisté de la SCP LECA CRESSEND aux dépens et au paiement d'une somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire , par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement du tribunal de commerce de DRAGUIGNAN du 30 novembre 2020 sauf en ce qu'il déboute la SARL LE JARDIN de sa demande de dommages intérêts pour résistance abusive.

Statuant à nouveau,

Déboute la SARL LE JARDIN de sa demande d'indemnisation des sinistres perte d'exploitation du fait de la fermeture de l'établissement en application des mesures gouvernementales de protection contre la propagation de l'épidémie de COVID 19 formulée à l'encontre de son assureur la SA AXA France IARD.

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour

Condamne la SARL LE JARDIN assisté de la SCP LECA CRESSEND à payer la somme de 1500 euros à la SA AXA France IARD en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SARL LE JARDIN assisté de la SCP LECA CRESSEND aux dépens de première instance et d'appel y compris les frais d'expertise, dont distraction au profit des avocats en ayant fait l'avance.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 23/08184
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.08184 ?
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