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20/06/2024 | FRANCE | N°23/07361

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 20 juin 2024, 23/07361


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRET SUR RENVOI DE CASSATION



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024



N°2024/















Rôle N° RG 23/07361 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLMEL







SA 3F SUD (ANCIENNEMENT DENOMMEE IMMOBILIÈRE MÉDITERRANÉE)





C/



S.A. COSTAMAGNA DISTRIBITION

























Copie exécutoire délivrée

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à :



Me Agnès ERMENEUX



Me Anne-claire BUROT





Arrêt en date du 20 Juin 2024 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation chambre commerciale, financière et économique le 24 Mai 2023, qui a cassé et annulé l'arrêt n° RG 18/17992 Minute 2021/349 re...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRET SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

N°2024/

Rôle N° RG 23/07361 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLMEL

SA 3F SUD (ANCIENNEMENT DENOMMEE IMMOBILIÈRE MÉDITERRANÉE)

C/

S.A. COSTAMAGNA DISTRIBITION

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Agnès ERMENEUX

Me Anne-claire BUROT

Arrêt en date du 20 Juin 2024 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation chambre commerciale, financière et économique le 24 Mai 2023, qui a cassé et annulé l'arrêt n° RG 18/17992 Minute 2021/349 rendu le 18 Novembre 2021par la cour d'appel de AIX-EN-PROVENCE (Chambre 1.3).

DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION

SA 3F SUD (anciennement dénommée IMMOBILIÈRE MÉDITERRANÉE) Société Anonyme d'Habitations à Loyer Modéré, prise en la sonne de son représentant légal enexercice domicilié es qualité au siège social sis, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, (avocat postulant) et plaidant par Me Frédéric PIAZZESI de la SELARL CABINET PIAZZESI AVOCATS, avocat au barreau de NICE substituée par Me Florence CATTENATI, avocat au barreau de NICE

DEFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION

S.A. COSTAMAGNA DISTRIBITION poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au dit siège., demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Anne-claire BUROT, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Avril 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, monsieur Adrian CANDAU, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Patricia CARTHIEUX.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024.

ARRÊT

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans le cadre de la réalisation de plusieurs chantiers à [Localité 5] et [Localité 4] pour le compte de la société IMMOBILIERE MEDITERRANEE (désormais 3F SUD), maître de l'ouvrage, la société Nouvelle ETGC (la société SNETGC), chargée du gros-oeuvre, s'est fournie en matériaux auprès de la société COSTAMAGNA DISTRIBUTION.

Par actes sous seing privé en date du 14 octobre 2015 et du 28 janvier 2016, la société NETGC (délégante) et la société IMMOBILIERE MEDITERRANEE (déléguée) ont signé au profit de la société COSTAMAGNA DISTRIBUTION (délégataire) deux délégations de paiement à concurrence respectivement d'une somme de 132 000,36 euros TTC au titre du marché « [Localité 3] » et de 67.482,61 euros TTC au titre du marché « Le Château ».

Le 22 juillet 2016, le Tribunal de commerce de CANNES a prononcé la liquidation judiciaire de la société NETGC, à la suite de quoi, la société IMMOBILIERE MEDITERRANEE a indiqué ne plus vouloir payer les factures émises par la société COSTAMAGNA, soutenant que les délégations de paiement étaient devenues caduques.

Les deux dernières factures de 13 008,01 euros et de 4 775,15 euros de la société COSTAMAGNA DISTRIBUTION n'ayant pas été honorées, celle-ci, après mise en demeure du 3 septembre 2016, a assigné la IMMOBILIERE MEDITERRANEE devant le Tribunal de commerce de GRASSE en vue d'obtenir la condamnation de cette dernière à lui payer une somme totale de 20.530,63€.

Par jugement en date du 17 septembre 2018, le Tribunal de commerce de GRASSE :

CONDAMNE la SA HLM IMMOBILIERE MEDITERRANEE à payer à la SA COSTAMAGNA DISTRIBUTION la somme de 20.530,63€ outre les intérêts au taux directeur de la banque centrale européenne majoré de 10 points de pourcentage à compter du 30 septembre 2016 jusqu'à parfait règlement ;

DIT que les intérêts produits seront capitalisés par année entière ;

DEBOUTE la SA HLM IMMOBILIERE MEDITERRANEE de sa demande de sursis à statuer et plus généralement de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNE la SA HLM IMMOBILIERE MEDITERRANEE aux dépens de la présente instance, à la somme de 66,70€, en application de l'article 696 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA HLM IMMOBILIERE MEDITERRANEE à payer à la SA COSTAMAGNA la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration du 14 novembre 2018, la société IMMOBILIERE MEDITERRANEE a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt en date du 18 novembre 2021, la chambre 1-3 de la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Condamne la société Immobilière Méditerranée à payer à la société Costamagna distribution la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Immobilière Méditerranée aux dépens qui pourront être recouvrés contre elle conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société 3F SUD (anciennement dénommée IMMOBILIERE MEDITERRANEE) a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.

Par arrêt en date du 24 mai 2023, la Chambre commerciale de la Cour de cassation :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Costamagna distribution aux dépens ;

En application de l'article 700 du Code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Costamagna distribution et la condamne à payer à la société 3F Sud la somme de 3 000 euros ;

La Cour de cassation a considéré que :

« Pour condamner la société IMED à payer une certaine somme à la société Costamagna en exécution des conventions de délégation conclues entre ces parties et la société SNETGC, l'arrêt retient qu'il ne résulte pas de la formulation de l'article 2 des conventions de délégation que la vérification de la créance par la maîtrise d''uvre soit érigée en conditions déterminantes de l'engagement de payer de la société IMED, cette vérification venant simplement préciser les termes « créance en cours du délégant » en ce que la société IMED est redevable envers le fournisseur du paiement des matériaux dans la limite du contrat de délégation et dans la limite de l'état d'avancement des travaux tels que figurant à l'état d'acompte vérifié par le maître d''uvre. Il ajoute que l'article 2 du contrat confère à l'état d'acompte vérifié une valeur probatoire en ce qui concerne les sommes dues par le délégué au délégant, et, partant, et par le délégué au délégataire, et que, la créance existante du seul fait de la fourniture justifiée par des factures et des bons de livraison, le délégué ne peut se prévaloir de l'absence de vérification de cette créance par la maîtrise de d''uvres pour échapper à son obligation.

En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que, selon l'article 2 des conventions de délégation, le délégué se reconnaissait directement tenu envers le délégataire du paiement des sommes dues par le déléguant au délégataire mais à concurrence de la créance en cours du délégant vis-à-vis du délégué « (état d'acompte dûment visé par la maîtrise d''uvre) », ce dont il résultait clairement, et sans qu'il y ait lieu à interprétation, que l'obligation de payer du délégué était subordonnée à la vérification par la maîtrise d''uvre de la créance correspondante du délégant vis-à-vis du délégué la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

***

Par déclaration de saisine en date du 2 juin 2023, la SA 3F SUD a saisi cette Cour afin d'obtenir la réformation ou l'annulation des chefs du jugement rendu par le Tribunal de Commerce de GRASSE en date du 17 septembre 2018 qui :

condamne la SA HLM IMMOBILIERE MEDITERRANEE à payer à la SA COSTAMAGNA DISTRIBUTION la somme de 20 530,63 euros outre intérêts au taux directeur de la banque centrale européenne majoré de 10 points de pourcentage à compter du 30 septembre 2016 jusqu'à parfait réglement,

dit que les intérêts produits seront capitalisés par années entières,

déboute la SA HLM IMMOBILIERE MEDITERRANEE de sa demande de sursis à statuer et plus généralement de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

condamne la SA HLM IMMOBILIERE MEDITERRANEE aux dépens de la présente instance, à la somme de 66,70 euros en application de l'article 696 du C.P.C.,

condamne la SA HLM IMMOBILIERE MEDITERRANEE à payer à la SA COSTAMAGNA la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du C.P.C.,

ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.

***

Aux termes de ses conclusions notifiées le 6 juillet 2023, la SA 3F SUD demande à la Cour de :

Vu l'arrêt de la Cour de Cassation du 24 mai 2023 et statuant sur renvoi,

Réformer le Jugement rendu le 17 septembre 2018 part le Tribunal de Commerce de GRASSE,

Débouter la société COSTAMAGNA DISTRIBUTION de toutes ses demandes, fins et conclusions,

La condamner à payer à la société concluante la somme de 6.000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

La condamner aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP ERMENEUX, Avocat, sous sa due affirmation de droit.

Par conclusions notifiées le 5 janvier 2024, la SA 3F SUD maintient ses prétentions initiales et, y ajoutant, demande à la Cour de :

En la forme, recevoir la société concluante en sa déclaration de saisine,

Au fond, déclarer tardives les conclusions de la société COSTAMAGNA DISTRIBUTION notifiées le 5 octobre 2023.

A l'appui de ses demandes, elle fait valoir que l'inopposabilité des exceptions ne s'applique que sauf stipulation contraire de sorte que le juge est chargé de vérifier si les parties n'ont pas convenu de prévoir une opposabilité ; que dans le cadre du présent litige, il n'y a pas pu avoir délégation de paiement en l'absence de vérifications des situations concernées (avant liquidation judiciaire) par la maîtrise d''uvre ; et qu'elle n'a pas à régler, selon les termes du contrat, des situations qui n'ont pas été vérifiées par le maître d''uvre. Elle considère ainsi que les conventions de délégation de paiement invoquées par la société COSTAMAGNA ne peuvent pas recevoir application faute de vérification des factures concernées par le maître d''uvre.

La SA COSTAMAGNA DISTRIBUTION, par conclusions notifiées le 5 octobre 2023 demande à la Cour de :

Vu les dispositions des articles 1134, 1275 et suivants du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016,

Vu les dispositions de l'article 1188 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016,

Vu les dispositions des articles 1300, 1303 et suivants du code civil,

CONFIRMER le jugement rendu le 17 septembre 2018 par le tribunal de commerce de GRASSE.

ET, EN CONSEQUENCE,

DEBOUTER la société 3F SUD de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.

Y ADDITANT,

CONDAMNER la société 3F SUD au paiement de la somme de 6.000,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. CONDAMNER la société 3F SUD aux entiers dépens.

Elle fait valoir que la clause contractuelle donnant lieu au litige est confuse et suppose une interprétation, et considère qu'aucune condition liée à une vérification des situations n'avait été convenue entre les parties dans le système de délégation. Elle considère en outre que l'ordre de paiement n'est pas une condition de validité de l'obligation mais simplement une modalité de son exécution de sorte qu'en tout état de cause, les sommes sont dues ; qu'ainsi le visa du maître d''uvre n'est en l'espèce qu'une modalité d'exécution de l'obligation mais pas une condition de sa validité et donc ne peut pas être considéré comme une condition essentielle du contrat. Elle considère donc que cette argumentation relative à la vérification par la maîtrise d''uvre n'est pas fondée et qu'elle dispose d'une créance certaine, liquide et exigible.

Elle rappelle que la délégation de paiement a pour intérêts la garantie qu'elle apporte au fournisseur (le délégataire), notamment dans l'hypothèse d'une défaillance de l'entrepreneur principal. Elle fait enfin valoir que la société 3F SUD a bien pris possession des matériaux objet de ces factures et qu'elle ne peut donc qu'être redevable de la somme demandée.

L'affaire a fait l'objet d'une fixation à l'audience du 16 avril 2024 par avis donné aux parties le 12 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des conclusions de la société COSTAMAGNA :

En premier lieu, la SA 3F SUD conclut à la tardiveté des conclusions notifiées par la société COSTAMAGNA DISTRIBUTION. Elle se fonde sur les dispositions de l'article 1037-1 du Code de procédure civile qui imposent à l'intimée de conclure dans les deux mois de la notification des conclusions de l'appelante ; que la société COSTAMAGNA DISTRIBUTION aurait donc dû conclure avant le 6 septembre 2023 et que ne doivent donc être prises en compte que les conclusions notifiées dans l'instance d'appel ayant donné lieu à l'arrêt cassé, soit celles déposées le 2 septembre 2021.

Selon l'article 1037-1 du Code de procédure civile applicable devant les juridictions de renvoi après cassation :

« En cas de renvoi devant la cour d'appel, lorsque l'affaire relevait de la procédure ordinaire, celle-ci est fixée à bref délai dans les conditions de l'article 905. En ce cas, les dispositions de l'article 1036 ne sont pas applicables.

La déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation dans les dix jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation. Ce délai est prescrit à peine de caducité de la déclaration, relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président.

Les conclusions de l'auteur de la déclaration sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration.

Les parties adverses remettent et notifient leurs conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'auteur de la déclaration.

La notification des conclusions entre parties est faite dans les conditions prévues par l'article 911 et les délais sont augmentés conformément à l'article 911-2.

Les parties qui ne respectent pas ces délais sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé ».

En l'espèce, la déclaration de saisine devant cette Cour après cassation a été notifiée par la société 3F SUD le 2 juin 2023 par la voie électronique. Cette société a ensuite notifié ses conclusions le 6 juillet 2023.

La société COSTAMAGNA DISTRIBUTION a constitué avocat le 12 juillet 2023 et a notifié ses conclusions le 5 octobre 2023.

Le greffe de la chambre 1-4 de cette Cour a notifié aux conseils intervenant à la procédure un avis de fixation à bref délai par message du 12 décembre 2023.

Il en résulte que la société COSTAMAGNA a effectivement notifié ses conclusions du 5 octobre 2023 après expiration du délai de 2 mois à compter de la notification des conclusions de l'auteur de la déclaration de saisine, délai fixé par l'article précité.

Doivent donc être prises en compte dans le cadre du litige les conclusions récapitulatives de la société COSTAMAGNA notifiées par voie électronique le 2 septembre 2021 dans la procédure 18/17992 ayant donné lieu à l'arrêt de cette Cour du 18 novembre 2021, cassé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 24 mai 2023.

Il convient de relever que les prétentions de la société COSTAMAGNA IMMOBILIERE, dans ces conclusions du 2 septembre 2021 sont identiques à celles présentées dans la procédure après cassation. Elles sont toutefois formulées au visa des articles 1103, 1104, 1154 et 1336 et suivants du Code civil et la demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile est formulée à hauteur de 5.000€.

Sur la demande principale :

En application de l'article 1134 du Code civil dans sa version applicable à l'espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Deux actes de délégation de paiement ont donc été établis par les parties SNETGC, IMMOBILIERE MEDITERRANEE et COSTAMAGNA DISTRIBUTION en vue de déterminer les conditions dans lesquelles sera effectué le paiement de la créance du délégataire (COSTAMAGNA) par le délégué (IMED) cela dans le cadre de la réalisation de chantiers au [Localité 3] et à [Localité 5]. Ces actes ont été conclus le 14 octobre 2015 et le 28 janvier 2016.

Ce cadre contractuel, son objet et les créances existantes entre les parties telles qu'elles sont initialement rappelées dans ces actes ne sont pas contestés. L'article 2 de ces conventions, relatif à l'engagement du délégué est rédigé comme suit :

« le délégué (IMED) déclare consentir à la présente délégation et, en conséquence, se reconnaît directement tenu envers le délégataire (Fournisseur) du paiement des sommes qui sont dues par le délégant (entreprise principale) au titre de la créance du délégataire, mais à concurrence de « la créance en cours du délégant » vis-à-vis du délégué (état d'acompte dûment visé par la maîtrise d''uvre), et ce même en cas de défaillance du délégant pour quelque cause que ce soit (LJ, cessation, cession,') ».

Le litige porte sur le paiement de deux factures émises par la société COSTAMAGNA :

Une facture n°C560076646 d'un montant de 4.775,15€ TTC,

Une facture n°C560076644 d'un montant de 13.008,01€ TTC.

Suite à la mise en liquidation judiciaire de la SNETGC par jugement du Tribunal de commerce de CANNES du 22 juillet 2016, la société 3F SUD a indiqué à la société COSTAMAGNA qu'elle considérait comme caduques les délégations de paiement en cours et a enjoint cette société à faire état de ces créances auprès du liquidateur, Monsieur [I] [T] (courrier du 28 juillet 2016).

La société COSTAMAGNA s'est opposée à cette position en se prévalant du fait que les factures en question avaient été validées et incluses dans les situations déjà transmises par ETGC. Etaient ainsi produites des attestations de paiement direct du 30 juin 2016 par lesquelles la NETGC autorisait le paiement direct à COSTAMAGNA les sommes correspondant à ces deux factures.

La société 3F SUD fonde donc ses demandes sur le fait qu'en tout état de cause, les factures litigieuses et les situations autorisées par la SNETGC le 30 juin 2016 n'ont pas été vérifiées par la maîtrise d''uvre et que par application de l'article 2 des conventions de délégation, elle n'est pas tenue à leur paiement. Elle considère en effet que la vérification des situations par la maîtrise d''uvre est une condition essentielle du contrat et constitue une condition de la mise en 'uvre de la délégation et non pas simplement une modalité d'exécution.

Au vu des termes de l'arrêt de cassation du 24 mai 2023, il doit être considéré que dans le cadre des conventions de délégations conclues entre les parties « l'obligation de payer du délégué était subordonnée à la vérification par la maîtrise d''uvre de la créance correspondante du délégant vis-à-vis du délégué ». Les dispositions de ces conventions font en effet de cette vérification par le maître d''uvre une condition nécessaire à l'obligation du délégué (3F SUD) vis-à-vis du délégataire (COSTAMAGNA) et non une simple modalité de son exécution.

Contrairement à ce que soutient la société COSTAMAGNA, il n'y a pas lieu de considérer cette clause comme confuse et sujette à interprétation, la Cour de cassation ayant de surcroit considéré que les obligations des parties résultaient clairement, et sans qu'il y ait lieu à interprétation des conventions conclues entre elles.

Ainsi, en l'absence de validation desdites factures, la société COSTAMAGNA ne peut prétendre à aucune créance à l'encontre de la société 3F SUD en sa qualité de maître d'ouvrage des projets concernés.

S'agissant du moyen de la société COSTAMAGNA consistant à invoquer un enrichissement sans cause de 3F SUD, il ne saurait être retenu. En effet, le droit à indemnisation pour enrichissement injustifié suppose la démonstration par celui qui s'en dit victime de l'existence d'un appauvrissement à son détriment, d'un enrichissement de l'autre partie et d'une corrélation entre les deux. L'indemnité allouée doit alors être égale à la moins élevée des deux sommes représentatives, l'une de l'enrichissement, l'autre de l'appauvrissement. En l'espèce la société COSTAMAGNA ne justifie pas des éléments qui permettent d'appréhender une telle situation.

En outre, les factures émises par la société COSTAMAGNA ont été établies à l'encontre de la société ETGC qui est donc débitrice des sommes correspondantes, lesquelles sont susceptibles de faire l'objet d'une inscription au passif de sa liquidation judiciaire, alors que l'action fondée sur l'enrichissement sans cause ne peut être admise qu'à titre subsidiaire, en l'absence de toute autre action ouverte au demandeur. L'obligation de la société 3F SUD au titre de ces factures ne pouvait résulter que de l'application des termes des conventions de délégations alors qu'il a été vu ci-avant que les conditions pour une telle application ne sont pas réunies.

Il en résulte que la réunion des conditions pour que soit caractérisée une situation d'enrichissement sans cause n'est pas démontrée par la société COSTAMAGNA qui se limite à soutenir que les matériaux qu'elle a livrés ont enrichi le patrimoine de la société 3F SUD et que son propre patrimoine s'est appauvri de cette même valeur. Il convient en conséquence de la débouter de cette prétention.

Il y a donc lieu d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de GRASSE en date du 17 septembre 2018.

Sur les demandes annexes :

Compte tenu de la solution du litige, il convient de condamner la SA COSTAMAGNA DISTRIBUTION à payer à la société 3F SUD une somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SA COSTAMAGNA DISTRIBUTION sera en outre condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la SCP ERMENEUX qui en a fait la demande.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Rejette les conclusions de la SA COSTAMAGNA DISTRIBUTION notifiées le 5 octobre 2023 ;

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de de GRASSE en date du 17 septembre 2018 ;

Statuant à nouveau,

Déboute la SA COSTAMAGNA DISTRIBUTION de ses demandes dirigées contre la société 3F SUD (anciennement IMMOBILIERE MEDITERRANEE) ;

Y ajoutant,

Condamne la SA COSTAMAGNA DISTRIBUTION à payer à la société 3F SUD (anciennement IMMOBILIERE MEDITERRANEE) la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la SA COSTAMAGNA DISTRIBUTION aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la SCP ERMENEUX qui en a fait la demande.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et M. Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 23/07361
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.07361 ?
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