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20/06/2024 | FRANCE | N°23/01913

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 20 juin 2024, 23/01913


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRET SUR RENVOI DE CASSATION



ARRÊT AU FOND

DU 20 Juin 2024



N°2024/



Rôle N° RG 23/01913 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BKXWZ







S.A. AXA FRANCE IARD





C/



S.A.S.U. ALPILLES EVENTS (À L'ENSEIGNE LA BERGERIE)















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Françoise BOULAN



Me Jean-pierre TERTIAN



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Arrêt en date du 20 Juin 2024 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 1er décembre 2022, qui a cassé et annulé l'arrêt n°RG 20/8317 rendu le 20 Mai 2021 par la cour d'appel de AIX EN PROVENCE (Chambre 1-3).





DEMANDERESSE SU...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRET SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT AU FOND

DU 20 Juin 2024

N°2024/

Rôle N° RG 23/01913 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BKXWZ

S.A. AXA FRANCE IARD

C/

S.A.S.U. ALPILLES EVENTS (À L'ENSEIGNE LA BERGERIE)

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Françoise BOULAN

Me Jean-pierre TERTIAN

Arrêt en date du 20 Juin 2024 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 1er décembre 2022, qui a cassé et annulé l'arrêt n°RG 20/8317 rendu le 20 Mai 2021 par la cour d'appel de AIX EN PROVENCE (Chambre 1-3).

DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION

S.A. AXA FRANCE IARD

prise en la personne de son représentant légal en exercice

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Marine CHARPENTIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Pascal ORMEN de la SELARL ORMEN PASSEMARD & AUTRES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me David CUSINATO, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION

S.A.S.U. ALPILLES EVENTS (À L'ENSEIGNE LA BERGERIE), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean-pierre TERTIAN de la SCP TERTIAN-BAGNOLI & ASSOCIÉS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Février 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente,

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024, puis avisées par message le 18 Avril 2024, que la décision était prorogée au 23 Mai 2024, puis avisées par message le 23 Mai 2024, que la décision était prorogée au 20 Juin 2024.

ARRÊT

FAITS ET PROCÉDURE

La société Alpilles Events, exploitant un fonds de commerce de restauration, a souscrit le 19 décembre 2019 auprès de la société Axa France IARD un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière »

A la suite d'un arrêté, publié au journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société Alpilles Events a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».

L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en 'uvre en raison de la clause excluant : « ...les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

La société Alpilles Events a effectué une seconde déclaration de sinistre à la suite d'une nouvelle fermeture administrative ordonnée à compter du 30 octobre 2020, par décret du 29 octobre 2020. Elle a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce afin de garantie.

Par jugement en date du 24 août 2020, le Tribunal de commerce de TARASCON a :

Vu l'article L.113-1 du Code des Assurances,

Vu les articles 1170, 1236-1 et 1353 du Code Civil,

Constate que les critères d'indemnisation de la société ALPILLES EVENTS (SAS) concernant les pertes d'exploitation qu'elle a subies, garanties par un contrat d'assurance multirisque professionnelle souscrit auprès de la société AXA FRANCE IARD (SA) sont réunis ;

Déclare non écrite la clause d'exclusion de garantie ci-dessous reproduite : « SONT EXCLUES LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE »

En conséquence,

Condamne la société AXA FRANCE IARD (SA) à payer à la société ALPILLES EVENTS (SAS) :

-La somme de 114.105,54 euros en exécution de son obligation, outre intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2020, date de la mise en demeure susvisée,

-La somme de 2,000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Déboute la société ALPILLES EVENTS (SAS) de sa demande indemnitaire au titre de la résistance abusive opposée par la partie défenderesse ;

Constate que l'exécution du présent jugement est de droit ;

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 514-1 du Code de Procédure Civile ;

Déboute les parties de leurs conclusions plus amples ou contraires ;

Laisse les dépens, dont frais de greffe du présent jugement liquidés à la somme de 63,36 euros TTC, à la charge de la société AXA FRANCE IARD (SA).

Ainsi fait et prononcé, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile, par mise à disposition au Greffe du Tribunal de Commerce de TARASCON le 24 août 2020.

Par arrêt avant dire droit en date du 20 mai 2021, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3) a :

Infirmé le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société AXA FRANCE IARD (S.A) à payer à la société ALPILLES EVENTS (SAS) la somme de 114105,54 euros en exécution de son obligation, outre intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2020 date de la mise en demeure,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamné la SA Axa France IARD à payer à la SAS Alpilles Events une somme provisionnelle de 85 000 euros pour la période du 15 mars 2020 au 2 juin 2020, avec intérêts légaux à compter du 26 mai 2020 ;

Et y ajoutant,

Dit qu'en vertu du contrat d'assurance souscrit le 21 juillet 2017 la SA Axa France IARD doit garantir la SAS Alpilles Events des pertes exploitation subies à la suite à de la fermeture administrative ordonnée en raison de l'épidémie de Covid-19, pour la période à compter du 30 octobre 2020 et dans les limites contractuelles,

Condamné la SA Axa France IARD à payer à la SAS Alpilles Events une provision complémentaire de 60 000€ à valoir sur l'indemnisation des pertes d'exploitation subies lors de la fermeture de son établissement pour la période du 30 octobre 2020 au 31 décembre 2020 ;

Dit que ladite somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt

Ordonné une expertise

Sursis à statuer sur la demande faite au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Réserve les dépens

Par arrêt en date du 1er décembre 2022 (N°G21-19.342), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamné la société Alpilles Events aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes

Au visa de l'article L. 113-1 du code des assurances la Cour rappelle :

- que seules les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées et qu'une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

Elle considère que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait

-que les clauses d'exclusion de garantie, qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque, doivent être formelles et limitées. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

La cour considère que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Par saisine en date du 1er février 2023, la SA AXA France IARD a saisi la Cour d'Appel sur renvoi, en l'état de la cassation totale intervenue le 1er décembre 2022 par l'arrêt de cassation, aux fins de réformer et/ou annuler le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Tarascon le 24 août 2020, en ses dispositions qui ont :

Constaté que les critères d'indemnisation de la société ALPILLES EVENTS SAS concernant les pertes d'exploitation qu'elle a subies, garanties par un contrat d'assurances multirisque professionnelle souscrit auprès de la société AXA France IARD(SA) sont réunis

Déclaré non écrite la clause d'exclusion de garantie,

En conséquence :

Condamné la société AXA France IARD(SA) à payer à la société ALPILLES : la somme de 114105.54€ en exécution de son obligation, outre intérêts au taux légal à compter du 26 Mai 2020, date de la mise en demeure susvisée, la somme de 2000€au titre des frais irrépétibles,

Constaté que l'exécution du présent jugement est de droit,

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 514-1du Code de Procédure Civile.

Débouté AXA de ses conclusions plus amples ou contraires,

Laissé les dépens à la charge de la société AXA France IARD(SA).

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Par conclusions du 30 janvier 2024 la société AXA France IARD sollicite voir :

Vu les articles 1103,1108, 1131 ancien, 1143, 1169, 1170, et 1188 et suivants du Code civil, Vu les articles L.112-4, L. 113-1 et L.121-1 du Code des assurances, Vu les articles 564, 700 et 910-4 du Code de procédure civile, Vu le jugement dont appel,

DECLARER recevable et bien-fondé l'appel interjeté par la société AXA FRANCE IARD et, y faisant droit :

A TITRE LIMINAIRE,

JUGER TANT IRRECEVABLE QUE MAL-FONDEE toute demande de la société ALPILLES EVENTS fondée sur l'article L112-4 du Code des assurances ;

JUGER TANT IRRECEVABLE QUE MAL-FONDEE toute demande de la société ALPILLES EVENTS au titre d'un manquement d'AXA FRANCE à son obligation d'information et de conseil ;

En conséquence :

DEBOUTER la société Alpilles Events de ses demandes formulées au titre de l'article L 112-4 du Code des assurances et du devoir d'information et de conseil.

A TITRE PRINCIPAL

INFIRMER le jugement du 24 août 2020 du Tribunal de commerce de Tarascon en ce qu'il :

Constate que les critères d'indemnisation de la société ALPILLES EVENTS (SAS) concernant les pertes d'exploitation qu'elle a subies, garanties par un contrat d'assurance multirisque professionnelle souscrit auprès de la société AXA FRANCE IARD (SA) sont réunis ;

Déclare non écrite la clause d'exclusion de garantie ci-dessous reproduite : « SONT EXCLUES LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE »

En conséquence,

Condamne la société AXA FRANCE IARD (SA) à payer à la société ALPILLES EVENTS (SAS) :

-La somme de 114.105,54 euros en exécution de son obligation, outre intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2020, date de la mise en demeure susvisée,

-La somme de 2,000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Déboute la société ALPILLES EVENTS (SAS) de sa demande indemnitaire au titre de la résistance abusive opposée par la partie défenderesse ;

Constate que l'exécution du présent jugement est de droit ;

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 514-1 du Code de Procédure Civile

Déboute les parties de leurs conclusions plus amples ou contraires ;

Laisse les dépens, dont frais de greffe du présent jugement liquidés à la somme de 63,36 euros TTC, à la charge de la société AXA FRANCE IARD (SA).

STATUANT A NOUVEAU

JUGER que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est applicable en l'espèce ;

JUGER que cette clause d'exclusion respecte le caractère formel exigé par l'article L. 113-1 du Code des assurances ;

JUGER que cette clause d'exclusion ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et respecte le caractère limité de l'article L. 113-1 du Code des assurances et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle d'AXA FRANCE IARD de sa substance au sens de l'article 1170 du Code civil et qu'elle n'est pas contraire aux dispositions de l'article 1108 et 1169 du Code civil ;

JUGER qu'AXA FRANCE ne s'est rendue coupable d'aucune « violence » à l'encontre de l'Intimée au sens de l'article 1143 du Code civil ;

JUGER que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est inscrite en des termes très apparents, de sorte que sa rédaction est conforme aux règles de formalisme prescrites par l'article L. 112-4 du Code des assurances ;

JUGER la demande de condamnation au titre du devoir d'information et de conseil irrecevable et en tout cas non fondée ;

En conséquence :

DEBOUTER l'assurée de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions formées à l'encontre d'AXA FRANCE IARD et la condamner à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement du 24 août 2020 ;

A TITRE SUBSIDIAIRE

Si par extraordinaire la Cour confirmait le jugement dont appel et estimait que la garantie d'AXA FRANCE IARD était mobilisable ou qu'elle aurait engagé sa responsabilité en l'espèce :

JUGER que la preuve du montant des pertes d'exploitation correspondant à l'indemnité sollicitée n'est pas rapportée ;

JUGER que la preuve du principe et du montant de la perte de chance correspondant à l'indemnité sollicitée n'est pas rapportée ;

En conséquence :

INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Tarascon du 24 août 2020 ;

DEBOUTER la SAS ALPILLES EVENTS de sa demande de condamnation formulée à l'encontre d'AXA FRANCE IARD ;

DEBOUTER la demande de provision de la société ALPILLES EVENTS d'un montant de 200.000 euros ;

ET STATUANT A NOUVEAU

DESIGNER tel Expert qu'il plaira à la Cour, aux frais avancés par la société ALPILLES EVENTS, avec pour mission de :

-Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par la Demanderesse et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années ;

-Entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations ;

-Examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur une période maximum de trois mois et en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable ;

-Donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, comprenant le calcul de la perte de marge brute, et déterminer le montant des charges salariales et des économies réalisées

-Donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'Assurée ;

-Donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars et le 29 octobre 2020.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

DEBOUTER la société ALPILLES EVENTS de toutes demandes, fins ou conclusions contraires au présent dispositif ;

CONDAMNER la société ALPILLES EVENTS à payer à AXA FRANCE IARD la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Françoise BOULAN, membre de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat associé, aux offres de droit.

A titre liminaire, la société AXA France IARD soulève l'irrecevabilité et le caractère mal fondé du moyen nouveau présenté en appel relatif à l'absence de formalisme de la clause d'exclusion sur le fondement de l'article L112-4 du Code des assurances.

En effet, l'article 910-4 du Code de procédure civile pose un principe de concentration des demandes en cause d'appel. Or en l'espèce, la société Alpilles Events n'avait formulé aucune demande sur ce fondement que ce soit en première instance ou encore au sein de ses première d'écriture d'appel, de sorte qu'au stade de ses dernières écritures sa demande est manifestement irrecevable.

En tout état de cause, la demande de condamnation d'AXA sur le fondement de l'article L112-4 du Code des assurances est mal fondée. Le « caractère très apparent » de la clause d'exclusion imposée par cette disposition relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. Or conformément à la jurisprudence déjà rendue par plusieurs Cour d'appel sur la clause d'exclusion objet du présent litige, il ressort que la rédaction de ladite clause en lettres majuscules, en grand format et détachée des paragraphes précédents, répond au formalisme exigé par l'article L112-4 du Code des assurances.

La société AXA France IARD soulève également l'irrecevabilité et le caractère mal fondé de la demande nouvelle présentée en appel au titre du devoir d'information et de conseil. En effet l'intimé soutient que la proposition d'avenant faite par AXA le 30 Septembre 2020, constitue un « aveu » de l'assureur sur l'absence de clarté de la clause d'exclusion litigieuse et sollicite dès lors sa condamnation subsidiaire pour violation du devoir d'information et de conseil.

Or cette demande est irrecevable, il ne s'agit pas d'un fait nouveau justifiant qu'une demande nouvelle en cause d'appel soit présentée en application de l'article 564 du Code de procédure civile. La violation du devoir d'information et de conseil s'apprécie à la date de souscription du contrat, soit en l'espèce au 19 décembre 2019. La proposition d'avenant faite par AXA le 30 septembre 2020 concerne le renouvellement du contrat à la date du 1er janvier 2021, et elle est parfaitement indépendante du contrat en cours soumis à l'appréciation de la Cour. Le contenu de cet avenant n'apporte ainsi aucun élément nouveau susceptible de justifier une quelconque responsabilité d'AXA lors de la souscription du contrat en date du 19 décembre 2019.

Cette demande est également mal fondée en l'absence de violation de son devoir d'information et de conseil par la société AXA.

- En effet, conformément aux dispositions de l'article L112-2 du Code des assurances, l'agent général de la société AXA a remis à son assuré une fiche d'information préalable signée par ce dernier lors de la souscription du contrat. L'intimée a ainsi été en mesure de prendre connaissance de la clause d'exclusion mentionnée en caractères très apparents dans son contrat du 19 décembre 2019.

- Au demeurant, la responsabilité de l'agent, et a fortiori celle d'AXA FRANCE, ne pourraient pas être retenues dans la mesure où le rejet des demandes principales de l'intimée implique nécessairement une absence d'ambiguïté sur la portée de la clause d'exclusion ou des conditions générales. Dès lors un agent général n'a pas à attirer l'attention de l'assuré lors de la souscription du contrat sur une clause claire prévoyant une exclusion de garantie.

- D'autant plus que les conséquences du Covid 19 constituent un risque inédit, dont il ne saurait être fait grief à un intermédiaire d'assurance de ne pas avoir attiré l'attention d'un assuré sur l'absence de garantie d'un tel risque.

- Au surplus, le préjudice de l'intimée qui consisterait en une perte de chance de souscrire une garantie plus favorable est, en l'espèce, inexistant. En effet, l'intimée est bien incapable de démontrer qu'elle aurait été en mesure de souscrire un contrat plus adapté à la crise du Covid-19.

A titre principal, la société AXA France sollicite la réformation du jugement. Elle se fonde sur l'harmonisation de la jurisprudence opérée par la Cour de cassation dans son arrêt du 1er décembre 2022 (N°G21-19.342), et confirmée depuis par sept arrêts rendus le 25 mai 2023, dans cinq arrêts rendus le 15 juin 2023 et dans un arrêt rendu le 12 octobre 2023, tous publiés au rapport et au bulletin. Ni les articles de doctrine visés par l'assurée, ni le rapport du conseiller rapporteur M. [X] [H] sollicitant un rejet pour des considérations techniques dans une faire concernant la même clause d'exclusion, ne remettent en cause la portée de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Dès lors, la société AXA FRANCE sollicite la réformation du jugement en ce qu'il a jugé que la clause d'exclusion devait être considérée comme non-écrite et a condamné AXA FRANCE à verser à l'assurée la somme de 114.105,54 euros au titre de ses pertes d'exploitation. En effet, le Tribunal a débouté AXA FRANCE de sa demande tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion dont elle sollicite la stricte application.

D'une part, AXA France soutient que la clause d'exclusion, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, est parfaitement formelle et que l'intimée en a par ailleurs parfaitement compris la portée. La Cour de cassation a validé le caractère formel de la clause d'exclusion au sens de l'article L113-1 du Code des assurances, en jugeant que la notion d'épidémie était sans incidence sur la compréhension de la clause, de sorte que celle-ci devait s'appliquer dès lors qu'à la date de fermeture de l'établissement assuré, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique

D'autre part, AXA FRANCE soutient que la clause d'exclusion respecte le caractère limité exigé par l'article L. 113-1 du Code des assurances et ne vide pas de sa substance l'obligation essentielle souscrite par l'Assurée, car une épidémie peut être la cause de la fermeture administrative d'un unique établissement.

Enfin, dans un cadre subsidiaire, AXA France sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu le montant des pertes d'exploitation subies par la SAS ALPILLES EVENTS sur la base d'une évaluation établie de façon non contradictoire.

- La SAS ALPILLES EVENTS, sollicite la somme de 114.105,54 euros en indemnisation de la perte de son chiffre d'affaires, son calcul retient un taux de marge brute de 87%, particulièrement élevé et inhabituel en restauration (généralement inférieur à 70%). Or l'attestation d'un expert-comptable produite par l'intimée ne fournit aucun détail sur le calcul de cette marge ou sur le montant des économies qui ont pu être réalisées pendant la période. Le calcul des pertes d'exploitation doit se faire en application du contrat d'assurance.

- Afin de calculer la perte de chiffre d'affaires, il convient d'y appliquer le taux de marge brute, en tenant compte du montant des charges variables qui n'ont pas été supportées durant la période de fermeture, puis de retrancher du résultat obtenu les autres économies réalisées durant la période de fermeture ainsi que les aides perçues par l'Assurée.

- En l'espèce, il n'a pas été tenu compte des facteurs externes, des écritures comptables et résultats des exercices antérieurs au titre de la même période, des charges variables non supportées durant la fermeture, ainsi que des charges variables non supportées durant la fermeture

En l'état, le montant des dommages indemnisables n'est donc pas démontré et doit conduire la Cour à ordonner une mission d'expertise judiciaire

Par conclusions du 21 avril 2023, la société ALPILLES EVENTS, intimé sollicite voir :

Vu les dispositions de l'Article 632 du Code de Procédure Civile ; Vu les dispositions des articles 1108 et 1143 du Code Civil ; Vu les dispositions des articles 1169 et 1170 du Code Civil ; Vu les dispositions des articles L 113-1 et L.112-4 du Code des Assurances ; Vu les dispositions de l'article 1231-1 du Code Civil ; Vu le contrat d'assurance souscrit ;

CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Tarascon le 24 août 2020 au besoin par adjonction des motifs, en ce qu'il a condamné la société AXA FRANCE IARD à garantir les sinistres perte financière suite à fermeture administrative, subis par la Société ALPILLES EVENTS entre le 15 mars 2020 et le 2 juin 2020 et entre le 30 octobre 2020 et le 30 janvier 2021, après avoir déclarée la clause d'exclusion opposée à l'assuré non mobilisable et/ou non écrite, pour absence de caractère très apparent, absence de contrepartie, et pour absence de caractère formel et limité ;

CONDAMNER la société AXA FRANCE IARD à payer, en denier ou quittance, à la société ALPILLES EVENTS, la somme de 145.000 € à titre de provision, et renvoyer les parties devant le Tribunal de Commerce de Tarascon aux fins que soit statué sur l'indemnisation définitive de l'intimée sur la base du rapport d'expertise [G] ;

Subsidiairement,

INFIRMER le jugement rendu et CONDAMNER la société AXA FRANCE IARD à payer à la société ALPILLE EVENTS la somme de 145.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison des manquements fautifs de l'Assureur à ses obligations générales d'information, de conseil et de mise en garde.

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

DEBOUTER la société AXA FRANCE IARD de ses demandes ;

CONDAMNER la société AXA FRANCE IARD à payer 10.000 € à la société ALPILLES EVENTS sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel ;

CONDAMNER la société AXA FRANCE IARD aux dépens.

La société ALPILLES EVENTS rappelle préalablement que le prononcé d'un arrêt de cassation ne fige aucunement la jurisprudence. La juridiction est entièrement libre, dans le plein exercice de son pouvoir juridictionnel, de refuser de suivre la solution posée par l'arrêt de cassation l'ayant saisi de la connaissance du litige. La juridiction de renvoi, en effet, est investie d'un plein pouvoir juridictionnel, ce pourquoi l'article 638 du code de procédure civile énonce : « L'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation. » Et l'article L. 431-6 du code de l'organisation judiciaire prévoit que le renvoi devant l'assemblée plénière « doit » être ordonné « lorsque, après cassation d'un premier arrêt ou jugement, la décision rendue par la juridiction de renvoi est attaquée par les mêmes moyens ».

Or en l'espèce la contradiction des décisions rendues par les juges du fond dénote à tout le moins le caractère ni formel ni limité de la clause d'exclusion. Par ailleurs la décision rendue par la Cour de cassation est vivement critiquée par la doctrine. Rien n'interdit donc à la cour de céans, statuant comme juridiction de renvoi, de s'écarter de la solution posée par la Cour de cassation, dans ses arrêts du 1er décembre 2022.

La société ALPILLES EVENTS soutient que les sinistres pertes d'exploitation sont garantis par AXA. En effet, aux termes des Conditions Particulières du contrat souscrit par la Société demanderesse, régulièrement produit aux débats, la Société ALPILLES EVENTS a expressément souscrit une garantie « protection financière » couvrant notamment la perte d'exploitation. Selon les critères du contrat, il apparait que la garantie perte financière est acquise dès lors que :

- Une fermeture administrative est prononcée : tel est le cas dès lors que la Société ALPILLES EVENTS qui exploite un restaurant, ne pratique pas la vente à emporter ou sur livraison comme activité essentielle, ces arrêtés et décrets ayant entrainé son arrêt quasi-total d'activité.

- La décision de fermeture a été prononcée par une autorité administrative : en l'espèce tant le Premier Ministre que le Ministre de la Santé, apparaissent comme de telles autorités conformément à l'article 21 de la Constitution, et l'article L.3131-1 du Code de la Santé Publique qui leur attribue un pouvoir de Police en cas de crise sanitaire ;

- Cette interdiction est motivée par l'existence d'une épidémie : en l'espèce l'épidémie de COVID 19 est qualifiée comme telle, et a entrainé l'ouverture réglementaire d'une période d'urgence sanitaire, pour lutter contre la « propagation du virus ».

Dès lors, que les Conditions Particulières de la Police d'assurance de l'intimée, prévoient expressément l'indemnisation des pertes financières en cas d'épidémie, il apparait que les critères d'indemnisation du sinistre qu'a subi la Société concluante sont remplis

La société ALPILLES EVENTS soutient que clause d'exclusion invoquée par AXA est inopposable.

D'une part la société ALPILLES EVENT soulève une série de moyens non tranchés par la Cour de cassation.

- Absence de caractère très apparent. Conformément à l'Article L.112-4 du Code des Assurances : « Les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents. ». En l'espèce la clause d'exclusion n'est ni soulignée, ni en gras, ni en couleur, ni encadrée par rapport à la clause de garantie elle-même, la seule chose qui les distingue est le fait qu'elle est écrit en lettre capitale. La mise en page est dense et l'utilisation de caractères majuscules ne suffit pas à la rendre très apparente dans la mesure ou d'autres mots du contrat sont également en lettre capitale et notamment les garanties elle-même. Il n'existe pas de titre permettant d'attirer spécialement l'attention de l'assuré sur l'existence d'une clause d'exclusion de garantie, qui figure d'ailleurs sous le même intitulé que la garantie « Protection financière ». La seule utilisation d'un caractère d'imprimerie différent pour singulariser les causes d'exclusion ne répond pas aux exigences de la loi de caractères très apparents et ne permet pas à l'assuré d'identifier clairement l'existence d'une clause d'exclusion dans les Conditions Particulières. La clause d'exclusion de garantie litigieuse ne correspond donc pas aux exigences de l'Article L.112-4 du Code des Assurances elle doit donc, de ce chef, être réputée non écrite

- Absence de mobilisation de la clause d'exclusion : Selon la société ALPILLES, les termes « décision de fermeture » et « mesure de fermeture » utilisés dans la clause d'exclusion seraient distincts. En effet, selon elle, la « décision de fermeture » serait l'acte juridique ordonnant la fermeture de l'établissement lui-même, tandis que la « mesure de fermeture » concernerait les autres établissements du département. Elle en déduit que AXA aurait prévu d'exclure la garantie uniquement en cas de pluralité de décisions de fermeture administrative individuelle, ayant une cause identique, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce puisqu'une seule décision collective a atteint l'ensemble des établissements de restauration sur le territoire national

- Absence de contrepartie : Au sens de l'article 1169 du Code Civil, la clause subordonnant la mise en 'uvre de la garantie ''fermeture administrative suite à épidémie'' au fait que seul l'établissement fasse l'objet d'une fermeture apparait abusive puisque liée à un évènement certain (la fermeture d'autres établissement) rendant illusoire ou dérisoire la garantie principale souscrite et facturée à l'assuré. La clause encourt également la nullité au visa de l'Article 1108 du Code Civil 29, qui définit la notion d'aléa comme un événement incertain alors même que la fermeture de plusieurs établissements dans un département en cas d'épidémie apparait comme certain.

D'autre part, la société ALPILLES EVENT soutient que la clause est inapplicable pour cause d'absence de caractère formel et limité de la clause d'exclusion au sens de l'article L113-1 du Code des assurances:

- Nécessité d'interprétation : la clause n'est pas formelle :

L'assureur n'a pas contractuellement défini le terme « d'épidémie ». Or la Cour de cassation a retenu que l'absence de définition du terme ''épidémie'', incontestable en l'espèce, était sans conséquence puisque c'est la fermeture administrative pour « CAUSE IDENTIQUE » qui permet d'exclure la garantie dans les termes de la clause d'exclusion, et non l'épidémie elle-même. Un tel raisonnement est contesté, c'est bien la cause identique qui est visée dans la clause, et cette cause identique en l'espèce renvoie nécessairement à la notion d'épidémie. L'interprétation du terme d'épidémie est donc indispensable.

L'ensemble des définitions courantes proposées par les dictionnaires généraux et médicaux considère que l'épidémie est « le développement et la propagation rapide d'une maladie contagieuse, le plus souvent d'origine infectieuse, dans une population ». L'assuré considère qu'une telle clause rend dérisoire l'application de la garantie en cas d'épidémie, qui est une extension de la maladie contagieuse à un grand nombre de personne dans un lieu donné, en l'occurrence à minima une commune ou un département

La clause d'exclusion litigieuse nécessite ainsi incontestablement une interprétation, faute pour AXA d'avoir défini contractuellement les termes « fermeture », « établissement » mais aussi « épidémie », « maladie contagieuse » ou « intoxication ».

- Cette clause encourt en outre la nullité en vertu des Articles 1170 du Code Civil et L.113-1 du Code des Assurances puisqu'elle vide de sa substance la garantie et, partant, l'obligation essentielle assumée par l'assureur, et par là même est dénuée de tout caractère limité.

La clause d'exclusion a pour effet de rendre inapplicable l'indemnisation des pertes d'exploitation consécutives à toutes fermetures administratives par les autorités en cas d'épidémie qui nécessairement ne se limitera jamais à un établissement.

AXA est dans l'incapacité totale, de rapporter la preuve qu'il a été amené à indemniser ne serait-ce qu'une fois un assuré au titre de la garantie « fermeture en cas d'épidémie ». Les quelques cas qu'elle tente d'invoquer en exemple, concernent des maladies transmissibles interhumaines qui ne rentrent pas dans le cadre de la définition courante d'une épidémie.

En jugeant valable la garantie « fermeture administrative » parce qu'elle restait mobilisable au titre des autres causes de fermeture prévues par la clause d'extension, la Cour de Cassation a commis un abus de langage sur le terme « garantie ». La fermeture administrative n'est pas une garantie mais un évènement garanti, c'est-à-dire l'un des dommages couverts par la garantie. Or l'exclusion de garantie est réputée non écrite dès lors qu'elle rend dérisoire la couverture de chaque événement garanti pris séparément. Il importe donc peu qu'une garantie pour d'autres causes subsiste en cas de fermeture administrative dès lors que la garantie en cas d'épidémie est totalement anéantie par l'application de la clause d'exclusion.

En résumé les arrêts du 1er décembre 2022 sont contestés par une doctrine presque unanime et au sein de la Haute Cour elle-même : un débat devant l'Assemblée Plénière apparait souhaitable tant en droit qu'en équité

A titre subsidiaire, la société ALPILLES EVENT soutient que l'assureur a manqué à son devoir de conseil de l'assureur.

La jurisprudence a mis à la charge de l'assureur, tenu personnellement ou du fait de ses mandataires, une obligation générale d'information, de conseil et de mise en garde. En l'espèce, AXA, en n'attirant pas l'attention de son assuré sur l'existence et le contenu de la clause d'exclusion, et en n'en explicitant ni le contenu ni la portée, a manqué à son devoir d'information et de conseil. AXA sera donc condamnée à indemniser le préjudice subi par la société ALPILLES EVENTS, qui correspond à l'absence de couverture du risque ou à la perte de chance de souscrire un contrat adapté aux risques, qui équivaut à l'indemnisation à laquelle l'assuré aurait pu prétendre s'il avait été couvert. Ce préjudice sera évalué à la somme de 145.000 €.

Les pertes subies par l'assuré

Le contrat prévoit l'indemnisation de la perte d'exploitation, pour une durée maximum de trois mois par sinistre dans une limite de 300 fois l'indice FFB (994,50 au 1er octobre 2019), déduction faite d'une franchise de trois jours ouvrés. L'élément déclencheur de la garantie est la fermeture administrative : il y a donc autant de sinistres que de décisions de fermeture administrative. En l'espèce deux fermetures administratives sont intervenues, l'une de 79 jours (du 15 mars 2020 au 2 juin 2020), l'autre de 92 jours (du 30 octobre 2020 au 30 janvier 2021).

La SAS ALPILLES EVENTS a produit aux débats ses comptes de résultat, arrêtés au 31 octobre 2019, régulièrement déposés au RCS de Tarascon. La SAS ALPILLES EVENTS a aussi produit deux attestations de Monsieur [O] [L], expert-comptable, commissaire aux comptes, expert judiciaire près la Cour d'Appel d'Aix en Provence, évaluant la perte de chiffres d'affaires et la perte d'exploitation subie.

Dans le cadre de la décision du 20 mai 2021, cassée par la Cour de Cassation, la Cour d'Appel d'Aix en Provence avait instauré une expertise confiée à monsieur [D] [G]. Il conviendra d'allouer à titre de provision, à la société ALPILLES EVENTS une somme de 145.000 €, montant des sommes par elle perçues dans le cadre de la procédure, et de renvoyer les parties à conclure sur le rapport d'expertise de Monsieur [G] par devant le Tribunal de Commerce de Tarascon aux fins de respecter le double degré de juridiction.

L'affaire a été fixée à l'audience du 13 février 2024 à laquelle les parties ont pu présenter leurs observations.

MOTIVATION

Il n'est pas contesté et il résulte des pièces contractuelles versées au dossier de la procédure que la relation des parties est régie par un contrat d'assurance Multirisque Professionnelle signé le 19 décembre 2019 avec effet au 01/11/2019 comprenant les conditions générales 690200Q et les conditions particulières du contrat n°10403158404.

La page 7 des conditions particulières mentionne un paragraphe relatif à une extension de garantie à la perte d'exploitation suite à la fermeture administrative de l'établissement.

Cette garantie porte sur les pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1.la décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente et extérieure à l'assuré.

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.

La garantie commence le jour du sinistre et dure tant que les résultats de l'établissement sont affectés par le dit sinistre dans la limite de 3 mois maximum.

Le montant de la garantie est limité à 300 fois l'indice.

L'assuré conserve à sa charge une franchise de 3 jours ouvrés.

La clause d'exclusion de garantie opposée par la société AXA France IARD pour dénier à l'assuré la garantie perte d'exploitation pour la période de fermeture de l'établissement en raison de l'épidémie de COVID 19 est rédigée comme suit :

SONT EXCLUES :

LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE.

L'assuré fait valoir que cette clause doit être réputé non écrite voire nulle comme non conforme aux dispositions régissant la légalité des clauses d'exclusion de garantie.

Sur la conformité de la clause litigieuse aux dispositions de l'article L112-4 du code des assurances

L'article L112-4 du code des assurances prévoit que les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.

L'assureur fait valoir que cette demande nouvelle en appel est irrecevable en vertu de l'article 910-4 du code de procédure civile.

Toutefois, il ne s'agit pas d'une demande nouvelle mais d'un fondement nouveau dans le but que soit déclarée non écrite la clause d'exclusion de garantie tout comme le moyen initial fondé sur les dispositions de l'article L113-1 du code des assurances.

L'article 563 du code de procédure civile prévoit que pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

L'article 565 du CPC énonce qu'une prétention n'est pas nouvelle lorsqu'elle tend « aux mêmes fins » que celles invoquées en première instance.

L'article 566 du code de procédure civile prévoit que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, sauf à ce que celles-ci soient l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge.

En outre la demande nouvelle tendant à faire écarter les prétentions adverses est recevable (ass. com., 15 fév. 2023, n°21-20.283)

Par voie de conséquence, l'argument nouveau relatif au caractère non suffisamment apparent de la clause d'exclusion est recevable.

La clause litigieuse est rédigée en caractères majuscules et est insérée dans la police d'assurance immédiatement à la suite de la définition de la garantie perte d'exploitation suite à la fermeture administrative dont elle se détache nettement du fait de l'emploi de lettres capitales.

Ainsi, la définition de la garantie et la clause restrictive sont distinctes et s'enchaînent permettant une lecture continue des éléments contractuels régissant la garantie perte d'exploitation suite à une fermeture administrative de l'établissement.

Si d'autres exclusions de garantie citées par l'assurée dans ses conclusions sont mentionnées en caractères gras, dans un cadre coloré, à l'inverse de celle-ci, elles ne sont pas en lettres capitales et rien n'oblige l'assureur à employer les mêmes éléments d'écritures rendant très apparents une clause dans toute la police.

Par voie de conséquence, la clause limitant la garantie perte d'exploitation suite à la fermeture administrative à la seule hypothèse d'une fermeture isolée de l'établissement est conforme aux dispositions exigeant que les clauses restrictives de garantie soient rédigées en caractères très apparents.

Sur la vocation de la clause litigieuse à s'appliquer :

L'assuré fait valoir qu'il n'est pas démontré que la clause litigieuse ait vocation à s'appliquer au cas d'espèce de la fermeture de l'établissement à l'initiative de l'administration par une décision d'application générale.

L'assureur fait valoir que s'agissant d'une demande nouvelle, elle est irrecevable.

L'article 565 du CPC énonce qu'une prétention n'est pas nouvelle lorsqu'elle tend « aux mêmes fins » que celles invoquées en première instance.

L'article 566 du code de procédure civile prévoit que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, sauf à ce que celles-ci soient l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge.

Ne s'agissant pas d'une prétention nouvelle mais d'une prétention tendant aux mêmes fins que celles invoquées précédemment à savoir le défaut de fondement du refus de l'assureur de garantir le sinistre en raison de la même clause d'exclusion, cet argument est recevable devant la cour de renvoi qui statue en l'espèce après cassation intégrale de son premier arrêt.

L'assurée fait valoir que dans des contrats similaires tel que la police multirisque de l'hôtellerie, l'assureur a exclu expressément la garantie des pertes d'exploitation consécutives à une fermeture collective dans une même région ou sur le plan national.

Elle précise que dans le présent contrat, si l'assureur entend exclure la fermeture collective, l'emploi d'une périphrase « ...AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE ' » relève d'une rédaction peu claire, ce que n'a pu entériner la cour de cassation par son arrêt du 1er décembre 2022.

La clause ne peut donc avoir pour objet que d'exclure la garantie en cas de pluralité de décisions de fermeture individuelle, ce qui n'est pas le cas de la fermeture suite à l'arrêté du 15 mars 2020 édictant l'interdiction d'ouverture au public des établissements de restauration.

La fermeture administrative objet du litige étant collective, les conditions de la clause de non garantie ne sont pas réunies.

Toutefois le segment de phrase « ...AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE ' » ne peut être qualifié de périphrase de l'expression « une fermeture collective d'établissements » dans la mesure où il n'est pas exclusif de plusieurs fermetures simultanées ou successives alors que la fermeture collective d'établissements porte sur une seule décision formelle de fermeture applicable à plusieurs établissements .

La phrase employée a pour objet les fermetures administratives d'un autre établissement du même département pour une raison identique définie par l'extension perte d'exploitation consécutive à une fermeture administrative sans distinguer les fermetures par l'effet de décisions individuelles ou d'une décision collective.

Par voie de conséquence le segment de phrase « ...AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE ' » ne peut être considéré comme excluant la vocation de la clause litigieuse à s'appliquer à une fermeture de plusieurs établissements par une décision administrative unique.

Cette demande doit être rejetée.

Sur la conformité de la clause aux dispositions de l'article L113-1 du code des assurances

L'article L113-1 du code des assurances dispose que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Ce texte implique que pour être opposable à l'assuré, la portée ou l'étendue de la clause d'exclusion de garantie doit être claire, précise, sans ambigüité et sans incertitude afin que celui-ci puisse déterminer le périmètre de la non garantie et si, de ce fait, l'assurance proposée correspond à ses attentes et est conforme à l'intérêt de l'entreprise.

La jurisprudence en déduit que lorsqu'elle est sujette à interprétation, une clause d'exclusion de garantie ne peut être considérée comme formelle et limitée.

En ce qui concerne la clause de garantie des pertes financières précitée offerte par AXA à sa clientèle, même si les conditions d'application de la clause limitant l'étendue de la garantie ont généré un contentieux important , si AXA a transigé avec une partie de ses assurés, si les clauses de cette nature ont suscité une réflexion sur la qualité de rédaction des polices d'assurance notamment par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution , si de ce fait l'assureur a pu vouloir en modifier les termes s'agissant des contrats à venir et si une solution différente a pu être retenue dans d'autres pays voisins s'agissant de polices d'assurance équivalentes(Royaume Uni), la cour de cassation a jugé que la clause litigieuse de cette police répondait aux critères définis par le texte précité et sa jurisprudence.

La plupart des cours d'appel saisies sur renvoi lui ont emboîté le pas.

Dans l'arrêt du 1er décembre 2022 concernant le présent litige ,la Cour de cassation relève que s'agissant d'un contrat prévoyant la garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative consécutive à certaines causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, est formelle la clause qui exclut ces pertes d'exploitation de la garantie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ;

Elle ajoute que n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance la clause qui exclut de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative de l'établissement assuré, pour plusieurs causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique à l'une de celles énumérées.

La jurisprudence retient ainsi que le risque couvert par la garantie est la fermeture administrative pouvant avoir plusieurs causes expressément mentionnées, un meurtre, un suicide, une épidémie, une maladie contagieuse, une intoxication et non le risque épidémie et que la clause d'exclusion portant sur la fermeture administrative édictée à l'égard de plusieurs établissements n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance et reste formelle et limitée.

La garantie contractuelle objet du litige couvre ainsi les hypothèses de la fermeture du seul établissement exploité par la SASU Alpilles Events dans le département des Bouches du Rhône en raison de la survenance d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie, d'une maladie contagieuse, d'une intoxication.

La clause conditionnant la garantie à l'absence de fermeture par l'autorité administrative d'autres établissements du même département pour une cause identique est limitée en ce qu'elle ne fait pas obstacle à la garantie de la fermeture administrative de l'établissement pour les autres causes qu'une épidémie.

La jurisprudence décide ainsi que s'agissant de la fermeture administrative pour cause d'épidémie, le fait que la garantie contractuelle porte sur la fermeture par l'autorité administrative du seul établissement exploité par la SASU Alpilles Events dans le territoire de l'intégralité du département urbanisé des Bouches du Rhône en raison d'une épidémie ne vide pas la garantie de sa substance.

Dans un arrêt du 21 septembre 2023 n°21/25921, la cour de cassation statuant sur le moyen suivant lequel il est illusoire qu'une fermeture administrative liée à une épidémie, s'agissant d'une maladie contagieuse se propageant à une population étendue, puisse ne concerner qu'un unique établissement et relevant que l'assureur ne cite aucun cas de fermeture administrative isolée suite à une propagation par contagion mais uniquement des cas d'intoxications par des produits corrompus ou causées par un manque d'hygiène ou d'entretien, a maintenu que la garantie couvrant le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance.

Or la fermeture administrative pour laquelle l'assurée demande la garantie de l'assureur résulte d'un arrêté du 14 mars 2020 édictant l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons de l'ensemble du territoire et donc de l'intégralité du département des Bouches du Rhône d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020.

Par voie de conséquence, il y a lieu de réformer sur ce point le jugement du tribunal de commerce de Tarascon en application de la jurisprudence susvisée.

Sur l'application des dispositions des articles 1169 et 1170, 1108 et 1143 du code civil

L'assureur se prévaut de l'irrecevabilité de ces demandes qualifiées de nouvelles.

L'assuré se prévaut des dispositions des articles susvisés pour évoquer le caractère abusif de la clause de limitation de la garantie des pertes d'exploitation du fait de la fermeture de son commerce en raison d'une épidémie à l'unique hypothèse où la fermeture est limitée à son seul établissement à l'exclusion d'autres établissements.

L'article 565 du CPC énonce qu'une prétention n'est pas nouvelle lorsqu'elle tend « aux mêmes fins » que celles invoquées en première instance.

L'article 566 du code de procédure civile prévoit que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, sauf à ce que celles-ci soient l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge.

Ne s'agissant pas d'une prétention nouvelle mais d'une prétention tendant aux mêmes fins que celles invoquées précédemment à savoir le défaut de fondement du refus de l'assureur de garantir le sinistre en raison de la même clause d'exclusion, cet argument est recevable devant la cour de renvoi qui statue en l'espèce autrement composée après cassation intégrale de son premier arrêt.

L'article 1108 du code civil prévoit que le contrat est commutatif lorsque chacune des parties s'engage à procurer à l'autre un avantage qui est regardé comme l'équivalent de celui qu'elle reçoit.

Il est aléatoire lorsque les parties acceptent de faire dépendre les effets du contrat quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d'un évènement incertain.

Le contrat d'assurance est un contrat aléatoire comme l'indiquait expressément l'ancien article 1964 du code civil repris par l'article 1108 sans désigner spécifiquement des contrats particuliers.

L'article 1143 du code civil dispose qu'il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.

L'article 1169 du code civil dispose qu'un contrat est nul lorsqu'au moment de sa formation la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire.

Ces dispositions concernent les conditions de l'adhésion au contrat et son équilibre dans son ensemble et non celui d'une clause.

L'assuré ne rapporte pas la preuve de violence, d'abus de dépendance à l'égard de l'assureur dont il connaissait les pratiques et y avait adhéré puisque le présent contrat succède à un précédent souscrit auprès du même assureur ;

Il ne démontre pas davantage un déséquilibre de l'économie du contrat au désavantage de l'assuré.

L'article 1170 suivant prévoit que toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est non écrite.

Au titre de l'extension de garantie perte d'exploitation, l 'obligation essentielle de l'assureur est la garantie des pertes d'exploitation ayant pour origine une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication.

La cour de cassation ayant jugé que la clause d'exclusion portant sur la fermeture administrative édictée à l'égard de plusieurs établissements n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance et reste formelle et limitée, il ne peut être retenue sans contradiction que par son étendue la clause prive de sa substance l'obligation essentielle de l'assureur.

Ce moyen ne peut donc être retenu au regard des dispositions de l'arrêt du 01 décembre 2022.

L'ensemble des moyens soulevés par l'assuré afin d'obtenir que soit réputé non écrite la clause d'exclusion de garantie suivante :

SONT EXCLUES :

LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE.

ne pouvant prospérer sans contradiction avec la jurisprudence de la cour de cassation appliquée par de nombreuses cour d'appel et spécifiquement avec l'arrêt du 1er décembre 2022 rendu dans le cadre du présent litige, la décision du tribunal de commerce de Tarascon sera donc infirmée sur ce point.

Sur le moyen subsidiaire de la violation de son devoir d'information et de conseil par l'assureur

L'assureur se prévaut de l'irrecevabilité de ces demandes qualifiées de nouvelles.

L'assuré se prévaut de la violation du devoir d'information et de conseil de l'assureur pour établir le caractère abusif de la clause de limitation de la garantie des pertes d'exploitation du fait de la fermeture de son commerce en raison d'une épidémie à l'unique hypothèse où la fermeture est limitée à son seul établissement à l'exclusions d'autres établissements.

L'article 565 du CPC énonce qu'une prétention n'est pas nouvelle lorsqu'elle tend « aux mêmes fins » que celles invoquées en première instance.

L'article 566 du code de procédure civile prévoit que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, sauf à ce que celles-ci soient l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge.

Ne s'agissant pas d'une prétention nouvelle mais d'une prétention tendant aux mêmes fins que celles invoquées précédemment à savoir le défaut de fondement du refus de l'assureur de garantir le sinistre en raison de la même clause d'exclusion, cet argument est recevable devant la cour de renvoi qui statue en l'espèce autrement composée après cassation intégrale de son premier arrêt.

L'assuré fait valoir que l'assureur est débiteur d'une obligation d'information et de conseil du souscripteur de la police d'assurance au moment de la conclusion du contrat, obligation particulièrement renforcée s'agissant des clauses obscures ou ambigües.

La cour de cassation retient que le professionnel de l'assurance a l'obligation de conseiller utilement le souscripteur du contrat sur l'étendue des garanties et d'attirer plus spécialement son attention sur les exclusions et limites qu'elles comportent.

Il résulte de la jurisprudence que l'assureur comme le courtier en assurance doivent d'une part informer le souscripteur de la police d'assurance y compris dans le cadre de son activité professionnelle de l'étendue des garanties qu'il propose, de ces tarifs et d'autre part veiller à l'adaptation des garanties aux risques décrits par le candidat à l'assurance.

Une clause de limitation de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police ou dans le cadre d'un avenant au contrat pour lui être opposable.

Ensuite le manquement d'un assureur ne peut donner lieu qu'à l'allocation de dommages et intérêts et non entrainer l'inopposabilité à l'assuré de clauses du contrat (Civ.2. ' 8 février 2018, n° 16-27.495).

L'assuré ne peut donc solliciter sur ce fondement une indemnité équivalente au montant de la garantie due au cas d'inopposabilité de la clause litigieuse.

En l'espèce, lors de la signature du contrat le 19 décembre 2019, l'assuré a reconnu avoir pris connaissance des conditions de garanties et des exclusions via la remise des conditions générales.

Mais ces conditions générales ne mentionnent pas la clause d'exclusion objet du litige puisqu'il s'agit d'une extension de la garantie perte d'exploitation figurant en pages 20 à 22 des dites conditions générales.

La garantie du fait des pertes d'exploitation en raison de la fermeture administrative de l'établissement est spécifiquement prévue par les conditions particulières.

L'assureur produit la fiche d'information préalable à la proposition de signature du contrat telle que prévue par l'article L112-2 et L113-2 du code des assurances en date du même jour que la signature du contrat sur laquelle l'assuré a coché la case perte d'exploitation et perte de revenus mais le texte n'impose pas de délai entre la remise de cette fiche et la signature du contrat.

De plus la clause d'exclusion objet du litige ne comporte pas de termes techniques de nature à justifier de faire des recherches ou se rapprocher de sachant pour en déterminer le sens, elle ne nécessite pas un délai particulier de réflexion.

Les conditions particulières comportent en dernière ligne et donc au-dessus de la signature une mention indiquant que l'assuré reconnaît avoir été informé et avoir pris connaissance préalablement à la souscription du contrat d'assurance des informations particulières concernant le tarif et les conditions de garantie auprès du représentant de l'assureur.

Par voie de conséquence il ne peut être relevé une violation par l'assureur de son devoir d'information et de Conseil et ce moyen de l'assuré sera rejeté.

Il en résulte au final que la clause d'exclusion de garantie invoquée par l'assureur est conforme au droit positif et opposable à l'assuré.

La SA AXA France IARD demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'il a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire,

Cependant le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ; Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer cette demande.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La décision du premier juge étant réformée au principal, il y a lieu de l'infirmer en ce qu'elle condamne la SA AXA France IARD aux dépens et alloue une somme de 2000 euros à la SARL la SASU Alpilles Events sur le fondement de l'article 700 du code de procédure.

A l'issue du litige, il convient ainsi de condamner la SASU Alpilles Events aux dépens et au paiement d'une somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Tarascon du 24 août 2020 dans toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Déboute la SASU Alpilles Events de sa demande d'indemnisation des sinistres perte d'exploitation du fait de la fermeture de l'établissement en application des mesures gouvernementales de protection contre la propagation de l'épidémie de COVID 19 formulée à l'encontre de son assureur la SA AXA France IARD.

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour .

Condamne la SASU Alpilles Events à payer la somme de 2500 euros à la SA AXA France IARD en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SASU Alpilles Events aux dépens de première instance et d'appel y compris les frais d'expertise, dont distraction au profit des avocats en ayant fait l'avance.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 23/01913
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.01913 ?
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