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20/06/2024 | FRANCE | N°22/13794

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 20 juin 2024, 22/13794


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024



N° 2024/185









Rôle N° RG 22/13794 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKFRC







SA AEROPORT DE [Localité 10] [Localité 12]





C/



[N] [J] [W] épouse [W]

Organisme CPAM DES [Localité 6] (CAISSE PRIMAIRE CENTRAL E D'ASSURANCE MALADIE DES [Localité 6])

Société AIR ALGERIE

















Copie exécutoire délivré

e

le :

à :

- Me Roselyne SIMON-THIBAUD

- Me Elsa VALENZA

- Me Régis CONSTANS

- Me Edward TIERNY









Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 05 Septembre 2022 enregistré...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

N° 2024/185

Rôle N° RG 22/13794 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKFRC

SA AEROPORT DE [Localité 10] [Localité 12]

C/

[N] [J] [W] épouse [W]

Organisme CPAM DES [Localité 6] (CAISSE PRIMAIRE CENTRAL E D'ASSURANCE MALADIE DES [Localité 6])

Société AIR ALGERIE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Roselyne SIMON-THIBAUD

- Me Elsa VALENZA

- Me Régis CONSTANS

- Me Edward TIERNY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 05 Septembre 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 19/01294.

APPELANTE

SA AEROPORT DE [Localité 10] [Localité 12] Immatriculée au RCS d'Aix-en-Provence sous le n°790.043.954, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat postulant, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et par Me Jean-Baptiste CHARLES, avaocat plaidant, avocat au barreau de Paris

INTIMEES

Madame [N] [J] [W] épouse [W]

née le [Date naissance 1] 1935 à [Localité 13] (ALGERIE), demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Elsa VALENZA, avocat plaidant, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Mathilde REBUFAT, avocat au barreau de MARSEILLE et par Me Jacques-Antoine PREZIOSI du Cabinet d'Avocats PCA-PREZIOSI-CECCALDI-ALBENOIS, avocat plaidant, Avocats associés au barreau de Marseille

Organisme CPAM DES [Localité 6] (CAISSE PRIMAIRE CENTRAL E D'ASSURANCE MALADIE DES [Localité 6]) prise en la personne de son directeur général en exercice do

micilié ès-qualités audit siège

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Régis CONSTANS de la SCP VPNG, avocat au barreau de MARSEILLE

Société AIR ALGERIE Représentée par ses représentant légaux domiciliés en cette qualité audit établissement, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Edward TIERNY de la SELARL HENRY TIERNY AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant, avocat au barreau de MARSEILLE et par Me Fabrice PRADON, avocat plaidant, avocat au barreau de Paris

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 mars 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, et Madame Elisabeth TOULOUSE,Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Premier Président de chambre

Greffier lors des débats : Madame Sancie ROUX.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024 puis prorogé au 20 Juin 2024.

ARRÊT

contradictoire

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024.

Signé par M. Jean-Wilfrid NOEL, Président et Mme Sancie ROUX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [N] [J] épouse [W] a fait une réservation sur le vol AH 1427 [Localité 10]- [Localité 7] au départ de [Localité 10] pour le 23 septembre 2017 opéré par la compagnie Air Algérie.

Elle souhaitait se rendre en Algérie accompagnée de sa fille et a indiqué à la compagnie aérienne que compte tenu de sa mobilité réduite, elle avait besoin d'une assistance. Elle a cet effet coché la case 'WCHR'.

Elle a été prise en charge pour embarquer à bord du vol AH 1427 par des agents de la société ONET sous-traitant de la SA Aéroport de [Localité 10] [Localité 12] qui l'ont conduite jusqu'à l'avion mais en l'absence de passerelle pour accéder à la cabine, il lui a été indiquée qu'elle devait gravir seule les escaliers d'accès à l'avion.

Elle indique avoir été victime d'une fracture du fémur alors qu'elle grimpait les marches et avoir été portée ensuite par les agents de la société ONET jusqu'à l'avion. A son arrivée à [Localité 7], elle a précisé qu'elle ne pouvait plus poser le pied au sol et a dû rentrer immédiatement à [Localité 10] pour se faire soigner.

Par acte du 29 avril 2020, elle a assigné en réparation de ses préjudices les sociétés Air Algérie, la SA Aéroport de [Localité 10]-[Localité 12] et, en déclaration de jugement commun, la CPAM des [Localité 6].

Par jugement rendu le 5 septembre 2022 le tribunal judiciaire de Marseille a notamment :

' dit que la SA Aéroport de [Localité 10] [Localité 12] était responsable du préjudice subi par Mme [N] [J] épouse [W], le 23 septembre 2017,

' ordonné une expertise médicale de Mme [N] [J] épouse [W] en désignant le docteur [V] née [Z] avec mission habituelle en la matière ;

' condamné la SA Aéroport de [Localité 10] [Localité 12] à payer à Mme [N] [J] épouse [W] la somme de 2 500 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice corporel, la somme de 184,60 euros en réparation de son préjudice matériel, outre la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamné à verser à la CPAM des [Localité 6] la somme de 14 359,16 euros à titre de provision à valoir sur le remboursement de ses débours.

Par déclaration du 17 octobre 2022, la SA Aéroport de [Localité 10] [Localité 12] a interjeté appel de la décision rendue en toutes ses dispositions.

Madame [N] [J] épouse [W] a formé un appel incident.

La clôture de l'instruction est en date du 5 mars 2024.

EXPOSE DES MOYENS ET PRETENTIONS

Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 19 juin 2023, la SA Aéroport de [Localité 10] [Localité 12] demande à la cour d'infirmer la décision déférée et de débouter Madame [N] [J] épouse [W] de ses demandes de réparation, d'expertise et de provision.

Elle demande également à la cour de :

- débouter la Caisse primaire centrale d'assurance maladie des [Localité 6] et la Caisse commune de sécurité sociale des [Localité 9] de leurs demandes en ce compris au titre de l'article 700 et des dépens ;

- débouter Air Algérie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

- débouter Madame [N] [J] épouse [W] de sa demande au titre de l'article 700 et aux dépens ;

- condamner Madame [N] [J] épouse [W] à lui verser la somme de 7 500 euros en application de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait valoir en substance que sa responsabilité ne peut être engagée puisque lors de sa réservation Mme [N] [J] épouse [W] a signalé auprès de sa compagnie aérienne son besoin en assistance matérialisé par la mention 'WCHR UN 1 Sa propre chaise' sur l'image de son billet. Elle a donc été accompagnée sur le tarmac au pied de l'avion par un agent.

Elle ajoute que les circonstances de l'évènement survenu au pied de l'avion ne font l'objet d'aucune version concordante et sa responsabilité doit être écartée car Mme [N] [J] épouse [W] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute d'un dommage et d'un lien de causalité entre cette faute alléguée et son dommage.

Elle prétend ainsi que les attestations produites aux débats sont partiales car elles émanent de membres de la famille et ne sont confirmées par aucune autre pièce.

De même, le certificat médical justifiant l'hospitalisation de Mme [N] [J] épouse [W] est daté de plus de 11 jours après l'incident dénoncé et s'il relève une fractureil n'en donne pas la cause.

Enfin, le témoignage du salarié d'ONET ayant conduit Mme [N] [J] épouse [W] à l'avion contredit sa version des faits et précise qu'elle s'est sentie mal et qu'il lui ont alors proposé de la porter manuellement, avec le matériel prévu (fauteuil) et qu'à aucun moment il n'y a eu de chute.

Elle considère ainsi qu'elle a respecté ses obligations d'assistance et c'est Mme [N] [J] épouse [W] seule qui n'a pas demandé l'assistance dont elle avait besoin. De plus, elle ajoute que si la cour estime que les conditions générales de la compagnie aérienne ne sont pas opposables à cette dernière, il ne lui a été fait aucune notification de la situation réelle de la passagère et elle n'est tenue de faire les efforts nécessaires que dans la limite du raisonnable, ce qu'elle considère avoir fait.

Subsidiairement, elle fait valoir que Mme [N] [J] épouse [W] ne rapporte pas la preuve de son préjudice matériel et enfin, qu'elle n'est pas un tiers responsable au sens de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale de sorte que les demandes des caisses doivent être rejetées.

Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 22 mars 2023, Mme [N] [J] épouse [W] demande à la cour de :

- rejeter l'appel de la société Aéroport de [Localité 10] [Localité 12] car infondé ;

- débouter la société Aéroport de [Localité 10] [Localité 12] de toutes ses demandes ;

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré la société Aéroport de [Localité 10] [Localité 12] responsable du préjudice subi par elle le 23 septembre 2017 en ce qu'il a ordonné une expertise médicale et a condamné la société Aéroport de [Localité 10] [Localité 12] à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice corporel et la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la recevoir en son appel incident et le dire bien fondé.

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a limité l'indemnisation du préjudice matériel à la somme de 184,60 euros ;

Statuant à nouveau,

- condamner la société Aéroport de [Localité 10] [Localité 12] à lui payer la somme de 915,80 euros en réparation de son préjudice matériel ;

- condamner la société Aéroport de [Localité 10] [Localité 12] à lui payer la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient essentiellement que l'appelante ne peut se soustraire à son obligation issue du règlement communautaire et n'a pas contrairement à ce qu'elle soutient, correctement accompli sa mission d'assistance.

Elle rappelle que les conditions générales (en langue anglaise sur le site) de la compagnie Air Algérie ne lui sont pas opposables et que par voie de conséquence, il est erroné de soutenir qu'elle les avait acceptées.

Elle considère que le témoignage qui lui est opposé, est partial car émanant du sous- traitant de la société Aéroport de [Localité 10] et qui entend évidemment se dégager de sa responsabilité.

Pour elle ce sous-traitant n'a pas respecté son devoir d'assistance alors que la société ONET était en présence d'une personne à mobilité réduite et aurait dû prendre les dispositions nécessaires immédiatement pour qu'elle accède à son siège et non lui dire en première intention qu'elle devait gravir l'escalier.

S'agissant de son préjudice matériel, le tribunal a mal apprécié ses demandes tout à fait justifiées car elle a assumé les deux billets initiaux plus les deux autres pour rentrer en urgence en France, et les autres dépenses découlent incontestablement de l'accident et de ce retour en France.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 14 avril 2023, la Société Air Algérie demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré qui a écarté toute responsabilité d'Air Algérie et rejeté toute demande à son encontre ;

- condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens, dont distraction au profit de Me Tierny, en application de l'article 669 du code de procédure civile.

Elle soutient qu'en application des articles 7, 8 et l'Annexe 1 du Règlement (CE) n° 1107/2006 qui confère au gestionnaire de l'aéroport, et à lui seul, la responsabilité de l'embarquement du passager à mobilité réduite jusqu'à son siège, au moment où Mme [N] [J] épouse [W] déclare avoir chuté, elle était juridiquement sous la garde exclusive du sous-traitant du gestionnaire aéroportuaire.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 14 avril 2024, la CPAM des [Localité 6] et la Caisse de sécurité sociale des [Localité 9] partie intervenante demandent à la cour de :

- accueillir l'intervention volontaire de la CCSS des [Localité 9] et mettre hors de cause la CPAM des [Localité 6] ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes les dispositions rendues à l'égard de la Caisse ;

- condamner la SA Aéroport de [Localité 10] [Localité 12] au paiement de la somme de 600 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit maître Régis Constans de la SCP VPNG sur affirmation de son droit conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1-Sur la responsabilité du gestionnaire de l'aéroport

La responsabilité de la SA aéroport de [Localité 10] [Localité 12] ne peut être recherchée que sur le fondement délictuel des articles 1240 et 1241 du Code civil qui suppose que soit établit une faute, un dommage et un lien de causalité entre les deux.

Selon l'article 5 du règlement UE 1107/ 2007 il appartient au gestionnaire d'aéroports de s'assurer que l'assistance spécifiée dans cet article à savoir pour les voyageurs à mobilité réduite la possibilité de se déplacer, d'embarquer ou débarquer avec un équipement adéquat, est fournie.

Pour retenir la responsabilité de la SA aéroport de [Localité 10] [Localité 12] le tribunal a considéré que d'une part, les éléments produits aux débats permettaient d'établir que Mme [N] [J] épouse [W] avait chuté en commençant à gravir les marches de l'escalier menant à l'avion alors qu'elle n'avait pas la mobilité pour le faire et d'autre part, que si elle avait sollicité une assistance dans la catégorie WHCR, c'est à dire : un besoin pour la personne de chaise roulante dans ses déplacements depuis et vers l'avion mais qui peut monter et descendre l'escalier, les conditions générales de transport d'Air Algérie ne lui sont pas opposables pour se trouver uniquement sur le site internet d'Air Algérie vers lequel renvoie le billet en langue anglaise.

La SA Aéroport de [Localité 10] [Localité 12] fait grief au premier juge d'avoir statué ainsi alors qu'il n'est pas démontré la matérialité de l'accident et qu'en toute hypothèse elle a accompli la prestation qui lui a été demandée. Elle déclare ainsi ne pas avoir été prévenue de la difficulté de Mme [N] [J] épouse [W] à monter les escaliers et en l'absence de notification de ce besoin particulier supplémentaire à ce qui avait été demandé, elle n'a commis aucune faute.

Mme [N] [J] épouse [W] lui oppose que le contrat a été souscrit auprès de la compagnie Air Algérie sur internet, que les conditions générales n'étaient par conséquent pas immédiatement accessibles et qu'il lui appartenait en effet de cliquer sur un lien pour avoir accès à ces conditions générales après avoir traduit les mentions du billet rédigé en anglais, que dans ces conditions et alors qu'elle éprouvait des difficultés pour lire le billet'la clause incriminée ne saurait être considérée comme valide puisque, insuffisamment apparente pour pouvoir être considérée comme lui étant opposable.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, la matérialité de l'accident est parfaitement démontrée par les pièces produites aux débats. En effet, alors que Mme [N] [J] épouse [W] a pris l'avion et n'a pas pu monter l'escalier indiquant s'être blessée pour arriver à sa place et devant être portée par la personne de la société ONET le 23 septembre 2017, elle a fait constater sa fracture du fémur à son arrivée en Algérie le 24 septembre 2017. Cette fracture sera par ailleurs, confirmée le surlendemain après avoir repris l'avion pour la France le 24 septembre 2017 pour se faire soigner .

Elle sera ainsi hospitalisée le 25 septembre 2017 à l'hôpital [11] de [Localité 10].

Rien ne permet d'écarter les deux attestations de ses filles qui relatent la chute de leur mère alors qu'elle s'engageait dans l'escalier menant à l'avion, les agents de la société ONET sous-traitante du gestionnaire lui ayant indiqué que leur assistance s'arrêtait au pied de l'avion.

Ces attestations sont en cohérence avec la version de leur mère mais également avec les lésions médicalement constatées à son arrivée en Algérie dans un laps de temps très court.

Enfin, aucun élément ne permet d'expliquer autrement que par cet incident à l'aéroport le retour 7 jours avant la date initialement prévue de Mme [N] [J] épouse [W] et sa fille.

En revanche, celles produites par la SA aéroport de [Localité 10] ne concordent pas. M.[X] agent indique ainsi qu'il y a eu un accompagnement en chaise jusqu'à son fauteuil puisqu'elle aurait tout de suite manifesté son épuisement et sa fatigue, ce qui ne peut s'entendre que du pied de l'avion et non après avoir commencé à monter l'escalier, alors que les déclarations du chef de la société ONET confirme les propos de la victime en ce qu'il indique qu'elle a commencé à monter 2 marches. Par ailleurs, ses affirmations quant à l'absence de chute ne sont que de simples allégations sauf à démontrer qu'il aurait été présent et à proximité de Mme [N] [J] épouse [W] pour le constater.

Ainsi la matérialité de l'accident et du dommage subi ne saurait être contesté.

Pour autant, s'il appartient au gestionnaire d'assurer l'assistance de personne à mobilité réduite pour lui permettre de prendre son vol pour lequel elle possède une réservation ce qui était le cas de Mme [N] [J] épouse [W], encore faut-il que cette dernière démontre que ses besoins particuliers ont été notifiées par le transporteur aérien au moins 48 heures avant l'heure de départ du vol et que si cela n'a pas été le cas, elle a fait tous les efforts possibles dans les limites du raisonnable, pour que la personne puisse prendre son vol. (article 7 du règlement).

Mme [N] [J] épouse [W] ne conteste pas avoir renseigné le transporteur suivant une nomenclature qui pouvait ne pas entièrement correspondre à ce qu'elle souhaitait mais elle soutient que les conditions générales qui lui auraient permis de s'en rendre compte ne lui étaient pas accessibles avec la suffisance requise et dés lors ne lui sont pas opposables.

Selon l'article 1119 du Code civil, les conditions générales invoquées par une partie n'ont effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées.

En l'espèce, Mme [N] [J] épouse [W] n'a conclu qu'avec la société Air Algérie et a renseigné la société sur son choix d'assistance suivant la mention : assistance WCHR. C'est ainsi sur cette base que le transporteur a renseigné le gestionnaire d'aéroport dont Mme [N] [J] épouse [W] recherche seule la responsabilité. Le fait qu'elle conteste avoir eu connaissance des conditions générales du contrat ou plus exactement avoir compris ce que recouvrait l'assistance qu'elle a sollicitée, ne peut avoir d'incidence sur la mission qui a été confiée par le transporteur à la société gestionnaire en charge de cette assistance.

Ainsi en l'accompagnant jusqu'au pied de l'avion la société gestionnaire dont il n'est pas démontré qu'elle ait reçu une autre notification, a accompli la mission qui lui a été confiée.

Reste à savoir si lorsqu'elle a été informée par Mme [N] [J] épouse [W] et sa fille [I] de la difficulté de Mme [N] [J] épouse [W] à grimper l'escalier, elle a fait tous les efforts possibles et dans la limite du raisonnable, pour qu'elle puisse prendre son vol sans difficulté.

Or, il est acquis que Mme [N] [J] épouse [W] voyageait avec sa fille [I]. Cette dernière dans son attestation (pièce15) indique que dés l'enregistrement des bagages elle a insisté pour dire que sa mère ne marchait pas. Elle ajoute que c'est seulement sur le tarmac qu'il lui a été indiqué qu'elle devait monter les marches d'accès à l'avion en l'absence de passerelle. Elle précise enfin qu'elle a « réitéré et insisté » pour dire que sa mère ne pouvait pas monter les marches de l'avion.

L'attestation du chef de service d'ONET confirme qu'elle a pourtant dû s'exécuter. Ce n'est donc que face à son impossibilité de poursuivre l'ascension de l'escalier qu'il a été pris la décision de la faire porter par chaise jusqu'à l'avion et sa place.

Il s'en déduit que cette décision qui apparaissait comme la plus évidente au regard des alertes qui avaient été données par [I], n'a pas été suffisamment appréciée par la société gestionnaire et a conduit à l'accident et au dommage subi par Mme [N] [J] épouse [W].

Le jugement de première instance qui a retenu la responsabilité de la SA aéroport de [Localité 10] [Localité 12] sera par voie de conséquence confirmée.

2-Sur les préjudices subis

Les demandes d'expertise médicale et de provisions à valoir sur le préjudice corporel de Madame [N] [J] épouse [W] et sur le recours subrogatoire de la CPAM seront confirmées.

S'agissant du préjudice matériel, la cour ne retiendra que l'achat du billet retour que Madame [N] [J] épouse [W] a du débourser pour rentrer plutôt et venir se faire soigner soit 150 euros Ne pouvant réclamer le remboursement que de son préjudice direct elle ne peut demander le remboursement du billet de sa fille.

Il lui sera alloué également le montant des frais de taxis, d'achat de matériel orthopédique et pharmaceutiques en Algérie pour un montant de 20 et 57 euros soit un total de 77 euros.

Enfin, s'agissant des frais de parking et de télévision lors de son hospitalisation à l'hôpital [11] ils seront réservés dans l'attente du rapport d'expertise et de la constatation des journées d'hospitalisation.

La SA aéroport de [Localité 10] sera ainsi condamnée à lui payer d'ores et déjà la somme de 227 euros au titre du préjudice matériels et le jugement sera infirmé de ce chef.

3-Sur la mise hors de cause de la société Air Algérie

Les parties s'accordent sur la mise hors de cause de la société Air Algérie aucune demande n'est formée à son encontre.

4-Sur les demandes accessoires

Partie perdante en appel, la SA aéroport de [Localité 10] [Localité 12] supportera la charge des dépens d'appel et sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Leur recouvrement direct sera ordonné au profit des conseils qui en ont fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à Mme [N] [J] épouse [W] d'une part la somme de 2 500 euros et à la CPAM des [Localité 6] et des [Localité 8] la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société Air Algérie sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement déféré mais seulement en ce qu'il a condamné la SA aéroport [Localité 10] [Localité 12] à payer à Mme [N] [J] épouse [W] la somme de 186,60 euros au titre de la réparation de son préjudice matériel , cette somme avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;

Le confirme pour le reste ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la SA aéroport [Localité 10] [Localité 12] à payer à Madame [N] [J] épouse [W] la somme de 227 euros au titre de la réparation de son préjudice matériel  et réserve les frais divers de parking et de télévision lors de l'hospitalisation ;

Condamne la SA aéroport de [Localité 10] [Localité 12] à supporter la charge des dépens d'appel et déboute de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Ordonne le recouvrement direct des dépens d'appel au profit des conseils qui en ont fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

La condamne à payer à Mme [N] [J] épouse [W] d'une part la somme de 2500 euros et à la CPAM des [Localité 6] et des [Localité 8] la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu de faire droit à la demande de la société Air Algérie sur le même fondement.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 22/13794
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;22.13794 ?
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