La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2024 | FRANCE | N°22/04640

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 20 juin 2024, 22/04640


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024



N° 2024/155







Rôle N° RG 22/04640 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJEKX







[W] [F]

AJ totale par décision du BAJ d'Aix-en-Provence n°13001-2024-005538 rendue le 18/06/2024





C/



[H] [K]

S.A.S. PROD CREATION





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me

Laurène ASTRUC-COHEN



Me Florent LADOUCE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 20 Décembre 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2021002897.





APPELANT



Monsieur [W] [F]

Bénéficiaire de l'aide juridicti...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

N° 2024/155

Rôle N° RG 22/04640 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJEKX

[W] [F]

AJ totale par décision du BAJ d'Aix-en-Provence n°13001-2024-005538 rendue le 18/06/2024

C/

[H] [K]

S.A.S. PROD CREATION

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Laurène ASTRUC-COHEN

Me Florent LADOUCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 20 Décembre 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2021002897.

APPELANT

Monsieur [W] [F]

Bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale par décision du BAJ d'Aix-en-Provence 13001-2024-005538 rendue le 18/06/2024

né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 7], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Laurène ASTRUC-COHEN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Maître [H] [K]

Membre de la SELARL [K] LES MANDATAIRES, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL AZUR TP, dont le siège social sis [Adresse 8] à [Localité 5] et de Monsieur [W] [F], demeurant [Adresse 1] à [Localité 6], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

S.A.S. PROD CREATION

dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Avril 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

Madame Agnès VADROT, Conseiller rapporteur

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024,

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par jugement du 22 janvier 2007, le tribunal de commerce de Fréjus a ouvert, sur assignation de l'URSSAF, une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. [W] [F], lequel exerçait une activité de travaux de terrassement courant et travaux préparatoires.

Par jugement du 12 mars 2007, le tribunal de commerce de Fréjus a également ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL AZUR TP, laquelle avait pour activité la mise à disposition de moyens et matériels et opérateurs qualifiés en location aux entreprises de TP et terrassement, et dont Monsieur [F] était le gérant.

Le 18 juin 2007, la même juridiction a étendu la procédure de redressement judiciaire de la SARL AZUR TP à la procédure de redressement judiciaire de M. [W] [F] au regard de la confusion existant entre les deux entités qui avaient le même dirigeant, la même activité, les mêmes salariés et le même siège social.

Enfin, par jugement du 10 février 2014, le tribunal de commerce de Fréjus a prononcé la résolution du plan adopté le 28 avril 2008 ainsi que la liquidation judiciaire de M. [F] et de la SARL AZUR TP, désignant Maître [Y] [K] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par ordonnance du 12 mai 2020, Maître [H] [K] a été désignée en lieu et place de Maître [Y] [K] en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. [W] [F] et de la SARL AZUR TP

Le 4 mars 2021, le tribunal de commerce de Fréjus a autorisé Maître [H] [K] ès qualités, à pratiquer une saisie conservatoire sur les actions détenues par M. [W] [F] dans la SAS PROD CREATION à hauteur de 45 000 euros pour avoir sûreté, garantie et conservation de la créance alléguée de 1 353 019 euros correspondant à l'insuffisance d'actif de la procédure collective de M. [W] [F] et de la SARL AZUR TP.

Par actes d'huissier de justice en date des 22 et 25 juin 2021, Maître [H] [K] ès qualités a assigné M. [W] [F] ainsi que la SAS PROD CREATION devant le tribunal de commerce de Fréjus aux fins de voir prononcer l'inopposabilité à la procédure collective de cet apport de 45 000 euros fait au capital social de la SAS PROD CREATION ainsi que la condamnation de cette dernière à rembourser ces fonds.

Par jugement en date du 20 décembre 2021, le tribunal de commerce de Fréjus a fait droit à sa demande après avoir constaté que M. [W] [F] avait créé la SAS PROD CREATION dont il était l'actionnaire unique le 12 décembre 2019 et avait donné à cette société la somme de 45 000 euros au titre du capital social alors qu'aux termes de l'article L641-9-1 du code de commerce ce dernier était dessaisi de ses biens.

Par déclaration en date du 29 mars 2022, M. [W] [F] a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance d'incident en date du 6 juillet 2023, le magistrat délégué a débouté Maître [H] [K] ès qualités de ses demandes tendant à faire constater la nullité de la signification de la déclaration d'appel et la caducité de la déclaration d'appel.

Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 23 juin 2022, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, M. [W] [F] demande à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Fréjus le 20 décembre 2021 (n°2021 002897),

Statuant à nouveau,

- rejeter les demandes fins et conclusions de Maître [H] [K],

- constater sa bonne foi,

- constater qu'il n'est pas gérant de la société PROD CREATIONS,

- dire qu'il n'est pas redevable de la somme de 44 999 euros,

- condamner les dirigeants réels de la société PROD CREATIONS à lui verser la somme de 1500 euros au titre de son préjudice moral,

- condamner Maître [H] [K] à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991,

- condamner Maître [H] [K] aux entiers dépens.

M. [W] [F] soutient qu'il a été victime d'une usurpation d'identité suite au vol de ses documents personnels en 2017, faits pour lesquels il avait déposé une première plainte, suivie d'une seconde le 14 février 2020 après avoir été informé que deux sociétés avaient été créées à son nom à savoir PROD CREATION et HTTP SMARAPP.

Il conteste avoir été à l'origine de la création de ces sociétés et précise qu'il envisage le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Draguignan afin de faire la lumière sur ces deux sociétés litigieuses.

Il regrette que cette situation, qu'il a exposée à la SCP [K], n'ait pas été prise en compte.

Il demande à la cour de constater qu'il n'est pas le gérant de la société PROD CREATION et n'est dès lors pas redevable de la somme au paiement de laquelle il a été condamné.

Il sollicite, outre l'infirmation du jugement dont appel, la condamnation des dirigeants réels de la société PROD CREATION à lui verser la somme de 1500 euros en réparation de son préjudice moral résultant des poursuites exercées à son égard.

Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 13 septembre 2022, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, Maître [H] [K] membre de la SARL [K] LES MANDATAIRES prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL AZUR TP et de Monsieur [F] demande à la cour de :

- confirmer purement et simplement le jugement rendu le 20 décembre 2021,

- débouter M. [W] [F] de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner solidairement la SAS PROD CREATION et M. [W] [F] à lui payer la somme complémentaire de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens au titre de la procédure d'appel.

Elle expose que le 12 décembre 2019 M. [W] [F] a créé la société PROD CREATION dont il est l'actionnaire unique.

Elle fait valoir que ce dernier ne rapporte aucunement la preuve de ses allégations aux termes desquelles son identité aurait été usurpée et constate qu'en tout état de cause les plaintes qu'il a déposées n'ont eu aucune suite.

Elle soutient donc qu'il est établi que ce dernier a fait apport à la société PROD CREATION, en numéraire et entièrement libéré, la somme de 45 000 euros au titre du capital social alors qu'aux termes de l'article L641-9-1 du code de commerce il était dessaisi de ses biens. Elle indique que la jurisprudence sanctionne d'inopposabilité l'accomplissement d'acte par le débiteur dessaisi. Elle ajoute qu'il en résulte que la constitution et les statuts de la société PROD CREATION sont inopposables au liquidateur de même que l'affectation de la somme de 45 000 euros au capital de la société PROD CREATION. Elle rappelle que la loi ne fixe pas de capital social minimum pour les SAS, de sorte qu'un capital social de 1 euro est admis raison pour laquelle le tribunal de commerce de Fréjus a condamné la SAS PROD CREATION à rembourser à la procédure collective la somme de 44 999 euros.

La signification de la déclaration d'appel faite à la SAS PROD CREATION le 16 juin 2022 a donné lieu à l'établissement du procès-verbal prévu à l'article 659 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article L.641-9-1 du code de commerce dispose que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

Il est constant que par jugement du 10 février 2014, le tribunal de commerce de Fréjus a prononcé la résolution du plan adopté le 28 avril 2008 ainsi que la liquidation judiciaire de M. [F] et de la SARL AZUR TP.

Il résulte des éléments de la procédure :

- que Monsieur [F] [W] né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 7] apparaît sur l'extrait Kbis à jour au 21 février 2021 en qualité de président de la société PROD CREATION, SASU au capital de 45 000 euros, laquelle a débuté son activité de conception et maintenance de logiciels, progiciels et applications smartphone en date du 24 octobre 2019 ;

- que la copie des statuts de la société PROD CREATION datés du 23 octobre 2019, produite par Maître [K] ès qualités, comporte le nom et la signature manuscrite de M. [W] [F].

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que M. [W] [F] - lequel se trouvait par application des dispositions légales susvisées dessaisi depuis le jugement de liquidation judiciaire du 10 février 2014 de l'administration et de la disposition de ses biens- a constitué la société PROD CREATION à laquelle il a fait apport, en sa qualité d'actionnaire unique, de la somme de 45 000 euros.

La cour constate que les dénégations de M. [F], qui invoque une usurpation de son identité, ne sont corroborées par aucun élément probant, les plaintes déposées par ses soins depuis 2017 n'ayant donné lieu à aucune suite depuis, notamment le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile annoncée par l'intéressé.

Il est de jurisprudence constante que les actes juridiques accomplis par le débiteur en liquidation judiciaire, dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens, sont frappés d'inopposabilité à la procédure collective du débiteur.

C'est donc par une exacte appréciation que le tribunal de commerce de Fréjus a déclaré les statuts de la société PROD CREATION ainsi que l'affectation à son capital social par M. [W] [F] de la somme de 45 000 euros, inopposables au liquidateur judiciaire et en a tiré les conséquences, en condamnant solidairement M. [W] [F] et la SAS PROD CREATION à lui rembourser la somme de 44 999 euros.

Le jugement querellé sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions et M. [W] [F] débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et frais irrépétibles

M. [W] [F] qui succombe sera condamné aux dépens.

Il se trouve ainsi infondé en ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au vu des circonstances de l'espèce, il serait inéquitable de laisser supporter à Maître [H] [K] membre de la SELARL [K] LES MANDATAIRES ès qualités l'intégralité des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

M. [W] [F] et la SAS PROD CREATION seront condamnés à lui verser la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et mis à disposition au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Fréjus en date du 20 décembre 2021 ;

Et y ajoutant,

DÉBOUTE M. [W] [F] de sa demande de dommages et intérêts formée au titre de son préjudice moral ;

DÉCLARE M. [W] [F] infondé en ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [W] [F] et la SAS PROD CREATION à verser à Maître [H] [K] membre de la SELARL [K] LES MANDATAIRES ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [W] [F] et de la SARL AZUR TP la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE M. [W] [F] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-2
Numéro d'arrêt : 22/04640
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;22.04640 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award