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20/06/2024 | FRANCE | N°22/02469

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 20 juin 2024, 22/02469


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 20 juin 2024



N° 2024/ 273









Rôle N° RG 22/02469 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BI4HH







S.A. SOCIETE GENERALE





C/



[T] [M]

[J] [M] épouse [M]



Société EOS

























Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Julie DE VALKENAERE



Me Charlotte GAUCHON



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de proximité de CAGNES SUR MER en date du 12 Janvier 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-21-0166.



APPELANTE



S.A. SOCIETE GENERALE, demeurant [Adresse 6] - [Localité 8]



représentée par Me Julie ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 20 juin 2024

N° 2024/ 273

Rôle N° RG 22/02469 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BI4HH

S.A. SOCIETE GENERALE

C/

[T] [M]

[J] [M] épouse [M]

Société EOS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Julie DE VALKENAERE

Me Charlotte GAUCHON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de proximité de CAGNES SUR MER en date du 12 Janvier 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-21-0166.

APPELANTE

S.A. SOCIETE GENERALE, demeurant [Adresse 6] - [Localité 8]

représentée par Me Julie DE VALKENAERE de la SELARL JDV AVOCATS, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Monsieur [T] [M]

né le [Date naissance 4] 1956 à [Localité 10] (57), demeurant [Adresse 2] - [Localité 1]

représenté par Me Charlotte GAUCHON de la SELARL SOLENT AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [J] [M] épouse [M]

née le [Date naissance 5] 1970 à [Localité 12] (TUNISIE), demeurant [Adresse 2] - [Localité 1]

représentée par Me Charlotte GAUCHON de la SELARL SOLENT AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

INTERVENANTE VOLONTAIRE

Société EOS Société par actions simplifiées, immatriculée au RCS de PARIS

sous le n°488 825 217, ayant son siège social [Adresse 7] [Localité 9], agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège et agissant en vertu d'une lettre de désignation en date du 17 janvier 2022 en qualité de représentant-recouvreur du Fonds Commun de Titrisation FONCRED V, représenté par la société FRANCE TITRISATION, Société Par Actions Simplifiée, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 353 053 531, ayant son siège social [Adresse 3] [Localité 8],Le Fonds Commun de Titrisation FONCRED V, représenté par la société FRANCE TITRISATION, venant aux droits de la SOCIETE GENERALE, Société Anonyme immatriculée au RCS de PARIS sous le n°552 120 222, ayant son social sis [Adresse 6] [Localité 8], suivant acte de cession de créances en date du 3 août 2022, demeurant [Adresse 7] - [Localité 9]

représentée par Me Julie DE VALKENAERE de la SELARL JDV AVOCATS, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2024 puis les parties ont été avisées que le délibéré était prorogé au 18 avvril 2024 par mise à disposition au greffe puis au 20 juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant offre préalable acceptée le 03 mai 2005, la SA SOCIETE GENERALE a consenti à Madame [J] (et non [K]) [H] épouse [M] et M. [T] [M] un prêt immobilier d'un montant en capital de 89000 euros en vue de l'acquisition d'un appartement, moyennant le remboursement par 180 mensualités de 654,13 euros chacune et comprenant un taux d'intérêt révisable de 3,40% l'an.

Par avenant accepté par les deux co-emprunteurs le 12 mars 2014, une suspension d'amortissement du prêt d'une durée d'un an a été convenue avec la banque.

Il était également convenu d'un montant du capital restant dû de 42983,35 euros pour une durée totale de 192 mois.

Par deux courriers recommandés avec AR du 2 septembre 2019 adressés à chacun des époux [M], la banque les a mis en demeure de payer dans les huit jours la somme de 3852,80 euros au titre des échéances impayées du prêt.

Par deux courriers recommandés avec AR du 1er octobre 2019 adressés à chacun des époux [M], la banque les a mis en demeure de payer dans les huit jours la somme de 4503,59 euros au titre des échéances impayées du prêt.

Par deux courriers recommandés avec AR du 17 février 2020, la banque s'est prévalue de la déchéance du prêt et les a mis en demeure de payer dans les huit jours la somme de 18075,46 euros au titre du solde du prêt.

Par acte d'huissier du 19 février 2021, la SA SOCIETE GENERALE a fait assigner M et et Mme [M] aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

Condamner Mme [K] [H] épouse [M] et M. [T] [M] au paiement de la somme de 18458,06 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,40 % l'an à compter du 2 février 2021, avec capitalisation annuelle des intérêts, jusqu'à parfait paiement,

Condamner Mme [K] [H] épouse [M] et M. [T] [M] au paiement d'une somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation au paiement des entiers dépens.

Par jugement contradictoire en date du 12 janvier 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Cagnes sur Mer a statué ainsi :

Rejette l'ensemble des demandes en paiement de la société générale à l'encontre de Mme [K] [H] épouse [M] et M. [T] [M],

Dit qu'il n'y a pas lieu au prononcé d'aucune condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SOCIETE GENERALE aux entiers dépens ;

Rejette l'ensemble des demandes plus amples ou contraires de la SA SOCIETE GENERALE et de Mme [K] [H] épouse [M] et M. [T] [M] ;

Rappelle que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Le jugement susvisé retient pour l'essentiel que la banque ne produit pas un historique de compte complet démarrant à la première échéance, étant seulement apporté un décompte pour la période du 7 décembre 2016 au 2 février 2021 ; que ce décompte incomplet ne permet pas au tribunal de vérifier l'absence de prescription de la créance ; que de plus la banque n'apporte aucun justificatif ou argument permettant de prouver que le taux contractuel est actuellement de 5,40% alors que le contrat de prêt a stipulé un taux variable de 3,40%.

Par déclaration du 18 février 2022, la SA SOCIETE GENERALE a relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Selon conclusions notifiées par le RPVA le 20 juillet 2023, la société EOS FRANCE a notifié des conclusions valant intervention volontaire en qualité de représentant-recouvreur du Fonds Commun de Tritisation FONCRED V, représenté par la société FRANCE TITRISATION venant aux droits de la SOCIETE GENERALE en vertu d'une cession de créance en date du 3 août 2022.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 29 août 2023, auxquelles il sera plus amplement référé, la SA EOS FRANCE, en qualité de représentant-recouvreur du Fonds Commun de Tritisation FONCRED V, représenté par la société FRANCE TITRISATION venant aux droits de la SOCIETE GENERALE, demande à la cour de :

Déclarer la société EOS FRANCE, agissant en qualité de représentant-recouvreur du Fonds Commun de Tritisation FONCRED V, représenté par la société France TITRISATION, venant aux droits de la SOCIETE GENERALE recevable et bien fondée en son intervention volontaire.

Infirmer le jugement rendu par le tribunal de proximité de Cagnes sur mer le 12 janvier 2022 en ce qu'il :

« Rejette l'ensemble des demandes en paiement de la société générale à l'encontre des époux [M],

Dit qu'il n'y a pas lieu au prononcé d'aucune condamnation en application de l'article 700 du CPC,

Condamne la SOCIETE GENERALE au entiers dépens ;

Rejette l'ensemble des demandes plus amples ou contraires de la SA SOCIETE GENERALE et des époux [M] ; »

S'entendre condamner Mme [K] [H] épouse [M] et M. [T] [M] au paiement de la somme de 18458,06 euros outre intérêts au taux contractuel de 3,40% l'an à dater du 2 février 2021, avec capitalisation annuelle des intérêts, et ce jusqu'à parfait paiement,

Débouter Mme [K] [H] épouse [M] et M. [T] [M] de l'intégralité de leurs demandes,

Voir ordonner l'exécution provisoire de l'ensemble des dispositions de l'arrêt à intervenir, celle-ci étant parfaitement compatible avec la nature de l'affaire,

Les condamner au paiement d'une indemnité de 4000 euros chacun par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens de l'instance.

A l'appui des ses demandes, la SA SOCIETE GENERALE fait valoir que la cession de créance est intervenue dans les termes des articles L. 214-168 et suivants du code monétaire et financier ; qu'à propos de la prescription de la créance, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité ; que la date du premier incident de paiement est en l'espèce le 7 mars 2019 ; que le décompte produit par la concluante distingue d'ailleurs tant les échéances payées que celles impayées ainsi que les intérêts de retard ; que par ailleurs, il est imposé aux établissements bancaires de conserver les documents et informations de leurs clients pendant une durée de cinq années à compter de la clôture de leurs comptes ou encore de la cessation de leur relation ; qu'a contrario, passé ce délai, les établissements bancaires sont autorisés à ne plus conserver ces documents ; que les demandeurs restent volontairement flous sur l'activité professionnelle de M. [M] l'empêchant de travailler durant la période de crise sanitaire ; qu'il convient de rappeler que les époux [M] sont propriétaires de plusieurs biens immobiliers sur lesquels la SOCIETE GENERALE a inscrit des sûretés réelles, en l'occurrence des locaux commerciaux situés à [Localité 13], [Adresse 14] ; qu'au total, un délai de 5 mois a été octroyé aux époux [M] pour régulariser leur situation avant le prononcé de l'exigibilité anticipée du prêt et aucune démarche n'a été effectuée par eux ; que le prêt dont il s'agit a été souscrit en vue d'effectuer un investissement locatif et qu'ainsi les époux [M] perçoivent donc un loyer destiné à couvrir, au moins partiellement, le règlement des échéances du prêt immobilier ; que les conditions de la déchéance du terme ont bien été respectées ; que s'agissant ensuite des demandes relatives aux intérêts de retard et de capitalisation annuelle des intérêts, celles-ci sont conformes aux conditions générales du prêt.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 14 août 2023, auquelles il sera référé plus amplement, les époux [M] demandent à la cour de :

A titre principal,

Déclarer la société EOS FRANCE, agissant en qualité de représentant-recouvreur du Fonds Commun de Tritisation FONCRED V, irrecevable en son intervention volontaire en l'absence de preuve de sa qualité de créancier et subséquemment, le débouter de l'intégralité de ses prétentions

Confirmer le jugement du 12 janvier 2022 rendu par le tribunal de proximité de Cagnes sur mer le 12 janvier 2022 en ce qu'il :

« Rejette l'ensemble des demandes en paiement de la société générale à l'encontre des époux [M],

Dit qu'il n'y a pas lieu au prononcé d'aucune condamnation en application de l'article 700 du CPC,

Condamne la SOCIETE GENERALE au entiers dépens ;

Rejette l'ensemble des demandes plus amples ou contraires de la SA SOCIETE GENERALE 

Rappelle l'ensemble que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit »

Débouter la société EOS France, agissant en qualité de représentant-recouvreur du Fonds Commun de Tritisation FONCRED V de toutes ses demandes, fins et prétentions,

A titre subsidiaire,

Débouter la société EOS France de l'intégralité de ses prétentions ;

Confirmer le jugement du 12 janvier 2022 rendu par le tribunal de proximité de Cagnes sur mer le 12 janvier 2022 en ce qu'il :

« Rejette l'ensemble des demandes en paiement de la société générale à l'encontre des époux [M],

Dit qu'il n'y a pas lieu au prononcé d'aucune condamnation en application de l'article 700 du CPC,

Condamne la SOCIETE GENERALE au entiers dépens ;

Rejette l'ensemble des demandes plus amples ou contraires de la SA SOCIETE GENERALE 

Rappelle l'ensemble que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit »

Très subsidiairement,

Déchoir la société EOS France de son droit aux intérêts ;

Ordonner la production d'un décompte détaillé de créance expurgé des intérêts depuis le début de la souscription du prêt immobilier et à défaut de communication d'un tel décompte, débouter la société EOS France agissant en qualité de recouvreur du FOND COMMUN DE TRITISATION FONCRED V de toutes ses demandes, fins et prétentions,

Ordonner un délai de paiement de deux ans pour procéder au règlement du solde du capital ainsi que l'imputation prioritaire des sommes perçues sur le capital ;

En tout état de cause,

Débouter la société EOS France de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

Condamner la société EOS France au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel ;

Condamner la société EOS France aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.

A l'appui de leurs demandes, les époux [M] font valoir qu'une cession de créances serait intervenue entre la SOCIETE GENERALE et le FONDS COMMUN DE TITRISATION FONCRED V suivant acte de cession en date du 3 août 2022 ; qu'or la cour d'appel n'est pas en mesure d'apprécier la qualité de créancier de ce dernier ; que l'acte produit est un acte de deux pages ne comportant aucune annexe et qu'il n'est donc pas possible de déterminer si la créance qui est revendiquée par la SOCIETE GENERALE en première instance ainsi qu'en cause d'appel fait ou non partie du portefeuille de créances qui a été cédé au FONDS COMMUN ; que subsidiairement, si la qualité pour agir du FONDS COMMUN devait être reconnue par la Cour d'appel, l'ensemble de ses demandes devraient être rejetée ; qu'en vertu de l'article R312-35 du Code de la consommation, il appartient à celui qui prétend être titulaire d'une créance de démontrer que son action est recevable et pour ce faire, qu'il a respecté le délai biennal de procédure qui s'impose à lui, s'agissant d'un prêt immobilier soumis aux dispositions protectrices du code de la consommation ; qu'il doit en conséquence apporter la preuve de la réalisation de l'évènement qui fait courir le délai de deux ans et pour ce faire, produire un décompte qui identifie de manière rigoureuse le premier incident de paiement non régularisé ; qu'il n'est pas d'autre solution que de produire un historique détaillé ; que le créancier doit produire un décompte de créance distinguant le capital restant dû, les échéances payées et celles impayées, les intérêts de retard, ainsi qu'un historique de compte depuis l'origine de crédit afin de permettre de vérifier la somme que les débiteurs restent devoir mais aussi si une éventuelle forclusion ou interruption de délai de prescription a pu intervenir à compter du premier incident non régularisé ; que sur le défaut de liquidité et d'exigibilité de la créance, le fonds commun n'apporte pas de preuve suffisante du principe et du montant de la créance dont il revendique le paiement et ce, à plus d'un titre ; que le cessionnaire s'abstient tout d'abord de montrer que la déchéance du terme a été régulièrement prononcée et par suite que la créance dont il obtenu la cessation est exigible ; qu'il ne communique pas les conditions générales de l'offre initiale de prêt, seules les conditions particulières étant produites ; que la demande de capitalisation annuelle ne repose sur aucun fondement et fût-elle de nature contractuelle, une telle stipulation serait de toute façon contraire aux dispositions d'ordre public issues des articles L.312-22 et L.312-23 du Code de la consommation ; qu'elle devrait donc être déclarée non écrite ; que le cas échéant, le FONDS COMMUN devrait être condamné à produire un décompte détaillé de créance expurgée des intérêts et ce, depuis le début de la souscription du prêt immobilier, n'étant versées ni la fiche d'informations précontractuelles, ni la preuve de la consultation du FICP, ni la notice de l'assurance ; que Mme [M] est handicapée à plus de 80% et perçoit une allocation adulte handicapé pour un montant de 971,37 euros ainsi qu'un complément mensuel de 179,31 euros ; que M. [M] est âgé de 67 ans et n'exerce plus d'activité professionnelle ; qu'il perçoit une indemnité de retour à l'emploi qui s'élevait à la somme mensuelle de 973,56 euros en mars 2023, de 1077,87 euros en avril 2023 et de 389,84 euros en mai 2023 ; que leurs revenus sont donc en dessous du seul de pauvreté ; qu'ils perçoivent un complément de revenu provenant de la location d'un local professionnel situé à [Localité 13] ; que le terrain situé à [Localité 11] ne génère aucun revenu mais est source de dépenses ; que les époux ont à leur charge leur enfant mineure âgée de 17 ans ; qu'ils s'acquittent d'un loyer de 1380,72 euros outre 100 euros de charges, outre des taxes foncières pour leurs deux biens immobiliers ; qu'ils font par ailleurs l'objet de mesure de recouvrement, dont la dernière en date a été régularisée par exploit d'huissier du 20 juillet 2023 pour une somme de 453000 euros, correspondant aux encours souscrits auprès de la SOCIETE GENERALE.

La procédure a été clôturée le 28 décembre 2023.

MOTIVATION :

Sur la cession de créance et l'intervention volontaire de la société EOS FRANCE :

En vertu de l'article 1701-1 du code civil, les articles 1689 à 1691 et 1693 ne s'appliquent pas aux cessions régies par les articles 1321 à 1326 du présent code.

En vertu de l'article 1322 du code civil, la cession de créance doit être constatée par écrit, à peine de nullité.

En vertu de l'article 1324 du même code, la cession de créance n'est opposable au débiteur, s'il n'y a déjà consenti, que si elle lui a été notifée ou s'il en a pris acte.

En l'espèce, selon acte sous seing privé du 3 août 2022, la SA SOCIETE GENERALE a cédé au FCT FONCRED V, représenté par la SAS FRANCE TITRISATION, 3998 créances formant un portefeuille de créances, le recouvrement desdites créances étant confiés à la SAS EOS FRANCE, selon lettre du 17 janvier 2022.

Par acte du 16 juin 2023 remis à étude, la société EOS FRANCE, en qualité de représentant-recouvreur du FCT FONCRED V a fait signifier à M et Mme [M] des conclusions valant intervention volontaire ainsi que l'acte de cession du 3 août 2022 et la lettre du 17 janvier 2022 par laquelle le FCT FONCRED V confirme avoir désigné la société EOS FRANCE pour suivre le recouvrement amiable et judiciaire des créances cédées au FCT.

En pièce n°18, l'appelant produit l'annexe à l'acte du 3 août 2022 comprenant la liste des créances cédées.

Il est à relever que même si cette annexe est difficilement lisible et exploitable, il est possible de lire les noms des emprunteurs, leur numéro de dossier à la SOCIETE GENERALE et un numéro qui est celui du prêt immobilier, objet du présent litige.

Par conséquent, la société EOS FRANCE, es qualité, justifie être le cessionnaire de la créance détenue par la banque, aux droits desquels elle se présente à l'encontre des époux [M] en vertu du prêt immobilier du 3 mai 2005.

Elle justifie donc de son intérêt à se porter intervenant volontaire au sens de l'article 524 du

code de procédure civile et son intervention doit donc être déclarée recevable.

Sur la prescription de l'action de la société EOS FRANCE venant aux droits de la SOCIETE GENERALE :

Sur le point de départ de la prescription :

En vertu de l'article 12 du code de procédure civile, le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

En vertu de l'article L. 218-2 du code de la consommation, issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 réformant la prescription, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

Il est de jurisprudence constante de la Cour de cassation que les crédits immobiliers consentis aux consommateurs constituent des services financiers fournis par des professionnels et donc soumis au délai de prescription biennale.

De même, la Cour de cassation décide qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité. (Cass. Civ. 1ère, 11 février 2016, n°14-27.143 P).

En l'espèce, suivant offre préalable acceptée le 03 mai 2005, la SA SOCIETE GENERALE a consenti à Madame [J] [H] épouse [M] et M. [T] [M] un prêt immobilier d'un montant en capital de 89000 euros en vue de l'acquisition d'un appartement, moyennant le remboursement par 180 mensualités de 654,13 euros chacune et comprenant un taux d'intérêt révisable de 3,40% l'an.

Ainsi, ce n'est pas l'article L. 311-37 du code de la consommation, devenu l'article R. 312-35, qui est applicable puisque cette disposition concerne les seuls crédits à la consommation régis par les anciens L. 311-1 et suivants articles, le présent prêt étant un crédit immobilier régis par les anciens articles L. 312-1 et suivant du code de la consommation, dans leur version applicable à la date de l'offre faite aux époux [M].

Il n'y donc pas lieu de disposer de l'entier historique de compte pour pouvoir fixer la date du premier incident de paiement non régularisé mais de connaître la date de la déchéance du terme prononcée par l'organisme bancaire et de vérifier qu'elle a été valablement acquise moins deux ans avant la date de l'assignation devant le premier juge.

Sur la déchéance du terme :

La déchéance du terme en cas de défaillance de l'emprunteur non commerçant ne peut produire effet qu'après une mise en demeure précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ; si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Cass. 1ère civ., 3 juin 2015, n° 14-15.655 P).

En l'espèce, les conditions générales du contrat de crédit immobilier liant les parties stipulent dans son article 11-A que la SOCIETE GENERALE pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts, primes et surprimes d'assurance échus mais non payés dans le cas notamment de non-paiement à son échéance d'une mensualité ou de toute sommes dues à la SOCIETE GENERALE.

Il est également stipulé que la banque notifiera à l'emprunteur par lettre recommandée avec AR qu'elle se prévaut de la présente clause et prononce l'exigibilité anticipée du prêt.

Ainsi, il n'est pas prévu de façon expresse et non équivoque que le contrat de crédit sera résolu de plein droit sans notification d'une lettre de mise en demeure à l'emprunteur.

Or, par deux courriers recommandés avec AR du 2 septembre 2019 adressés à chacun des époux [M], la banque les a mis en demeure de payer dans les huit jours la somme de 3852,80 euros au titre des échéances impayées du prêt.

De même, par deux courriers recommandés avec AR du 1er octobre 2019 adressés à chacun des époux [M], la banque les a mis en demeure de payer dans les huit jours la somme de 4503,59 euros au titre des échéances impayées du prêt.

Et ce n'est que par deux courriers recommandés avec AR du 17 février 2020 que la banque s'est prévalue de la déchéance du prêt et les a mis en demeure de payer dans les huit jours la somme de 18075,46 euros au titre du solde du prêt.

Par conséquent, il apparaît que l'organisme bancaire a adressé à deux reprises des mises en demeure en la forme recommandée avec accusé de réception à chacun des emprunteurs leur leur indiquant explicitement qu'ils disposaient d'un délai de 8 jours pour régler leurs échéances impayées et que ces mises en demeures ont été adressées à un mois d'intervalle, suivie d'une lettre en la même forme prononçant la déchéance du terme plus de 4 mois après la dernière mise en demeure.

La SOCIETE GENERALE a donc laissé un délai raisonnable aux emprunteurs pour leur permettre de régulariser leur situation et éviter la résiliation anticipée du contrat de prêt.

Sans qu'il y ait lieu d'examiner le caractère abusif ou non des stipulations contractuelles, il convient de considérer que la déchéance du terme a été régulièrement prononcée par la SOCIETE GENERALE, rendant le capital restant dû immédiatement exigible.

Ainsi, en prononçant valablement la déchéance du terme, par lettres recommandées du 17 février 2020, reçues par les intimés le 19 février 2020, et en les assignant en justice par acte du 19 février 2021, la banque a agi dans le délai biennal prévu par l'article L. 218-2 du code de la consommation.

Par conséquent, l'ensemble des demandes formées par la société EOS FRANCE venant aux droits de la SOCIETE GENERALE doivent être déclarées recevables car non prescrites.

Ainsi le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les sommes dues à la société EOS FRANCE :

Il résulte de l'ancien article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa version applicable à la date du crédit immobilier litigieux, que le prêteur, qui ne respecte pas l'une des obligations prévues aux articles L. 312-7 et L. 312-8, à l'article L. 312-14, deuxième alinéa, ou à l'article L. 312-26, pourra être déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

La déchéance du droit aux intérêts ne porte que sur les intérêts conventionnels et ne porte ni sur les frais ni sur les intérêts légaux dus à la suite de la mise en demeure.

En l'espèce, les époux [M], qui opérent une confusion avec les dispositions applicables en matière de crédits à la consommation régis par les anciens articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, demandent de voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts en invoquant le non-production d'une fiche de renseignement pour apprécier leur solvabilité, de la preuve de la consultation du FICP, de celle de la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées et de la notice d'assurance.

Or, aucune de ses exigences n'est prévue à peine de déchéance du droit aux intérêts par l'article L. 312-33 précité.

Ainsi, les intimés sont mal-fondés à demander cette déchéance à l'encontre la société EOS FRANCE.

Il convient donc de faire application de l'ancien article L. 312-22 du code de la consommation qui prévoit que lorsque le prêteur est amené à demander la résolution du contrat, il peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que le paiement des intérêts échus. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. Le prêteur peut également demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 du code civil, ne peut excéder un montant qui, dépendant de la durée du prêt restant à courir, est fixé suivant un barème déterminé par décret (soit 7% de sommes dues au titre du capital restant dû ainsi que des intérêts échus et non payés).

En vertu de l'ancien article L. 312-23 du code de la consommation, aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur en cas de remboursement par anticipation ou de défaillance prévus par ces articles.

Ce dernier article fait ainsi obstacle à l'application de la capitalisation des intérêts prévue par l'ancien article 1154 du code civil.

En l'espèce, au vu de l'ensemble de ces éléments, ainsi que du décompte produit par la société appelante et le tableau d'amortissement du prêt issu de l'avenant du 12 mars 2014, il convient de fixer la créance de la société EOS FRANCE, venant aux droits de la SOCIETE GENERALE, à la somme de 17188,59 euros correspondant au capital restant dû (9599,07 euros) et les échéances échues et impayées (7589,52 euros) à la date de déchéance du terme.

La société EOS FRANCE sollicite l'application du taux d'intérêt contractuel de 3,40% l'an, tel que prévu au contrat, sans demander sa variation.

En revanche, elle est mal-fondée à solliciter la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions légales précitées.

Par conséquent, M et Mme [M] seront condamnés à lui payer la somme de 17188,59 euros outre intérêts au taux contractuel de 3,40% l'an, à compter du 2 février 2021 tel que demandé par la société appelante.

En outre, ils seront condamnés à lui payer l'indemnité légale de 671,93 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 2 février 2021, les intimés n'en sollicitant pas sa réduction en application de l'ancien article 1152 du code civil.

Sur les délais de grâce demandés par les époux [M] :

Il résulte de l'ancien article 1244-1 du code civil, applicable à la date du contrat litigieux, devenu l'article 1343-5, que compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

En l'espèce, il résulte des débats que si les époux [M], âgés respectivement de 68 ans pour Monsieur et de 54 ans pour Madame, justifient percevoir un revenu global mensuel de l'ordre de 2344 euros comprenant un revenu immobilier, ils doivent également assumer un loyer mensuel de l'ordre de 1480 euros et des frais liés aux taxes foncières pour leurs biens immobiliers.

Or, pour pouvoir apurer leur dette envers la société appelante dans un délai maximal de deux années, ils devraient verser des mensualités de l'ordre de 740 euros, ce qui n'est pas tenable avec un revenu mensuel de 818 euros, toutes charges payées et la charge de leur fille de 18 ans comme ils l'invoquent.

En outre, concernant la demande de report du paiement de leur dette, ils ne justifient d'aucun élément permettant de savoir à quelle date ils sont susceptibles de revenir à meilleure fortune, n'ayant notamment aucune précision sur la suite donnée au commandement aux fins de saisie-vente du 20 juillet 2023.

De plus, ils évoquent un seul revenu locatif correspondant à une location d'un local professionnel situé à [Localité 13] et n'invoquent ni ne justifient du revenu locatif qui est susceptible d'être perçu du fait de la location de l'appartement sis à [Localité 13] qu'ils ont acheté avec le présent prêt. Il apparaît donc qu'il existe un manque de transparence sur la réalité des revenus financiers de la part des intimés.

Enfin, les emprunteurs ont déjà disposé de fait de larges délais de paiement depuis la notification de l'exigibilité du solde du prêt par la banque.

Par conséquent, il convient de les débouter de toute demande de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

En vertu de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l'espèce, il convient de condamner M et Mme [M], qui succombent, aux dépens de première instance et d'appel.

Il convient donc d'infirmer le jugement déféré sur ce point.

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

En l'espèce, il paraît équitable que chacune des parties conserve la charge des ses frais irrépétibles, en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe :

DÉCLARE recevable l'intervention volontaire de la SAS EOS FRANCE, en qualité de représentant-recouvreur du Fonds Commun de Tritisation FONCRED V, représenté par la société FRANCE TITRISATION venant aux droits de la SOCIETE GENERALE ;

INFIRME le jugement déféré rendu le 12 janvier 2022 par le juge des contentieux de la protection du Tribunal de proximité de Cagnes sur Mer sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à prononcer aucune condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT :

DÉCLARE recevables les demandes de la SAS SA EOS FRANCE, en qualité de représentant-recouvreur du Fonds Commun de Tritisation FONCRED V, représenté par la société FRANCE TITRISATION venant aux droits de la SOCIETE GENERALE CREATIS comme n'étant pas prescrites ;

DIT que la déchéance du terme a été régulièrement prononcée ;

DIT n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts ;

CONDAMNE Madame [J] [H] épouse [M] et M. [T] [M] à payer à la SAS EOS FRANCE, en qualité de représentant-recouvreur du Fonds Commun de Tritisation FONCRED V, représenté par la société FRANCE TITRISATION venant aux droits de la SOCIETE GENERALE, la somme de 17188,59 euros, outre intérêts au taux contractuel de 3,40% l'an à compter du 2 février 2021, au titre du solde du prêt immobilier ;

CONDAMNE Madame [J] [H] épouse [M] et M. [T] [M] à payer à la SAS EOS FRANCE, en qualité de représentant-recouvreur du Fonds Commun de Tritisation FONCRED V, représenté par la société FRANCE TITRISATION venant aux droits de la SOCIETE GENERALE, la somme de 671,93 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 2 février 2021, au titre de l'indemnité légale ;

DÉBOUTE Madame [J] [H] épouse [M] et M. [T] [M] de leurs demandes de délais de grâce ;

DIT n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE Madame [J] [H] épouse [M] et M. [T] [M] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 22/02469
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;22.02469 ?
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