La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2024 | FRANCE | N°21/13800

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 20 juin 2024, 21/13800


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024



N° 2024/





MS/PR







Rôle N°21/13800

N° Portalis DBVB-V-B7F-BIEUP







[L] [R]





C/



[E] [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société AZUREA GROUP

S.E.L.A.R.L. GM, prise en la personne de Me [Y] [V], ès qualités de mandataire ad hoc de la Société AZUREA-GROUP

Association UNEDIC, DÉLÉGATION AGS, CGEA DE MARSEILLE

r>












Copie exécutoire délivrée

le : 20/06/2024

à :



- Me Sébastien ZARAGOCI, avocat au barreau de NICE



- Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE

















Décision déférée à la Cour :



Juge...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

N° 2024/

MS/PR

Rôle N°21/13800

N° Portalis DBVB-V-B7F-BIEUP

[L] [R]

C/

[E] [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société AZUREA GROUP

S.E.L.A.R.L. GM, prise en la personne de Me [Y] [V], ès qualités de mandataire ad hoc de la Société AZUREA-GROUP

Association UNEDIC, DÉLÉGATION AGS, CGEA DE MARSEILLE

Copie exécutoire délivrée

le : 20/06/2024

à :

- Me Sébastien ZARAGOCI, avocat au barreau de NICE

- Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRASSE en date du 03 Septembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F19/00670.

APPELANT

Monsieur [L] [R], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Sébastien ZARAGOCI, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Monsieur [E] [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société AZUREA GROUP, demeurant [Adresse 1]

défaillant

S.E.L.A.R.L. GM, prise en la personne de Me [Y] [V], ès qualités de mandataire ad hoc de la Société AZUREA-GROUP, sise [Adresse 1]

(15/12/2021 : Signification de la DA et des ccls remise à personne morale)

défaillante

Association UNEDIC, DÉLÉGATION AGS, CGEA DE MARSEILLE, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Cécile SCHWAL de la SELARL SCHWAL & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [L] [R] a été engagé par la société Azurea-group en qualité de technicien, catégorie ouvrier, à compter du 3 avril 2017 jusqu'au 31 octobre 2017 par contrat à durée déterminée conclu au motif d'un accroissement temporaire de travail.

A compter du 1er juin 2017, le salarié a été promu aux fonctions de chef d'équipe, indice 1, niveau II, coefficient 210 de la convention collective des ouvriers du bâtiment.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment (moins de 10 salariés).

La société Azurea-group employait habituellement moins de onze salariés au moment de la rupture des relations contractuelles.

Les relations contractuelles ont pris fin le 31 octobre 2017 par l'arrivée du terme du contrat à durée déterminée.

Par jugement rendu par le tribunal de commerce le 19 janvier 2018, la société Azurea-group a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire d'office. M. [E] [S] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire de la société.

Le 20 avril 2018, M. [R], estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, a saisi le conseil de prud'hommes de Nice afin de solliciter l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Azurea-group diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.

Selon jugement du 13 novembre 2018, le conseil de prud'hommes de Nice s'est déclaré incompétent et a renvoyé la cause et les parties devant la juridiction prud'homale de Grasse.

Par jugement rendu le 11 juin 2019, le tribunal de commerce a prononcé la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Azurea-group pour insuffisance d'actif.

Le 9 septembre 2019, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Grasse afin de solliciter l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Azurea-group diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.

Par jugement de départage rendu le 3 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Grasse a :

- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Azurea-group les créances suivantes :

* 139, 75 euros à titre de rappel de salaire,

* 13, 98 euros à titre de congés payés afférents,

* 13, 98 euros à titre de prime de précarité afférente au rappel de salaire,

* 396, 76 euros à titre de rappel de prime de trajet,

- déclaré que les créances portent intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,

- condamné la liquidation judiciaire de la société Azurea-group à remettre à M. [R] le dernier bulletin de salaire rectifié,

- condamné la liquidation judiciaire de la société Azurea-group à payer à M. [R] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la liquidation judiciaire de la société Azurea-group aux dépens de l'instance,

- constaté l'intervention forcée de l'Unedic délégation AGS CGEA de Marseille lui rendant le jugement commun opposable,

- prononcé l'exécution provisoire du jugement,

- rejeté toutes les autres demandes.

M. [R] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 mars 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 septembre 2023, M. [R], appelant, demande à la cour de réformer le jugement, de débouter le CGEA de ses demandes et d'inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société Azurea-group une somme de 3. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

L'appelant demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Azurea-group les créances suivantes :

- 139, 75 euros à titre de rappel de salaire,

- 13, 98 euros à titre de congés payés afférents,

- 13, 98 euros à titre de prime de précarité afférente au rappel de salaire,

- 396, 76 euros à titre de rappel de prime de trajet,

Le réformer au surplus et statuant à nouveau, inscrire au passif de la société Azurea-group les sommes suivantes :

- 763 euros à titre d'indemnisation des outils personnels,

- 1 708, 81 euros à titre de rappel de congés payés non pris et non indemnisés,

- 292, 20 euros à titre de rappel de prime de transport,

- 1 863, 84 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- 'dire et juger' qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées, l'exécution forcée pourra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice. Le montant des sommes retenues par l'huissier chargé de l'exécution forcée en application de l'article 10 du décret du 08/03/01 sera supporté par tout succombant en sus des frais irrépétibles et des dépens.

- ordonner au liquidateur de remettre à M. [R] ses bulletins de salaires et documents sociaux, rectifiés, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

L'appelant fait valoir que :

- il est bien-fondé à réclamer une indemnisation pour la détérioration des outils personnels qu'il a utilisés à l'occasion de son travail, conformément aux termes de son contrat de travail,

- l'employeur est redevable à son égard d'un rappel de salaire dans la mesure où le montant de son salaire de base a été réduit unilatéralement à compter du mois de juin 2017,

- il n'est pas rempli de ses droits au titre du paiement de l'indemnité de congés payés non pris et l'employeur ne justifie avoir satisfait à ses obligations légales à l'égard de la caisse de congés payés pour démontrer que ses obligations en la matière incomberaient à cette dernière,

- l'indemnité de frais de transport prévue par la convention collective applicable ne lui a jamais été versée alors qu'il se rendait parfois sur son lieu de travail au moyen de son véhicule personnel,

- l'employeur est redevable des primes de trajet conventionnelles qui ne lui ont jamais été payées durant la relation contractuelle, alors qu'il se déplaçait quotidiennement sur les chantiers,

- il est légitime à solliciter des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail dans la mesure où son employeur a manqué à plusieurs reprises à ses obligations contractuelles, ce qui a conduit le salarié a refuser la reconduction de son contrat à durée déterminée.

Les conclusions de l'appelant ont été signifiées à la SELARL GM, prise en la personne de M. [V], en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Azurea-group, intimée défaillante, le 15 décembre 2021 (acte remis à personne habilitée à recevoir l'expédition de l'acte, Mme [I], secrétaire).

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 janvier 2022, l'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des salariés intervenant par l'Unedic Délégation CGEA-AGS de Marseille (ci-après le CGEA), intimé et appelant à titre incident, demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Azurea-group les créances suivantes :

- 139, 75 euros à titre de rappel de salaire,

- 13, 98 euros à titre de congés payés afférents,

- 13, 98 euros à titre de prime de précarité afférente au rappel de salaire,

- 396, 76 euros à titre de rappel de prime de trajet,

Le confirmer pour le surplus et statuant à nouveau :

- 'dire et juger' la demande d'indemnité de congés payés irrecevable car non dirigée à l'encontre de la caisse des congés payés du BTP,

- 'dire et juger' que le salarié a été rempli de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail,

- en conséquence, débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

En tout état de cause,

- 'dire et juger' que les sommes suivantes n'entrent pas dans le cadre de la garantie du CGEA:

- * 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

* 150 euros au titre de l'astreinte pour remise des documents sociaux rectifiés,

- 'dire et juger' qu'aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre du CGEA et que la décision à intervenir ne peut tendre qu'à la fixation d'une éventuelle créance en deniers ou

quittances,

- 'dire et juger' que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évaluée le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par mandataire judiciaire, et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement,

- 'dire et juger' que la décision à intervenir sera opposable au CGEA dans les limites de la garantie légale et réglementaire et que le CGEA ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6 et L 3253-8 du code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions légales et réglementaires.

L'intimée et appelant à titre incident réplique que :

- seule la ventilation entre le salaire de base et les heures supplémentaires structurelles a été modifiée à la suite à une erreur comptable dans l'application de la majoration des heures supplémentaires mais le salaire brut total du salarié est resté inchangé, de sorte que l'employeur n'a pas réduit unilatéralement sa rémunération,

- aucun remboursement tenant à la détérioration des outils personnels du salarié n'est dû dans la mesure où ce dernier se contente de produire une liste d'outils sans rapporter la preuve de leur propriété, ni de leur détérioration survenue à l'occasion du travail,

- la demande de M. [R] relative à l'indemnité de congés payés est irrecevable, elle doit être dirigée à l'encontre de la caisse de congés payés du BTP et non à l'égard de l'employeur qui n'est pas personnellement redevable de ces indemnités dès lors qu'il est affilié à une caisse de congés payés,

- le salarié ne peut prétendre à la prime conventionnelle de transport dans la mesure où il bénéficiait d'un véhicule de service pour se rendre sur les chantiers depuis son domicile,

- le CGEA s'en rapporte à la justice concernant le rappel d'indemnité de trajet, tant dans son principe que dans son quantum,

- la demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail est infondée, le salarié ne démontrant pas de manquements grave s de son employeur et ne justifiant pas de l'étendue de son préjudice à la hauteur de sa demande,

- le CGEA n'a pas qualité pour délivrer les documents sociaux réclamés,

- l'astreinte réclamée n'entre pas dans la garantie du CGEA,

- en application de l'article L.622-28 du code de commerce, le cours des intérêts légaux s'arrête au jour de l'ouverture de la procédure collective,

- l'indemnité réclamée au titre de l'article 700 du code de procédure civile n'entre pas dans la garantie du CGEA.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

1- Sur la demande d'indemnités au titre de la détérioration des outils personnels

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, l'article 14 du contrat à durée déterminée du 3 avril 2017 de M. [R] prévoit que : 'Si, dans le cadre d'une utilisation normale et dans l'intérêt direct et exclusif de la SAS Azurea-group, le matériel et l'outillage personnels de Monsieur [R] devaient être endommagés pendant ses heures de travail, ils seraient remplacés par des produits de gamme équivalente'.

A l'appui de sa demande de remboursement de l'outillage personnel détérioré, M. [R] produit une liste des outils à remplacer, indiquant leur valeur d'achat et leur coût de remplacement. Toutefois, il ne produit aucun justificatif d'achat pour établir qu'il était propriétaire des outils concernés, ni de preuve de la réalité de leur détérioration.

Par conséquent, dans la mesure où il ne rapporte pas la preuve de la détérioration d'outils dont il était propriétaire, il n'établit pas que l'employeur se trouvait dans l'obligation de procéder au remboursement des outils litigieux.

Dès lors, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a débouté M. [R] de sa demande d'indemnités au titre de la détérioration des outils personnels.

2- Sur la demande de rappel de salaire au titre de la modification unilatérale de la rémunération

L'article 1103 du code civil dispose que les contrats formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Selon l'article 1193 code civil, les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise.

En application de ces articles, la rémunération, comme ses modalités, constituent pour le salarié un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord. Le fait que la modification n'ait pas d'effet sur le montant global de la rémunération ou que le nouveau mode de rémunération soit plus avantageux pour le salarié est sans incidence.

Il ressort de l'article 5 du contrat de travail à durée déterminée du 3 avril 2017 de M. [R], qu'en contrepartie d'une durée de travail de 169 heures mensuelles, le contrat prévoyait un salaire mensuel brut à hauteur de 2 098, 10 euros.

Il appert des bulletins de paie du mois d'avril et mai 2017 que la rémunération de M. [R] était composée de la manière suivante :

- salaire mensuel de base pour une durée de travail de 151, 67 heures, d'un montant de 1863, 84 euros,

- heures supplémentaires contractualisées à hauteur de 17, 33 heures, majorées au taux de 10%, soit un montant total de 234, 26 euros.

Soit un montant total de 2 098, 10 euros conforme aux prévisions du contrat de travail.

A compter du mois de juin 2017, il résulte des bulletins de paie produits les modifications suivantes :

- le salaire mensuel de base de M. [R] a été ramené à la somme de 1 835, 89 euros,

- les heures supplémentaires contractualisées ont été majorées au taux de 25%, soit un montant de 262, 21 euros.

Soit un total inchangé de 2 098, 10 euros.

La société Azurea-group, est défaillante en première instance et en cause d'appel, ainsi que M. [V], en sa qualité de mandataire ad hoc de la société.

Le CGEA allègue que cette modification résulte d'une erreur comptable. L'employeur a appliqué un taux de majoration des heures supplémentaires erroné aux mois d'avril et mai 2017 à hauteur de 10%, alors que le taux applicable devait être de 25%. Ainsi pour maintenir la rémunération brute mensuelle fixée dans le contrat de travail, le salaire de base a été réajusté.

Toutefois, le CGEA ne démontre pas que cette modification résulterait d'une erreur et non d'une décision de l'employeur. Aucun bulletin de paie rectificatif, ni aucune régularisation n'apparaît sur les bulletins de paie suivants pour justifier de la correction d'écritures comptables erronées sur les bulletins de paie des mois d'avril et mai 2017.

Il convient de relever que même si cette modification n'a pas exercé d'influence défavorable sur le montant global de la rémunération brute perçue, le salarié s'est vu imposer un changement dans le mode de calcul de sa rémunération par la baisse de son salaire mensuel de base au profit d'une augmentation du taux de majoration de ses heures supplémentaires. Cette modification a entraîné une baisse de son taux horaire de base qui est passé de 12, 29 euros à 12, 10 euros.

Alors que le mode de calcul de la rémunération est considéré comme un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans le consentement du salarié, le changement imposé sur les bulletins de paie à compter du mois de juin 2017 constitue une modification unilatérale du contrat de travail de M. [R].

Ainsi, le salarié est bien-fondé à réclamer un rappel de salaire à hauteur de son ancien salaire mensuel de base.

Dès lors, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Azurea-group la somme de 139, 75 euros à titre de rappel de salaire, la somme de 13, 98 euros au titre des congés payés y afférents, ainsi que la somme de 13, 98 euros au titre de la prime de précarité sur rappel de salaire.

3- Sur la demande de rappel de l'indemnité de congés payés

Selon l'article D.3141-12 du code du travail, dans sa version applicable au litige, énonce que dans les entreprises exerçant une ou plusieurs activités entrant dans le champ d'application des conventions collectives nationales étendues du bâtiment et des travaux publics, le service des congés est assuré, sur la base de celles-ci, par des caisses constituées à cet effet.

L'article D.3141-9 du code du travail prévoit que l'employeur qui adhère à une caisse de congés payés, par application de l'article L. 3141-32, délivre au salarié, en cas de rupture du contrat de travail, un certificat justificatif de ses droits à congé compte tenu de la durée de ses services.

Il est constant qu'il appartient à l'employeur qui relève d'une caisse de congés payés de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité de bénéficier effectivement de son droit à congé auprès de la caisse de congés payés. En cas de contestation, l'employeur doit justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement. Seule l'exécution de ces obligations entraînent la substitution de l'employeur par la caisse pour le paiement de l'indemnité de congés payés.

En l'espèce, il n'est produit aucune pièce pour justifier du respect par la société Azurea-group de son obligation d'affiliation à la caisse de congés et intempéries du bâtiment et des travaux publics (ci-après la CIBTP).

En outre, il n'est pas démontré que l'employeur a accompli les diligences attachées à la rupture du contrat de travail du salarié pour qu'il puisse faire valoir ses droits à congés payés auprès de la CIBTP. Notamment, la société Azurea-group ne justifie pas de la délivrance du certificat récapitulant les droits à congés payés du salarié lors de la rupture.

Il s'ensuit qu'à défaut de démonstration par l'employeur d'avoir satisfait à ses obligations légales, ce dernier est débiteur de l'indemnité de congés payés. Ainsi, il ya lieu de faire droit à la demande du salarié.

Dès lors, par infirmation de la décision entreprise, il sera fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Azurea-group la somme de 1 708, 81 euros au titre de l'indemnité de congés payés.

4- Sur la demande de rappel d'indemnité de frais de transport

L'article 8-16 de la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment (moins de 10 salariés) énonce que l'indemnité de frais de transport a pour objet d'indemniser forfaitairement les frais de transport engagés quotidiennement par l'ouvrier pour se rendre sur le chantier avant le début de la journée de travail et pour en revenir à la fin de la journée de travail, quel que soit le moyen de transport utilisé.

Cette indemnité étant un remboursement de frais, elle n'est pas due lorsque l'ouvrier n'engage pas de frais de transport, notamment lorsque l'entreprise assure gratuitement le transport des ouvriers ou rembourse les titres de transport.

Il est constant que la charge de la preuve des frais professionnels dont le salarié demande remboursement incombe à celui-ci et les juges du fond apprécient souverainement les éléments de fait et de preuve qui leur sont soumis.

En l'espèce, il ressort du courriel du 30 octobre 2017, adressé par le conseil du salarié à la société Azurea-group, que le salarié bénéficiait d'un véhicule loué par la société permettant de se rendre sur les chantiers.

En outre, M. [R] produit uniquement un tableau récapitulant ses déplacements sur chantier au moyen de son véhicule personnel qui s'avère insuffisant pour prouver l'utilisation effective du dit véhicule.

Au vu de ces éléments d'appréciation, le salarié échoue à rapporter la preuve qu'il engageait des frais de transport dans le cadre de son activité professionnelle.

Dès lors, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a débouté M. [R] de sa demande de rappel d'indemnités de transport.

5- Sur la demande de rappel de l'indemnité de trajet

L'article 8-17 de la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment (moins de 10 salariés) énonce que l'indemnité de trajet a pour objet d'indemniser, sous une forme forfaitaire, la sujétion que représente pour l'ouvrier la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier et d'en revenir.

L'indemnité de trajet n'est pas due lorsque l'ouvrier est logé gratuitement par l'entreprise sur le chantier ou à proximité immédiate du chantier.

Il est de principe que cette indemnité n'a pas la nature d'un remboursement de frais professionnels mais de celle d'une rémunération.

En l'espèce, il n'est pas discuté par les parties que M. [R] se rendait quotidiennement sur les différents chantiers de la société Azurea-group. Il pouvait donc prétendre aux indemnités de trajet conventionnelles.

Or, il ressort des bulletins de paie versés aux débats sur l'ensemble de la durée contractuelle qu'aucune indemnité de trajet n'a été payée au salarié.

Il s'ensuit que M. [R] est bien-fondé à obtenir les indemnités de trajet réclamées.

Dès lors, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Azurea-group la somme de 396,76 euros bruts à titre de rappel d'indemnités de trajet.

Sur les autres demandes

1- Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Aux termes de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Pour obtenir la réparation d'un préjudice résultant d'une exécution déloyale du contrat de travail, il est nécessaire de démontrer la matérialité des faits, mais également la mauvaise foi de l'employeur, la seule preuve d'un manquement n'ouvrant pas automatiquement droit à une indemnisation.

M. [R] allègue que les multiples manquements de son employeur à ses obligations contractuelles constituent une exécution déloyale de son contrat de travail.

Il résulte de ce qui précède que la cour a considéré comme établis les manquements de la société Azurea-group relatifs à la modification unilatérale du mode de calcul de la rémunération de M. [R], l'absence d'exécution des diligences afférentes à ses congés payés auprès de la CIBTP, ainsi que l'absence de paiement de l'indemnité de trajet sur l'ensemble de la relation contractuelle, soit pendant 7 mois.

Ces carences successives et leur absence de régularisation par l'employeur malgré les réclamations du salarié caractérisent une mauvaise foi de sa part.

Le salarié justifie de l'existence d'un préjudice distinct dans la mesure où l'exécution fautive du contrat de travail est à l'origine de son refus de renouveler son contrat à durée déterminée, tel qu'il l'indique dans son courrier adressé à la société Azurea-group le 26 octobre 2017.

Ce préjudice sera intégralement réparé par l'attribution de la somme de 1 000 euros.

Dès lors, par voie d'infirmation de la décision entreprise, il sera fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Azurea-group la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

2-Sur les intérêts

En application des dispositions de l'article L.622-28 du code du commerce, le cours des intérêts légaux s'arrête au jour de l'ouverture de la procédure collective.

3-Sur la remise de documents

La cour ordonnera au mandataire ad hoc ès qualités de remettre à M. [R] les documents de fin de contrat rectifiés : l'attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision.

Il n'y a pas lieu d'assortir cette obligation d'une astreinte.

Sur les frais du procès

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Azurea-group une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

Les dépens d'appel seront fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société Azurea-group, ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la garantie de l'AGS

Le présent arrêt est opposable au CGEA dans les limites des plafonds de ses garanties légales et réglementaires.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a,

Débouté M. [L] [R] de sa demande de rappel d'indemnité de congés payés,

Débouté M. [L] [R] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Fixe la créance de M. [L] [R] au passif de la liquidation judiciaire de la société Azurea-group aux sommes suivantes :

- 1 708, 81 euros au titre du rappel d'indemnité de congés payés,

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Y ajoutant,

Rappelle que le cours des intérêts légaux s'arrête au jour de l'ouverture de la procédure collective en vertu de l'article L.622-28 du code de commerce,

Ordonne à la SELARL GM, prise en la personne de M. [V], en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Azurea-group de remettre à M. [L] [R] un bulletin de salaire, le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi rectifiés conformes au présent arrêt,

Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte,

Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision,

Dit que les dépens d'appel seront fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société Azurea-group, ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déclare le présent arrêt opposable au CGEA dans les limites des plafonds de ses garanties légales et réglementaires pour les créances résultant de l'exécution du contrat de travail,

Dit que la garantie du CGEA est exclue en ce qui concerne l'indemnité allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-5
Numéro d'arrêt : 21/13800
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;21.13800 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award