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20/06/2024 | FRANCE | N°21/13544

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 20 juin 2024, 21/13544


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024



N° 2024/





MAB/PR







Rôle N° RG 21/13544 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BID42







[E] [Y]





C/



S.A.R.L. AZUR PORTES AUTOMATIQUES CONTROLE D'ACCES - MICROMATIX















Copie exécutoire délivrée

le : 20/06/24

à :



- Me Marie-france GERAUD-TONELLOT de la SCP AGL AVOCATS, avocat au ba

rreau de GRASSE



- Me Myriam DUBURCQ de la SCP DONNET - DUBURCQ, avocat au barreau de GRASSE

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 15 Septembre 2021 enregistré(e) au rép...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

N° 2024/

MAB/PR

Rôle N° RG 21/13544 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BID42

[E] [Y]

C/

S.A.R.L. AZUR PORTES AUTOMATIQUES CONTROLE D'ACCES - MICROMATIX

Copie exécutoire délivrée

le : 20/06/24

à :

- Me Marie-france GERAUD-TONELLOT de la SCP AGL AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE

- Me Myriam DUBURCQ de la SCP DONNET - DUBURCQ, avocat au barreau de GRASSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 15 Septembre 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00753.

APPELANT

Monsieur [E] [Y], demeurant [Adresse 3] - [Localité 1]

représenté par Me Marie-france GERAUD-TONELLOT de la SCP AGL AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

S.A.R.L. AZUR PORTES AUTOMATIQUES CONTROLE D'ACCES - MICROMATIX, demeurant [Adresse 2] - [Localité 1]

représentée par Me Myriam DUBURCQ de la SCP DONNET - DUBURCQ, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024.

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [E] [Y] a été engagé par la société Azur portes Micromatix (ci-après la société Micromatix), en qualité de technico-commercial, position cadre, par contrat à durée indéterminée du 22 juin 2016, prenant effet à compter du 1er septembre 2016, pour un volume horaire de 104 heures mensuelles.

Parallèlement, M. [Y] a été engagé par la société A.F. entreprise générale, en qualité de conducteur de travaux, à compter du 1er septembre 2016 par contrat à durée indéterminée, à temps partiel à hauteur de 47,67 heures mensuelles.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des industries métallurgiques, électriques et connexes.

La société Micromatix employait habituellement moins de onze salariés au moment du licenciement.

Par courrier du 22 mai 2019, la société Micromatix a proposé à M. [Y] une rupture conventionnelle, refusée par le salarié par courrier du 4 juin 2019.

Par courrier du 6 juin 2019, la société Micromatix a notifié à M. [Y] 'une mise à pied immédiate'.

Après avoir été convoqué à un entretien préalable fixé le 24 juin 2019, M. [Y], par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 5 juillet 2019, a été licencié pour faute grave.

Le 10 octobre 2019, M. [Y], contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, a saisi la juridiction prud'homale, afin d'obtenir diverses sommes tant en exécution qu'au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement rendu le 15 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Grasse a :

- constaté que M. [O], en sa qualité de directeur opérationnel, a conduit la procédure de licenciement,

- constaté l'absence de faute grave,

- constaté que les fautes et griefs cités dans la lettre de licenciement ne sont pas établis,

- condamné la société Micromatix à payer à M. [Y] les sommes de :

13 842 euros au titre de l'indemnité de préavis,

1 384 euros au titre des congés payés sur préavis,

3 460 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

2 310 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

4 614 euros au titre du salaire sur mise à pied,

461,40 euros au titre des congés payés sur mise à pied.

- dit qu'il n'y a pas lieu de requalifier le contrat de travail de M. [Y] qui est de fait à temps complet,

- débouté M. [Y] de ses demandes indemnitaires à ce titre,

- jugé qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire,

- condamné la société Micromatix à payer à M. [Y] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Micromatix aux entiers dépens,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

M. [Y] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 29 février 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 décembre 2023, M. [Y], appelant, demande à la cour de :

- juger que la société Micromatix ne rapporte pas la preuve de la faute grave alléguée,

- juger à titre surabondant que M. [O] qui n'est ni gérant de la société Micromatix ni membre de la société a conduit la procédure de licenciement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Micromatix au paiement des sommes de 13 843,20 euros au titre de l'indemnité de préavis, de 1 384 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur indemnité de préavis et de 3 460 euros au titre de l'indemnité de licenciement, de 2 310 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 4 614 euros au titre du salaire période de mise à pied et de 461,40 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur salaire de mise à pied,

- constater que le contrat de travail à temps partiel ne mentionne pas la répartition du temps de travail,

- en conséquence, infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande de requalification de son contrat à temps partiel,

- requalifier le contrat de travail partiel en contrat de travail à temps complet,

- condamner la société Micromatix au paiement des sommes de 42 297,92 euros au titre de rappel de salaire et de 4 229,79 euros au titre d'indemnités de congés payés sur rappel de salaire,

- condamner la société Micromatix aux entiers dépens et au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelant fait valoir que la mise à pied prononcée doit s'analyser en une sanction disciplinaire, de telle sorte que l'employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire, rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse. De manière subsidiaire, l'appelant considère que l'employeur ne démontre pas la faute grave qui fonde le licenciement et que M. [O] n'avait pas pouvoir pour diriger la procédure de licenciement. M. [Y] sollicite par ailleurs que le contrat de travail à temps partiel soit requalifié à temps complet, en l'absence de précision sur la répartition de la durée de travail.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 février 2022, la société Micromatix, intimée, demande à la cour de :

- recevoir l'appel incident de la société Micromatix,

- relever que M. [O] dispose d'une délégation de pouvoir lui permettant d'assurer la gestion des salariés de la société Micromatix,

- relever que M. [Y] n'a jamais contesté les griefs invoqués par la société Micromatix dans la lettre de licenciement,

- déclarer que le licenciement de M. [Y] repose sur des fautes graves,

- à titre subsidiaire, déclarer que le licenciement repose sur des causes réelles et sérieuses,

- En conséquence, infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Micromatix au paiement des sommes de:

13 842 euros au titre de l'indemnité de préavis,

1 384 euros au titre des congés payés sur préavis,

3 460 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

2 310 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

4 614 euros au titre du salaire sur mise à pied,

461,40 euros au titre des congés payés sur mise à pied,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Y] de ses demandes en requalification du contrat de travail à temps partiel en temps complet,

- condamner M. [Y] à payer à la société Micromatix la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimé réplique que M. [O] avait le pouvoir d'initier la procédure de licenciement, justifiée par les fautes commises par M. [Y]. Elle entend le démontrer par les nombreuses attestations produites. Sur la requalification sollicitée, la société intimée soutient que M. [Y] disposait de ses plannings mensuels lui permettant de connaître la répartition de son temps de travail et qu'à compter du 1er février 2019, il bénéficiait d'un temps complet.

Par voie de conclusions n°2 transmises par voie électronique le 27 mars 2024, la société Micromatix sollicite le rabat de l'ordonnance de clôture au motif qu'elle a découvert de manière fortuite que l'affaire était fixée à l'audience du 28 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

Il résulte des dispositions des articles 802 et 803 du code de procédure civile qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce versée aux débats à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, que toutefois l'ordonnance de clôture peut être révoquée s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

L'article 15 du code de procédure civile énonce que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

Par ailleurs, selon l'article 16 du même code, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

En l'espèce, suite à un avis de fixation, du 15 janvier 2024, à l'audience du 28 mars 2024, la société Micromatix a conclu en dernier lieu, le 27 mars 2024, la veille de l'audience.

La cour observe d'une part que l'avis de fixation avait été transmis aux parties et d'autre part que les dernières conclusions notifiées par l'appelant dataient du 21 décembre 2023, de telle sorte que l'intimée disposait du temps nécessaire pour y répliquer, dans le respect du principe de la contradiction.

Aucune cause grave ne justifie en l'espèce de révoquer l'ordonnance de clôture pour admettre les conclusions n°2, notifiées par la société Micromatix le 27 mars 2024, soit après l'ordonnance de clôture du 29 février 2024.

Dès lors, les conclusions notifiées par la société Micromatix les 27 mars 2024 seront écartées des débats.

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

Sur la demande de rappel de salaire au titre de la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet

L'article L 3123-6 du code du travail dispose : 'Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée de travail fixée par le contrat.

L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3123-22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au delà de la durée fixée par le contrat'.

Lorsque, malgré l'existence d'un contrat écrit, l'horaire de travail d'un salarié varie d'un mois à l'autre en dehors des prévisions de son contrat de travail qui ne comportait pas de répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, et que l'intéressé qui avait été mis dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler chaque mois, s'était trouvé dans l'obligation de se tenir en permanence à la disposition de l'employeur, le contrat à temps partiel peut être requalifié en contrat à temps complet.

A contrario, dès lors que les périodes de travail et les disponibilités du salarié sont clairement précisées de sorte que le salarié peut prévoir à quel rythme il doit travailler et qu'il n'est pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l'employeur, les parties sont liées par un contrat à temps partiel.

En l'espèce, M. [Y] relève que son contrat de travail ne stipulait aucune répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois et qu'aucun planning mensuel ne lui a été remis, de telle sorte qu'il ne pouvait prévoir à quel rythme il devait travailler chaque mois et était dans l'obligation de se tenir en permanence à la disposition permanente de l'employeur.

En réplique, la société Micromatix soutient que des plannings étaient effectivement remis en début de chaque mois à M. [Y], conformément au contrat de travail. Ce faisant, le salarié n'avait pas à se tenir à la disposition permanente de la société Micromatix, d'autant qu'il travaillait parallèlement pour la société A.F. entreprise générale, société liée à la société Micromatix par des associés communs, des locaux communs, des embauches communes. L'employeur verse, au soutien de ses affirmations :

- une attestation de M. [S] [B], expert comptable, du 18 octobre 2019 qui expliquent que les deux sociétés peuvent être 'qualifiées de groupe, car ils ont des associés communs, partagent des locaux communs, tiennent des réunions de travail communes, élaborent des devis et des factures communs, ils valident les embauches communes',

- un échange de courriers des 16 et 21 janvier 2019 entre les deux sociétés, en vue du rattachement à temps complet de M. [Y] à la société Micromatix à compter du 1er février 2019,

- l'avenant au contrat de travail liant M. [Y] à la société Micromatix daté du 1er février 2019, modifiant la durée de travail pour un temps complet.

Le contrat de travail liant M. [Y] à la société Micromatix, daté du 1er septembre 2016, comprend les informations suivantes concernant les horaires de travail : 'Votre horaire de travail dans l'entreprise sera de 24 heures par semaine, soit un total mensuel de 104 heures, suivant un planning qui sera défini chaque début de mois'. La cour constate donc qu'il ne précise nullement la répartition des horaires de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Si la société Micromatix affirme qu'un planning était établi et communiqué en début de chaque mois à M. [Y], aucun planning n'est produit en procédure, la société procédant par voie d'affirmation.

Toutefois, il ressort des pièces produites que M. [Y] occupait parallèlement un autre emploi auprès de la société A.F. entreprise générale à hauteur de 11 heures hebdomadaires et que ces deux sociétés étaient étroitement liées, par des associés communs, et fonctionnaient selon des intérêts communs, en partageant leurs locaux, en échangeant des informations et en procédant à des embauches communes. C'est dans ce contexte que M. [Y] a bénéficié initialement, le 1er septembre 2016, de deux contrats de travail distincts, dont les temps partiels cumulés aboutissaient à un temps complet.

Dans ce contexte particulier, M. [Y] répartissait son temps de travail entre ces deux sociétés qui avaient l'une et l'autre connaissance des horaires de travail du salarié sur chacune de leurs activités et il n'était donc pas dans l'obligation de se tenir en permanence à la disposition exclusive de la société Micromatix.

Par conséquent, c'est justement que le jugement querellé a débouté M. [Y] de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et par suite de sa demande au titre des rappels de salaire pour un temps complet.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement du 5 juillet 2019 est ainsi motivée :

'Nous faisons suite à l'entretien préalable que nous avons eu le 24 juin 2019.

Nous vous rappelons que vous avez été embauché par notre société avec un statut cadre en date du 1er septembre 2016, en qualité de salarié technico-commercial.

Afin que vous puissiez au mieux exercer votre activité au sein de notre société, vous avez bénéficié pendant plusieurs mois d'un accompagnement de ma part.

En votre qualité de cadre, vous bénéficiez d'une autonomie largement supérieure à celle d'un salarié qui n'est pas cadre, avec les responsabilités qui en découlent.

Nous avons malheureusement constaté dans l'exécution de votre travail :

1. Des anomalies préjudiciables à la société Micromatix dans l'établissement des appels d'offres et des chiffrages dans l'établissement des CCTP et DPGF,

2. De nombreuses erreurs dans les calculs des déboursés des chantiers,

3. Un comportement anormal à l'égard de la société bulgare avec qui nous travaillons.

1. Des anomalies préjudiciables à la société Micromatix dans l'établissement des appels d'offres et des chiffrages dans l'établissement des CCTP et DPGF :

Bien qu'ayant reçu de ma part toutes les informations pour vous permettre au mieux d'exercer votre activité, il s'avère que vous vous trompez très régulièrement dans l'établissement des appels d'offres et des chiffrages.

Récemment, j'ai pu constater des erreurs pour les chantiers :

* La Roseyre : perte estimée à 21 060 euros

* Celeski escalier : perte estimée à 3 952 euros

* Celeski trappe comble coupe-feu : perte estimée à 1 670 euros

Ces chantiers ont été très largement sous-évalués par vos soins. Non seulement la société Micromatix ne gagne pas d'argent mais elle en perd.

2. De nombreuses erreurs dans les calculs des déboursés des chantiers,

Indépendamment de ces erreurs de chiffrage, vous commettez de nombreuses erreurs dans les métrés et déboursés nets de chantier, ce qui est difficilement admissible vu votre expérience.

En effet, vous nous avez annoncé des résultats de chantier en incohérence totale avec les erreurs de commande réalisées notamment sur les chantiers de Monaco, Ilots Rascas où les matériels commandés ont dû être totalement modifiés.

Il en résulte ainsi une perte de chiffre d'affaires pour la société Micromatix qui espérait, compte tenu de votre embauche, voir ce dernier notablement s'accroître.

A plusieurs reprises, je vous ai alerté sur ces erreurs mais il est manifeste que vous n'avez pas voulu tenir compte de ces remarques.

Vous avez également commis des erreurs dans l'établissement des CCTP et des DPGF pour le chantier Les Jardins de Palio.

Vous avez ainsi commis une erreur en ne comptant qu'une grille au lieu d'un ensemble de grilles, ce qui a généré une perte pour notre société de plus de 20 000 euros.

3. Un comportement anormal à l'égard de la société bulgare avec qui nous travaillons.

Concernant par ailleurs la société bulgare avec laquelle nous travaillons, il est manifeste que vous n'avez pas eu avec cette entreprise l'attitude que vous auriez dû avoir.

Etant d'origine bulgare, vous avez privilégié un lien patriotique avec cette société, toujours au détriment de la société Micromatix.

Je vous rappelle que ce n'est pas la société bulgare qui vous paye, que vous êtes l'employé de la société Micromatix et que vous ne devez des comptes qu'à cette dernière société.

Vous n'avez ainsi pas négocié avec cette société les prix que nous aurions dû obtenir alors même que le coût de fabrication en Bulgarie est très largement inférieur au prix de fabrication française.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avions opté pour le choix d'un fournisseur bulgare car cette solution était économiquement beaucoup plus avantageuse pour la société.

Nous en sommes arrivés à conclure qu'en réalité, vous touchiez de cette société 'des commissions' au titre des marchandises commandées, commissions payées indirectement par la société Micromatix.

Enfin, toujours à l'égard de cette société, vous n'avez jamais exigé de ce fabricant qu'il respecte les normes et exécute correctement les commandes passées par vos soins ce qui a conduit à la livraison de produits devant être modifiés sur place par nos équipes.

Toutes ces fautes sont difficilement admissibles.

Nous avons donc décidé de mettre fin à votre contrat de travail en vous licenciant pour des fautes réelles et sérieuses dont certaines d'ailleurs sont qualifiées de graves (la sous-facturation, l'ambiguïté de vos relations avec la société bulgare et l'octroi de la part de cette société à votre profit d'une 'indemnisation').

Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 24 juin, ne peuvent en aucun cas justifier les agissements graves dont vous vous êtes rendus coupables et par lesquels vous avez volontairement tenté de nuire à l'entreprise.

Compte-tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. (...)'

L'article L.1332-3 du code du travail édicte que lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l'article L.1332-2 ait été respectée. Il est de jurisprudence constante que l'engagement de la procédure de licenciement doit être concomitant à la mise à pied conservatoire et que, sauf motif légitime justifié par l'employeur, ce défaut de mise en oeuvre du licenciement dans ces délais entraîne la requalification de la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire. Il est également constant que l'engagement des poursuites disciplinaires est constitué par la convocation du salarié à l'entretien préalable à la sanction et non la notification du licenciement.

M. [Y] fait valoir qu'un délai excessif s'est écoulé entre sa mise à pied, notifiée par courrier du 6 juin 2019, et l'engagement de la procédure de licenciement et sollicite dès lors que la mise à pied soit requalifiée en sanction disciplinaire, ne permettant plus à l'employeur de le sanctionner par la suite pour les mêmes faits par un licenciement.

En l'espèce, le courrier de convocation à l'entretien préalable a été adressé par l'employeur à M. [Y] le 13 juin 2019, en vue d'un entretien fixé le 24 juin 2019. Or, en réplique, la société Micromatix n'apporte aucun motif légitime, pour justifier le délai entre le courrier du 6 juin 2019, notifiant la mise à pied, et le courrier de convocation du 13 juin 2019.

La mise à pied doit dès lors être requalifiée en mise à pied disciplinaire, cette requalification privant en conséquence le licenciement de sa cause réelle et sérieuse pour cause d'interdiction d'une double sanction.

Le jugement querellé sera par conséquent confirmé, en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Micromatix au paiement de l'indemnité légale de licenciement, de l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité compensatrice de préavis. En conséquence, il n'est pas nécessaire d'examiner la matérialité des griefs soulevés dans la lettre de licenciement et la qualité du signataire de la lettre de licenciement.

S'agissant de la demande de M. [Y] du versement du rappel de salaires au titre de la mise à pied notifiée le 6 juin 2019, la cour constate qu'elle n'est saisie d'aucune demande d'annulation de la sanction disciplinaire. Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a condamné la société Micromatix à verser à M. [Y] la somme de 4 614 euros à ce titre et la somme de 461,40 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les frais du procès

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Micromatix sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2 000 euros.

Par conséquent, la société Micromatix sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture et écarte des débats les conclusions notifiées par l'intimé le 27 mars 2024,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a condamné la société Micromatix à verser à M. [Y] les sommes de 4 614 euros au titre du rappel de salaire durant la mise à pied et 461,40 euros au titre des congés payés afférents,

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

Déboute M. [Y] de sa demande au titre du rappel de salaire durant la mise à pied,

Y ajoutant,

Condamne la société Micromatix aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne la société Micromatix à payer à M. [Y] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Micromatix de sa demande d'indemnité de procédure en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-5
Numéro d'arrêt : 21/13544
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;21.13544 ?
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