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20/06/2024 | FRANCE | N°21/13502

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 20 juin 2024, 21/13502


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024



N° 2024/



MAB/KV









Rôle N° RG 21/13502 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIDYJ







[W] [Z]





C/



Société LITONOR FINANCIAL LTD













Copie exécutoire délivrée

le : 20/06/24

à :



- Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Grasse en date du 02 Septembre 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 20/00147.





APPELANT



Monsieur [W] [Z], demeurant [Adresse 1] AU...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

N° 2024/

MAB/KV

Rôle N° RG 21/13502 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIDYJ

[W] [Z]

C/

Société LITONOR FINANCIAL LTD

Copie exécutoire délivrée

le : 20/06/24

à :

- Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Grasse en date du 02 Septembre 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 20/00147.

APPELANT

Monsieur [W] [Z], demeurant [Adresse 1] AUSTRALIE

représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Lionel BUDIEU, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Société LITONOR FINANCIAL LTD (27/04/2022 : Signification de la DA et des ccls remise en vertu de la Convention de La Haye), demeurant [Adresse 3]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024.

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat dit 'guardianage agreement', non daté, M. [W] [Z] a été recruté par la société Litonor financial LTD avec pour mission d'assurer le gardiennage du navire M/Y Victoria, moyennant le versement de la somme de 1 000 euros par mois.

Le 18 mars 2020, M. [Z] a saisi la juridiction prud'homale, afin d'obtenir la requalification du contrat en contrat de travail et diverses sommes tant en exécution qu'au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement rendu le 2 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Grasse a :

- dit que le contrat de gardiennage qui liait M. [Z] à la société Litonor financial LTD n'est pas un contrat de travail de capitaine de navire,

- dit que le conseil des prud'hommes de Grasse n'est pas compétent pour connaître des demandes reconventionnelles de la société Litonor financial LTD au profit du juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Grasse,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

M. [Z] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 29 février 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 février 2022, l'appelant demande à la cour de :

* infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que le contrat de gardiennage qui liait M. [Z] à la société Litonor Financial limited n'est pas un contrat de travail de capitaine de navire,

- débouté M. [Z] de ses demandes,

* statuant à nouveau de :

- juger que la relation entre les parties revêt les caractéristiques d'un contrat de travail,

- condamner la société Litonor financial LTD à verser à M. [Z] les sommes suivantes :

20 000 euros au titre du rappel de salaire,

2 598 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

256 euros au titre des congés payés y afférents,

2 598 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

10 392 euros au titre des dommages et intérêts,

7 794 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

50 000 euros au titre de la réparation du préjudice distinct,

10 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner la société Litonor financial LTD sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir, à régulariser la situation de M. [Z] auprès des organismes sociaux et à remettre à M. [Z] les documents sociaux conformes à la décision à intervenir,

- ordonner la transmission du dossier au parquet,

- condamner la société Litonor financial LTD aux dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE Aix-en-Provence, avocats aux offres de droit.

L'appelant fait valoir qu'au vu de l'existence d'une prestation, d'une rémunération convenue et d'un lien de subordination, le contrat doit s'analyser en contrat de travail. Il soutient ensuite que le droit français a vocation à s'appliquer en l'espèce, ce qui lui permet de solliciter la requalification de sa démission en rupture du contrat de travail imputable à l'employeur et produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les dernières conclusions de l'appelant ont été adressées par huissier de justice le 27 avril 2022 à la cour suprême des Iles vierges britanniques, en vue de leur signification à la société Litonor financial LTD, intimée défaillante, en application de la convention de La Haye du 15 novembre 1965.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'existence d'un contrat de travail

Selon l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes est compétent pour tous les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. L'article L. 1411-3 du même code ajoute qu'il est également compétent pour tous les différends et litiges nés entre les salariés à l'occasion du travail.

Il en résulte que pour relever de la compétence du conseil de prud'hommes, un litige doit présenter trois caractéristiques : être relatif à un contrat de travail de droit privé, être en lien avec le travail et revêtir un caractère individuel.

Selon l'article L. 1411-4 du code du travail, la compétence du conseil de prud'hommes est d'ordre public, toute convention contraire devant être réputée non écrite.

En l'espèce, M. [Z] soutient que le contrat intitulé 'guardianage agreement' s'analyse en contrat de travail, ce que contestait en première instance la société Litonor financial LTD.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.

Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.

Trois critères permettent de conclure à l'existence du contrat de travail: une prestation, une rémunération et un lien de subordination. Le lien de subordination se définit comme l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination, le travail au sein d'un service organisé lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution.

En cas de litige, le juge ne s'attache pas à la dénomination du contrat mais à la situation de fait.

En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat de travail, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, il ressort des pièces versées que M. [Z] devait exécuter pour le compte de la société Litonor financial LTD une prestation, définie au contrat conclu entre les parties, consistant dans le gardiennage et l'entretien du navire amarré au port [4] d'[Localité 2].

Par ailleurs, le contrat produit mentionne expressément le versement par la société Litonor financial LTD à M. [Z] d'une contrepartie financière d'un montant mensuel de 1000 euros. Les échanges entre M. [Z] et Mme [D], qui représente la société Litonor financial LTD, sont d'ailleurs explicites sur le fait que la société reconnaît devoir de l'argent à M. [Z].

S'agissant enfin de la réalité d'un lien de subordination entre M. [Z] et la société Litonor financial LTD, la charge de la preuve repose sur l'appelant qui se prévaut d'un contrat de travail. M. [Z] affirme qu'il recevait des instructions de la part de Mme [D], qu'il lui rendait compte de son activité, lui demandait son autorisation pour régler un fournisseur, discutait avec elle du paiement de son salaire. Il se fonde sur des échanges de messages entre le 23 avril 2018 et le 26 mai 2019.

La cour observe que M. [Z] indique dans son message du 23 avril 2018 qu'il arrêtera d'intervenir pour le compte de la société Litonor financial LTD à compter de fin avril 2018, M. [X] [V] lui succédant au mois de mai 2018. Les échanges postérieurs portent d'ailleurs sur la dette de la société Litonor financial LTD envers M. [Z], les capacités de paiement de la société et sa volonté de céder le navire. Une discussion s'instaure également entre les parties dans les messages de juin et juillet 2018 sur la manière dont M. [Z] a exécuté sa prestation, Mme [D] lui reprochant le mauvais état du bateau et M. [Z] lui rétorquant que la société n'a pas envoyé les fonds nécessaires pour les bâches de protection.

Dans les quelques échanges produits, antérieurs à la fin de la relation contractuelle, M. [Z] se contente de faire savoir qu'il a terminé son contrat, suggère à Mme [D] le nom de '[X]' pour lui succéder et l'informe des démarches à réaliser auprès de la marina pour la suite.

Il s'ensuit que l'analyse de ces messages ne fait ressortir ni pouvoir de direction, ni pouvoir de sanction de la part de la société Litonor financial LTD. Le lien de subordination n'est donc pas établi par M. [Z].

Par conséquent, à défaut de la preuve d'un lien de subordination, M. [Z] échoue à démontrer la réunion de l'ensemble des critères permettant d'établir l'existence du contrat de travail dont il se prévaut.

Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il s'est déclaré matériellement incompétent pour connaître du litige.

Sur les frais du procès

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, M. [Z] sera condamné aux dépens de la présente instance.

Par conséquent, M. [Z] sera débouté de sa demande d'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant en dernier ressort, par arrêt rendu par défaut, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne M. [Z] aux dépens de la procédure d'appel,

Déboute M. [Z] de sa demande d'indemnité de procédure en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-5
Numéro d'arrêt : 21/13502
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;21.13502 ?
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