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20/06/2024 | FRANCE | N°19/16555

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 20 juin 2024, 19/16555


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024



N° 2024/







Rôle N° RG 19/16555 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFCMX







SA AXA FRANCE





C/



[B] [V]





















Copie exécutoire délivrée



le :



à :



Me Nathalie CENAC



Me Laure PERRET









Décision déférée à la Cou

r :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 05 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01321.





APPELANTE



SA AXA FRANCE, demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Nathalie CENAC de l'ASSOCIATION ASSOCIATION CENAC, CARRIERE & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PRO...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

N° 2024/

Rôle N° RG 19/16555 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFCMX

SA AXA FRANCE

C/

[B] [V]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Nathalie CENAC

Me Laure PERRET

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 05 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01321.

APPELANTE

SA AXA FRANCE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Nathalie CENAC de l'ASSOCIATION ASSOCIATION CENAC, CARRIERE & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [B] [V], né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 6] (54), demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Laure PERRET, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Avril 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Patricia CARTHIEUX.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024.

ARRÊT

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [B] [V] a souscrit une police d'assurance automobile n°657 289 25 04 auprès de la société d'assurances AXA le 10 février 2015 pour un véhicule de marque PORSCHE 911 immatriculé [Immatriculation 4].

Le 03 octobre 2015, ce véhicule a fait l'objet d'un sinistre, suite à une inondation reconnue comme étant une catastrophe naturelle, sinistre que Monsieur [V] a déclaré à sa compagnie d'assurance. Une expertise amiable confiée à la société BM Expertises a ainsi été diligentée.

Dans un rapport du 24 octobre 2015, la société BM Expertises a évalué la valeur résiduelle du véhicule à la somme de 70.512€ TTC.

Cependant, dans le cadre d'une enquête diligentée à la demande d'AXA, il est ensuite apparu que Monsieur [V] n'était pas le propriétaire du véhicule au moment du sinistre, mais que celui-ci avait été acquis le 11 février 2015 et immatriculé en préfecture par la SARL [V], exerçant une activité de négoce de véhicules d'occasion, ayant pour gérant Monsieur [B] [V].

La société GENEVE OCCASIONS s'est ensuite portée acquéreur du véhicule au prix de 70.512€ TTC, payé à Monsieur [V].

Reprochant à la société AXA de refuser de prendre en charge le reliquat d'indemnisation qu'il estime à 34.448€, Monsieur [V] l'a assignée, par exploit d'huissier délivré le 1er février 2017, devant le Tribunal de grande instance de GRASSE aux fins de le voir condamner à l'indemniser au titre du contrat d'assurance et pour résistance abusive.

Par jugement en date du 05 septembre 2019, le Tribunal de grande instance de GRASSE :

- DECLARE recevable l'action formée par Monsieur [B] [V] contre la compagnie d'assurance AXA FRANCE,

- DEBOUTE la compagnie d'assurance AXA FRANCE de sa demande de nullité du contrat d'assurance,

- DIT que les conditions de la garantie contre le sinistre du 10 février 2015 ayant endommagé le véhicule de marque Porsche 911 immatriculé DA 866 BA, souscrite auprès de la compagnie d'assurance AXA FRANCE aux termes du contrat d'assurance n°657 289 25 04 sont réunies ;

- CONDAMNE la compagnie d'assurance AXA FRANCE à payer à Monsieur [B] [V] la somme de 34.488 € (trente-quatre mille quatre cent quatre-vingt-huit euros) avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 28 octobre 2018, sur le fondement de l'article 1153-1 ancien du Code civil ;

- DEBOUTE Monsieur [B] [V] de sa demande de condamnation de la compagnie d'assurance AXA FRANCE à l'indemniser pour résistance abusive ;

- DEBOUTE la compagnie d'assurance AXA FRANCE de sa demande de condamnation de Monsieur [B] [V] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNE la compagnie d'assurance AXA FRANCE IARD à payer à Monsieur [V] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNE la compagnie d'assurance AXA France IARD aux entiers dépens ;

- ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration en date du 25 octobre 2019, la SA AXA France a formé appel de cette décision à l'encontre de Monsieur [B] [V] en ce qu'il a :

- déclaré recevable l'action formée par Monsieur [B] [V] contre la compagnie d'assurance AXA France ;

- débouté la compagnie d'assurance AXA France de sa demande de nullité du contrat d'assurance ;

- dit que les conditions de la garantie contre le sinistre du 10 Février 2015 ayant endommagé le véhicule de marque PORSCHE 911 immatriculé DA 866 BA, souscrite auprès de la compagnie d'assurance AXA France aux termes du contrat d'assurance n° 657 289 25 04 sont réunies ;

- condamné la compagnie d'assurance AXA France à payer à Monsieur [B] [V] la somme de 34.488,00 Euros (trente-quatre-mille-quatre-cent-quatre-vingt-huit euros) avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 28 Octobre 2018, sur le fondement de l'Article 1153-1 ancien du Code Civil ;

- débouté la compagnie AXA France de sa demande de condamnation de Monsieur [B] [V] sur le fondement de l'Article 700 du CPC ;

- condamné la compagnie d'assurance AXA France à payer à Monsieur [V] la somme de 2.000,00 Euros sur le fondement de l'Article 700 du CPC ;

- condamné la compagnie d'assurance AXA France aux entiers dépens.

***

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

La SA AXA France IARD, par conclusions notifiées le 17 janvier 2020 demande à la Cour de :

Vu les Articles 31 et 122 du CCP et l'Article L 125-1 du Code des Assurances,

Vu l'Article L 113-8 du Code des Assurances,

Vu les conditions particulières et générales de la police souscrite par Monsieur [V] le

10 Février 2015,

Dire et juger que le bénéficiaire de l'indemnité d'un sinistre de catastrophe naturelle est le propriétaire du bien sinistré.

En conséquence,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable l'action en paiement de l'indemnité d'assurance engagée par Monsieur [V], ce dernier n'ayant ni qualité ni intérêt à agir comme n'étant pas propriétaire du véhicule en cause.

Déclarer l'action de Monsieur [V] irrecevable quant à la demande en paiement de l'indemnité d'assurance.

Dire et juger que les déclarations de Monsieur [V] sur le statut réglementaire du véhicule, sur son activité professionnelle et sur l'usage du véhicule constituent des réticences et fausse déclaration intentionnelles.

Dire et juger que ces réticences et fausse déclaration intentionnelles ont changé l'objet du risque qui n'aurait pas été garanti s'il avait été exactement déclaré et ont diminué l'opinion de l'assureur sur le risque qui, s'il avait été assurable, n'aurait été garanti qu'à des conditions beaucoup plus onéreuses.

En conséquence,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la compagnie concluante tenue à garantie et en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'indemnités.

Déclarer nul le contrat du 10 Février 2015 en application de l'Article L 113-8 du Code des Assurances.

Décharger la compagnie concluante de toutes condamnations.

Condamner l'intimé à restituer le montant des sommes perçues au titre de l'exécution provisoire.

Subsidiairement,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [V] de sa demande de dommages intérêts pour résistance abusive.

Dire y avoir lieu à déduction de la franchise légale de 380,00 Euros de l'indemnité d'assurance.

Condamner Monsieur [V] au paiement d'une indemnité de 1.500,00 Euros en application de l'Article 700 du CPC et aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Nathalie Cénac, conformément aux dispositions de l'Article 699 du CPC.

A l'appui de ses demandes, la société AXA fait valoir qu'en matière de garantie du risque de catastrophe naturelle, le bénéficiaire de la garantie est le propriétaire du bien sinistré au moment du sinistre à l'exclusion de toute autre personne ; qu'en l'espèce Monsieur [V] n'était pas propriétaire du véhicule qui appartenait à la SARL [V]. Elle considère ainsi que la demande doit être déclarée irrecevable pour défaut de qualité à agir.

Elle soutient aussi que la demande de Monsieur [V] doit être considérée mal fondée et conclut que le contrat d'assurance doit être déclaré nul en cas de réticence ou de fausse déclaration de l'assuré lorsque celle-ci change le risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, même en l'absence d'influence sur le sinistre. Elle considère qu'en l'espèce, plusieurs fausses déclarations ont été faites par Monsieur [V] lors de la souscription de ce contrat ; que ces fausses déclarations ont bien changé l'objet du risque, notamment compte tenu du fait que Monsieur [V] exerçait l'activité de négociant en véhicules.

Monsieur [B] [V], par conclusions notifiées le 17 avril 2020 demande à la Cour de :

Vu les dispositions de l'article L 113-4 du Code des Assurances,

Vu les dispositions de l'article L 113-8 du Code des Assurances,

Vu les dispositions de l'articles L 113-9 du Code des Assurances,

A titre principal,

DIRE ET JUGER que la Compagnie AXA a manifesté de manière claire et non équivoque son consentement au maintien de l'assurance ;

Subsidiairement,

DIRE ET JUGER que, compte-tenu l'absence de mauvaise foi de Monsieur [V] et de l'absence de changement de l'objet du risque, les dispositions de l'article L.113-8 ne peuvent lui être opposées ;

Plus subsidiairement encore,

DIRE ET JUGER que la réduction proportionnelle, prévue par l'article L 113-9, ne peut en l'espèce être appliquée en l'absence de justification du mode de calcul en cas de changement du risque ;

En conséquence,

Par substitution de motifs éventuelle,

CONFIRMER la décision du Tribunal de Grande Instance de GRASSE du 5 septembre 2019 en qu'elle a condamné la Compagnie d'assurance AXA FRANCE à payer à Monsieur [B] [V] la somme de 34.488 € (TRENTE QUATRE MILLE QUATRE CENT QUATRE VINGT HUIT EUROS) avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 28 octobre 2018, sur le fondement de l'article 1153-1 ancien du Code civil ;

CONFIRMER la décision du Tribunal de Grande Instance de GRASSE du 5 septembre 2019 en qu'elle a condamné la Compagnie d'assurance AXA FRANCE à payer à Monsieur [V] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; outre aux entiers dépens.

REFORMER la décision du Tribunal de Grande Instance de GRASSE du 5 septembre 2019 en ce qu'elle a débouté Monsieur [V] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

En conséquence et statuant à nouveau,

CONDAMNER la Compagnie AXA à verser à Monsieur [V] la somme de 5.000€ à titre de légitimes dommages et intérêts pour résistance abusive ;

En tout état de cause,

LA CONDAMNER à la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

LA CONDAMNER aux entiers dépens.

Monsieur [V] conclut en premier lieu à la recevabilité de son action en ce qu'il avait un intérêt à la conservation de la chose et qu'il était le souscripteur du contrat d'assurance litigieux.

Sur l'application du contrat d'assurance, il fait valoir que la garantie est due par l'assureur ; qu'en effet AXA avait dans un premier temps admis l'application de cette garantie ; il soutient que les dispositions de l'article L113-8 du Code des assurances relatives aux fausses déclarations par l'assuré ne sont pas applicables à l'espèce en ce qu'il n'a dissimulé aucune information à son assureur et qu'il était bien assuré pour un usage privé et qu'il a eu de ce véhicule un usage conforme à celui qui avait été déclaré ; que la société AXA a pu faire une juste appréciation du risque lors de la souscription de ce contrat ; il considère également que la Cie AXA ne démontre pas en quoi la couverture du risque a été plus avantageuse pour lui. Il conclut ainsi à la confirmation de la première décision et sollicite en outre la condamnation de la société AXA à lui verser une indemnité compte tenu de sa résistance abusive.

L'affaire a été clôturée à la date du 11 mars 2024 et appelée en dernier lieu à l'audience du 16 avril 20204.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'action :

Selon l'article 30 du Code de procédure civile :

« L'action est le droit, pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée.

Pour l'adversaire, l'action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention ».

L'article 31 du même Code dispose que :

« L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ».

Et selon l'article 32 de ce Code, « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir »

Enfin, selon l'article L121-6 du Code des assurances, « toute personne ayant un intérêt à la conservation d'une chose peut la faire assurer ». Dès lors, les vérifications relatives à la propriété de la chose ne sont pas une condition à la conclusion d'un contrat d'assurance de même que la qualité de propriétaire n'est pas nécessairement une condition à la mise en 'uvre de la garantie au bénéfice de l'assuré suite à la réalisation d'un sinistre.

La société AXA soutient que si une recevabilité de l'action de Monsieur [V] peut être admise au titre de la contestation du déclinatoire de garantie et la demande de dommages et intérêts, cette action est cependant irrecevable s'agissant de la demande en paiement de l'indemnité au titre de la garantie catastrophe naturelle puisque celle-ci n'est due qu'au propriétaire du bien sinistré.

Au sens des articles précités, il convient de rappeler que l'existence d'un droit n'est pas une condition de recevabilité de l'action, mais une condition de son succès.

En l'espèce, il est constant que Monsieur [V] est personnellement le souscripteur du contrat d'assurance conclu le 10 février 2015 relatif au véhicule PORSCHE 911 CARRERA 4S PDK immatriculé [Immatriculation 4]. Il en résulte qu'il dispose incontestablement de la qualité nécessaire pour engager la présente action. S'agissant de son intérêt à agir, il n'est pas davantage contestable en ce qu'il avait un intérêt manifeste à la conservation du véhicule qu'il avait lui-même payé et dont il avait l'usage. Ainsi, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré l'action de Monsieur [V] recevable sans qu'il y ait lieu de distinguer, comme le demande la société AXA, entre le droit à garantie d'une part et la demande d'indemnité en paiement d'autre part.

Sur l'application de la garantie :

La société AXA fonde son refus de garantie sur l'application de l'article L113-8 du Code des assurances relatif à une réticence ou une fausse déclaration de l'assuré qui sanctionne ce comportement par une nullité du contrat. Elle soutient en outre que ces déclarations inexactes l'ont conduite à une mauvaise appréciation du risque.

Sur la nullité du contrat :

En application des dispositions de l'article L113-8 du Code des assurances :

« Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L. 132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.

Les primes payées demeurent alors acquises à l'assureur, qui a droit au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts.

Les dispositions du second alinéa du présent article ne sont pas applicables aux assurances sur la vie ».

En l'espèce, comme indiqué ci-dessus, le contrat litigieux a été souscrit par Monsieur [B] [V] le 10 février 2015 en son nom personnel et en tant que conducteur principal, cela pour un usage privé. Il est mentionné dans le contrat de souscription qu'il exerce la profession d'artisan-commerçant-gérant. Il est également mentionné que le véhicule est immatriculé [Immatriculation 4]. Ce contrat n°6572892504 a pris effet le 10 février 2015. Dans les garanties souscrites sont prévues les catastrophes naturelles avec indemnisation selon « valeur à dire d'expert ».

Le véhicule a donc été endommagé lors d'un sinistre survenu le 3 octobre 2015 du fait d'une « immersion en dessous de l'assise des sièges » lors d'un épisode de fortes pluies. Aux termes d'une expertise amiable réalisée le 24 octobre 2015, le véhicule a été estimé à 105.000€ TTC (valeur de remplacement à dire d'expert) et une offre d'acquisition a été faite par la société GENEVE OCCASION pour un prix de 75.012€.

La réalisation du rapport d'enquête de la SASU INDICE le 30 novembre 2015 sur demande de la société AXA a permis de constater que le véhicule litigieux avait été acquis par la SARL [V] le 11 février 2015 pour un prix de 103.000€, et immatriculé avec le « W Garage », le certificat d'immatriculation étant en outre établi au nom de cette SARL. Le paiement du véhicule avait cependant été fait par Monsieur [V] lui-même sur ses fonds personnels. Ce rapport considère que Monsieur [V], lors de la souscription du contrat avait trompé l'assureur sur le risque à garantir « en assurant cette Porsche 911 destinée à la revente comme un véhicule personnel pour usage privé ».

Le 16 novembre 2016, la société AXA a alors indiqué à Monsieur [V] qu'au vu des éléments recueillis, elle n'interviendrait pas dans la prise en charge de ce sinistre.

En premier lieu, il convient de relever que le premier juge a justement retenu que l'expertise amiable en vue de l'estimation de la valeur du véhicule n'a pas pu valoir consentement de l'assureur à la mise en 'uvre de la garantie. En effet, la réalisation de l'expertise et l'orientation vers une cession du véhicule par l'expert (la cession devant être faite par l'assuré), ne caractérise pas un consentement à garantie.

S'agissant de déclaration que la société AXA reproche à Monsieur [V] d'avoir faite, elle est en effet affectée d'anomalies. Ainsi, aux termes de la facture d'acquisition du 11 février 2015 et du rapport d'enquête amiable, mais rapportant des éléments factuels non contestés, le véhicule PORSCHE a été vendu à la SARL [V] et a fait l'objet d'une livraison en W n°W-392-GQ, données qui ne correspondent pas à celles reportées dans le contrat souscrit auprès de la société AXA. Comme l'a mentionné le premier juge, une vente de véhicule d'occasion à un professionnel donnant lieu à une livraison en W est soumise au régime de l'article 9b) de l'arrêté du 9 février 2009 relatif aux modalités d'immatriculation des véhicules. Selon cet article, la circulation du véhicule ainsi immatriculé n'est possible que dans les cas indiqués, lesquels ne correspondent pas à un usage privé, alors que Monsieur [V] ne conteste pas avoir adopté un tel usage de la PORSCHE et avoir parcouru avec celle-ci une distance de plus de 9.000 kilomètres.

Dès lors, en indiquant une immatriculation ordinaire (correspondant à l'immatriculation existante au moment de son acquisition) et une utilisation en vue d'un usage privé, Monsieur [V] a procédé à une déclaration donnant lieu à une discordance entre la situation juridique de ce véhicule exposée lors de son acquisition et celle portée à la connaissance de l'assureur : cela en ne mentionnant pas l'immatriculation W et en faisant état d'un usage privé alors que selon l'attestation qu'il a lui-même établie le 17 novembre 2015 dans le cadre du traitement de ce sinistre, « cette voiture était immatriculée avec mon W garage en attente de revente ».

Cependant, il doit être relevé que l'usage déclaré à l'assureur (usage privé), correspond effectivement à celui qui a été adopté par Monsieur [V] puisqu'entre l'acquisition le 11 février 2015 et le sinistre le 3 octobre 2015, il a parcouru la distance de 9.444km, distance correspondant à un usage privé et incompatible avec les possibilités de circulation restrictives résultant de l'application de l'article 9b) de l'arrêté du 9 février 2009. La nature de cet usage n'est par ailleurs pas contestée et aucun usage professionnel de ce véhicule n'est établi par les pièces versées à la procédure. Il doit également être relevé que Monsieur [V] s'est bien déclaré en tant que conducteur principal de ce véhicule dont la SARL [V] était titulaire de la carte grise, éléments bien mentionnés dans le contrat d'assurance.

Nonobstant la régularité d'une telle situation, il apparaît donc qu'au moment de la souscription du contrat, la société AXA était informée du fait que Monsieur [V] assurait pour un usage privé un véhicule immatriculé au nom de sa société. Il a mentionné de surcroît sa qualité d'artisan-commerçant-gérant de sorte qu'aucune dissimulation ou fausse déclaration ne peut lui être reprochée de ce fait, fût-ce à défaut d'avoir précisé qu'il se livrait à une activité de négoce en matière automobile. Il en résulte que seule l'immatriculation du véhicule constitue une déclaration manifestement inexacte en ce que l'immatriculation d'origine a été portée à la connaissance de l'assureur qui n'a pas été informé de la livraison en plaque « W » lors de l'acquisition. Cependant, il apparaît que cette immatriculation n'a pas été concrétisée par Monsieur [V] puisque l'immatriculation initiale [Immatriculation 5] était toujours en place lors du sinistre.

Or, l'article L113-8 du Code des assurances impose, pour qu'une nullité du contrat soit prononcée que la « fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre ».

Comme le rappellent les conditions générales du contrat produit par la société AXA, l'importance des déclarations faites par l'assuré lors de la souscription du contrat réside dans le fait que celles-ci « servent de base à notre acceptation et à notre tarification ». En l'espèce, la société AXA ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que les indications erronées dont elle se prévaut ont changé l'objet du risque assuré. Il n'est pas démontré en l'espèce que les indications du contrat non conformes aux circonstances d'acquisition du véhicule ont été de nature à modifier l'opinion sur le risque assuré, étant rappelé que les conditions d'usage de ce véhicule par Monsieur [V] ont été exactement portées à la connaissance de l'assureur.

Dès lors, si l'appelante expose qu'une police multirisque des professionnels de l'automobile souscrite quand la vente de véhicules d'occasion constitue une activité annexe à l'activité de vendeur de véhicules neufs et / ou de réparateur garagiste donne lieu à une tarification plus onéreuse qu'un police automobile ordinaire, elle ne justifie pas de ce qu'en l'espèce, les informations communiquées par Monsieur [V] ont donné lieu à une opinion sur l'objet du risque différent de celui qu'elle aurait dû avoir. De la même façon, la société AXA invoque les dispositions du Code des assurances spécialement applicables aux professionnels de la réparation, de la vente et du contrôle des véhicules et selon lesquelles des polices spécifiques doivent être souscrites pour les véhicules immatriculés en « W ». Cependant ces éléments sont sans incidence sur le présent litige dont l'objet est de déterminer si dans la souscription du contrat du 10 février 2015, Monsieur [V] a procédé à des déclarations inexactes susceptibles d'être sanctionnées par la nullité prévue par l'article L113-8 du Code des assurances.

Il y a donc lieu de confirmer la décision attaquée en ce qu'elle a débouté la société AXA France IARD de sa demande visant à avoir prononcer la nullité du contrat.

Sur la mise en 'uvre de la garantie :

La société AXA France IARD soutient que dans le cadre des sinistres liés à un état de catastrophe naturelle, le bénéficiaire de l'indemnité est le propriétaire du bien sinistré. Cependant, d'une part, par application de l'article L121-1 du Code des assurances, « l'assurance relative aux biens est un contrat d'indemnité ; l'indemnité due par l'assureur à l'assuré ne peut pas dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre ». En l'espèce, il est acquis que Monsieur [V] est le titulaire du contrat d'assurance dont la mise en 'uvre est sollicitée. Il est d'autre part acquis que Monsieur [V] a bien procédé au financement de la totalité du véhicule au moment de son acquisition. La situation administrative d'un véhicule, telle qu'elle résulte des conditions de son immatriculation et de son enregistrement auprès des services administratifs, ne se confond pas avec sa propriété.

Dès lors, en l'absence de motif de nullité du contrat d'assurance et à défaut de démonstration de la société AXA France IARD justifiant que la garantie catastrophe naturelle ne soit pas appliquée, il convient de dire que ladite garantie est bien applicable.

Le montant de la somme allouée par le premier juge au titre de l'exécution de ce contrat n'est pas contesté. Ce montant a en effet été déterminé par la différence entre la valeur du véhicule telle qu'elle a été fixée à dire d'expert (valeur de 105.000€ retenue par l'expertise amiable du 24 octobre 2015) et sa valeur résiduelle suite au sinistre (70.512€).

C'est en revanche à juste titre que la société AXA France IARD sollicite l'application de la franchise prévue aux termes du contrat à hauteur de « franchise d'état » ; elle fixe le montant de cette franchise à 380€ conformément aux dispositions de l'article Annexe I art. A125-1 du Code des assurances dans sa version applicable au sinistre.

Il sera donc fait droit à cette demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :

Monsieur [V] se prévaut d'une résistance fautive de la société AXA France IARD pour demander une condamnation de cette dernière à lui verser une somme de 5.000€ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Cependant, compte tenu des éléments évoqués ci-avant et notamment des inexactitudes qui ont affecté la souscription du contrat, il ne saurait être reproché à la société AXA France IARD une résistance abusive dans l'exécution de ce contrat, un débat judiciaire ayant été nécessaire afin de fixer les droits des parties.

Il convient de confirmer la décision attaquée en ce qu'elle a débouté Monsieur [B] [V] de ce chef de prétention.

Sur les demandes annexes :

Compte tenu de la solution du litige, il convient de condamner la société AXA France IARD à verser à Monsieur [B] [V] une somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société AXA France IARD sera également condamnée aux entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de grande instance de GRASSE en date du 5 septembre 2019 ;

Y ajoutant,

Dit que la franchise prévue pour les sinistres résultant d'une catastrophe naturelle sera appliquée conformément aux dispositions du contrat souscrit le 10 février 2015 ;

Condamne la société AXA France IARD à payer à [B] [V] une somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société AXA France IARD aux entiers dépens de l'instance.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024,

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et M. Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 19/16555
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;19.16555 ?
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