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20/06/2024 | FRANCE | N°19/01703

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 20 juin 2024, 19/01703


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024



N° 2024/151









Rôle N° RG 19/01703 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDWO5







Société FERAG AG





C/



[X] [P]

[G] [V]

SAS MAURY HOLDING

SASU ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION





















Copie exécutoire délivrée

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à :







Me Sébastien BADIE
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Me Jean-michel ROCHAS



Me Gilles MATHIEU





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de SALON-DE-PROVENCE en date du 11 Octobre 2018 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2015004660.





APPELANTE



SOCIETE FERAG AG

dont le siège social est sis [Adresse 5...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

N° 2024/151

Rôle N° RG 19/01703 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDWO5

Société FERAG AG

C/

[X] [P]

[G] [V]

SAS MAURY HOLDING

SASU ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sébastien BADIE

Me Jean-michel ROCHAS

Me Gilles MATHIEU

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de SALON-DE-PROVENCE en date du 11 Octobre 2018 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2015004660.

APPELANTE

SOCIETE FERAG AG

dont le siège social est sis [Adresse 5] - SUISSE, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Leopold RENARD de la SELARL SELARL RENARD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Me William ELLIS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMES

Maître [X] [P]

en sa qualité d'administrateur judiciaire de la Société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION désigné par le Jugement du Tribunal de Commerce de Salon du 29 juin 2017, avec pour mission de finaliser les actes de cessions.

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Jean-michel ROCHAS de la SCP DAYDE - PLANTARD - ROCHAS & VIRY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

Maître Eric VERRECCHIA

es-qualité de liquidateur judiciaire de la SASU ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION, demeurant Mandataire Judiciaire [Adresse 1]

représenté par Me Jean-michel ROCHAS de la SCP DAYDE - PLANTARD - ROCHAS & VIRY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

SAS MAURY HOLDING,

dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège

représentée par Me Gilles MATHIEU de la SELARL SELARL MATHIEU DABOT & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Karine DABOT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

SASU ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION

dont le siège social est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Avril 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Agnes VADROT, Conseillèrea fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

Madame Agnès VADROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024,

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société FERAG AG a vendu à la société IMPRIMERIE ROCKSON des appareils et équipements de production industriels d'imprimerie représentant un montant total de 2 155 000 euros, selon trois contrats, à savoir :

- un contrat de fourniture et d'installation B-8257 Ligne1 en date du 27 mai 2010 pour un montant de 1 040 625 euros,

- un contrat de fourniture et d'installation B-8257 Ligne 2 en date du 27 mai 2010 pour un montant de 759 375 euros, qui en août 2011 a fait l'objet d'un avenant prévoyant de nouvelles conditions de paiement et insérant une clause de réserve de propriété au profit de la société FERAG AG, laquelle clause a été inscrite au greffe du tribunal de commerce de Salon de Provence le 2 septembre 2011,

- un contrat de fourniture B-8422 MTL pour un montant de 355 000 euros ayant fait l'objet d'un avenant signé les 8 et 26 février 2011 prévoyant un échelonnement des paiements.

A compter du mois de janvier 2014, la société IMPRIMERIE ROCKSON ne s'est plus acquittée des échéances mensuelles dues à la société FERAG AG au titre des deux derniers contrats, seul le contrat B-8257 ligne 1 étant soldé à cette date.

Par jugement en date du 18 septembre 2014, la société IMPRIMERIE ROCKSON a été placée en redressement judiciaire. Maître [P] a été désigné en qualité d'administrateur judiciaire et Maître [V] en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement en date du 19 décembre 2014, le tribunal de commerce de Salon-de-Provence, décidant de retenir l'offre de la société MAURY HOLDING, a arrêté le plan de cession de la société IMPRIMERIE ROCKSON selon les modalités de cession contenues dans le rapport déposé par Maître [P] et dit que la cession interviendrait le cas échéant au profit de la société qui serait constituée par le repreneur.

Par jugement en date du 12 février 2015, la liquidation judiciaire de la société IMPRIMERIE ROCKSON a été prononcée et Maître [V] a été désigné en qualité de liquidateur.

Le 24 février 2015, l'acte de cession d'entreprise a été signé entre la société IMPRIMERIE ROCKSON et la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION constituée par la société MAURY HOLDING.

Par acte introductif en date du 19 août 2015, la société FERAG AG a assigné la société MAURY HOLDING et la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION devant le tribunal de commerce aux fins de les voir solidairement condamnées à lui payer la somme de 548 189,20 euros en principal assortie des intérêts au taux légal.

Le 1er décembre 2016, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION. Par jugement en date du 10 avril 2017, le tribunal de commerce retenant l'offre de reprise formulée par Monsieur [K] [I], a arrêté le plan de cession de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION, dont la liquidation judiciaire a été prononcée le 29 juin 2017.

Par courrier en date du 31 janvier 2017, la société FERAG AG a déclaré, dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'égard de ROCKSON ROTO SUD, une créance d'un montant de 563 189,20 euros à titre chirographaire. Le juge commissaire, saisi de la contestation, a par ordonnance en date du 23 octobre 2017 constaté l'existence d'une instance en cours.

Le 10 mai 2017, la société FERAG AG a par ailleurs déposé une requête aux fins de restitution de ses matériels objets du contrat B-8257 ligne 2 et du contrat B-8422 MTL devant le juge commissaire qui, par ordonnance en date du 18 septembre 2017, a sursis à statuer dans l'attente du jugement au fond.

La procédure au fond introduite le 19 août 2015 a été dénoncée aux mandataires judiciaires de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION.

Par jugement en date du 11 octobre 2018, le tribunal de commerce de Salon-de-Provence a débouté la société FERAG AG de ses demandes au motif que cette dernière, par application des dispositions spéciales du droit des procédures collectives n'était pas fondée à se prévaloir de sa créance auprès de la société ROCKSON SUD IMPRESSION qui ne pouvait être tenue des manquements antérieurs au plan de cession de la société IMPRIMERIE ROCKSON, en l'absence de toute déclaration au passif de cette dernière.

Les premiers juges ont, en outre, retenu que les contrats avaient été repris directement par la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION, créée à cet effet par la société MAURY HOLDING par substitution et sans qu'il y ait lieu à confusion entre les deux entreprises, de sorte que la société MAURY HOLDING n'était aucunement tenue par les engagements de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION envers la société FERAG AG.

Par déclaration en date du 28 janvier 2019, la société FERAG AG a interjeté appel de cette décision, dont elle sollicite l'infirmation en demandant à la cour de :

- juger sa demande bien fondée tant à l'égard de la société MAURY HOLDING en sa qualité de garante que de Maître [V] et Maître [P] en leur qualité respective de mandataire liquidateur et d'administrateur judiciaire de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION et, en conséquence, arrêter sa créance à l'égard de cette société à la somme de 548 189,20 euros en principal,

- condamner la société MAURY HOLDING en sa qualité de garant de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION à payer la somme de 548 189,20 euros en principal assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

- ordonner la restitution des biens objet du contrat B-8257 ligne 2 (module UTR) et du contrat B-8422MTL (module Multilog) dans le mois de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner solidairement la société MAURY HOLDING, Maître [V] et Maître [P] en leur qualité respective de mandataire liquidateur et d'administrateur judiciaire de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION, au paiement d'une somme de 16 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions déposées et notifiées par RPVA en date du 27 août 2019, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, la SAS MAURY HOLDING a, quant à elle, demandé à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 octobre 2018 par le tribunal de commerce de Salon-de-Provence qui a débouté la société FERAG de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société FERAG à payer à la société MAURY HOLDING la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Enfin, par conclusions déposées et notifiées par RPVA en date du 30 juillet 2019, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, Maître [V] ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION et Maître [X] [P] ès qualités d'administrateur judiciaire de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION, ont demandé à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Salon-de-Provence du 11 octobre 2018 en ce qu'il a rejeté les demandes de la société FERAG à l'encontre de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION,

- l'infirmer en ce qu'il a rejeté les demandes de la société FERAG visant la société MAURY HOLDING, celle-ci étant tenue de l'engagement qu'elle a souscrit dans le cadre du plan de cession de la société IMPRIMERIE ROCKSON, en sa qualité de seul et unique cessionnaire retenu par le tribunal par jugement du 19 décembre 2014 arrêtant le plan et les modalités de cession de l'entreprise au profit de la société MAURY HOLDING dont le siège social est [Adresse 3],

- condamner tout succombant à payer aux concluants 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Jean-Michel ROCHAS en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Les intimés font valoir que le crédit fournisseur accordé par la société FERAG AG, initialement à la société IMPRIMERIE ROCKSON, que les cessionnaires ont souhaité poursuivre, s'analyse avant tout comme un contrat de vente, puisque par ces contrats, la société FERAG a fourni et installé des matériels d'imprimerie à caractère industriel ; que ces contrats qui sont d'ailleurs intitulés contrat de « fourniture et d'installation » ont été conclus en 2010 et 2011, soit bien avant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société IMPRIMERIE ROCKSON par jugement du 18 septembre 2014. Ils relèvent que la société FERAG n'a pas déclaré sa créance malgré l'avis qui lui a été adressé par Maître [G] [V] ès qualités. Ils soutiennent que la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION ne saurait être condamnée à payer les sommes demandées par la société FERAG puisque le contrat qu'elle a conclu est un contrat de vente, qui ne peut s'analyser juridiquement comme un contrat en cours et bénéficier des dispositions favorables à ces actes.

Ils exposent en revanche que c'est à tort que le tribunal de commerce a rejeté la demande de la société FERAG en ce qu'elle vise la société MAURY HOLDING, dès lors que c'est cette dernière qui a été seule retenue par le tribunal comme cessionnaire, le fait qu'elle ait usé de la faculté de substitution autorisée par la juridiction ne la déchargeant pas de l'engagement pris en qualité de repreneur originaire.

La société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION, à laquelle une assignation a été délivrée le 13 février 2023 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat.

Par arrêt avant dire droit en date du 1er juin 2023, la cour a ordonné la réouverture des débats afin que les parties puissent s'expliquer contradictoirement sur les points qu'elle a soulevés ainsi que sur leurs conséquences juridiques.

La cour a ainsi notamment relevé qu'en l'état des éléments versés aux débats, et en l'absence de production du rapport de Maître [P], elle n'était pas en capacité de déterminer la nature et l'entendue des engagements souscrits par le repreneur, étant notamment précisé que l'administrateur judiciaire, auteur du rapport non produit fixant les modalités de la cession, semblait contester au « crédit fournisseur » figurant dans la liste des contrats repris la qualité de contrat en cours, et que la créance revendiquée par la société FERAG AG englobait des échéances qui étaient échues au jour de l'ouverture de la procédure collective de la société IMPRIMERIE ROCKSON et au plus fort au jour du jugement arrêtant le plan de cession.

Le rapport de Maître [P] [X] a été communiqué le 3 janvier 2024.

Par conclusions récapitulatives, après arrêt avant dire droit déposées et notifiées par RPVA en date du 11 mars 2024, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, la société FERAG AG demande à la cour, au visa des articles 1134,1650 et 2367 et suivants du code civil, l'article L624-10 et L642-9 du code de commerce, de :

- confirmer le jugement dont appel en ce que les premiers juges avaient déclaré sa demande recevable

- infirmer le jugement dont appel et le réformer en ce que les premiers juges l'ont déboutée de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société MAURY HOLDING et de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION,

- réformer le jugement en ce que les premiers juges l'ont condamnée à payer à la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION et à la société MAURY HOLDING la somme de 5000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens

Statuant à nouveau,

- dire et juger sa demande bien fondée tant à l'égard de la société MAURY HOLDING en sa qualité de garante que de Maître [V] et Maître [P] en leur qualité respective de mandataire liquidateur et d'administrateur judiciaire de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION et en conséquence, arrêter sa créance à l'égard de cette société à la somme de 548 189,20 euros en principal,

- condamner la société MAURY HOLDING en sa qualité de garant de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION à payer la somme de 548 189,20 euros en principal assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

- ordonner la restitution des biens objet du contrat B-8257 ligne 2 (module UTR) et du contrat B-8422MTL (module Multilog) dans le mois de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner solidairement la société MAURY HOLDING et Maître [V] et Maître [P] en leur qualité respective de mandataire liquidateur et d'administrateur judiciaire de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION au paiement d'une somme de 16 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'appelante expose que les premiers juges, qui ont relevé que la société MAURY HOLDING n'étaient aucunement tenue par les engagements de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION, ont omis de prendre en compte le fait que :

- le jugement du 18 décembre 2014, qui a force de loi, a ordonné la cession de l'entreprise IMPRIMERIE ROCKSON au bénéfice du groupe MAURY avec faculté de substitution au bénéfice d'une société en cours d'immatriculation,

- MAURY HOLDING s'est engagée en qualité de garant,

-la reprise de MAURY HOLDING portait sur tous les contrats en cours, dont celui avec FERAG AG.

Pour contester la décision des premiers juges qui l'ont déboutée de ses demandes au motif qu'elle n'avait pas fait de déclaration de créance au passif de la société IMPRIMERIE ROCKSON, elle relève que si les sommes dont la condamnation est sollicitée étaient initialement dues par la société IMPRIMERIE ROCKSON, elles le sont désormais par le repreneur du fait de l'obligation de poursuite des contrats en cours, selon jugement arrêtant le plan.

Elle soutient ainsi que le fondement de son action n'est pas les sommes qui pourraient être dues par IMPRIMERIE ROCKSON au moment de son redressement judiciaire mais le contrat repris par les sociétés ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION et MAURY HOLDING lors du plan de cession homologué le 19 décembre 2014 et qu'elles se devaient de poursuivre et d'exécuter en payant les échéances contractuelles.

Elle relève que le rapport de Maître [P] demandé par la cour dans son arrêt avant dire droit confirme que la reprise contenait les contrats en cours avec FERAG AG.

Elle en déduit que l'absence de déclaration de créance au redressement judiciaire d'IMPRIMERIE ROCKSON ne la prive pas de son droit à agir dès lors que son action se cantonne aux défaillances du seul repreneur à l'égard duquel elle a effectué une déclaration de créance le 31 janvier 2017. Elle précise qu'aucun règlement n'ayant été effectué par le repreneur, la dette de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION s'avère être identique à celle de la société IMPRESSION ROCKSON au jour de l'ouverture de son redressement judiciaire. Elle demande en conséquence que sa créance soit validée et fixée à la somme de 548 189,20 euros.

Elle soutient par ailleurs que le défaut de déclaration évoqué est sans effet sur son droit de propriété sur les matériels puisque, au vu des dispositions contractuelles, elle demeurait propriétaire de ces équipements jusqu'au complet règlement du crédit fournisseur qu'elle avait consenti ; que ces équipements n'ayant été que partiellement réglés, elle est restée propriétaire des biens objets des contrats B-8257 ligne 2 et B-8422 et qu'elle n'a donc jamais pu consentir par définition à leur abandon fut-ce dans le cadre d'un plan de cession de l'entreprise IMPRIMERIE ROCKSON à un tiers. Elle ajoute que c'est uniquement le transfert des contrats en cours qui a été retenu par le tribunal dans le plan de reprise par MAURY HOLDING et que les équipements n'ont pas pu faire partie de la cession des éléments corporels et incorporels de l'entreprise IMPRIMERIE ROCKSON.

La société FERAG AG souligne à cet égard qu'au jour de l'ouverture du redressement judiciaire la société IMPRIMERIE ROCKSON avait trois crédits fournisseur : l'un avec la société KBA pour la fourniture de rotatives, le second avec la société SEGBERT pour un montant de 449 757 euros et le troisième avec elle pour un montant de 449 757 euros correspondant à la fourniture d'équipements en vertu des deux contrats susvisés. Elle relève que dans son offre de reprise la société MAURY HOLDING a accepté de payer la somme de 4 300 000 euros à la société KBA pour acquérir les rotatives alors qu'elle n'a formulé aucune offre d'achat de son matériel et qu'elle n'avait, en sa qualité de repreneur, qu'à poursuivre le contrat existant puisque celui-ci faisait l'objet des contrats repris et non exclus.

La société FERAG SA ajoute que dès lors qu'elle est restée propriétaire de son matériel et que le contrat a été repris, elle a un intérêt à agir à l'égard de la procédure collective de ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION et donc de son garant MAURY HOLDING sur le fondement de la responsabilité contractuelle et des articles 1134, 1650 et 2367 et suivants du code civil pour obtenir le paiement des sommes qui lui restent dues pour non-exécution du contrat en cours repris par le repreneur et que du fait de la procédure collective ultérieurement ouverte à l'égard du repreneur, elle est fondée à faire arrêter sa créance à l'égard de ce dernier et à revendiquer la propriété du matériel qui ne lui a pas été intégralement payé.

Elle soutient à titre subsidiaire que les conditions de l'enrichissement sans cause sont remplies.

Par conclusions après arrêt avant dire droit déposées et notifiées par RPVA le 13 mars 2024, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, la SAS MAURY HOLDING demande à la cour de : 

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 octobre 2018 par le tribunal de commerce de Salon-de-Provence qui a débouté la société FERAG de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société FERAG à payer à la société MAURY HOLDING la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société MAURY HOLDING sollicite tout d'abord sa mise hors de cause considérant qu'aucun lien contractuel ne la lie à la société FERAG AG dès lors que les conventions sur le fondement desquelles la société FERAG AG sollicite le paiement de la somme de 548 189 euros ont initialement été conclues avec la société IMPRIMERIE ROCKSON puis ont été transférées dans le cadre du plan de cession à la société ROCKSON SUD IMPRESSION qui s'est substituée à elle.

Elle conteste l'argument adverse consistant à dire qu'elle serait garante de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION au motif que le jugement du 19 décembre 2014 aurait indiqué que MAURY HOLDING qui disposait d'une faculté de substitution devait rester garante du paiement du prix. Elle fait valoir qu'il n'est nullement indiqué que la société MAURY HOLDING serait garante de la bonne exécution du contrat conclu avec la société FERAG AG. Elle ajoute que les obligations de l'auteur de l'offre se limitent à celles prévues dans son offre tel qu'en dispose l'article L. 642-9 alinéa 3 du code de commerce.

Elle relève ensuite que la société FERAG AG, qui ne justifie par avoir déclaré sa créance au passif de la procédure collective de la société IMPRIMERIE ROCKSON, réclame une somme correspondant aux factures impayées par cette dernière antérieurement à l'adoption du plan de cession. Elle soutient qu'elle ne peut fonder son action sur les articles 1134 et suivants du code civil qui sont des dispositions à caractère général ne pouvant s'appliquer en matière de procédures collectives qui relèvent exclusivement du code de commerce.

Elle soutient, qu'étant parfaitement informée de la procédure collective de la société IMPRIMERIE ROCKSON, la société FERAG AG aurait dû déclarer sa créance entre les mains du mandataire judiciaire conformément à l'article L. 622-24 du code de commerce et pouvait par ailleurs revendiquer la propriété des biens objets du contrat voire en demander la restitution conformément aux articles L. 624-9 et L. 624-10 du code de commerce.

Elle ajoute que seul l'article L. 642-7 du code de commerce relatif au sort des contrats transférés dans le cadre d'un plan de cession trouve à s'appliquer.

Elle conclut au regard de ces éléments que le jugement ayant ordonné la cession étant désormais irrévocable, la société FERAG AG est irrecevable à lui opposer le montant de la créance qu'elle détenait sur la société IMPRIMERIE ROCKSON au visa des articles 1134 et suivants, 1650 et 2367 du code civil.

La SAS MAURY HOLDING expose, s'agissant de la demande subsidiaire fondée sur l'enrichissement sans cause, que la société FERAG AG n'est pas fondée à agir à l'encontre du cessionnaire dès lors que sa créance n'a pas été déclarée. Elle ajoute que si enrichissement il y a, il a bien une cause à savoir le jugement ayant arrêté le plan de cession et qui est définitif.

Elle expose en outre que la société FERAG ne rapporte pas la preuve du bien-fondé de sa créance qu'elle n'a pas déclarée, rappelant qu'en application des dispositions relatives aux procédures collectives et en application de la jurisprudence de la cour de cassation, les sociétés MAURY HOLDING et ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION ne sauraient être tenues des manquements antérieurs au plan de cession qui, concernant les impayés, auraient dû faire l'objet d'une déclaration au passif de la société IMPRIMERIE ROCKSON.

Elle expose enfin que sur le fondement de l'article L. 624-9 et suivants du code de commerce ainsi que des contrats la liant à la société IMPRIMERIE ROCKSON, la société FERAG AG disposait d'un délai de 3 mois à compter de la publication du jugement ouvrant la procédure collective de ladite société pour saisir l'organe de la procédure compétent pour faire valoir son action en revendication ; que n'ayant pas agi au stade de la procédure collective, elle a accepté le transfert de ces biens à la société ROCKSON et n'est plus fondée à en demander le paiement sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Elle ajoute qu'il n'est pas contestable que la société FERAG AG a commis une multitude de fautes grossières qui ne l'ont pas mise en mesure de faire valoir ses droits et rappelle que la faute du prétendu appauvri rend légitime la cause du prétendu enrichissement.

Elle ajoute que l'article L. 642-12 du code de commerce, visé dans l'arrêt avant dire droit, s'applique aux créances déclarées au passif du débiteur du plan de cession, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque la société FERAG n'a pas déclaré sa créance au passif de la société IMPRIMERIE ROCKSON, de sorte qu'ignorant l'existence même de cette dette le repreneur n'a forcément pas pu l'intégrer dans son offre de reprise, précisant que s'il en avait eu connaissance son offre aurait été différente.

Elle relève que le rapport de Maître [P], sollicité par la cour, est parfaitement clair au sujet de l'absence de transfert de sûreté, au sens de l'article L. 642-12 alinéa 4 du code de commerce, au cessionnaire lors de l'adoption du plan de cession de la société IMPRIMERIE ROCKSON.

Maître [V] ès qualités de mandataire judiciaire au redressement de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION et Maître [X] [P] ès qualités d'administrateur judiciaire de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION n'ont pas déposé de nouvelles écritures postérieurement à l'arrêt avant dire droit.

La société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION est défaillante.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Il résulte des éléments versés aux débats que :

- par jugement en date du 19 décembre 2014, le tribunal de commerce de Salon-de-Provence a retenu l'offre formulée par la société MAURY HOLDING, la cession devant intervenir au profit de la société constituée par le repreneur selon les modalités contenues dans le rapport déposé par Maître [P] [X] représentant la SCP DOUHAIRE-AVAZERI, lequel prévoyait, conformément aux dispositions de l'article L. 642-7 du code de commerce, le maintien des contrats nécessaires à l'activité, dont il n'est pas contesté que les contrats B-8257 ligne 2 et B-8422 MTL faisaient partie.

- l'acte de cession correspondant a été signé le 24 février 2015 entre, d'une part, la société IMPRIMERIE ROCKSON assistée de Maître [X] [P], ès qualités, et d'autre part la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION, créée à cet effet par la société MAURY HOLDING.

Il résulte de l'article L. 642-9 alinéa 3 du code de commerce que l'auteur de l'offre retenue par le tribunal de commerce, autorisé à se substituer un tiers cessionnaire, reste garant solidairement de l'exécution des engagements qu'il a souscrits dans sa proposition de reprise, parmi lesquels ceux relatifs à la poursuite des contrats qui y figurent en application de l'article L. 642-2 II 1° du même code et dont la cession a été ordonnée par le jugement arrêtant le plan ; que l'engagement de poursuivre les contrats résultant du plan arrêté par le tribunal de commerce ne saurait cependant s'étendre à la garantie, envers les cocontractants cédés, de la bonne exécution des obligations en résultant par le cessionnaire substitué ; qu'il s'en déduit, en l'absence de constatation d'un engagement exprès de la société MAURY HOLDING de garantir la bonne exécution des contrats par le repreneur substitué, que c'est par une juste appréciation que le tribunal de commerce a jugé que la société MAURY HOLDING n'était aucunement tenue par les engagements pris par la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION envers la société FERAG AG, et a débouté cette dernière de toutes ses demandes à son encontre.

2/ Il est constant, qu'en l'absence de clause spéciale de l'acte stipulant l'engagement de payer une dette du cédant, le cessionnaire de l'entreprise en procédure collective, n'est pas tenu de régler le passif du débiteur antérieur à la cession.

En l'espèce, il ne résulte aucunement des pièces produites que la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION s'est engagée à reprendre les dettes antérieures à l'acte de cession.

Il s'en déduit qu'elle ne peut être redevable que des échéances dues à compter de la reprise et que l'appréciation de la cour -saisie d'une demande tendant à voir arrêter la créance de société FERAG AG à l'encontre de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION et à voir la société MAURY HOLDING condamnée en sa qualité de garant à lui payer la somme correspondante assortie des intérêts au taux légal- ne peut porter que sur celles-ci.

La cour constate d'une part que la créance revendiquée par la société FERAG AG englobe des échéances qui étaient échues au jour de l'ouverture de la procédure collective de la société IMPRIMERIE ROCKSON et au plus fort au jour du jugement arrêtant le plan de cession, lesquelles auraient dû à ce titre faire l'objet d'une déclaration au passif de la société IMPRIMERIE ROCKSON conformément à l'article L. 622-24 du code de commerce, et d'autre part qu'il n'est pas justifié d'une créance chiffrée postérieure à l'acte de cession.

Il en résulte que la société FERAG AG doit être déboutée de sa demande.

3/ La société FERAG AG demande que soit ordonnée la restitution des biens objet du contrat B-8257 ligne 2 (module UTR) et du contrat B-8422MTL (module Multilog) dans le mois de la signification de l'arrêt à intervenir.

Cette demande, qui est nouvelle à hauteur d'appel, ne relève pas de la compétence de la cour et doit être tranchée par le juge commissaire, précédemment saisi par la société FERAG AG par requête du 10 mai 2017 de cette demande et qui a, par ordonnance en date du 18 septembre 2017, sursis à statuer dans l'attente du jugement au fond.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société FERAG AG qui succombe sera condamnée aux dépens.

Elle se trouve ainsi infondée en ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au vu des circonstances de l'espèce, il serait inéquitable de laisser supporter à Maître [V] ès qualités de mandataire judiciaire au redressement de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION et à Maître [X] [P] ès qualités d'administrateur judiciaire de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION, l'intégralité des frais qu'ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

La société FERAG AG sera condamnée à leur verser, à chacun, la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au vu des circonstances de l'espèce, il serait inéquitable de laisser supporter à la société MAURY HOLDING l'intégralité des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

La société FERAG AG sera condamnée à lui verser la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Salon de Provence en date du 11 octobre 2018 ;

Et y ajoutant,

SE DÉCLARE incompétente pour statuer sur la demande de restitution formée par la société FERAG AG ;

DÉCLARE la société FERAG AG infondée en ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la société FERAG AG à verser à Maître [V] ès qualités de mandataire judiciaire au redressement de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION et à Maître [X] [P] ès qualités d'administrateur judiciaire de la société ROCKSON ROTO SUD IMPRESSION la somme de 2000 euros chacune, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la société FERAG AG à verser à la société MAURY HOLDING la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société FERAG AG aux dépens et fait application, en tant que de besoin, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-2
Numéro d'arrêt : 19/01703
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;19.01703 ?
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