COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 2-4
ARRÊT AU FOND
DU 19 JUIN 2024
N° 2024/153
Rôle N° RG 23/15608 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMJ4E
[V] [P]
[O] [P]
[S] [P]
C/
[I] [T] [D] [C] veuve [P]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Carine LEXTRAIT
Me Isabelle FICI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal judiciaire de TOULON en date du 28 Novembre 2023 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 23/01397.
APPELANTES
Madame [V] [P]
née le [Date naissance 9] 1982 à [Localité 16]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Carine LEXTRAIT, avocat au barreau de TOULON (avocat postulant) et plaidant par Me Priscillia FERNANDES, avocat au barreau de PARIS
Madame [O] [P]
née le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 16]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 12]
représentée par Me Carine LEXTRAIT, avocat au barreau de TOULON (avocat postulant) et plaidant par Me Priscillia FERNANDES, avocat au barreau de PARIS
Madame [S] [P]
née le [Date naissance 8] 1986 à [Localité 16]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 13]
représentée par Me Carine LEXTRAIT, avocat au barreau de TOULON (avocat postulant) et plaidant par Me Priscillia FERNANDES, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Madame [I] [T] [D] [C] veuve [P]
née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 15], demeurant [Adresse 10]
représentée Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE (avocat postulant) substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me Yves FARRAN de la SCP DUTTLINGER-FAIVRE, avocat au barreau de PARIS,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Mai 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Nathalie BOUTARD, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Michèle JAILLET, Présidente
Madame Nathalie BOUTARD, Conseillère
Mme Pascale BOYER, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Fabienne NIETO.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2024,
Signé par Madame Michèle JAILLET, Présidente et Mme Fabienne NIETO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
[U] [P] est décédé le [Date décès 7] 2021 à [Localité 18] (83), laissant pour lui succéder sa seconde épouse, Mme [I] [C], avec qui il s'était marié le [Date mariage 3] 2001 à [Localité 19] (92), sous le régime de la séparation de biens, et trois filles issues d'une précédente union dissoute par divorce :
Mme [V] [P], née le [Date naissance 9] 1982 à [Localité 16] (92),
Mme [O] [P], née le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 16],
Mme [S] [P], née le [Date naissance 8] 1986 à [Localité 16].
Les époux étaient propriétaires d'un bien situé à [Localité 17], acquis en indivision à hauteur de 50% chacun, et d'une maison située à [Localité 19].
Par testament olographe du 24 septembre 2019, [U] [P] a révoqué toutes ses dispositions antérieures et légué à sa seconde épouse sa quote-part dans le bien indivis, en précisant expressément que ce legs s'intégrerait dans la quote-part de son épouse.
Il faisait l'objet depuis le 29 octobre 2020 d'une mesure de sauvegarde de justice décidée pour la durée de l'instance par le juge des tutelles de Toulon.
En raison du conflit aigu entre les parties, l'acte de décès n'a été dressé que le 27 avril 2022 et le défunt incinéré le 22 septembre 2022.
La situation d'indivision successorale est donc la suivante :
Le conjoint survivant est titulaire d'1/4 en pleine propriété et légataire d'attribution de la moitié de la maison d'[Localité 17],
Les filles du défunt recueillent les ¿ de la succession de leur père.
Le 08 août 2022, Mme [I] [C] a fait le choix de bénéficier de l'usage du bien immobilier à titre de viager.
Par acte de commissaire de justice en date du 05 juillet 2022, les consorts [P] ont assigné Mme [I] [C] devant le président du tribunal judiciaire de Toulon dans le cadre de la procédure accélérée au fond aux fins de débloquer sur les fonds de l'indivision la somme de 200 000 € détenue par le notaire, de les autoriser à vendre un bien immobilier indivis situé à Montrouge et de condamner la défenderesse à une indemnité d'occupation d'un montant de 63 940 € au titre de l'occupation exclusive de ce bien indivis depuis la mort de leur père.
Par jugement contradictoire du 28 novembre 2023, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, le président du tribunal judiciaire de Toulon a :
Débouté Madame [V] [P], Madame [O] [P] et Madame [S] [P] de la demande tendant à ordonner à Maître [H] [M] Notaire à [Localité 17] et à Maître [J] [K] Notaire à [Localité 20] de débloquer la somme de 200 000 € sur les fonds de l'indivision successorale,
Donné acte à Madame [C] veuve [P] de son accord pour la vente de la maison sise [Adresse 11], cadastrée section C [Cadastre 4] et C [Cadastre 5] lot 2 au prix de 1 500 000 €,
Dit que cette vente confiée à au moins trois agences se fera selon les modalités suivantes :
- à compter de la décision à intervenir au prix de 1 500 000 € et accepter toute offre d'achat formulée entre 1 350 000 € et 1 500 000 € net vendeur ou toute autre offre supérieure,
- dans l'hypothèse où la vente dudit bien ne devrait pas intervenir dans un délai de 45 jours après la signature des premiers mandats de vente par les demanderesses, les autoriser à diminuer son prix de mise en vente à 1 400 000 € et à accepter toute offre d'achat formulée entre 1 200 000 € et 1 400 000 € net vendeur ou tout autre offre supérieure,
- dans l'hypothèse où la vente dudit bien ne devrait pas intervenir dans un délai de 90 jours après la signature des premiers mandats de vente par les demanderesses, les autoriser à diminuer son prix de mise en vente à 1 300 000 € et à accepter toute offre d'achat formulée entre 1 100 000 € et 1 300 000 € net vendeur ou tout autre offre supérieure.
Ordonné le séquestre du prix de vente dudit bien entre les mains de Maître [L] [W], Notaire à [Localité 14] (94) le temps « de du » règlement de la succession de Monsieur [P] à charge pour elle de :
- régulariser une déclaration de succession et régler les droits de mutation de la succession de Monsieur [U] [P] ainsi que les éventuelles pénalités et intérêts de retard,
- régler la dette due au centre hospitalier de [Localité 23] à hauteur de 6870 € à charge de créance contre le conjoint survivant au moment des comptes entre les parties ,
- régler la moitié des mensualités de l'achat à terme de la maison d'[Localité 17] à hauteur de 1067 € par mois (2134 €/2) sauf à prendre en compte l'indexation et en cas de carence de règlement par Madame [I] [C] veuve [P] de sa quote-part, régler la totalité de la mensualité à hauteur de 2 134 € sauf à prendre en compte l'indexation, à charge de créances à son encontre moment des comptes entre les parties,
Débouté Madame [V] [P], Madame [O] [P] et Madame [S] [P] de leur demande d'indemnité d`occupation du bien sis [Adresse 11], cadastré section C [Cadastre 4] et C [Cadastre 5] lot 2,
Débouté Madame [V] [P], Madame [O] [P] et Madame [S] [P] de leur demande présentée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Débouté Madame [I] [C] veuve [P] de sa demande présentée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamné Madame [V] [P], Madame [O] [P] et Madame [S] [P] aux dépens dont le coût sera intégré aux opérations de liquidation de la succession.
Les parties n'ont pas justifié de la signification.
Par déclaration reçue le 19 décembre 2023, les consorts [P] ont interjeté appel de cette décision.
La procédure concernant un appel contre un jugement rendu dans la cadre de la procédure accélérée au fond, l'affaire a, par avis du 10 janvier 2024, été fixée à bref délai selon les dispositions de l'article 905 du code de procédure civile à l'audience du 22 mai 2024.
La déclaration d'appel et l'avis de fixation à bref délai ont été signifiés par acte de commissaire de justice remis à personne à l'intimée le 12 janvier 2024.
Dans le dernier état de leurs conclusions récapitulatives déposées par voie électronique le 23 janvier 2024, et signifiées par acte de commissaire de justice à personne à l'intimée le 31janvier 2024, les appelantes demandent à la cour de :
Vu l'article 481-1 du Code de procédure civile,
Vu l'article 815-6 du Code civil,
Vu l'article 815-9 du Code civil,
Vu le jugement du 28 novembre 2023,
DECLARER l'appel interjeté par Madame [V] [P], Madame [O] [P] et Madame [S] [P] recevable et bien-fondé ;
INFIRMER le jugement du 28 novembre 2023 prononcé par le Président du Tribunal Judiciaire de TOULON, statuant selon la procédure au fond (RG 23/01397) en ce qu'il a :
Débouté Madame [V] [P], Madame [O] [P] et Madame [S] [P] de la demande tendant à ordonner à Maître [H] [M] Notaire à [Localité 17] et à Maître [J] [K] Notaire à [Localité 20] de débloquer la somme de 200 000 € sur les fonds de l'indivision successorale,
Donné acte à Madame [C] veuve [P] de son accord pour la vente de la maison sise [Adresse 11], cadastrée section C [Cadastre 4] et C [Cadastre 5] lot 2 au prix de 1 500 000 €,
Dit que cette vente confiée à au moins trois agences se fera selon les modalités suivantes :
- à compter de la décision à intervenir au prix de 1 500 000 € et accepter toute offre d'achat formulée entre 1 350 000 € et 1 500 000 € net vendeur ou toute autre offre supérieure,
- dans l'hypothèse où la vente dudit bien ne devrait pas intervenir dans un délai de 45 jours après la signature des premiers mandats de vente par les demanderesses, les autoriser à diminuer son prix de mise en vente à 1 400 000 € et à accepter toute offre d'achat formulée entre 1 200 000 € et 1 400 000 € net vendeur ou tout autre offre supérieure,
- dans l'hypothèse où la vente dudit bien ne devrait pas intervenir dans un délai de 90 jours après la signature des premiers mandats de vente par les demanderesses, les autoriser à diminuer son prix de mise en vente à 1 300 000 € et à accepter toute offre d'achat formulée entre 1 100 000 € et 1 300 000 € net vendeur ou tout autre offre supérieure.
Ordonné le séquestre du prix de vente dudit bien entre les mains de Maître [L] [W], Notaire à [Localité 14] (94) le temps « de du » règlement de la succession de Monsieur [P] à charge pour elle de :
- régulariser une déclaration de succession et régler les droits de mutation de la succession de Monsieur [U] [P] ainsi que les éventuelles pénalités et intérêts de retard,
- régler la dette due au centre hospitalier de [Localité 23] à hauteur de 6870 € à charge de créance contre le conjoint survivant au moment des comptes entre les parties ,
- régler la moitié des mensualités de l'achat à terme de la maison d'[Localité 17] à hauteur de 1067 € par mois (2134 €/2) sauf à prendre en compte l'indexation et en cas de carence de règlement par Madame [I] [C] veuve [P] de sa quote-part, régler la totalité de la mensualité à hauteur de 2 134 € sauf à prendre en compte l'indexation, à charge de créances à son encontre moment des comptes entre les parties,
« Débouté Madame [V] [P], Madame [O] [P] et Madame [S] [P] de leur demande de régler tout autre passif mettant en péril l'intérêt commun de l'indivision successorale grâce aux fonds indivis séquestrés »,
Débouté Madame [V] [P], Madame [O] [P] et Madame [S] [P] de leur demande d'indemnité d`occupation du bien sis [Adresse 11], cadastré section C [Cadastre 4] et C [Cadastre 5] lot 2,
Débouté Madame [V] [P], Madame [O] [P] et Madame [S] [P] de leur demande présentée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Débouté Madame [I] [C] veuve [P] de sa demande présentée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamné Madame [V] [P], Madame [O] [P] et Madame [S] [P] aux dépens dont le coût sera intégré aux opérations de liquidation de la succession.
Et, statuant à nouveau :
- DECLARER les demandes de Madame [V] [P], Madame [O] [P] et Madame [S] [P] recevables et bien-fondées,
- AUTORISER Madame [V] [P], Madame [O] [P] et Madame [S] [P] à débloquer la somme de 200.000 € sur les fonds de l'indivision successorale séquestrés chez Maître [J] [K], Notaire à [Localité 21] ou Maître [N] [F], Notaire à [Localité 22] ou tout autre Notaire détenant les fonds indivis de la succession, aux fins de régularisation de la déclaration de succession de Monsieur [U] [P], de règlement des droits de mutation et de tout autre passif indivis urgent,
En conséquence,
- ORDONNER à Maître [J] [K], Notaire à [Localité 21] ou Maître [N] [F], Notaire à [Localité 22] ou tout autre Notaire détenant les fonds indivis de la succession, de débloquer de la somme de 200.000 € entre les mains de Maître [L] [W], Notaire à [Localité 14] (94),
ET,
- AUTORISER Madame [V] [P], Madame [O] [P] et Madame [S] [P] à procéder seules à la mise en vente du bien indivis situé sis [Adresse 11], cadastré section C[Cadastre 4] à [Cadastre 5] lot 2, en régularisant seules tout acte nécessaire à cet effet et particulièrement la signature des mandats de vente auprès des agences de leur choix, du compromis de vente et la réitération par acte authentique de vente,
- AUTORISER Madame [V] [P], Madame [O] [P] et Madame [S] [P] à mettre seules en vente ledit bien :
o à compter de la décision à intervenir au prix de 1.500.000 € et à accepter toute offre d'achat formulée entre 1.350.000 € et 1.500.000 € net vendeur ou toute autre offre supérieure,
o dans l'hypothèse où la vente dudit bien ne devait pas intervenir dans un délai de 45 jours après la signature des premiers mandats de vente par les appelantes, les autoriser à diminuer son prix de mise en vente à 1.400.000 € et à accepter toute offre d'achat formulée entre 1.200.000 € et 1.400.000 € net vendeur, ou toute autre offre supérieure,
o dans l'hypothèse où la vente dudit bien ne devait pas intervenir dans un délai de 90 jours après la signature des premiers mandats de vente par les appelantes, les autoriser à diminuer son prix de mise en vente à 1.300.000 € et à accepter toute offre d'achat formulée entre 1.100.000 € et 1.300.000 € net vendeur, ou toute autre offre supérieure,
- ORDONNER le séquestre du prix de vente dudit bien entre les mains de Maître [L] [W], Notaire à [Localité 14] (94), le temps du règlement de la succession de Monsieur [U] [P], à charge pour elle de :
' Régulariser une déclaration de succession et régler les droits de mutation de la succession de Monsieur [U] [P], ainsi que les pénalités et intérêts de retard,
' Régler la dette due au centre hospitalier de [Localité 23] à hauteur de 6.870 €, à charge de créance contre le conjoint survivant au moment des comptes entre les parties,
' Régler tout autre passif mettant en péril l'intérêt commun de l'indivision successorale,
- CONDAMNER Madame [I] [C] à verser à l'indivision successorale la somme de 63.940 € (80% de 3.475 € x 23 mois) au titre de son occupation privative du bien indivis sis [Adresse 11], cadastré section C[Cadastre 4] à [Cadastre 5] lot 2 depuis le décès de Monsieur [U] [P] le [Date décès 7] 2021 jusqu'au mois de juillet 2023 inclus,
- RAPPELER que l'exécution provisoire de la décision à intervenir est de droit,
- CONDAMNER Madame [I] [C] à verser à Madame [V] [P], Madame [O] [P] et Madame [S] [P] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- CONDAMNER Madame [I] [C] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Carine LEXTRAIT, Avocat au Barreau de TOULON.
Mme [I] [C] a constitué avocat le 05 mars 2024.
La procédure a été clôturée le 17 avril 2024.
Dans ses seules écritures transmises par voie électronique le 02 mai 2024, l'intimée sollicite de la cour de :
Vu l'article 815-6 du Code civil,
Vu la Jurisprudence citée
Vu les pièces versées aux débats
A titre liminaire,
ORDONNER le rabat de l'ordonnance de clôture rendue le 17 avril 2024,
DIRE ET JUGER Madame [C] veuve [P] recevable et bien fondée en l'ensemble de ses conclusions,
En tout état de cause,
CONFIRMER le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
DEBOUTER Madame [V] [Z] [B] [P], Madame [O] [N] [G] [P], Madame [S], [A], [N] [P] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.
CONDAMNER Madame [V] [Z] [B] [P], Madame [O] [N] [G] [P], Madame [S], [A], [N] [P] in solidum à verser à Madame [I] [C] veuve [P] la somme de 5.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER Madame [V] [Z] [B] [P], Madame [O] [N] [G] [P], Madame [S], [A], [N] [P] aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Isabelle FICI de MICHERI, membre du SELARL LIBERAS FICI et ASSOCIES, Avocats Associés à la Cour d'Appel d'Aix en Provence, conformément aux disposition de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Par courrier du 13 mai 2024 adressé au conseiller de la mise en état, le conseil des appelantes a soulevé des difficultés liées à la recevabilité des conclusions adverses :
L'avis de fixation 905-1 a été signifié le 12 janvier 2024,
Les conclusions des appelantes ont été signifiées par commissaire de justice le 31 janvier 2024,
L'intimé a constitué avocat le 05 mai 2024, donc hors délai,
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 avril 2024.
En conséquence, elle demande qu'elles soient déclarées irrecevables sur le fondement des articles 783 et 905-1 du code de procédure civile.
Par conclusions adressées à la cour par RPVA le 17 mai 2024, les appelantes demandent à la cour de :
Vu l'article 905-1 du Code de procédure civile,
Vu l'article 905-2 du Code de procédure civile,
Vu l'article 778 du Code de procédure civile sur renvoi de l'article 905 du code de procédure civile,
DECLARER irrecevables les conclusions régularisées le 02 mai 2024 par Madame [I] [C], intimée,
Par conséquent,
DEBOUTER Madame [I] [C] de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture,
ET
DEBOUTER Madame [I] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire en cas de rabat de l'ordonnance de clôture et de recevabilité des conclusions de l'intimée :
RENVOYER l'affaire au fond pour conclusions en réponse des appelantes,
Et,
STATUER ce que de droit sur les dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.
Sur la révocation de l'ordonnance de clôture
Aux termes de l'article 803 du code de procédure civile :
' l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue : la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.
Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le fond.
L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal'.
Au soutien de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture, l'intimée ne développe aucun argument dans ses écritures, la faisant figurer uniquement dans le dispositif.
En conséquence et en l'absence de cause grave démontrée, il convient de rejeter la demande de révocation de l'ordonnance de clôture.
Sur la recevabilité des conclusions et pièces de l'intimée transmises le 02 mai 2024
1En application des articles 14 à 16 du code de procédure civile, le juge doit en toutes circonstances respecter et faire respecter le principe du contradictoire, les parties devant se faire connaître en temps utile les moyens de fait, les éléments de preuve et les moyens de droit qu'elles invoquent.
L'article 802 du code de procédure civile dispose que :
'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité d'office.
Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture.
Sont également recevables les conclusions qui tendent à la reprise de l'instance en l'état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption'.
Les appelantes justifient avoir signifié à l'intimée par acte de commissaire de justice remis à personne le 31 janvier 2024, les conclusions d'appel, l'acte indiquant qu'elle disposait d'un délai d'un mois pour répliquer aux conclusions à peine d'irrecevabilité et que l'avis de fixation à bref délai déjà signifié fixait la clôture de l'affaire au 17 avril 2024 et l'audience de plaidoiries au 24 mai 2024.
L'intimée était informée depuis le mois de janvier 2024 de l'appel et de son calendrier procédural, et notamment de la clôture au 17 avril 2024. Son conseil, constitué le 05 mars 2024, disposait donc du temps nécessaire pour répondre aux conclusions des appelantes.
Les conclusions et pièces transmises postérieurement à l'ordonnance de clôture du 17 avril 2024 ne répondent pas aux exceptions listées dans l'article rappelé ci-dessus.
En conséquence, il convient de déclarer irrecevables les conclusions et pièces communiquées par l'intimée le 02 mai 2024.
Sur l'étendue de la saisine de la cour
Il convient de rappeler que :
- en application de l'article 954 du code de procédure civile, la Cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif,
- l'article 9 du code de procédure civile dispose qu''il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention' et que l'article 954 du même code, dans son alinéa 1er, impose notamment aux parties de formuler expressément ses prétentions et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée 'avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et leur numérotation',
- ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte', de sorte que la cour n'a pas à statuer.
Il n'y a pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à 'constater que' ou 'dire que ' telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.
Les demandes de 'donner acte' sont dépourvues de tout enjeu juridique et ne constituent pas des prétentions au succès desquels les parties pourraient avoir un intérêt légitime à agir au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
Par ailleurs l'effet dévolutif de l'appel implique que la Cour connaisse des faits survenus au cours de l'instance d'appel et depuis la décision querellée et statue sur tous les éléments qui lui sont produits même s'ils ne se sont révélés à la connaissance des parties qu'en cours d'instance d'appel.
Le jugement est critiqué dans son intégralité.
Seules les conclusions et pièces transmises par les appelantes le 23 janvier 2024 seront prises en compte.
Sur le déblocage de la somme séquestrée chez le notaire
L'article 815-6 du code civil dispose que « le président du tribunal judiciaire peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l'intérêt commun.
Il peut, notamment, autoriser un indivisaire à percevoir des débiteurs de l'indivision ou des dépositaires de fonds indivis une provision destinée à faire face aux besoins urgents, en prescrivant, au besoin, les conditions de l'emploi. Cette autorisation n'entraîne pas prise de qualité pour le conjoint survivant ou l'héritier.
Il peut également soit désigner un indivisaire comme administrateur en l'obligeant s'il y a lieu à donner caution soit à nommer un séquestre. Les articles 1873-5 à 1873-9 du présent code s'appliquent en tant que de raison aux pouvoirs et aux obligations de l'administrateur, s'ils ne sont autrement définis par le juge. »
Pour rejeter la demande des appelantes, le président du tribunal a relevé qu'elles ne produisaient aucun élément relatif à une urgence, notamment une mise en demeure de l'administration fiscale, alors qu'une partie des droits de succession a déjà été réglée et que le blocage est dû au conflit opposant les parties. Par ailleurs, elles ne fournissent aucune information sur leurs situations respectives.
Au soutien de leur appel, les appelantes font valoir en substance que :
Le règlement des droits de succession constitue une urgence fiscale, sans nécessité de mise en demeure ; en l'espèce, il reste une somme de 171 138 € à régler, après un versement de leur part d'un acompte de 120 000 € le 25 octobre 2022,
Un avis à tiers détenteur a été délivré par le centre hospitalier et une inscription hypothécaire a été prise sur le bien indivis de [Localité 19], en raison de la dette de 6 870 € générée par la conservation du corps de leur père à la morgue pendant de longs mois,
Le bien indivis de [Localité 19] se dégrade et un risque de squat est présent depuis que l'intimée a vidé le bien le 05 septembre 2023,
L'indivision successorale est bénéficiaire à hauteur de 298 600,33 €,
Le changement de notaires par l'intimée contribue à paralyser le règlement de la succession.
[U] [P] est décédé le [Date décès 7] 2021, date à laquelle la succession a été ouverte.
Les appelantes justifient du paiement de droits sans déclaration de succession pour un montant de 120 000 € le 25 octobre 2022 à [Localité 14].
Selon un courrier électronique du notaire en date du 1er juin 2023, une somme de 171 138 € reste due à l'administration fiscale, alors que la succession présente un solde créditeur de 298 600,33€.
L'article 815-6 rappelé ci-dessus et visé par les appelantes au soutien de leur demande fait référence à « une provision destinée à faire face aux besoins urgents ».
Outre le fait qu'elles ne demandent pas une provision mais le « déblocage de fonds », les appelantes, qui ignorent quel notaire détient les fonds, ne caractérisent pas l'urgence de la situation ni ne justifient d'aucune demande de paiement de la part de l'administration fiscale, et donc d'aucune somme précise, le courrier électronique du notaire du 1er juin 2023 indiquant qu'ils pourront plaider en leur faveur « en expliquant les faits et en démontrant votre bonne foi puisque vous avez réglés avec vos fonds personnels un acompte conséquent de 120 000 € au mois d'octobre 2022 ».
En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision entreprise.
Sur la mise en vente du bien indivis situé à [Localité 19]
Le président du tribunal judiciaire a rejeté la demande des appelantes de vendre seules le bien indivis situé à Montrouge au motif de l'accord donné par l'intimée pour le vendre au prix de 1 500 000 €.
Au soutien de leur appel les appelantes indiquent essentiellement qu'il est indispensable de les autoriser à baisser le prix afin de vendre le bien le plus rapidement possible. Elles soulignent le paradoxe d'avoir autorisé le séquestre du prix de vente tout en refusant de caractériser l'urgence.
Par courriel du 19 décembre 2023, soit le même jour que l'appel interjeté et postérieurement aux courriers échangés entre conseils, la notaire des appelantes leur indiquait « Madame [C] maintient effectivement sa position selon laquelle elle accepte de régulariser les deux mandats de vente pour la maison de [Localité 19] lorsque le sujet pour la valeur de [Localité 17] sera levé ».
Il ressort de la lecture de cette pièce qu'une solution amiable dans ce dossier n'est pas exclue sous réserve de concessions de part et d'autre, notamment sur la valeur du bien varois.
L'intimée ayant donné au tribunal son accord pour la vente du bien à un prix correspondant aux évaluations du bien versées aux débats par les appelantes, il y a lieu de confirmer le jugement querellé, d'autant que les appelantes proposent les mêmes conditions de vente que celles figurant au dispositif du jugement.
Les conditions de séquestre du prix de vente doivent également être confirmées.
Sur l'indemnité d'occupation à la charge de l'intimée
L'article 815-9 du code civil dispose que « chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité. »
Pour débouter les appelantes de leur demande, le premier juge a estimé que les appelantes n'établissaient pas leur opposition à l'occupation du bien par leur belle-mère, laquelle a assumé seule la totalité de la rente et l'entretien du bien varois, alors que la moitié aurait dû être assumée par les appelantes.
Au soutien de leur appel, les appelantes indiquent essentiellement que leur belle-mère était la seule à posséder les clés du bien, qui ne constituait plus la résidence principale du couple, seule l'assignation a eu pour conséquence de la remise d'un jeu de clés par l'intimée. L'intimée est donc redevable d'une indemnité d'occupation pour la période du mois d'août 2021 au mois de juillet 2023.
Prenant en compte une décote de 20%, les appelantes fixent la valeur locative du bien à la somme de 2 780 €, soit une somme globale de 63 940 €.
Il n'entre pas dans les pouvoirs du président du tribunal judiciaire de fixer l'indemnité d'occupation due à l'indivision successorale, le tribunal judiciaire de Toulon étant saisi au fond par les appelantes de la liquidation et du partage.
En conséquence, le jugement querellé doit être confirmé, tout en substituant le motif.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement entrepris doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Les appelantes, qui succombent, doivent être condamnées aux dépens d'appel, de sorte qu'il n'y a pas lieu à statuer sur sa demande de recouvrement direct et qu'elles seront déboutées de leur demande de remboursement de frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Rejette la demande de rabat de l'ordonnance de clôture formée par Mme [I] [C],
Déclare irrecevables les conclusions et pièces transmises par Mme [I] [C] le 02 mai 2024,
Confirme le jugement entrepris, en substituant le motif concernant la demande relative à l'indemnité d'occupation,
Y ajoutant,
Condamne Mmes [V] [P], [O] [P] et [S] [P] aux dépens d'appel,
Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de recouvrement direct de Mmes [V] [P], [O] [P] et [S] [P],
Déboute Mmes [V] [P], [O] [P] et [S] [P] de leur demande de remboursement de ses frais irrépétibles,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame Michèle JAILLET, présidente, et par Madame Fabienne NIETO, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
la greffière la présidente