COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 19 JUIN 2024
N° 2024/ 299
N° RG 21/14257
N° Portalis DBVB-V-B7F-BIGHK
[T] [Z] [U] [G]
C/
Syndicat des copropriétaires de l'immeuble
[Adresse 1]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Noreddine ALIMOUSSA
Me Thierry BAUDIN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juridiction de proximité de [Localité 2] en date du 28 Octobre 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 19-001085.
APPELANTE
Madame [T] [Z] [U] [G]
née le 30 Juin 1986 à [Localité 4] (59), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Noreddine ALIMOUSSA, avocat au barreau de NICE
INTIMÉE
Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1])
représenté par son syndic en exercice, la société FONCIA [Localité 2], SA, dont le siège social est à [Adresse 3], prise en la personne de son Président Directeur Général en exercice, domicilié ès qualités audit siège
représentée par Me Thierry BAUDIN, membre de la SELEURL CABINET THIERRY BAUDIN, avocat au barreau de NICE substituée par Me Marie-Monique CASTELNAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2024.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2024, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE
Suivant acte notarié du 28 février 2013, Madame [T] [G] a acquis la propriété des lots n°70, 71 et 65 au sein d'un ensemble immobilier sis [Adresse 1], constitués respectivement d'un appartement de deux pièces au premier étage de l'un des bâtiments, de la moitié indivise de l'escalier d'accès, et d'une partie d'un local technique situé dans la cour avec terrasse sur le toit.
Ces lots provenaient de la division des lots n°6, 9 et 10, suivant acte modificatif de l'état descriptif de division dressé le 14 février 2011 à la requête des sociétés GERIM et IMMOBLEU.
L'acte de vente mentionnait qu'aux termes d'une délibération votée le 22 septembre 2011 l'assemblée générale des copropriétaires avait refusé d'approuver ledit acte modificatif, mais que les sociétés GERIM et IMMOBLEU avaient conclu le 1er février 2013 avec le syndicat un protocole d'accord transactionnel à l'effet de régulariser l'existence des nouveaux lots, sous la condition suspensive de sa ratification par l'assemblée.
Par une résolution votée le 26 septembre 2013, l'assemblée générale des copropriétaires a approuvé le projet d'acte modificatif de l'état descriptif de division et la nouvelle répartition des tantièmes de copropriété.
Faisant suite à plusieurs mises en demeure restées sans effet, le syndicat a fait signifier le 6 février 2019 à [T] [G] un commandement de payer la somme de 5.647,95 € au titre du solde débiteur de son compte de répartition de charges arrêté au 21 janvier précédent.
Le 6 mars 2019, Madame [G] a saisi le tribunal d'instance de Nice, devenu le tribunal judiciaire, pour entendre annuler ledit commandement, voir ordonner au syndicat de lui délivrer des appels de fonds rectifiés à compter de la date de son acquisition, et lui réclamer paiement d'une somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts.
À l'appui de son action, elle soutenait que les charges appelées ne correspondaient pas aux tantièmes de copropriété attachés à ses lots, et n'étaient pas conformes au critère d'utilité édicté par l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 pour celles afférentes aux services collectifs et aux éléments d'équipement communs.
En défense, le syndicat des copropriétaires a conclu au rejet de ces prétentions, faisant valoir que Madame [G] refusait de régler la totalité de ses charges, alors que les appels de fonds devaient être honorés en dépit de toute contestation.
Par jugement rendu le 28 octobre 2020, le tribunal a débouté Madame [G] des fins de son action, considérant que l'irrégularité du commandement, constituant un acte de procédure, n'était pas établie, que les appels de fonds contestés n'étaient pas produits aux débats, et qu'aucune faute n'était démontrée à la charge du syndicat.
Le syndicat des copropriétaires a signifié ce jugement le 16 septembre 2021, et Madame [G] en a interjeté appel le 8 octobre suivant.
Dans le même temps, suivant acte du 11 octobre 2021, le syndicat a assigné Madame [G] devant le tribunal judiciaire de Nice en paiement de la somme de 8.154,25 € au titre du solde débiteur de son compte de répartition de charges arrêté au 26 août précédent, outre les frais de recouvrement.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 17 juillet 2022, Madame [T] [G] fait valoir :
- qu'un commandement de payer portant sur des sommes indues encourt l'annulation, indépendamment de la régularité formelle de l'acte,
- qu'en vertu de l'article 45-1 du décret du 17 mars 1967, l'approbation des comptes du syndicat par l'assemblée générale ne constitue pas une approbation du compte individuel de chaque copropriétaire,
- que les charges appelées ne correspondent pas à ses tantièmes de parties communes, et ne sont pas conformes au critère d'utilité édicté par l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 pour celles afférentes aux services collectifs et aux éléments d'équipement communs,
- et que le syndicat manifeste une volonté de lui nuire, proche du harcèlement.
Elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau :
- d'annuler le commandement de payer signifié le 6 février 2019,
- de juger qu'elle n'est pas redevable des charges afférentes au lot n° 65 transformé en local EDF, au nettoyage des parties communes et à l'alimentation en eau des toilettes sur cour,
- de la dispenser de l'ensemble des frais de relance et de mise en demeure,
- de condamner le syndicat à lui délivrer des appels de fonds rectifiés, conformes à ses tantièmes ainsi qu'aux services dont elle bénéficie effectivement au sein de la copropriété, sous peine d'une astreinte provisoire de 100 € par jour de retard passé le délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt,
- de le condamner également à lui verser 5.000 € à titre de dommages-intérêts,
- de mettre les entiers dépens à la charge de l'intimé, outre une indemnité de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- et de la dispenser de participation aux frais de procédure exposés par le syndicat en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.
Par conclusions notifiées le 17 février 2022, le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic en exercice la société FONCIA [Localité 2], soutient pour sa part :
- que l'assemblée générale a décidé le 17 juin 2019 de recourir à un expert-géomètre pour recalculer les tantièmes des nouveaux lots,
- que tant que cette nouvelle répartition ne sera pas adoptée, il y aura lieu d'appliquer les tantièmes initiaux,
- et qu'en l'état de la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Nice, il n'entend pas formuler une demande reconventionnelle en paiement dans le cadre de la présente instance.
Il conclut à la confirmation du jugement déféré, sauf en ce qu'il a rejeté sa demande accessoire fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, qu'il réitère en cause d'appel à hauteur de la somme de 4.000 €, outre ses entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 avril 2024.
DISCUSSION
Sur la demande d'annulation du commandement de payer du 6 février 2019 :
Indépendamment de la régularité formelle de l'acte, un commandement de payer encourt l'annulation lorsqu'il porte sur une créance indue en son intégralité. Tel n'est pas le cas en l'espèce puisque Madame [T] [G] est nécessairement débitrice d'une partie des charges qui lui ont été réclamées.
Il convient en conséquence de confirmer le chef de jugement ayant rejeté cette demande, par substitution de motifs.
Sur la contestation relative aux tantièmes de copropriété :
En vertu de l'article 45-1 du décret du 17 mars 1967, l'approbation des comptes du syndicat par l'assemblée générale ne constitue pas une approbation du compte individuel de chaque copropriétaire.
L'appelante produit aux débats le procès-verbal de l'assemblée générale du 26 septembre 2013 qui contient une résolution n° 17 adoptée à l'unanimité des copropriétaires présents ou représentés, approuvant le projet modificatif de l'état descriptif de division et la nouvelle répartition des tantièmes de copropriété du fait de l'annulation des lots n°6, 9, et 10 et de la création des lots n°65, 66, 67, 68, 69, 70 et 71.
Le syndicat ne peut donc utilement soutenir que la modification des tantièmes resterait subordonnée au rapport de l'expert-géomètre désigné le 17 juin 2019, et il convient de le condamner à recalculer les charges dues par Madame [G] sur la base des tantièmes de copropriété résultant de l'acte modificatif de l'état descriptif de division du 14 février 2011, sans qu'il y ait lieu toutefois de prononcer une astreinte.
Sur les charges afférentes au lot n°65 :
Suivant l'acte modificatif du 14 février 2011, le lot n°65 se compose de la partie Nord d'un local technique au rez-de-chaussée à droite de la cour avec terrasse sur le toit, et les 7,75/367èmes indivis de la propriété du sol et des parties communes générales.
S'il est constant que ledit local est inaccessible car il abrite le transformateur EDF, Madame [G] conserve cependant la jouissance exclusive de la toiture-terrasse, de sorte qu'elle est tenue de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes en fonction des tantièmes attachés à ce lot, conformément à l'article 10 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965.
Sur les contestations fondées sur le principe d'utilité des charges :
Suivant l'article 10 alinéa 1 de la loi du 10 juillet 1965, les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement communs en fonction de l'utilité objective que ceux-ci présentent à l'égard de chaque lot, dès lors que ces charges ne sont pas individualisées.
Le contrat de nettoyage conclu par le syndic pour l'entretien des parties communes de l'ensemble immobilier est réputé profiter à l'ensemble de ses occupants, et Madame [G] ne rapporte pas la preuve contraire, alors qu'il ressort des plans produits aux débats qu'elle utilise le hall d'entrée commun et la cour intérieure pour se rendre à son appartement.
D'autre part, il n'est pas établi qu'il lui serait réclamé une participation à la consommation d'eau de toilettes communes situées dans la cour, dont le constat d'huissier dressé le 11 mars 2019 établit qu'elles ne sont plus en usage.
Sur les frais de relance et de mise en demeure :
Ces frais sont dus au syndicat, dans la limite fixée par l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, dès lors que Madame [G] est bien débitrice d'une partie des charges qui lui sont réclamées.
Sur la demande en dommages-intérêts :
Il n'est pas démontré que les poursuites exercées par le syndicat des copropriétaires procèdent d'une intention de nuire, de sorte que Madame [G] doit être déboutée de sa demande en dommages-intérêts.
Sur les frais du procès
Le syndicat des copropriétaires, succombant partiellement à l'issue du procès, doit être condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.
En revanche, il n'est pas contraire à l'équité de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles.
Enfin, en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, Madame [G] doit être dispensée de participation à la dépense commune des frais de procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame [T] [G] de ses demandes en annulation du commandement du 6 février 2019 et en paiement de dommages-intérêts,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne le syndicat des copropriétaires à recalculer les charges dues par Madame [G] depuis la date d'acquisition de ses lots en fonction des tantièmes de copropriété résultant de l'acte modificatif de l'état descriptif de division du 14 février 2011,
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
Déboute Madame [G] de ses demandes tendant à être dispensée des charges afférentes au lot n° 65, au nettoyage des parties communes, et à l'alimentation en eau des toilettes sur cour,
La déboute également de sa demande de dispense des frais de relance et de mise en demeure,
Condamne le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Dispense Madame [G] de participation aux frais de procédure exposés par le syndicat.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT