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18/06/2024 | FRANCE | N°22/15590

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8a, 18 juin 2024, 22/15590


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a



ARRÊT AU FOND

DU 18 JUIN 2024



N°2024/













Rôle N° RG 22/15590 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKL3K







[L] [I]





C/



CPCAM DES [Localité 1]



































Copie exécutoire délivrée

le : 18/06/2024

à :



- Me Jean Pascal JUAN, avocat au ba

rreau de TARASCON



- CPCAM DES [Localité 1]

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 28 Octobre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 19/00940.





APPELANTE



Madame [L] [I]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numér...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a

ARRÊT AU FOND

DU 18 JUIN 2024

N°2024/

Rôle N° RG 22/15590 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKL3K

[L] [I]

C/

CPCAM DES [Localité 1]

Copie exécutoire délivrée

le : 18/06/2024

à :

- Me Jean Pascal JUAN, avocat au barreau de TARASCON

- CPCAM DES [Localité 1]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 28 Octobre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 19/00940.

APPELANTE

Madame [L] [I]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-007876 du 23/02/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Jean Pascal JUAN, avocat au barreau de TARASCON

INTIMEE

CPCAM DES [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [L] [I] a été victime le 20 octobre 2008 d'un accident. Alors qu'elle avait été employée en qualité de femme de ménage dans une maison de retraite, elle glissait sur le sol mouillé et tombait.

Cet accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 1] (CPAM) au titre de la législation professionnelle et Mme [L] [I] déclarée consolidée le 23 janvier 2009.

Par certificat médical du 12 février 2018, le docteur [P] a fait état de la rechute de Mme [L] [I].

Le 18 avril 2018, la CPAM a informé Mme [L] [I] qu'elle ne serait pas prise en charge au titre de la rechute déclarée.

Un protocole d'expertise a été mis en place par la CPAM. Le 10 septembre 2018, le praticien désigné, à savoir le docteur [T], a estimé qu'il n'existait pas de lien de causalité directe entre l'accident de travail initial et la rechute invoquée par Mme [L] [I].

Le 24 octobre 2018,Mme [L] [I] a saisi la commission de recours amiable.

Le 16 novembre 2018, Mme [L] [I] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des [Localité 1]. Ce recours a été enregistré sous le n° de répertoire général 18/8402.

Le 11 décembre 2018, la commission de recours amiable a rejeté la demande de Mme [L] [I].

Le 1er janvier 2019, l'affaire a été transférée au pôle social du tribunal de grande instance de Marseille en application de la loi du 18 novembre 2016.

Le 10 janvier 2019, Mme [L] [I] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Marseille. Ce recours a été enregistré sous le n° de répertoire général 19/ 940

Par jugement du 28 octobre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :

ordonné la jonction des procédures enregistrées sous les numéros de répertoire général 18/8402 et 19/940 sous la seule référence 19/940 ;

rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 19 mai 2017 ;

entériné le rapport d'expertise du docteur [T] ;

confirmé les décisions de la commission de recours amiable ;

dit que les lésions décrites par le certificat médical de rechute du 12 février 2018 n'étaient pas en relation certaine et exclusive avec l'accident du travail du 20 octobre 2008 ;

débouté Mme [L] [I] de l'ensemble de ses demandes ;

condamné Mme [L] [I] à payer à la CPAM la somme de 50 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné Mme [L] [I] aux dépens ;

Les premiers juges ont estimé que :

la fin de non-recevoir ne devait pas être retenue puisque la rechute du 12 février 2018 reposait sur un certificat médical distinct de celui ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 19 mai 2017 ;

les conclusions du docteur [T] étaient claires, précises et circonstanciées ;

la pathologie de Mme [L] [I] était en lien direct avec une agression subie le 6 mars 2014, sans rapport avec son accident du travail initial ;

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 novembre 2022, Mme [L] [I] a relevé appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions, soutenues oralement à l'audience du 9 mai 2024, auxquelles il est expressément référé, Mme [L] [I] demande :

la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la jonction des procédures et rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ;

l'infirmation du jugement pour le surplus et :

- à titre principal, la prise en charge de sa rechute ;

- à titre subsidiaire, l'organisation d'une expertise ;

- en tout état de cause la condamnation de la CPAM aux dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

l'autorité de la chose jugée ne peut être retenue s'agissant d'une procédure étrangère au présent litige;

les certificats médicaux des docteurs[G], [B], [P] et [Y] confirment le lien entre la pathologie déclarée et l'accident de travail initial ;

les certificats médicaux des docteurs [X], [G] et [C] mettent en exergue qu'elle présentait bien les symptômes d'un traumatisme crânien en 2008 qui avait été passé sous silence ;

Dans ses conclusions, soutenues oralement l'audience du 7 mai 2024, auxquelles il est expressément référé, la CPAM sollicite :

l'infirmation du jugement au motif de l'autorité de la chose jugée ;

la confirmation du jugement si la cour ne venait pas à reconnaître l'autorité de la chose jugée;

la condamnation de l'appelante à lui payer 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Elle expose que :

la demande présentée par l'appelante a déjà été rejetée par un arrêt définitif du 19 mai 2017 ;

les certificats produits par l'assuré ne peuvent pas remettre en question une décision définitive qui a été rendue au visa des mêmes pièces;

la cervicalgie dont se prévaut l'appelante n'est qu'une hypothèse puisque l'accident de travail subi par Mme [L] [I] n'a pas engendré de traumatisme crânien;

l'intéressée présente un état antérieur ;

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu le 19 mai 2017 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence

Selon l'article 122 du code de procédure civile, 'constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.'

Il résulte de l'arrêt rendu le 19 mai 2017 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence que Mme [L] [I] a adressé à la CPAM un certificat médical de rechute en date du 24 septembre 2012 faisant état de cervicalgies et de crises convulsives. La juridiction a précisé que le rapport du médecin désigné en application de l'article L.141-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, faisait état de céphalées chroniques ainsi que d'un syndrome cervical secondaire à des discopathies dégénératives multi-étagées.

Or, la cour relève que, en l'espèce, le certificat médical sur lequel l'appelante se fonde pour demander la prise en charge de sa rechute est différent de celui évoqué ci-dessus puisqu'il date du 12 février 2018 et qu'il fait état, certes, de douleurs cervicales, à l'instar du certificat du 24 septembre 2012, mais également de vertiges qui n'étaient pas évoqués dans ce dernier. Les pièces sur lesquelles l'appelante appuie sa demande ne sont également pas les mêmes.

Si la CPAM se prévaut d'un scanner du 25 novembre 2008 et d'une IRM du 13 août 2012, ces documents ne sont pas produits aux débats de telle manière que la cour n'est pas en mesure de les exploiter.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée devait être écartée puisque la demande ne pouvait pas être considérée comme fondée sur la même cause pour avoir été constatée médicalement à une autre période que celle concernée par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 19 mai 2017.

Sur la demande de prise en charge de la rechute présentée par Mme [L] [I]

L'article L. 443-1, premier alinéa, du code de la sécurité sociale prévoit que 'sous réserve des dispositions du deuxième alinéa, toute modification dans l'état de la victime, dont la première constatation médicale est postérieure à la date de guérison apparente ou de consolidation de la blessure peut donner lieu à une nouvelle fixation des réparations'. L'article L. 443-2 du même code ajoute que 'si l'aggravation entraîne pour la victime la nécessité d'un traitement médical, qu'il y ait ou non une nouvelle incapacité temporaire, la caisse primaire d'assurance maladie statue sur la prise en charge de la rechute'.

Seules peuvent être prise en compte, à titre de rechute, l'aggravation ou les nouvelles lésions en lien de causalité direct et exclusif avec l'accident du travail.

La victime d'une rechute ne bénéficie pas de la présomption d'imputabilité de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale en sorte qu'il lui appartient, en conséquence, de prouver qu'il existe une relation directe et unique entre les manifestations douloureuses et le traumatisme initial.

Il s'évince du rapport d'expertise du docteur [T] en date du 10 septembre 2018 qu'il n'existe pas de lien de causalité direct entre l'accident du travail du 20 octobre 2008 et la rechute invoquée le 12 février 2018 en raison d'un état pathologique indépendant de l'accident du travail évoluant pour son propre compte. Pour parvenir à cette conclusion, le docteur [T] s'est fondé sur les explorations radiographiques pratiquées sur l'appelante et sur le courrier du 28 février 2017 émanant du docteur [G] dans lequel il signale que les cervicalgies sont apparues après une agression le 6 mars 2014 et que des discopathies étagées en ont été la conséquence. Le médecin a également relevé, lors de son examen clinique, qu'il existait une raideur de tous les mouvements avec limitation d'un tiers de la rotation droite et a noté des douleurs à la pression des masses musculaires para-vertébrales de tout le rachis cervical. Il souligne qu'il n'y a pas de signe d'aggravation ou de fait nouveau en rapport avec l'accident du travail du 20 octobre 2008, les effets de l'accident du travail étant épuisés.

Cette analyse correspond exactement à celle du médecin conseil de la CPAM qui, dans son avis du 16 avril 2018, soutient qu'il n'existe aucun lien direct et exclusif entre la rechute et l'accident de travail initial, l'aggravation relevant d'une agression subie le 6 mars 2014.

Il n'a pas lieu d'examiner le certificat médical du docteur [P] en date du 24 septembre 2012 puisqu'il a fondé la première demande de rechute de Mme [L] [I] qui a été écartée par décision définitive de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 19 mai 2017. Il en va de même des certificats médicaux du docteur [G] des 28 août 2012 et 29 janvier 2013 produits à l'appui de l'instruction de la première demande définitivement tranchée.

Le certificat médical du docteur [P] du 27 novembre 2017 se borne à évoquer une aggravation des douleurs cervicales et céphalées de Mme [L] [I] dans un contexte de dépression sans faire aucun lien avec l'accident du travail du 20 octobre 2008.

Le certificat médical du docteur [J] du 21 mars 2022 n'amène également aucun élément utile à la résolution du litige puisqu'il ne fait que rapporter que Mme [L] [I] souhaiterait une expertise judiciaire. En aucune manière, le praticien ne décrit l'état de santé de Mme [L] [I] et les pathologies en lien, selon elle, avec l'accident de travail du 20 octobre 2008.

Si Mme [L] [I] se prévaut du rapport du docteur [B] du 20 avril 2022, la cour relève que ce dernier ne fait qu'émettre une opinion quand il énonce que, selon lui, 'une violente chute sur le coccyx peut décompenser un listhésis C4C5 et entraîner deux mois plus tard la symptomatologie bruyante et les complications cervicales sur un état de santé vasculaire d'ailleurs précaire.' Le praticien n'argumente pas sa position et se contente de synthétiser les différents avis médicaux produits aux débats sans les analyser.

Enfin, les différents comptes-rendus d'examen faisant état d'un hématome sous dural fronto-pariétal gauche en 2009 n'établissent aucun lien de causalité entre cette pathologie et les symptômes évoqués par l'appelante dans sa demande de rechute du 12 février 2018. Au contraire, ces documents évoquent des épisodes paroxystiques nocturnes qui ne correspondent pas aux cervicalgies et vertiges exposés dans le certificat du 12 février 2018, l'hématome s'étant spontanément résorbé par la suite.

En conséquence, la cour estime que Mme [L] [I] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une relation directe et unique entre les manifestations douloureuses et le traumatisme initial, le docteur [T] ayant retenu un état antérieur évoluant pour son propre compte comme le relève la CPAM.

Les premiers juges doivent donc être approuvés en ce qu'ils ont débouté Mme [L] [I] de sa demande de prise en charge de la rechute déclarée le 12 février 2018.

Sur la demande d'expertise formulée par Mme [L] [I]

Selon l'article 146 du code de procédure civile, 'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver.En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.'

En l'état de la carence probatoire de Mme [L] [I], la cour n'est pas convaincue qu'une mesure d'expertise soit nécessaire à la résolution du litige.

Sur les dépens et les demandes accessoires

Mme [L] [I] succombe à la procédure et doit être condamnée aux dépens qui seront recouvrés comme il est prévu en matière d'aide juridictionnelle.

Mme [L] [I] bénéficiant de l'aide juridictionnelle, l'équité commande de débouter la CPAM de sa demande introduite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme, en ses dispositions soumises à la cour, le jugement rendu le 28 octobre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille,

Y ajoutant,

Condamne Mme [L] [I] aux dépens qui seront recouvrés comme il est prévu en matière d'aide juridictionnelle,

Déboute la CPAM de sa demande introduite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8a
Numéro d'arrêt : 22/15590
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;22.15590 ?
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