La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2024 | FRANCE | N°22/15586

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8a, 18 juin 2024, 22/15586


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a



ARRÊT AU FOND

DU 18 JUIN 2024



N°2024/154













Rôle N° RG 22/15586 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKL27







[T] [I]





C/



CPAM DES BOUCHES DU RHONE



































Copie exécutoire délivrée

le : 18/06/2024

à :



- Me Sarah GAMES, avocat au ba

rreau d'AIX-EN-PROVENCE



- CPAM DES BOUCHES DU RHONE

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 28 Octobre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 22/00241.





APPELANT



Monsieur [T] [I], demeurant [Adresse 1]



représenté par ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a

ARRÊT AU FOND

DU 18 JUIN 2024

N°2024/154

Rôle N° RG 22/15586 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKL27

[T] [I]

C/

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Copie exécutoire délivrée

le : 18/06/2024

à :

- Me Sarah GAMES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 28 Octobre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 22/00241.

APPELANT

Monsieur [T] [I], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Sarah GAMES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

CPAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 2]

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 5 septembre 2015, M.[T] [I], employé en qualité de docker, a été victime d'un accident du travail. Alors qu'il voulait positionner une bobine de 32 tonnes contre une paroi, une planche tombait et, pendant qu'il tentait de la remettre en place, la bobine lui écrasait le bras gauche. Une fracture du radius gauche lui a été diagnostiquée.

Cet accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (CPAM) au titre de la législation professionnelle.

Le 13 avril 2021, la CPAM a notifié à M.[T] [I] que son état de santé serait consolidé au 9 mai 2021.

M.[T] [I] s'est vu attribuer, le 12 mai 2021, une indemnité forfaitaire de 3.563,92 euros correspondant à un taux d'incapacité permanente partielle de 8 % consécutive à des séquelles indemnisables pour 'douleurs résiduelles et limitation de la flexion du coude gauche.'

Le 25 août 2021, M.[T] [I] a saisi la commission médicale de recours amiable qui a rejeté son recours le 8 décembre 2021 par décision notifiée le 13 décembre 2021.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 20 janvier 2022, M.[T] [I] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille.

Par jugement du 28 octobre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a rejeté la demande d'expertise présentée par M.[T] [I] et a maintenu son taux d'incapacité permanente partielle à 8 % à la date de consolidation.

Pour rejeter le recours de M.[T] [I], les premiers juges ont estimé que les difficultés psychiques rencontrées par ce dernier ne faisaient pas partie des pathologies déclarées lors de l'accident de travail. Ils ont retenu une absence d'incidence professionnelle.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 23 novembre 2022, M.[T] [I] a relevé appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses conclusions, soutenues oralement à l'audience du 7 mai 2024, auxquelles il est expressément référé, M.[T] [I] demande l'infirmation du jugement et :

à titre principal, l'octroi d'un taux d'incapacité permanente partielle d'au moins 12%;

à titre subsidiaire, l'organisation d'une expertise ;

en tout état de cause, le rejet de l'ensemble des prétentions de la CPAM ;

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :

le taux d'incapacité permanente partielle qui lui a été octroyé ne prend pas en compte la dimension psychologique de son accident et son syndrome de stress post-traumatique qui a nécessité plusieurs consultations ;

il souffre de douleurs importantes en raison d'un syndrome de la gouttière épitrochléo-olécranienne avec signes sensitifs subjectifs ;

son accident a eu une incidence professionnelle;

Dispensée de comparaître sur le fondement de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile, la CPAM, dans ses conclusions régulièrement communiquées à l'appelant le 2 mai 2024, auxquelles il est expressément référé, demande :

à titre principal, la confirmation du jugement et la condamnation de l'appelant à lui payer 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

à titre subsidiaire, l'organisation d'une expertise ;

Elle expose que les problèmes psychiques invoqués par l'appelant ne peuvent pas être pris en compte dès lors qu'ils n'ont jamais été déclarés à la caisse en tant que pathologies liées à son accident de travail. Elle souligne que le retentissement professionnel de l'appelant n'est pas établi.

MOTIFS

Sur la détermination du taux d'incapacité permanente partielle de M.[T] [I]

Aux termes de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, 'le taux d'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle compte tenu du barème indicatif d'invalidité. '

Il résulte des articles R.434-31 et R.434-32 du même code que la décision fixant le taux de l'incapacité est prise par la caisse primaire d'assurance maladie.

La détermination de l'importance respective des éléments d'appréciation visés à cet article relève du pouvoir souverain des juges du fond qui doivent se prononcer sur l'ensemble des éléments concourant à l'appréciation du taux d'IPP.

Le taux d'incapacité permanente partielle doit s'apprécier à la date de la consolidation le 9 mai 2021 en l'espèce, et les situations postérieures ne peuvent pas être prises en considération. C'est pourquoi l'attestation de M.[J], psychologue, du19 janvier 2022 ne sera pas retenue. Pour la même raison, le rapport du docteur [D] en date du 4 décembre 2021 ne devra pas être étudié par la cour puisque le praticien a examiné M.[T] [I] le 4 septembre 2021, soit postérieurement à la date de consolidation, et que, dans son rapport, le médecin décrit l'état de santé de l'appelant à l'occasion de son examen et non à la date de consolidation.

Pour conclure à l'infirmation du jugement entrepris, M.[T] [I] soutient que les premiers juges n'ont pas pris en considération les conséquences psychologiques de son accident de travail.

En l'espèce, il résulte de l'ensemble des arrêts de travail versés aux débats que l'intéressé a été arrêté pour des raisons médicales exclusivement afférentes à sa fracture du radius gauche et à la persistance de son ankylose douloureuse. En aucune manière, les arrêts de travail produits à la procédure n'évoquent les répercussions psychologiques de son accident de travail. Ainsi, contrairement à ce qu'évoque M.[T] [I], ce dernier n'a jamais fait état, tout au long de son arrêt, des conséquences psychologiques de son accident.

Le rapport médical d'évaluation du taux d'incapacité permanente émanant du docteur [X], en date du 12 avril 2021, relève des douleurs permanentes du coude gauche avec paresthésie de l'avant-bras et main gauche. Le médecin souligne également que l'appelant souffre d'une sensation de blocage à l'extension du coude, d'une impotence et de douleurs insomniantes. Si le médecin-conseil met en exergue que M.[T] [I] relate les faits avec beaucoup d'émotion, la cour ne peut que constater que ce dernier n'a communiqué au praticien aucun document médical attestant du retentissement psychologique de son accident.

Le rapport de la commission médicale de recours amiable confirme les éléments analysés ci-dessus et ne fait état de la transmission d'aucun élément relatif à l'état psychologique de l'appelant.

Les différents certificats médicaux des docteurs [S], [G],et de [Z] des 18 mai 2016, 22 août 2016, 14 septembre 2016,10 mai 2017 et 26 juin 2017 ne font état d'aucun retentissement psychologique.

Si M.[T] [I] invoque une attestation de Mme [R], psychologue, selon laquelle il a souffert d'un stress post-traumatique à la suite de son accident du travail et qu'il a bénéficié d'un traitement de désensibilisation à l'aide de la thérapie EMDR durant 5 séances des 20 janvier, 3 février, 17 février, 9 mars, et 19 mai 2020, cette attestation n'est pas de nature à rapporter la preuve que ce stress post-traumatique présentait des manifestations cliniques de nature à rehausser le taux d'incapacité permanente de l'intéressé à la date de consolidation du 9 mai 2021.

En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges n'ont pas retenu les séquelles psychologiques de l'appelant dans la détermination de son taux d'incapacité permanente partielle.

Dans son rapport de consultation médicale à destination des premiers juges, le docteur [F] a noté que M.[T] [I] présentait une flexion limitée du coude, des fourmillements du nerf ulnaire apparaissant dans les trois derniers doigts de la main gauche, des douleurs mais pas de gêne fonctionnelle majorée. Il préconise de retenir un taux d'incapacité permanente partielle de 8%.

En application du chapitre 1.1.2. du barème indicatif d'invalidité accident du travail, la limitation de l'amplitude des mouvements du coude du bras non-dominant donne lieu à l'attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle compris entre 8 et 22%. En revanche, il n'y a pas lieu de se référer au barème du tableau de maladie professionnelle n°57B comme l'y invite l'appelant en précisant présenter une forme grave du syndrome de la gouttière épitrochléo-olécranienne puisque M.[T] [I] a été victime d'un accident du travail et non d'une maladie professionnelle.

Le taux attribué à l'appelant par la CPAM correspond à la tranche la plus basse du barème indicatif invalidité accident du travail en l'absence de gêne fonctionnelle majeure. Il résulte néanmoins des pièces de la procédure évoquées ci-dessus que M.[T] [I] souffre de douleurs chroniques, dont il est constant qu'elles ne sont pas prises en compte par le barème, et qu'il exerce la profession de docker. Or, les différents certificats versés aux débats mettent en exergue le fait que les douleurs chroniques de M.[T] [I] nécessitent de l'orienter vers un poste aménagé, sans aucune manutention, ce qui lui confère un périmètre d'activité limité, à l'origine d'une perte de revenus, puisqu'il n'est plus apte à l'utilisation d'échelles, au port de charges très lourdes, à la conduite d'engins, au saisissage et au travail en cale, s'agissant d'une part non-négligeable des activités accomplies quotidiennement par un docker.

La cour estime ainsi que le taux initialement fixé à hauteur de 8% omet de prendre en compte les douleurs de M.[T] [I] et l'incidence professionnelle subie par ce dernier.

Il convient, par voie d'infirmation du jugement, d'attribuer à M.[T] [I] un taux d'incapacité permanente partielle de 12%, sans qu'il soit besoin de recourir à une mesure d'expertise dans la mesure où la cour n'est pas convaincue qu'elle soit nécessaire à la résolution du litige, raison pour laquelle les demandes des parties sur ce point seront écartées.

Il n'y a cependant pas lieu de fixer un taux professionnel séparément du taux d'incapacité permanente partielle puisque la Cour de cassation rappelle qu'il n'existe qu'un taux d'incapacité, fixé en tenant compte de différents éléments, à savoir la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime mais aussi les aptitudes et la qualification professionnelle de la victime (Cass. 2e civ., 22 sept. 2022, n° 21-13.232).

Sur les dépens

La CPAM succombe à la procédure et doit être condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme, en ses dispositions soumises à la cour, le jugement rendu le 28 octobre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille en ce qu'il a fixé à 8% le taux d'incapacité permanente partielle de M.[T] [I] à la date de consolidation suite à son accident du travail du 5 septembre 2015,

Statuant à nouveau,

Fixe à 12% le taux d'incapacité permanente partielle de M.[T] [I] au 9 mai 2021 suite à son accident du travail du 5 septembre 2015,

Déboute les parties de leur demande d'expertise,

Y ajoutant,

Condamne la CPAM aux dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8a
Numéro d'arrêt : 22/15586
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;22.15586 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award