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18/06/2024 | FRANCE | N°22/15202

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8a, 18 juin 2024, 22/15202


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a



ARRÊT DE REOUVERTURE DES DEBATS

DU 18 JUIN 2024



N°2024/153













Rôle N° RG 22/15202 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKKNI







[D] [N]





C/



S.A.R.L. [8]

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Société [6]

























Copie exécutoire délivrée

le : 18/06/2024

à :



- Me Jacque

s-Antoine PREZIOSI, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Jacques PEROTTO, avocat au barreau de PARIS



- CPAM DES BOUCHES DU RHONE















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 19 Octobre 2022,enregistré au répertoire général sou...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a

ARRÊT DE REOUVERTURE DES DEBATS

DU 18 JUIN 2024

N°2024/153

Rôle N° RG 22/15202 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKKNI

[D] [N]

C/

S.A.R.L. [8]

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Société [6]

Copie exécutoire délivrée

le : 18/06/2024

à :

- Me Jacques-Antoine PREZIOSI, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Jacques PEROTTO, avocat au barreau de PARIS

- CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 19 Octobre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 19/01654.

APPELANT

Monsieur [D] [N], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Jacques-Antoine PREZIOSI de l'ASSOCIATION PREZIOSI CECCALDI ALBENOIS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Warren AZOULAY, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

S.A.R.L. [8], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jacques PEROTTO, avocat au barreau de PARIS

Société [6], Société étrangère de droit anglais, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jacques PEROTTO, avocat au barreau de PARIS

CPAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 5]

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience

*-*-*-*-

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société de droit anglais [6] est spécialisée dans la fourniture de services d'ingénierie, de service après-vente et de services de mise à niveau aux industries de l'énergie thermique, du nucléaire, du pétrole, du gaz et de la pétrochimie, comprenant notamment la conception et la réalisation de projets, la gestion de la faisabilité des équipements, la maintenance des centrales thermiques et nucléaires.

Elle a conclu le 1er mai 2013 un contrat de sous-traitance avec la société [7] pour une mission de « prestation de services d'inspection' avec commande de l'intervention d'un responsable qualité sur le site de [Localité 9]. Cette société a également sous-traité cette mission à la société [4] ([4]) qui a conclu un contrat de sous-traitance avec le gérant de la SARL [8], M.[D] [N], le 16 août 2013, aux fins de fournir certains services d'inspection et conseil.

La SARL [8], dont les statuts constitutifs datent du 16 décembre 2011, a pour objet en France et hors de France la fourniture de services d'inspection et de suivi de fabrication ainsi que la surveillance industrielle.

M.[D] [N] a conclu avec cette société un contrat de travail à durée indéterminée le 12 janvier 2012 en qualité de cadre technique.

Il a déclaré avoir été victime d'un accident du travail le 7 janvier 2015 à 15h25 lors d'une inspection sur le site de la centrale thermique de Provence située à [Localité 9] de la société [6] à l'occasion de l'exercice de sa mission de responsable qualité alors qu'il entrait dans une gaine d'aspiration.

Le certificat médical établi le 8 janvier 2015 faisait état d'une fracture fermée du pilon tibial droit ainsi que d'une fracture et d'un tassement du plateau supérieur de T 11.

Le 3 février 2015, la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (CPCAM) a notifié à M.[D] [N] la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle.

Le 19 juin 2016, la CPCAM a fixé la date de consolidation au 30 juin 2016, sans séquelles indemnisables.

Le 23 août 2017, la CPCAM a adressé un procès-verbal de non-conciliation.

Le 31 janvier 2019, M.[D] [N] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Marseille aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement du 19 octobre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a déclaré irrecevable l'action initiée par M.[D] [N] en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et l'a condamné aux entiers dépens et à payer à la société [6] 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour déclarer irrecevable l'action de M.[D] [N], les premiers juges ont estimé qu'il ne rapportait pas la preuve d'un lien de subordination avec la SARL [8].

Le 15 novembre 2022,M.[D] [N] a relevé appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions, soutenues oralement à l'audience du 7 mai 2024, auxquelles il est expressément référé, M.[D] [N] demande l'infirmation du jugement et que son action soit reçue et déclarée fondée. Il sollicite également la désignation d'un expert, l'octroi de la somme de 10.000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice corporel ainsi que la condamnation de tout succombant à lui payer 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :

à l'occasion du chantier au cours duquel il a eu son accident , il était au service de la société [6] en qualité de salarié de la SARL [8];

il n'a toujours été qu'un gérant et associé minoritaire au sein de la SARL [8] ;

son contrat de travail concerne des fonctions techniques distinctes de celles afférentes au mandat social ;

M.[B] lui donnait des directives dont il était dépendant ;

les attestations produites aux débats sont régulières en la forme ;

il avait un lien de subordination avec la société [6];

la faute inexcusable de la société [6] est établie puisqu'aucun garde corps n'a été installé sur le lieu de son intervention ;

Dans ses conclusions, soutenues oralement à l'audience du 7 mai 2024, auxquelles il est expressément référé, la société [6] demande la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions ainsi que la condamnation de l'appelant à lui payer 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens distraits au profit du cabinet Alerion avocats.

Elle expose que :

les dispositions relatives à la faute inexcusable de l'employeur sont inapplicables à un gérant de SARL qui ne justifierait pas d'un réel contrat de travail ou pour qui les conditions de cumul de son mandat avec un contrat de travail ne seraient pas remplies ;

l'action de M.[D] [N] est irrecevable en ce que :

- il n'existe aucun lien de subordination entre l'appelant et la SARL [8] ;

- il est très difficilement concevable qu'une société holding non-opérationnelle, située en Italie et sans aucune représentation en France, ait pu exercer un quelconque contrôle sur l'activité de M.[D] [N] ;

- les attestations produites aux débats par l'appelant n'ont pas de valeur probante ;

- M.[D] [N] disposait d'un monopole des connaissances techniques;

- M.[D] [N] n'exerce aucune fonction technique distincte de celles inhérentes à son mandat de gérant;

l'action de M.[D] [N] est mal fondée puisqu'elle est dirigée contre une société qui n'est pas son employeur ;

la CPCAM ne peut exercer son action récursoire qu'à l'encontre de l'employeur juridique du salarié victime :

la provision sollicitée par l'appelant est sérieusement contestable ;

La SARL [8], représentée par maître [T] [Y] en qualité de mandataire ad'hoc selon ordonnance du 25 juillet 2022 du président du tribunal de commerce de Grenoble, n'a pas comparu à l'audience du 7 mai 2024 bien que citée à comparaître par l'appelant le 3 novembre 2023. Par courrier électronique du 2 mai 2024, maître [T] [Y] a indiqué qu'il n'était pas en mesure de constituer avocat et de conclure faute de fonds.

Dispensée de comparaître sur le fondement de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile, la CPAM, dans ses conclusions régulièrement communiquées aux parties le 17 avril 2024, auxquelles il est expressément référé, s'en rapporte sur le principe de la reconnaissance de la faute inexcusable. En cas de reconnaissance de la faute inexcusable, elle demande que :

l'indemnisation due à la victime soit fixée conformément aux articles L.452-1 et suivants du code de la sécurité sociale et à la décision 2010-8 QPC du Conseil Constitutionnel du 18/06/2010 ;

l'appelant soit débouté de sa demande de majoration de rente/capital ;

la provision octroyée à l'appelant soit évaluée à de plus justes proportions ;

il soit dit que la CPAM des Bouches-du-Rhône ne dispose pas d'une action récursoire à l'encontre de l'employeur ;

les sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ne soient pas mises à la charge de la CPAM des Bouches-du-Rhône, qui n'est que mise en cause.

Elle relève que :

la victime ne peut pas prétendre à une quelconque majoration, dès lors qu'elle a été consolidée, sans qu'aucun taux d'incapacité permanente ne lui soit alloué ;

la SARL [8] a été liquidée ;

MOTIFS

Sur la demande en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par M.[D] [N]

Selon l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale et les articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail, le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié. Il suffit qu'elle soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée alors même que d'autres fautes auraient concouru à la survenance du dommage.

Selon l'article L.412-6 du code de la sécurité sociale, 'pour l'application des articles L. 452-1 à L. 452-4, l'utilisateur, le chef de l'entreprise utilisatrice ou ceux qu'ils se sont substitués dans la direction sont regardés comme substitués dans la direction, au sens desdits articles, à l'employeur. Ce dernier demeure tenu des obligations prévues audit article sans préjudice de l'action en remboursement qu'il peut exercer contre l'auteur de la faute inexcusable.'

Les premiers juges ont exposé, à titre liminaire, que l'action en reconnaissance d'une faute inexcusable ne pouvait être exercée que contre l'employeur qui demeurait tenu des obligations résultant d'une telle faute, ce qui supposait l'existence d'un contrat de travail régulier.

Ainsi qu'il l'a été évoqué plus haut, M.[D] [N] a déclaré avoir été victime d'un accident du travail le 7 janvier 2015 à 15h25 lors d'une inspection sur le site de la centrale thermique de Provence située à [Localité 9] de la société [6] à l'occasion de l'exercice de sa mission de responsable qualité alors qu'il entrait dans une gaine d'aspiration.

Le certificat médical établi le 8 janvier 2015 faisait état d'une fracture fermée du pilon tibial droit ainsi que d'une fracture et d'un tassement du plateau supérieur de T 11.

Le 3 février 2015, la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (CPCAM) a notifié à M.[D] [N] la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle.

Ni la matérialité de l'accident, ni sa prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels ne sont discutées. Le seul fait que la CPCAM ait reconnu le caractère professionnel de l'accident de travail de M.[D] [N] n'interdit pas à la société [6] de contester l'existence d'un lien de subordination au stade de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable puisqu'elle est un tiers aux relations entre la SARL [8] et l'appelant.

Il n'est pas contesté, comme l'ont relevé les premiers juges, que M.[D] [N] exerçait, en qualité de responsable qualité sur le site industriel de [Localité 9], des fonctions techniques dans le cadre du contrat de sous-traitance conclu entre la SARL [8] et la société [4] pour le compte de la société [6].

Pour déclarer irrecevable l'action de M.[D] [N], les premiers juges ont cependant estimé qu'il ne rapportait pas la preuve d'un lien de subordination dans le cadre de ses fonctions techniques avec son employeur, la SARL [8].

En effet, M..[D] [N] a conclu le 12 janvier 2012 un contrat de travail à durée indéterminée avec la SARL [8], représentée par lui-même. Ce contrat a fait l'objet d'un avenant conclu dans les mêmes conditions et ayant pour objet d'augmenter sa rémunération.

La cour constate que les parties discutent devant la juridiction de sécurité sociale l'existence d'un contrat de travail entre l'appelant et la SARL [8] qui relève exclusivement de la compétence de la juridiction prud'homale.

Dès lors, il y a lieu de prononcer une réouverture des débats aux fins de permettre aux parties de s'expliquer sur la compétence de la juridiction de la sécurité sociale pour statuer sur l'existence et la qualification d'un contrat de travail entre les parties.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ordonne la réouverture des débats à l'audience du 14 janvier 2025 à 09h00,

Enjoint aux parties de conclure sur :

-$gt;la compétence de la juridiction de la sécurité sociale pour statuer sur l'existence et la qualification d'un contrat de travail entre M.[D] [N] et la SARL [8] ;

-$gt; sur la demande relative à la faute inexcusable au regard de l'incompétence de la cour à statuer sur l'existence d'un contrat de travail ;

selon le calendrier suivant :

- d'ici le 31 août 2024 pour M.[D] [N] ;

- d'ici le 31 octobre 2024 pour la SARL [8] ;

- d'ici le 31 décembre 2024 pour la société [6] ;

Dit que le présent arrêt vaut convocation des parties.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8a
Numéro d'arrêt : 22/15202
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;22.15202 ?
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