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18/06/2024 | FRANCE | N°22/14957

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8a, 18 juin 2024, 22/14957


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a



ARRÊT AU FOND

DU 18 JUIN 2024



N°2024/152













Rôle N° RG 22/14957 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKJMY







S.A.R.L. [9]

[C] [E] [W]

SCP AVAZERI BONNETTO





C/



[X] [L]

CPAM DES BOUCHES DU RHONE





























Copie exécutoire délivrée

le : 18/06/2024

à :>


- Me Vincent BURLES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





- Me Christine D'ARRIGO, avocat au barreau de MARSEILLE





- CPAM DES BOUCHES DU RHONE













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 19 Octobre 2022,enregistré au répertoir...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a

ARRÊT AU FOND

DU 18 JUIN 2024

N°2024/152

Rôle N° RG 22/14957 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKJMY

S.A.R.L. [9]

[C] [E] [W]

SCP AVAZERI BONNETTO

C/

[X] [L]

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Copie exécutoire délivrée

le : 18/06/2024

à :

- Me Vincent BURLES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Christine D'ARRIGO, avocat au barreau de MARSEILLE

- CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 19 Octobre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 19/03708.

APPELANTE

S.A.R.L. [9], demeurant [Adresse 7] - [Localité 3] représentée par Maître [W] [C] [E], mandataire judiciaire, demeurant [Adresse 6] - [Localité 1] et par la SCP AVAZERI BONNETTO, administrateur, demeurant [Adresse 4] - [Localité 1]

représentée par Me Vincent BURLES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

Madame [X] [L], demeurant [Adresse 8] - [Localité 3]

représentée par Me Christine D'ARRIGO, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jessica JOVER, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 5] - [Localité 2]

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2024,

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [X] [L], a été embauchée par la SARL [9] en qualité de vendeuse en boulangerie suivant contrat à durée indéterminée du 16 avril 2011. Elle a déclaré avoir été victime d'un accident de travail le 27 mars 2017 à la suite d'une chute survenue dans les escaliers de la boulangerie. Le certificat médical établi le même jour constatait l'existence d'une entorse cervicale ainsi qu'une contusion à l'épaule droite et au genou gauche.

Le 4 mai 2017, la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (CPCAM) a pris en charge l'accident de Mme [X] [L] au titre de la législation professionnelle.

La CPCAM a notifié à Mme [X] [L] une date de consolidation au 30 juin 2019 et un taux d'incapacité permanente partielle de 14 % dont 2 % de coefficient professionnel.

Le 23 avril 2019, la CPCAM a régularisé un procès-verbal de non-conciliation.

Le 23 juillet 2019, Mme [X] [L] a été licenciée pour inaptitude.

Le 9 mai 2019, Mme [X] [L] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Marseille aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement du 19 octobre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :

reçu le recours de Mme [X] [L] ;

dit que l'accident de travail dont Mme [X] [L] a été victime le 27 mars 2017 était dû à la faute inexcusable de son employeur ;

ordonné à la CPCAM de majorer la rente versée à son montant maximum ;

dit que la majoration de la rente suivrait l'évolution éventuelle du taux d'incapacité attribué ;

ordonné une expertise judiciaire de Mme [X] [L] ;

fixé la somme de 6.000 euros qui serait versée à titre de provision par la CPCAM à Mme [X] [L] ;

dit que la CPCAM pourrait recouvrir le montant des indemnisations à venir, provision et majoration accordées à Mme [X] [L] à l'encontre de la SARL [9] et a condamné cette dernière à y procéder ;

condamné la SARL [9] à verser à Mme [X] [L] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

ordonné l'exécution provisoire de la décision;

condamné la société [9] aux dépens ;

Le 10 novembre 2022, la SARL [9] a relevé appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions, visées à l'audience du 7 mai 2024, auxquelles il est expressément référé, la SARL [9], représentée par maître [C]-[E] [W] et la SCP Avazeri-Bonetto, en qualité de mandataire et administratrice judiciaires, demande :

à titre principal, l'infirmation du jugement et le rejet de l'ensemble de l'ensemble des prétentions de Mme [X] [L] ;

à titre subsidiaire, l'infirmation du jugement et le rejet des demandes indemnitaires de Mme [X] [L] ;

à titre infiniment subsidiaire :

- la limitation du champ de l'expertise aux postes limitativement énumérées par l'article L452 ' 3 du code de la sécurité sociale ;

- la diminution du montant de la provision ;

en tout état de cause, le rejet des prétentions de la CPAM et la condamnation de Mme [X] [L] aux dépens ainsi qu'à lui payer 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

l'escalier sur lequel Mme [X] [L] a eu son accident ne présentait aucun risque de sécurité ainsi qu'il résulte des photographies et attestation versées aux débats;

certaines attestations produites par l'intimée sont mensongères ;

le document unique d'évaluation des risques professionnels précisait bien les mesures mises en 'uvre pour prévenir les chutes dans l'escalier;

Mme [X] [L] a adopté un comportement frauduleux en simulant une chute;

le document émanant de l'inspection du travail ne se fonde sur aucune norme technique;

Mme [X] [L] a déjà été indemnisée pour son préjudice;

la mission d'expertise doit être circonscrite aux postes limitativement énumérés par l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale ;

Dans ses conclusions, visées à l'audience du 7 mai 2024, auxquelles il est expressément référé, Mme [X] [L] demande la confirmation du jugement entrepris ainsi que la condamnation de l'appelante aux dépens et à lui payer 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

l'escalier dans lequel elle a eu son accident était exigu, glissant et dépourvu de protection antidérapante, ce qu'a justement stigmatisé l'inspection du travail qui a relevé la non-conformité des conditions de travail de Mme [X] [L] avec les règles protectrices afférentes à la santé et la sécurité des salariés ;

elle produit plusieurs attestations qui établissent que le personnel travaillait sans porter de chaussures de sécurité ;

le fait qu'elle devait emprunter plusieurs fois par jour cet escalier démontre que son employeur avait conscience du danger auquel elle était exposée;

son employeur n'a pris aucune mesure pour éviter le danger ;

Dispensée de comparaître sur le fondement de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile, la CPAM s'en remet à justice. En application des articles L 452-2, L 452-3 et L 452-3-1 du code de la sécurité sociale, elle demande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il lui a octroyé le bénéfice de son action récursoire à l'encontre de la SARL [9], si la faute inexcusable était confirmée.

MOTIFS

Sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par Mme [X] [L]

Il résulte des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (civ.2e, 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-25.021 ; civ.2e, 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-26.677). Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie survenue au salarié mais qu'il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage (Cass Ass plen, 24 juin 2005, pourvoi n°03-30.038).

Il est de jurisprudence constante qu'il appartient au salarié de rapporter la preuve que l'employeur avait conscience du danger auquel il était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (civ.2e 8 juillet 2004, pourvoi no 02-30.984, Bull II no 394 ; civ.2e 22 mars 2005, pourvoi no 03-20.044, Bull II no 74). Cette preuve n'est pas rapportée lorsque les circonstances de l'accident dont il a été victime sont indéterminées. (Soc., 11 avril 2002, pourvoi n° 00-16.535).

Ainsi qu'il l'a été rappelé ci-dessus, Mme [X] [L] a été embauchée par la SARL [9] en qualité de vendeuse en boulangerie suivant contrat à durée indéterminée du 16 avril 2011. Elle a déclaré avoir été victime d'un accident de travail le 27 mars 2017 à la suite d'une chute survenue dans les escaliers de la boulangerie. Le certificat médical établi le même jour constatait l'existence d'une entorse cervicale ainsi qu'une contusion à l'épaule droite et au genou gauche.

Le 4 mai 2017, la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (CPCAM) a pris en charge l'accident de Mme [X] [L] au titre de la législation professionnelle.

En l'espèce, ni la matérialité de l'accident, ni sa prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels ne sont discutés, quand bien même la SARL [9] souligne, en page deux de ses conclusions, que la chute est intervenue sans témoin.

Il revient donc à la cour de rechercher si Mme [X] [L] a rapporté la preuve de ce que la SARL [9] connaissait le risque de chute dans les escaliers de la boulangerie et a établi que son employeur n'a pas pris les mesures suffisantes pour l'en préserver.

Les premiers juges ont estimé que l'employeur de Mme [X] [L] avait parfaitement connaissance du risque de chute dans l'escalier en litige.

Il est ainsi à relever que la boulangerie exploitée par l'appelante comprend les unités de production et de vente sur deux niveaux différents, ce qui contraint les salariés à utiliser plusieurs fois par jour un escalier en portant des marchandises. Comme l'ont relevé les premiers juges, ce mode opératoire démultiplie les risques de chute, quelles que soient les caractéristiques de cet escalier.

Il résulte de l'étude du document unique d'évaluation des risques professionnels mis à jour le 2 janvier 2017 par l'appelante que le risque de chute est très clairement identifié au point 1.4. puisque 'la présence d'un escalier au sein de la boulangerie entre le rez-de-chaussée et le premier étage peut être source de chutes.' Ce document met également en évidence que 'les chutes sont fréquentes dans les boulangeries. Elles représentent : 25% des accidents du travail pour les chutes de plain-pied et 9% des accidents du travail pour les chutes de hauteur.' Il insiste sur la gravité des lésions pouvant être occasionnées par une chute, à savoir des contusions, entorses, luxations et fractures. Ce document précise, en page 5, que les mesures de prévention suivantes ont été adoptées, à savoir un éclairage très performant, une rampe, des modules de bord de marche et des revêtements anti-déparants.

Comme l'ont justement estimé les premiers juges, le fait que l'employeur ait identifié le risque susvisé atteste qu'il avait parfaitement conscience du risque causé par la présence d'un escalier permettant de relier les lieux de fabrication et de vente.

S'agissant des mesures prises par la société pour préserver ses salariés d'un risque de chute, les premiers juges ont relevé que le rapport de l'inspection du travail établissait que l'escalier dans lequel Mme [X] [L] avait chuté n'était pas équipé de nez de marche antidérapants et que les employés n'avaient pas à leur disposition des chaussures antidérapantes.

En l'espèce, il résulte du rapport de l'inspection du travail du 9 avril 2018 que Mme [B] [Y], contrôleuse du travail, qui a effectué deux visites des locaux de la SARL [9] les 16 octobre 2017 et 30 mars 2018, a demandé à la société de se mettre en conformité avec la législation du travail sous peine d'amende et de sanctions administratives. Mme [B] [Y] a relevé que les salariés de la société ne portaient pas d'équipement de protection individuelle, à savoir des chaussures anti-dérapantes, et que l'escalier sur lequel Mme [X] [L] avait eu son accident ne possédait pas d'antidérapants sur les nez de marches.

Si la SARL [9] fait grief à l'inspection du travail de ne procéder que par voie d'affirmations, la cour ne partage pas cette opinion puisque le rapport du 9 avril 2018 est motivé en fait et en droit et qu'il vise l'article R.4321-1 du code du travail selon lequel 'l'employeur met à la disposition des travailleurs les équipements de travail nécessaires, appropriés au travail à réaliser ou convenablement adaptés à cet effet, en vue de préserver leur santé et leur sécurité.'

La cour relève que l'appelante produit en pièce 17 une photographie qui établit que la pente de cet escalier est raide, qu'il est étroit et la surface des marches en bois nu. En revanche, faute pour cette photographie d'avoir une date certaine, la cour ne peut tenir pour acquis que cet escalier était bien équipé, à la date de l'accident de l'intimée, de nez de marche antidérapants.

Les attestations de Mme [P] [Z] [J], Mme [I] [H] et M.[T] [R] n'amènent aucun élément utile à la résolution du litige puisqu'elles ne font que rappeler que l'escalier était pourvu d'une rampe, ce qui n'est pas contesté mais a été considéré comme insuffisant par l'inspection du travail et les premiers juges. Quant aux attestations de M.[G] [U] et Mme [A] [N] selon laquelle l'escalier aurait toujours été équipé de nez de marche, ces documents, respectivement datés des 16 avril 2019 et 14 juillet 2022, sont postérieurs au rapport de l'inspection du travail qui a justement stigmatisé l'absence d'antidérapants sur les nez de marches lors des visites de 2017 et 2018.

L'attestation de Mme [F] [N] du 31 mai 2018, concomitante du rapport de l'inspection du travail, établit, au contraire, que l'escalier était dangereux, le sol glissant et que les employés dépourvus de chaussures de sécurité devaient l'emprunter, à plusieurs reprises, les bras chargés de marchandises. Il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur la question de savoir si Mme [F] [N] a effectivement travaillé de manière non-déclarée au service de la SARL [9], la concomitance de cette attestation avec le rapport de l'inspection du travail lui conférant une valeur probante pour la cour. Il n'est, au surplus, pas incompatible avec la chronologie du litige que Mme [F] [N], déclarée à compter du 1er octobre 2017, ait pu se convaincre de la dangerosité des escaliers, sans qu'elle ait eu besoin de connaître personnellement Mme [X] [L].

En revanche, l'attestation de Mme [M] [K], dont se prévaut l'intimée, n'amène élément utile à la résolution du litige.

En conséquence, la cour, au visa du rapport de l'inspection du travail et de l'attestation de Mme [F] [N], estime que Mme [X] [L] rapporte bien la preuve que son employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour la protéger d'un risque de chute, les mesures de prévention visées dans le DUER étant, comme l'ont souligné les premiers juges, insuffisantes en ce qu'elles n'envisageaient pas le port d'équipement de protection individuelle, à savoir des chaussures antidérapantes.

Si la SARL [9] estime, sur le fondement d'une attestation de Mme [A] [N], que Mme [X] [L] avait le projet de simuler une chute dans les escaliers, aucun élément de la procédure n'en rapporte la preuve alors même que la SARL [9] n'a pas discuté, et ne remet toujours pas en question, la matérialité de cet accident et sa prise en charge au titre de la législation professionnelle.

Le fait que Mme [X] [L] ait repris une activité professionnelle dans une autre boulangerie n'est pas une cause exonératoire de responsabilité de l'appelante.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'accident de Mme [X] [L] était bien dû à la faute inexcusable de la SARL [9] qui avait conscience du risque de chute particulier dû à l'escalier et n'a pas pris les mesures nécessaires et suffisantes pour la préserver de ce risque.

Sur les conséquences de la faute inexcusable

La majoration de la rente perçue par l'intimée n'est pas discutée dans ses conclusions par l'appelante. Il en va de même pour l'action récursoire de la caisse.

Aux termes de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale :

'Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

De même, en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée.

La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.'

En application de la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010, en cas de faute inexcusable de l'employeur, la victime peut demander à celui-ci réparation de l'ensemble des dommages non-couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, la liste fixée par l'article L. 453-2 du même code n'étant pas limitative.

Si l'appelante soutient que Mme [X] [L] a déjà été indemnisée par le conseil de prud'hommes de Martigues dans sa décision du 9 mars 2020, la réparation des préjudices par le conseil de prud'hommes et l'indemnisation fondée sur la reconnaissance d'une faute inexcusable doivent être distinguées, le Code du travail excluant la compétence du juge du travail dans cette dernière hypothèse comme le prévoit le second alinéa de l'article L.1411-4 du code du travail selon lequel « le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour connaître des litiges attribués à une autre juridiction par la loi, notamment par le code de la

sécurité sociale en matière d'accidents du travail et maladies professionnelles.'

L'appelante conteste le périmètre de la mission d'expertise confiée au docteur [D] par les premiers juges.

Il résulte du jugement entrepris que les premiers juges ont ordonné une expertise sur les postes de préjudice suivants :

assistance à tierce-personne avant consolidation ;

dépenses liées à la réduction de l'autonomie ;

déficit fonctionnel temporaire ;

préjudice résultant de la diminution ou de la perte de chance de promotion professionnelle ;

souffrances endurées avant consolidation ;

préjudice esthétique temporaire et permanent ;

préjudice d'agrément ;

préjudice d'établissement ;

préjudice sexuel ;

La cour relève que ces postes de préjudice peuvent donner lieu à une indemnisation en contemplation des principes rappelés ci-dessus.

Quant à la provision dont l'appelante remet le montant en question, elle se borne à indiquer qu'elle est disproportionnée sans fournir davantage d'explications. Au contraire, la cour estime que le montant de la provision accordée à l'intimée, soit 6.000 euros, est adapté.

La décision des premiers juges doit donc être approuvée.

Sur les dépens et les demandes accessoires

La SARL [9], représentée par maître [C]-[E] [W] et la SCP Avazeri-Bonetto, en qualité respective de mandataire et administratrice judiciaires, succombe à la procédure et doit être condamnée aux dépens.

L'équité commande d'allouer à Mme [X] [L] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à fixer au passif de la SARL [9].

PAR CES MOTIFS

Confirme, en ses dispositions soumises à la cour, le jugement rendu le 19 octobre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille,

Y ajoutant,

Condamne la SARL [9] représentée par maître [C]-[E] [W] et la SCP Avazeri-Bonetto, en qualité respective de mandataire et administratrice judiciaires, aux dépens,

Alloue à Mme [X] [L] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à fixer au passif de la SARL [9].

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8a
Numéro d'arrêt : 22/14957
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;22.14957 ?
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