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17/06/2024 | FRANCE | N°24/00834

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Rétention administrative, 17 juin 2024, 24/00834


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE



CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative





ORDONNANCE

DU 17 JUIN 2024



N° 2024/834



N° RG 24/00834 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNHDM













Copie conforme

délivrée le 17 Juin 2024 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP



















Décision déférée à la Cour :



Ordonnance rend

ue par le Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 14 Juin 2024 à 16h00.







APPELANT



Monsieur [W] [E]

né le 29 Mai 1991 à [Localité 6] (Tunisie) (99)

de nationalité Tunisienne



comparant en personne, assisté de Me Anabelen IGLESIAS, avocat au barreau...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 17 JUIN 2024

N° 2024/834

N° RG 24/00834 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNHDM

Copie conforme

délivrée le 17 Juin 2024 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 14 Juin 2024 à 16h00.

APPELANT

Monsieur [W] [E]

né le 29 Mai 1991 à [Localité 6] (Tunisie) (99)

de nationalité Tunisienne

comparant en personne, assisté de Me Anabelen IGLESIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, commis d'office, et de Mme [U] [M], interprète en langue arabe inscrite sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence;

INTIMÉ

Monsieur le Préfet des Bouches-du-Rhône

Représenté par Madame [G] [V];

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé et non représenté;

******

DÉBATS

L'affaire a été débattue en audience publique le 17 Juin 2024 devant M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de M. Corentin MILLOT, Greffier.

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2024 à 12h23,

Signée par M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller, et M. Corentin MILLOT, Greffier.

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 7 avril 2023 par le préfet des Bouches-du-Rhône, notifié à Monsieur [W] [E] le même jour à 14h05;

Vu la décision de placement en rétention prise le 11 juin 2024 par le préfet des Bouches-du-Rhône notifiée à Monsieur [W] [E] le même jour à 18h05;

Vu l'ordonnance du 14 Juin 2024 rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE décidant le maintien de Monsieur [W] [E] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 28 jours ;

Vu l'appel interjeté le 15 Juin 2024 à 12h56 par Monsieur [W] [E] ;

Monsieur [W] [E] a comparu et a été entendu en ses explications. Il déclare : 'J'ai une adresse, il s'agit du foyer [5] à [Localité 7] à la Joliette. J'ai interjeté appel car j'aimerais partir par mes propres moyens, j'ai un contrat de travail en Italie, en Sicile dans l'agriculture. J'ai mes parents en Tunisie, en France j'ai des oncles et des cousins. Je n'ai personne en Italie. Je n'ai rien à ajouter.'

Son avocate a été régulièrement entendue. Elle sollicite l'infirmation de l'ordonnance déférée et la remise en liberté du retenu. A cette fin, elle invoque l'irrégularité de la garde à vue, en ce que le susnommé n'a pas été examiné par un médecin en dépit de demandes en ce sens, ce qui lui fait grief. Elle expose en outre que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire est illégal, en ce qu'il est dépourvu de base légale, est insuffisamment motivé et résulte d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'étranger. Elle estime que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire en date du 7 avril 2023, pris avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 2024, ne pouvait pas fonder le placement en rétention, sauf à faire rétroagir la loi nouvelle. Elle reproche ensuite au préfet de ne pas avoir pris en compte la situation de demandeur d'asile en Italie de M. [E] et de ne pas avoir interrogé la borne EURODAC.

La représentante de la préfecture a été régulièrement entendue. Elle déclare : 'Monsieur a déclaré avoir déposé une demande d'asile, il précise avoir une carte de séjour en Italie qui n'est plus valide. La demande d'asile n'empêche pas le prefet de le placer au centre de rétention. Il aurait dû avoir un document qui prouve sa demande d'asile, outre sa déclaration. Dès le placement, le préfet a fait les diligences pour vérifier cette demande d'asile. Ca ne pouvait apparaître dans le dossier, la requête en prolongation de la rétention a été envoyée au JLD le 13 juin et nous avons reçu le retour d'EURODAC le 14 juin, jour de la décision du JLD. On ne pouvait se baser sur ses seuls dires.

Sur la visite médicale en GAV, le médecin ne s'est pas présenté en GAV, le PV de fin de GAV mentionne la carence du médecin. Il savait ne pas avoir été vu par un médecin. Il a été vu par un médecin au CRA. S'il avait eu des problèmes de santé, il aurait été pris en charge à ce moment.'

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur la recevabilité de l'appel

Aux termes des dispositions de l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), 'L'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel, dans les vingt-quatre heures de son prononcé, par l'étranger, le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. Lorsque l'étranger n'assiste pas à l'audience, le délai court pour ce dernier à compter de la notification qui lui est faite. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.

Le ministère public peut interjeter appel de cette ordonnance selon les mêmes modalités lorsqu'il ne sollicite pas la suspension provisoire.'

Selon les dispositions de l'article R743-11 alinéa 1 du CESEDA, 'A peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée. Elle est transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel qui l'enregistre avec mention de la date et de l'heure.'

L'ordonnance querellée a été rendue le 14 juin 2024 à 16h00. M. [W] [E] a interjeté appel le 15 juin 2024 à 12h56 en adressant au greffe de la cour une déclaration d'appel motivée. Son recours sera donc déclaré recevable.

2) Sur le moyen tiré de la méconnaissance du droit à un examen médical en garde à vue

Aux termes des dispositions de l'article 63-3 du code de procédure pénale, 'Toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, être examinée par un médecin désigné par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire. En cas de prolongation, elle peut demander à être examinée une seconde fois. Le médecin se prononce sur l'aptitude au maintien en garde à vue et procède à toutes constatations utiles. Sauf en cas de circonstance insurmontable, les diligences incombant aux enquêteurs ou, sous leur contrôle, aux assistants d'enquête en application du présent alinéa doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a formulé la demande. Sauf décision contraire du médecin, l'examen médical doit être pratiqué à l'abri du regard et de toute écoute extérieurs afin de permettre le respect de la dignité et du secret professionnel.

A tout moment, le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire peut d'office désigner un médecin pour examiner la personne gardée à vue.

En l'absence de demande de la personne gardée à vue, du procureur de la République ou de l'officier de police judiciaire, un examen médical est de droit si un membre de sa famille le demande ; le médecin est désigné par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire.

Le médecin examine sans délai la personne gardée à vue. Le certificat médical est versé au dossier.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsqu'il est procédé à un examen médical en application de règles particulières.'

L'article L743-12 du CESEDA dispose qu'en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats.

En l'espèce, il résulte de la procédure que M. [E] s'est vu notifier les droits de la garde à vue le 10 juin 2024 à 18h40 par le brigadier chef de police [T], officier de police judiciaire. L'intéressé a demandé à être examiné par un médecin le même jour à 18h59, heure à laquelle l'officier de police judiciaire a requis le directeur de l'Unité Médico-Judiciaire (UMJ) du centre hospitalier de la Timone. Aucun examen médical du gardé à vue ne sera réalisé durant la mesure de garde à vue. Lors du recueil d'observations préalablement à la prolongation de la garde à vue le 11 juin à 16h46, M. [E] a précisé ne pas avoir vu le médecin. Sa garde à vue ne sera finalement pas prolongée et il y sera mis fin le 11 juin 2024 à 18h02. Le procès-verbal de fin de garde à vue indique que l'intéressé n'a pas fait l'objet d'un examen médical en raison de la carence du médecin. Pourtant, il sera relevé que la co-gardée à vue de M. [E] a été examinée par un médecin de l'UMJ le 11 juin 2024 à 01 h40.

Cet élément établit que l'intéressé a été privé du droit d'être examiné par un médecin en dépit d'une demande immédiate de sa part en ce sens. Cette carence lui fait nécessairement grief et vicie la garde à vue et donc la procédure subséquente.

L'ordonnance du premier juge sera donc infirmée et il sera mis fin à la mesure de rétention de M. [W] [E], sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Déclarons recevable l'appel formé par M. [W] [E],

Infirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de NICE en date du 14 Juin 2024,

statuant à nouveau,

Déclarons irrégulières la mesure de garde à vue de M. [W] [E] et la procédure subséquente,

en conséquence,

Ordonnons la mainlevée de la mesure de rétention de M. [W] [E],

Rappelons à l'intéressé qu'il doit quitter immédiatement le territoire français par ses propres moyens,

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [W] [E]

né le 29 Mai 1991 à [Localité 6] (Tunisie) (99)

de nationalité Tunisienne

assisté de , interprète en langue arabe.

Interprète

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

Palais Verdun , bureau 443

Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 4]

Aix-en-Provence, le 17 Juin 2024

À

- Monsieur le préfet des Bouches-du-Rhône

- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 8]

- Monsieur le procureur général

- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de NICE

- Maître Anabelen IGLESIAS

NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE

J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 17 Juin 2024, suite à l'appel interjeté par :

Monsieur [W] [E]

né le 29 Mai 1991 à [Localité 6] (Tunisie) (99)

de nationalité Tunisienne

Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Rétention administrative
Numéro d'arrêt : 24/00834
Date de la décision : 17/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-17;24.00834 ?
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