COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 15 JUIN 2024
N° 2024/830
N° RG 24/00830 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNHDH
Copie conforme
délivrée le 15 Juin 2024 par courriel à :
-l'avocat
-le préfet
-le CRA
-le JLD/TJ
-le retenu
-le MP
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 14 Juin 2024 à 12H45.
APPELANT
Monsieur [D] [Y]
né le 24 Septembre 1944 à [Localité 4] (99)
de nationalité Algérienne
comparant en personne, assisté de Me Maeva LAURENS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, , commis d'office
Mme [B] [O] (Interpréte en langue arabe) en vertu d'un pouvoir général
inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
INTIMÉ
Monsieur le Préfet des Bouches-du-Rhône
Absent
MINISTÈRE PUBLIC
Avisé et non représenté
******
DÉBATS
L'affaire a été débattue en audience publique le 15 Juin 2024 devant Madame Muriel VASSAIL, Conseiller à la cour d'appel délégué e par le premier président par ordonnance, assistée de Madame Ingrid LAVALLEE, Greffier,
ORDONNANCE
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Juin 2024 à 17H30,
Signée par Madame Muriel VASSAIL, Conseiller et Madame Ingrid LAVALLEE, Greffier,
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'ordonnance du 14 Juin 2024 rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE décidant le maintien de Monsieur [D] [Y] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu l'appel interjeté le 15 Juin 2024 à 09H12 par Monsieur [D] [Y] ;
Monsieur [D] [Y] a comparu et a été entendu en ses explications. Il déclare:
'Je suis né le 27/09/1994 à [Localité 4] en Algérie. On a fait un mariage religieux avec ma femme, qui est présente ici. Ma compagne a une fille mais pas nous n'avons pas d'enfant ensemble. Nous vivons ensemble. Je suis ouvrier agricole. Après j'étais en prison, je ne pouvais pas travailler. Je ne veux pas retourner en Algérie. Je venais d'arriver et j'ai commis des erreurs et j'ai été condamné. Maintenant j'ai une femme, je suis responsable. Donnez moi une chance. Je veux être assigné à résidence. Je suis en France depuis 6 ans. '
Son avocat a été régulièrement entendu. Il conclut :
La procédure est entachée de nombreuses nullités en ce que :
- elle n'a pas de base légale, Monsieur en rétention sur la base d'une interdiction temporaire du territoire français prononcée le 13 novembre 2023 par le tribunal correctionnel de MARSEILLE. Or, il a fait appel de cette interdiction et, conformément à l'article 506 du CPP, l'appel est suspensif. Il en résulte que cette décision ne peut pas être exécutoire ni exécutée. Le 1er juge a excédé ses pouvoirs en considérant que l'appel n'était pas suspensif en raison de son caractère tardif. Son client ne peut pas être placé en rétention sur la base d'une interdiction qui est suspendue. Le placement est donc sans base légale.
- l'arrêté de placement en rétention n'est pas daté. On ne sait pas non plus quand il lui a été notifié de sorte qu'il est impossible de vérifier la durée du transfert et le délai de notification de ses droits, il en résulte que la procédure est irrégulière.
-la notification de ses droits et son placement en rétention ont été réalisés sans interprète alors qu'en application de l'article L145-3 du CESEDA l'assistance d'un interprète est obligatoire. D'ailleurs, Monsieur a toujours été assisté d'un interprète en langue arabe, lors l'audience TC Marseille, lors de sa GAV, sur sa fiche pénale.
Sur le fond, l'administration ne justifie pas de diligences suffisantes. En effet, Monsieur est Algérien. Lors de son séjour en prison, il a obtenu une sortie pour aller au consulat et n'a jamais cherché à cacher son identité.
Sans interprète, Monsieur n'a pas pu justifier de sa situation. Sa compagne a pris contact avec la SPIP et transmis des éléments à la préfecture (attestation consulaire pour affirmer son identité pour régulariser sa situation, courrier de sa compagne avec domicile, vie commune stable, attestation assurance domicile antérieure) mais cette dernière n'en a pas tenu compte.
Le représentant de la préfecture, bien que régulièrement convoqué, n'a pas comparu.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.
Dans le cas présent, il n'est pas contesté et ressort des éléments du dossier que M. [Y] a été placé en rétention administrative sur le fondement d'un jugement rendu le 13 novembre 2023 par le tribunal correctionnel de MARSEILLE qui l'a notamment condamné à une interdiction temporaire du territoire national de 5 ans.
Il est tout aussi incontesté que l'intéressé a fait appel de cette décision le 12 juin 2024 et que l'appel est pendant.
Même si la cour relève que l'intéressé a exécuté ce jugement et purgé la peine d'emprisonnement à laquelle il a été condamné, le juge des libertés et de la détentions ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, préjuger de la décision de la cour de ce siège et décider du sort de cet appel.
En conséquence, en l'état de la législation applicable, il ne pouvait pas non plus écarter l'application de l'article 506 du code de procédure pénale posant le principe de l'effet suspensif de l'appel.
Il en résulte que l'arrêté préfectoral de placement en rétention de l'appelant est effectivement dépourvu de base légale et que, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens développés par l'intéressé, il convient d'infirmer l'ordonnance frappée d'appel et d'ordonner la remise en liberté de M. [Y].
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Infirmons l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 14 Juin 2024 ;
Ordonnons la remise en liberté de M. [Y].
Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier Le président
Reçu et pris connaissance le :
Monsieur [D] [Y]
né le 24 Septembre 1944 à [Localité 4] (99)
de nationalité Algérienne
Assisté d'un interprète
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11, Rétentions Administratives
Palais Verdun , bureau 443
Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]
Courriel : [Courriel 5]
Aix-en-Provence, le 15 Juin 2024
À
- Monsieur le préfet des Bouches-du-Rhône
- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de Marseille
- Monsieur le procureur général
- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE
- Maître Maeva LAURENS
NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE
J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 15 Juin 2024, suite à l'appel interjeté par :
Monsieur [D] [Y]
né le 24 Septembre 1944 à [Localité 4] (99)
de nationalité Algérienne
Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.
Le greffier,
VOIE DE RECOURS
Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.