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14/06/2024 | FRANCE | N°24/00814

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Rétention administrative, 14 juin 2024, 24/00814


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE



CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative





ORDONNANCE

DU 14 JUIN 2024



N° 2024/814



N° RG 24/00814 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNF72













Copie conforme

délivrée le 14 Juin 2024 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP



















Décision déférée à la Cour :



Ordonnance rend

ue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 12 Juin 2024 à 11h58.







APPELANT



X se disant Monsieur [R] [N] ou [U] [J]

né le 05 Avril 1975 à [Localité 5] (Algérie) (99)

de nationalité Algérienne



Comparant en personne, assisté de Maître M...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 14 JUIN 2024

N° 2024/814

N° RG 24/00814 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNF72

Copie conforme

délivrée le 14 Juin 2024 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 12 Juin 2024 à 11h58.

APPELANT

X se disant Monsieur [R] [N] ou [U] [J]

né le 05 Avril 1975 à [Localité 5] (Algérie) (99)

de nationalité Algérienne

Comparant en personne, assisté de Maître Maeva LAURENS, avocat au barreau d'Aix-en-Provence, commis d'office, et de Madame [E] [I], interprète en langue arabe, inscrite sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence;

INTIMÉ

MONSIEUR LE PRÉFET DES BOUCHES-DU-RHÔNE

Représenté par Monsieur [V] [O];

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé et non représenté;

******

DÉBATS

L'affaire a été débattue en audience publique le 14 Juin 2024 devant M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de Mme Himane EL FODIL, Greffier.

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2024 à 17h20,

Signée par M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller, et Madame Himane EL FODIL, Greffier.

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire en date du 4 mai 2023 émanant du préfet des Bouches-du-Rhône, notifié à X se disant Monsieur [R] [N] ou [U] [J] le même jour à 16h20;

Vu la décision de placement en rétention prise le 7 juin 2024 par le préfet des Bouches-du-Rhône;

Vu l'ordonnance du 12 Juin 2024 rendue par le Juge des libertés et de la détention de Marseille décidant le maintien de X se disant Monsieur [R] [N] ou [U] [J] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 28 jours;

Vu l'appel interjeté le 13 Juin 2024 à 9h49 par Me Maeva LAURENS, avocate de X se disant Monsieur [R] [N] ou [U] [J] ;

X se disant Monsieur [R] [N] ou [U] [J] a comparu et a été entendu en ses explications. Il déclare: 'Ma voisine m'héberge au [Adresse 4]. Elle m'a donné l'appart à moi, ma femme et mes enfants. Je veux retourner en Italie. J'ai fait une demande d'asile et j'ai la preuve chez moi. En Italie, je vivrai en Sardaigne et je travaillerai en tant qu'ouvrier agricole. J'ai quitté le territoire mais j'ai dû revenir pour ma femme car elle est hospitalisée. Ma première condamnation était un sursis. Je travaillais pour gagner de l'argent. J'ai 6 enfants à [Localité 7]. Et pas de famille en Algérie, mes parents sont morts.'

Son avocate a été régulièrement entendue. Elle sollicite l'infirmation de l'ordonnance déférée et la remise en liberté du retenu. A cette fin, elle fait valoir à titre principal que la procédure est irrégulière en ce que la notification de la décision de placement en rétention n'est pas datée. Elle précise sur ce point que la mention 'heure de la levée d'écrou' figurant dans le paragraphe de notification est une mention automatiquement intégrée au document et ne constitue pas une présomption de notification à ces date et heure. Elle souligne par ailleurs que l'arrêté de placement en rétention et les droits afférents ont été notifiés sans l'assistance d'un interprète alors que le retenu ne comprend pas le français, celui-ci ayant toujours été assisté d'un interprète à l'occasion des actes antérieurs au placement en rétention. Elle reproche par ailleurs à la préfecture de ne pas avoir consulté le fichier EURODAC alors que l'appelant avait indiqué lors de son audition administrative par les fonctionnaires de police avoir déposé une demande d'asile en Italie. Enfin, elle invoque à titre subsidiaire le défaut de diligences de l'autorité préfectorale, lui reprochant de ne pas avoir communiqué aux autorités consulaires algériennes concommitament avec la demande d'identification la copie du passeport de l'étranger, communication de nature à accélérer le processus d'identification.

Le représentant de la préfecture a été régulièrement entendu. Il déclare: 'Je vous demande de rejeter le premier moyen. L'intéressé n'avait pas demandé d'interprète. Il montrait qu'il comprenait la langue française. Il a connu l'ensemble de ses droits. Il n'avait pas de récépissé prouvant sa demande d'asile en Italie. Concernant la copie du passeport, nous avons le passeport. Celui-ci avait la copie, les autorités Algériennes était au courant que monsieur disposait d'une copie de passeport. Je vous demande de confirmer l'ordonnance du JLD.'

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur la recevabilité de l'appel

Aux termes des dispositions de l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), 'L'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel, dans les vingt-quatre heures de son prononcé, par l'étranger, le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. Lorsque l'étranger n'assiste pas à l'audience, le délai court pour ce dernier à compter de la notification qui lui est faite. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.

Le ministère public peut interjeter appel de cette ordonnance selon les mêmes modalités lorsqu'il ne sollicite pas la suspension provisoire.'

Selon les dispositions de l'article R743-11 alinéa 1 du CESEDA, 'A peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée. Elle est transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel qui l'enregistre avec mention de la date et de l'heure.'

L'ordonnance querellée a été rendue le 12 juin 2024 à 11h58 et notifiée à X se disant Monsieur [R] [N] ou [U] [J] à ces mêmes date et heure. Ce dernier a interjeté appel le 13 juin 2024 à 9h49 en adressant au greffe de la cour, par l'intermédiaire de son avocate, une déclaration d'appel motivée. Son recours sera donc déclaré recevable.

2) Sur le moyen tiré de l'absence de date sur la notification de l'arrêté de placement en rétention

Selon les dispositions de l'article L741-6 du CESEDA, 'La décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée.

Elle prend effet à compter de sa notification.'

En l'espèce, il ressort de l'examen de la décision de placement en rétention que le paragraphe relatif à la notification mentionne une notification faite à l'appelant à 9h00, sans précision d'une date, mais comportant la mention dactylographiée '(heure de la levée d'écrou)', suivie de la signature de l'étranger. Si cette dernière mention est effectivement intégrée au document, il sera observé qu'elle n'a pas été barrée, circonstance établissant donc que la décision a été portée à la connaissance de l'appelant à l'heure de la levée d'écrou, intervenue selon la fiche de levée d'écrou se trouvant en procédure le 10 juin 2024 à 9h00. Il sera d'ailleurs relevé que si l'arrêté de placement en rétention a été pris le 7 juin 2024 par l'autorité préfectorale, cette décision prévoit dans son dispositif un placement en rétention de X se disant Monsieur [R] [N] ou [U] [J] pour 48 heures à compter du 10 juin 2024. Enfin, il ressort des pièces du dossier que les droits afférents à la rétention ont été notifiés à l'intéressé à cette même date à 9h00, tel que cela ressort explicitement du document de notification.

Le moyen sera donc rejeté.

3) Sur le moyen tiré de l'absence de notification de l'arrêté de placement en rétention et des droits afférents à la rétention par le truchement d'un interprète

L'article L743-12 du CESEDA prévoit qu'en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats.

En application de l'article L. 141-3 du CESEDA, lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire.En cas de nécessité, l'assistance del'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger.

En l'espèce, il est constant que l'arrêté de placement en rétention et les droits afférents à la mesure ont été notifés à l'appelant sans l'assistance d'un interprète. Si l'intéressé a bien signé ces documents et si le registre de rétention joint à la requête préfectorale précise qu'il comprend et parle le français, il sera toutefois observé qu'il avait été assisté d'un interprète en langue arabe lors de son audition administrative par les fonctionnaires de police le 3 mai 2023, lors de l'audition de même nature du 15 janvier 2024 et lors de sa comparution devant le tribunal correctionnel de Marseille le 16 janvier 2024. De la même manière, la fiche pénale relative à l'incarcération précédant immédiatement son placement en rétention souligne que la langue parlée par l'étranger est l'arabe.

Ainsi, ces éléments établissent que X se disant Monsieur [R] [N] ou [U] [J] ne maîtrisait pas suffisamment le français pour se voir notifier la décision de placement en rétention et les droits afférents sans l'assistance d'un interprète en langue arabe.

L'absence d'interprète lui fait donc nécessairement grief et vicie la procédure.

Il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance du premier juge, de constater l'irrégularité de la procédure et d'ordonner la mainlevée de la mesure de rétention du susnommé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Déclarons recevable l'appel formé par X se disant Monsieur [R] [N] ou [U] [J],

Rejetons le moyen tiré de l'absence de date sur la notification de l'arrêté de placement en rétention,

Infirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Marseille en date du 12 juin 2024,

en conséquence, statuant à nouveau,

Accueillons le moyen tiré de l'absence de notification par le truchement d'un interprète de l'arrêté de placement en rétention et des droits afférents à la mesure,

Constatons l'irrégularité de la procédure,

Ordonnons la mainlevée de la mesure de rétention de X se disant Monsieur [R] [J] ou [U] [N],

Rappelons à l'intéressé qu'il doit quitter immédiatement le territoire français par ses propres moyens,

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

X se disant Monsieur [R] [J] ou [U] [N]

né le 05 Avril 1975 à [Localité 5] (Algérie) (99)

de nationalité Algérienne

assisté de , interprète en langue arabe.

Interprète

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

Palais Verdun , bureau 443

Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 6]

Aix-en-Provence, le 14 Juin 2024

À

- Monsieur le préfet des Bouches-du-Rhône

- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de Marseille

- Monsieur le procureur général

- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE

- Maître Maeva LAURENS

NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE

J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 14 Juin 2024, suite à l'appel interjeté par :

X se disant Monsieur [R] [J] ou [U] [N]

né le 05 Avril 1975 à [Localité 5] (Algérie) (99)

de nationalité Algérienne

Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Rétention administrative
Numéro d'arrêt : 24/00814
Date de la décision : 14/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-14;24.00814 ?
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