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14/06/2024 | FRANCE | N°23/07245

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 14 juin 2024, 23/07245


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND

-RENVOI APRÈS CASSATION-



DU 14 JUIN 2024



N°2024/ 109



RG 23/07245

N° Portalis DBVB-V-B7H-BLLTU







[W] [J]





C/



S.A.R.L. SEED FOR TEC























Copie exécutoire délivrée

le 14 Juin 2024 à :



- Me Philippe-laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V68



-

Me Jean-françois JOURDAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V356









Décisions déférées à la Cour :



Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS en date du 25 Janvier 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 79 F-D.

Arrêt de la Cour d'Appel d'Aix en Provence en date ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

-RENVOI APRÈS CASSATION-

DU 14 JUIN 2024

N°2024/ 109

RG 23/07245

N° Portalis DBVB-V-B7H-BLLTU

[W] [J]

C/

S.A.R.L. SEED FOR TEC

Copie exécutoire délivrée

le 14 Juin 2024 à :

- Me Philippe-laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V68

- Me Jean-françois JOURDAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V356

Décisions déférées à la Cour :

Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS en date du 25 Janvier 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 79 F-D.

Arrêt de la Cour d'Appel d'Aix en Provence en date du 15 Janvier 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 17/18354

Jugement du conseil de prud'hommes - formation paritaire de MARSEILLE en date du 20 Septembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F15/02883.

APPELANT

Monsieur [W] [J], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Philippe-laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Christian SALORD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.A.R.L. SEED FOR TEC, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JF JOURDAN - PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Myriam BAUR, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2024.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [W] [J] était engagé par la société Feed For Tec, selon contrat à durée indéterminée à effet au 2 mai 2011, en qualité de responsable de travaux, statut cadre.

La convention collective nationale applicable était celle des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils et sociétés de conseils, dite Syntec.

Le salarié était en arrêt de travail à compter du 12 janvier 2015 puis placé en invalidité 1ère catégorie à compter du 1er octobre 2015 et reconnu travailleur handicapé le 11 février 2016.

M. [J] saisissait le 5 novembre 2015 le conseil des prud'hommes de Marseille d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et en rappel de primes.

Il était convoqué le 14 avril 2016 à un entretien préalable fixé au 27 avril 2016 et était licencié pour désorganisation de l'entreprise suite à son absence prolongée et à son remplacement définitif par courrier du 9 mai 2016.

Par jugement du 20 septembre 2017 le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

«De la prescription et de la réclamation des différentes primes de travaux,

PREND EN COMPTE la conformité avec les dispositions de l'article 74 du code de procédure civile, de l'exception soulevée par la défenderesse relative à la prescription triennale de demandes relatives à des primes, interrompue à compter de la saisine du Conseil des Prud'hommes de Marseille le 5 novembre 2015, et limitée à hauteur de leur formulation à cette date pour 15 400,00 €, de primes de travaux, et 9 600 € de récompense Waves, soit 25 000 €, comparés au total réclamé dans le dernier état de 99 600 €, dont 47400€, correspondent à l'évolution à la hausse qui est prescrite de la somme initiale de 25000 €,

SOULIGNE que les primes dites de travaux demeurent subordonnées à des projets réalisés excluant ceux qui out été abandonnés, ou qui out fait l'objet de contestation non résolues lors de la livraison de la prestation,

REJETTE en tout état de cause, la revendication de Monsieur [W] [J], à défaut d'en rapporter les éléments objectifs,

De la discrimination liée au salaire, au profit de Messieurs [Y] [R] et [X] [F],

REMARQUE d'abord que la SARL SEED FOR TEC a constamment dépassé, au profit de Monsieur [W] [J] qui ne le conteste pas, le salaire minimum conventionnel de sa catégorie et lui oppose l'absence de toute discrimination de salaire par rapport à Messieurs [Y] [R] et [X] [F], en l'état d'une ancienneté supérieure de près de trois ans pour le premier, et de la désignation à la qualité de Directeur de Travaux dont ils ont bénéficié tous les deux, d'un écart de salaire,

ÉCARTE dans des situations aussi différentes, l'inégalité de traitement soulevée par Monsieur [W] [J] qui doit être débouté de l'indemnisation qu'il réclame de ce chef,

De la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [W] [J],

USANT du pouvoir d'appréciation inclus au dispositions de l'article 12 du code de procédure civile, aprés avoir étudié les pièces du débat, et recherché la matérialité, la consistance et la gravité des manquements dans l'exécution du contrat de travail dont il est fait grief à la SARL SEED FOR TEC,

EXCLUT dans ses conditions de l'espèce et suivant les éléments développés par les parties, le défaut d'exécution des obligations contractuelles de la défenderesse à l'égard de Monsieur [W] [J], de nature à empêcher le déroulement normal du contrat de travail, par ailleurs suspendu en raison d'un arrêt prolongé consécutif à son état de santé,

DÉBOUTE en conséquence Monsieur [W] [J] de la demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur, avec ses incidences financières,

Du licenciement pour perturbation dans le bon fonctionnement de l'entreprise liée à une absence prolongée et au nécessaire remplacement définitif du salarié,

EXERCANT la faculté d'appréciation qu'i1 tient des dispositions des articles 12 du code de procédure civile, et L 1235-1 du code dn travail, au terme d'un examen attentif des documents du débat, et après avoir recherche la consistance des perturbations résultant de l'absence de Monsieur [W] [J], et les éléments matériels de sonremplacement effectif,

CONSTATE que la répartition à titre provisoire des dossiers de Monsieur [W] [J] entre les Responsables Travaux présents ne pouvait se poursuivre plus longtemps,

ESTIME cependant que l'application rigoureuse de la jurisprudence relative au nécessaire remplacement définitif du salarié malade en relation avec la perturbation occasionnée dans le bon fonctionnement de l'Entreprise, ne peut se satisfaire du simple déplacement avec promotion de Monsieur [B] [N] après le départ précipité de Monsieur [S] [D] dont l'embauche n'apparaît pas déjà exclusivement correspondre au strict remplacement de Monsieur [W] [J] dans son type de projets,

RETIENT que ce faisant, la SARL SEED FORTEC a privé le licenciement de Monsieur [W] [J] du motif réel et sérieux exigé à l'article L 1232-1 du code du travail,

ACCORDE à Monsieur [W] [J] avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement, des dommages intéréts qui à défaut d'étre rapportés à hautenr du préjudice allégué, seront évalués sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-5 du code du travail, applicables à une structure employant habituellement moins de onze salariés et en rapport avec le salaire moyen, l'ancienneté, l'âge et la situation de l'intéressé pour 52 000 €,

DIT qu'il n'y a pas lieu d'appliquer à l'espèce, les dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail.

Des demandes reconventionnelles de la SARL SEED FOR TEC,

RELÈVE que bien qu'elle n'ait commis aucune faute, la SARL SEED FOR TEC a bien fait l'objet des réclamations en remboursement dans le cadre de sa subrogation à l'égard de Monsieur [W] [J] des sommes de 8 780,20 €, 2 993,25 €, et 40 855,29€, concernant des Indemnités Journalieres de Sécurité Sociale du premier octobre 2015, au 21 juillet 2016, et des indemnités de prévoyance AXA conditionnées au versement de ces indemnités, indemnité perçues et aceeptées par l'intéressé qui a gardé le silence,

EN VERTU de pouvoir d'appréciation que lui confèrent les dispositions de l'article 12 du code de procédure civile, aprés avoir observé les documents fournis au dossier, et recherché le fondement des arguments de l'Assurance Maladie, de la Société AXA Prévoyances santé, et de la SARL SEED FOR TEC,

CONDAMNE Monsieur [W] [J] par application les dispositions des articles du nouveau code civil, 1302 et 1302-1, anciens articles 1235, et 1376, conservés dans l'intégralité du texte, à restituer à la SARL SEED FOR TEC, les sommes indûment perçues par son intermédiaire dans le cadre de sa subrogation, et se décomposant comme suit,

8 780,20 € par l'Assurance Maladie en Indemnités Journalieres de Sécurité Sociale non dues du premier octobre au 31 décembre 2015, et du 16 mars an 21 juiilet 2016, ainsi que,

2 993,25 € pour la période du premier janvier au 15 mars 2016,

40 855,29 € de prestations fournies par la société AXA Prévoyances Collectives accompagnant le service des indemnités Journaliéres de Sécurité Sociale,

CONSIDÈRE que ces sommes d'un total de, 52 633,74 €, ont vocation à compensation dans le cadre du même litige, sous déduction de la somme de 1 383, 46 € que la SARL SEED FOR TEC reconnait devoir "sans autre explication" en couverture de sa côte "vide" numéro 62, soit un solde de 51 250,28 €, qu'il y a lieu de compenser avec les dommages-intérêts alloués sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-5 du code du travail,

STATUANT à propos des recours reconventionnels en restitution d'une quotité des congés payés et de l'indemnité de licenciement,

ÉCARTE d'une part à défaut de développer ou rapporter les éléments sur lesquels la SARL SEED FOR TEC s'appuie au titre de la fraction de congés payés non fondés sur une contrepartie de travail effectif, dont elle sollicite le retour,

DÉBOUTE d'autre part la SARL SEED FOR TEC de sa demands en répétition au titre de l'indemnité de licenciement qui constitue en l'espèce une obligation naturelle volontairement acquittée qui relève pour la partie dont Monsieur [W] [J] n'était pas réellement créancier, des dispositions du dernier alinéa de l'article 1302 du nouveau code civil,

De la procédure abusive,

OBSERVE qu'après avoir notamment contesté les conditions de son licencieinent Monsieur [W] [J] n'a pas pour autant fait dégénérer l'action initiée devant la présente juridiction en procèdure abusive,déboute en conséquence la SARL SEED FOR TEC sa réclamation en dommages intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile.

MET LES EVENTUELS DEPENS à la charge de la SARL SEED FOR TEC.

NE RETIENT aucun motif d'urgence justifiant d'assortir la présente décision de l'exécution provisoire par appiication des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile, lorsqu'elle s'impose pas de droit.

LAISSE à chacune des parties, la charge de ses frais irrépétibles non compris dans les dépens.

DÉBOUTE Monsieur [W] [J] de ses demandes autres on plus amples.

DÉBOUTE la SARL SEED FOR TEC, de ses demandes reconventionnelles autres ou plus amples».

M. [J] a interjeté appel de cette décision.

La cour d'appel d'Aix-en-Provence a rendu le 15 janvier 2021, l'arrêt suivant :

« Pour une meilleure compréhension, Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail à effet au 9 mai 2016, date du licenciement,

Condamne la SARL Feed For Tec à payer à M. [W] [J] les sommes de :

- 79'800 € au titre d'un rappel de primes contractuelles (article quatre du contrat de travail)

- 1 815,87 € au titre d'un rappel de la prime de vacances

- 321,40 € au titre du solde de l'indemnité de licenciement

- 19'176 € au titre de dommages-intérêts pour manquement au principe d'égalité de traitement

- 15'000 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Condamne M. [W] [J] à payer à la SARL Feed For Tec les sommes de :

- 40'855,29 € au titre de l'indu lié au versement des prestations complémentaires par la compagnie AXA

- 941,35 euros au titre du trop-perçu de congés payés

Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2015 et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jugement sur la partie confirmée et à compter du présent arrêt pour le surplus,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par la loi,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la SARL Feed For Tec à payer à M. [W] [J] la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL Feed For Tec aux dépens de première instance et d'appel ».

Par arrêt du 25 janvier 2023, la Cour de cassation a statué ainsi :

« REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail à effet au 9 mai 2016, date du licenciement, et condamne la société Feed For Tec à payer à M. [J] les sommes de 19'176 € au titre de dommages-intérêts pour manquement au principe d'égalité de traitement et 15'000 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 15 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix en Provence ;

Remet sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne M. [J] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes».

Par déclaration notifiée par voie électronique le 31 mai 2023, le conseil de M. [J] a saisi la cour de renvoi.

L'affaire a été fixée pour plaidoiries à l'audience du 5 mars 2024.

PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 7 juillet 2023, M. [J] demande à la cour de :

« Réformer le jugement en ce qu'il a :

1. Dit qu'il n'existait pas d'inégalité de traitement à l'encontre de M. [J] et débouté celui-ci de ses demandes à ce titre ;

2. Débouté M. [J] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, avec ses incidences financières ;

3. Condamné la SARLSeed For Tec à payer à M [J] la somme de 52 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Statuant de nouveau de ces chefs,

A titre principal,

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à effet au 9 mai 2016, date du licenciement aux torts de l'employeur la SARL SARLSeed For Tec, et ce, à raison des manquements graves et réitérés de celui-ci à ses obligations tant légales, que contractuelles.

Condamner l'employeur la SARLSeed For Tec au paiement de la somme de 144.000 euros à titre de dommages et intérêts y afférent, et ce, du chef de la dite résolution judiciaire, et à l'équivalent d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

A titre subsidiaire,

Juger que le licenciement notifié au salarié M. [W] [J] le 9 mai 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamner l'employeur la SARLSeed For Tec au versement au salarié M. [W] [J] de la somme de 144.000 € a titre de dommages et intérêts de ce chef.

En conséquence,

Condamner également l'employeur la SARLSeed For Tec à verser au salarié M. [W] [J]:

Dommages intérêts pour discrimination liée à l'inégalité de traitement sus mentionnée 144 000€

Solde d'indemnité conventionnelle de licenciement : Congés payés 8.281,50 €

Vu, le bulletin de salaire valant solde de tout compte et faisant ressortir les retenues de l'employeur la SARL Seed For Tec concernant les IJSS du 11 août 2016 (pièce n°33) et le mail du salarié M. [W] [J] au service paie du 5 août 2016 sur le point de demande à l'employeur la SARL Seed For Tec de ne pas opérer la retenue des IJSS en l'état d'une erreur de versement de la CPAM (pièce n°34)

Vu, la lettre d'AXA au salarié M. [W] [J] du 10 octobre 2016 (notification de rente suite à licenciement + lettre chèque du 10 octobre 2016 (2 feuillets) pour la somme de 10 716,05 €) (pièce n°35) et le décompte, prestations d'AXA du 1er février 2016 au 30 septembre 2016 pour la somme de 21 432 € net (pièce n°36)

Vu, le mail du salarié M. [W] [J] à l'employeur la SARL Seed For Tec du 28 juillet 2014 réclamant le paiement de prime (pièce n°37)

Condamner l'employeur la SARLSeed For Tec et sur l'ensemble des condamnations aux intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil.

Débouter la SARLSeed For Tec de ses demandes, fins et conclusions contraires.

Condamner l'employeur SARLSeed For Tec au paiement d'une ndemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile soit la somme de 3.000 €

Condamner la SARL Seed For Tec aux entiers dépens».

Dans ses dernières écritures communiquées par voie électronique le 4 septembre 2023, la société demande à la cour de :

« Déclarer la société SEED FOR TEC recevable et bien fondée en ses demandes,

In limine litis :

Juger irrecevable la demande de M. [W] [J] afférente à son indemnité de licenciement : congés payés en ce qu'elle ne figure pas dans l'acte de saisine de la Cour d'Appel de céans et qu'elle n'est pas atteinte du chef de cassation.

En tout état de cause, juger que cette même demande est prescrite.

En conséquence la déclarer irrecevable.

Confirmer la décision du Conseil de prud'hommes de MARSEILLE en date du 20 septembre 2017 en ce qu'elle a :

Débouté M. [W] [J] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, avec ses incidences financières,

Dit qu'il n'existait pas d'inégalité de traitement à l'encontre de M. [W] [J] et débouté celui-ci de sa demande à hauteur de 19.176 euros à ce titre.

Subsidiairement,

Limiter le montant d'une éventuelle condamnation de la société SEED FOR TEC au titre d'une inégalité de traitement à la somme de 5.371,80 euros en lieu et place de la somme de 19.176 euros.

Réformer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement notifié au salarié le 9 mai 2016 était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Débouter M. [W] [J] de l'intégralité de ses demandes à ce titre.

Subsidiairement,

Réduire le quantum des dommages et intérêts alloués par M. [W] [J] à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à de plus justes proportions.

En tout état de cause,

Condamner M. [W] [J] à verser à la société SEED FOR TEC la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi que le condamner aux entiers dépens».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la saisine de la cour de renvoi

Il résulte des articles 631 et suivants du code de procédure civile que, lorsque la connaissance d'une affaire est renvoyée à une cour d'appel par la Cour de Cassation, ce renvoi n'introduit pas une nouvelle instance, la cour d'appel de renvoi étant investie, dans les limites de la cassation intervenue, de l'entier litige tel que dévolu à la juridiction dont la décision a été cassée, l'instruction étant reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation.

En vertu de l'article 638 du code de procédure civile, l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi, à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.

La cour constate ainsi s'agissant du solde d'indemnité de licenciement et de congés payés que cette demande n'a pas fait l'objet d'un pourvoi incident de la part du salarié, de sorte que le salarié doit être déclaré irrecevable en sa demande, les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel du 15 janvier 2021 étant désormais sur ce point définitives.

Sur l'inégalité de traitement

Le salarié soutient que les primes contractuelles ne lui ont pas été versées et qu'il n'a pas bénéficié d'un voyage en Thaïlande deux semaines avec sa famille en récompense de la bonne qualité du travail fourni.

La société fait valoir que le salarié ne peut en aucun cas prétendre avoir été victime d'une rupture d'égalité de traitement en l'absence de la justification que l'un de ses collègues de travail aurait été placé dans une situation identique ou même similaire pour bénéficier de l'avantage non financier que constitue le voyage en Thaïlande.

Elle indique également que pour des raisons objectives, pertinentes et matériellement vérifiables il était impossible que le salarié puisse être du voyage dans la mesure où la veille, soit le 20 février 2015, il se faisait opérer une jambe.

En application du principe de l'égalité de traitement, si des mesures peuvent être réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous ceux placés dans une situation identique, au regard de l'avantage en cause, aient la possibilité d'en bénéficier, à moins que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes.

Concernant les primes, il s'avère que la société a formé devant la Cour de cassation un pourvoi principal faisant grief à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 15 janvier 2021 de l'avoir condamnée au paiement de la somme de 79'800 € au titre d'un rappel de prime contractuelle (article 4 du contrat de travail) et à la somme de 1 815,87 € au titre d'un rappel de la prime de vacances.

La Cour de cassation a considéré que les deux moyens entrepris n'étaient manifestement pas de nature à entraîner la cassation et qu'il n'y avait pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée en application de l'article 1014 alinéa de de procédure civile, de sorte que le principe du non paiement des primes et de leur montant est définitif.

Cependant, sur le motif du non paiement, le salarié ne produit aucun élément de comparaison avec des collègues de travail, ni n'invoque de motif illicite de la part de la société et ne démontre pas une différence de traitement qui serait étrangère à toute considération d'ordre professionnel.

S'agissant du voyage, la Cour de cassation a retenu que la cour d'appel de céans avait violé l'article 16 alinéa 2 du code de procédure civile puisque cette dernière dans son arrêt a considéré que le voyage en Thaïlande avait été offert à plusieurs salariés en contrepartie de leur mobilisation de l'été et qu'il était assimilable à une gratification liée au rendement, sur la base de courriels du 21 mars 2014 non contradictoires.

Or, il résulte des pièces communiquées contradictoirement au débat et en particulier de l'e-mail du 26 février 2015 adressé à [W] [J] qu'un autre salarié de la société, [V] [A], a été en voyage en Thaïlande. Par ailleurs, le devis du 6 décembre 2014 du Club Méditerranée atteste que ce voyage en Thaïlande était également prévu pour le 22 février 2015 au nom de M. [J] et de sa famille (pièce appelant 24 et 41).

La cour relève en conséquence que ce voyage a également été proposé au salarié, de sorte qu'il n'y a pas eu une rupture d'égalité de traitement avec son collègue de travail [V] [A].

Il s'ensuite que la prétendue différence de traitement résulte d'une impossibilité d'effectuer ledit voyage en raison d'une opération de la jambe du salarié du 20 février 2015, ce qui est une raison objective, pertinente et étangère à la société, laquelle n'avait pas à prévoir une contrepartie financière en cas de non réalisation.

La discrimination liée à la rupture de l'égalité de traitement n'est dès lors pas établie et le salarié doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

La cour confirme la décision entreprise en ce sens.

Sur la rupture du contrat de travail

En cas de saisine de la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire suivie d'un licenciement du salarié, le juge doit examiner prioritairement la demande de résiliation judiciaire, avant de se prononcer sur la régularité du licenciement.

Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d'une gravité suffisante et le juge doit rechercher si ces derniers rendaient impossible la poursuite des relations contractuelles.

Le salarié reproche à la société des manquements à ses obligations légales et contractuelles et en particulier:

-le non-paiement des primes contractuelles prévues à l'article 4 du contrat devant lui être attribuées en lien avec les dossiers qui lui étaient confiés.

- le non-paiement des primes de vacances de 10 % ainsi que le 13e mois prévu par la convention collective.

La société soutient que la cour de cassation a définitivement établi qu'elle était redevable à l'égard du salarié de primes contractuelles et de primes conventionnelles et que ces manquements ne constituent pas une cause dirimante de rupture, en conformité avec sa jurisprudence selon laquelle les manquements anciens n'empêchent pas la poursuite du contrat de travail et que le salarié ne peut se plaindre d'un manquement qu'il a accepté pendant plusieurs années.

En vertu de l'article 4 du contrat de travail, la rémunération du salarié est constituée de son salaire et des primes « telles que définies par le tableau général de primes établi avec le directeur technique et Monsieur [P] [T] ».

Or, il est établi et définitivement jugé que le salarié n'a pas bénéficié de sa rémunération totale pendant plusieurs années, le non-paiement des primes contractuelles et conventionnelles, qui a débuté à compter de l'année 2011 jusqu'à la rupture du contrat de travail, l'ayant privé d'une partie substantielle de sa rémunération, le montant total dû s'étant élevé à la somme de 81 615,87€.

Le salarié justifie par ailleurs de ses réclamations par les e-mail des 28 juillet 2014 et 23 avril 2015, souhaitant pour son épouse des vacances et se faire poser des implants dentaires( pièces 18 et 37).

En conséquence, les manquements à l'obligation essentielle de paiement de la rémunération du salarié étaient suffisamment graves et ont rendu impossible la poursuite des relations contractuelles, ce qui justifiait la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, laquelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la date du 9 mai 2016.

La cour infirme la décision entreprise en ce sens.

Sur les conséquences financières de la rupture

M. [J] avait 5 années d'ancienneté et l'entreprise employait habituellement moins de 11 salariés.

Compte de sa rémunération mensuelle de 6 427,70 euros primes et avantages compris, de son âge (52 ans) le salarié est fondé à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 15 000 € avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil.

Sur les autres demandes

La société qui succombe même partiellement doit s'acquitter des dépens de la procédure, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamnée à payer à M. [Z] la somme de 2 000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2023,

Déclare irrecevable la demande au titre du solde d'indemnité de licenciement et de congés payés,

Statuant dans les limites de la cassation,

Confirme le jugement déféré SAUF s'agissant de la rupture du contrat de travail et ses conséquences,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail avec effet au 9 mai 2016,

Condamne la société Feed For Tec à payer à M. [W] [J] la somme de 15 000 € à titre dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par la loi,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Feed For Tec à payer M. [J] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Feed For Tec aux dépens de 1ère instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 23/07245
Date de la décision : 14/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-14;23.07245 ?
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