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14/06/2024 | FRANCE | N°22/06987

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 14 juin 2024, 22/06987


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 14 JUIN 2024



N°2024/.













Rôle N° RG 22/06987 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJMWD







S.A.S. [6]





C/



URSSAF ALPES COTE D'AZUR











































Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Quentin FRISON

I

URSSAF ALPES COTE D'AZUR

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de NICE en date du 26 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/01074.





APPELANTE



S.A.S. [6] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en excerice, domiciliés en cette qualité audit

siège...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 14 JUIN 2024

N°2024/.

Rôle N° RG 22/06987 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJMWD

S.A.S. [6]

C/

URSSAF ALPES COTE D'AZUR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Quentin FRISONI

URSSAF ALPES COTE D'AZUR

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de NICE en date du 26 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/01074.

APPELANTE

S.A.S. [6] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en excerice, domiciliés en cette qualité audit

siège, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Quentin FRISONI, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

URSSAF ALPES COTE D'AZUR agissant poursuites et

diligences de son directeur y domicilié

demeurant [Adresse 4]

représentée par M. [I] [K] en vertu d'un pouvoir général

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Mme Isabelle PERRIN, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Anne BARBENES.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2024

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Anne BARBENES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

A l'issue d'un contrôle portant sur l'application des législations de sécurité sociale et d'allocations familiales, d'assurance chômage et garantie des salaires et sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 au sein de la société [6] [la cotisante], l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur [l'URSSAF] lui a notifié une lettre d'observations date du 8 août 2013 portant sur 15 chefs de redressements et sur un montant total de 290 486 euros pour ses établissements:

* sis [Adresse 2], avec rappel de cotisations et contributions d'un montant total de 280 686 euros,

* sis [Adresse 3], avec rappel de cotisations et contributions d'un montant total de 5 069 euros,

* sis centre commercial CAP 3000 à [Localité 8], avec rappel de cotisations et contributions d'un montant total de 3 974 euros,

* sis [Adresse 1], avec rappel de cotisations et contributions d'un montant total de 587 euros,

* sis [Adresse 7], avec rappel de cotisations et contributions d'un montant total de 170 euros.

L'URSSAF lui a ensuite notifié une mise en demeure datée du 25 octobre 2013 d'un montant total de 306 904 euros, dont 269 044 euros en cotisations et 37 860 euros en majorations de retard.

Après rejet le 22 octobre 2014 par la commission de recours amiable de sa contestation afférente au chef de redressement n°5 avantage en nature, produits de l'entreprise, concernant son seul établissement sis [Adresse 2], d'un montant total de 188 167 euros, la cotisante a saisi le 16 janvier 2015 un tribunal des affaires de sécurité sociale.

Par jugement en date du 26 mars 2021, le tribunal judiciaire de Nice, pôle social, après avoir déclaré le recours recevable, a:

* débouté la cotisante de ses demandes,

* confirmé la décision de la commission de recours amiable,

* condamné la cotisante à payer à l'URSSAF la somme de 188 167 euros,

* débouté les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la cotisante aux dépens.

Cette décision est assortie de l'exécution provisoire.

La cotisante a relevé régulièrement appel, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions réceptionnées par le greffe le 26 mars 2024, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la cotisante sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:

- sur la forme:

* annuler la lettre d'observations du 8 août 2013 et la mise en demeure du 25 octobre 2013,

* condamner l'URSSAF au remboursement des sommes acquittées à titre conservatoire avec intérêt au taux légal à compter du paiement,

- sur le fond:

* annuler le chef de redressement n°5, avantage en nature, produits de l'entreprise,

* condamner l'URSSAF au remboursement des sommes acquittées à titre conservatoire avec intérêt au taux légal à compter du paiement,

- en tout état de cause, condamner l'URSSAF au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions n°2 visées par le greffier le 10 avril 2024, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, l'URSSAF sollicite la confirmation du jugement.

Elle demande à la cour de:

* débouter la cotisante de l'ensemble de ses demandes,

* valider la mise en demeure du 25 octobre 2013,

* condamner la cotisante au paiement du solde restant dû sur la mise en demeure tenant compte des versements, soit la somme totale de 73 078 euros (soit 35 218 euros en cotisation et 37 860 euros en majorations de retard,

* condamner la cotisante au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

1- sur la régularité de la procédure de contrôle, de la lettre d'observations et de la mise en demeure:

Pour rejeter le moyen tiré du manquement à l'obligation d'information de l'URSSAF, les premiers juges ont dit que lors du contrôle de 2010, la règle que la cotisante considérait applicable a été expressément et clairement rappelée et que la circonstance que l'inspecteur du recouvrement en ait fait une mauvaise application, ne remet pas en cause son affirmation et sa justification de la règle qu'il a considérée applicable au vu des textes qu'il a exhaustivement énumérés et cités, son interprétation étant motivée et argumentée, seule sa mise en application étant critiquable pour ne pas correspondre à sa propre démonstration. Ils ont ajouté que le manquement à l'obligation générale d'information de l'organisme n'est établit que lorsqu'il s'abstient de répondre à une question posée par le cotisant, et que si une demande de rescrit a été présentée par la cotisante s'agissant de la pratique litigieuse, elle l'a été postérieurement au redressement en cause.

Exposé des moyens des parties:

La cotisante argue que l'avis de contrôle ne lui a jamais été communiqué dans le cadre de la présente procédure, qu'il n'est ni rappelé ni visé dans la lettre d'observations du 8 août 2013, alors qu'il constitue une formalité substantielle, pour soutenir que par suite du défaut d'avis de contrôle régulièrement transmis en amont de l'opération de contrôle menée par l'URSSAF l'entier redressement encourt la nullité.

Elle allègue en outre que la liste de documents consultés est partielle et incomplète dans la lettre d'observations en ce qu'elle ne se réfère pas à l'ensemble des documents ayant été consultés lors du contrôle par l'URSSAF et ayant motivé chacun des chefs de redressement n°1, 4, 9 et 12.

Elle argue que la lettre d'observations ne précise pas au titre de quel salarié les sommes contrôlées font l'objet d'un redressement, ni même le montant individualisé des sommes redressées pour les chefs de redressements n°1, 2, 3, 4, 5, 9 et 12, pour soutenir que la lettre d'observations est irrégulière et que les opérations de contrôle doivent être annulées.

Elle invoque l'irrégularité de la mise en demeure du 25 octobre 2013 en relevant qu'elle mentione un montant de cotisations de 269 044 euros alors qu'elle vise la date la lettre d'observations, laquelle portait sur un redressement de 290 486 euros, ce qui représente un écart de 21 442 euros, et ne lui permettait pas de connaître la cause, la nature et l'étendue de son obligation, d'autant que la réponse de l'URSSAF datée du 14 octobre 2023, indique un montant de redressement de l'ordre de 278 840 euros.

L'URSSAF réplique qu'il n'a jamais été sollicité auparavant la communication de l'avis de contrôle, et que la saisine de la commission de recours amiable ne portait que sur la contestation sur le fond du chef de redressement portant sur l'avantage en nature vestiaires. Se fondant sur l'article R.142-1 du code de la sécurité sociale et invoquant que le litige dévolu à la cour ne peut porter que sur les points débattus devant les premiers juges, dont l'argument relatif à l'avis de contrôle ne fait pas partie, elle soutient qu'il doit être rejeté.

Elle argue que la lettre d'observations est régulière et respecte les exigences de forme imposées par l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale.

Réponse de la cour:

S'il résulte de l'article R.142-1 du code de la sécurité sociale que la contestation d'une décision d'un organisme de recouvrement doit, préalablement au recours judiciaire, et à peine d'irrecevabilité, être soumise à la commission de recours amiable de celui-ci, pour autant d'une part l'étendue de la saisine de cette commission, se détermine au regard du contenu de la lettre de réclamation et non en considération de la décision ultérieure de cette commission et, d'autre part la commission de recours amiable est saisie de la contestation portant sur le bien-fondé d'un redressement même en l'absence de motivation de la réclamation sur certains chefs du redressement. (2e Civ., 9 décembre 2021, pourvoi n°20-11.285).

Si le cotisant peut invoquer dans le cadre de son recours judiciaire d'autres moyens que ceux soumis à la commission de recours amiable, il ne peut contester des chefs de redressement qui ne l'ont pas été devant la commission de recours amiable.

Selon l'article R.241-59 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction applicable issue du décret 2007-546 du 11 avril 2007, tout contrôle effectué en application de l'article L.243-7 est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur (...)

Cet avis mentionne qu'un document présentant au cotisant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement et à son issue, tels qu'ils sont définis par le présent code, lui sera remis dès le début du contrôle et précise l'adresse électronique où ce document est consultable. Lorsque l'avis concerne un contrôle mentionné à l'article R.243-59-3, il précise l'adresse électronique où ce document est consultable et indique qu'il est adressé au cotisant sur sa demande, le modèle de ce document, intitulé "Charte du cotisant contrôlé", est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.

L'employeur ou le travailleur indépendant a le droit pendant le contrôle de se faire assister du conseil de son choix. Il est fait mention de ce droit dans l'avis prévu à l'alinéa précédent. (...)

A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés. (...)

Il indique également au cotisant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu'il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix.

En l'absence de réponse de l'employeur ou du travailleur indépendant dans le délai de trente jours, l'organisme de recouvrement peut engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement.

Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur ou du travailleur indépendant. (...)

Il résulte ainsi de l'article R. 243-59 précité, que la méconnaissance par l'organisme de recouvrement des garanties qu'il prévoit au bénéfice du cotisant n'emporte la nullité de l'ensemble de la procédure de contrôle et de redressement que si l'irrégularité affecte chacun des chefs de redressement envisagés (2e Civ., 8 juillet 2021, pourvoi n°20-16.846).

En l'espèce, le courrier de saisine de la commission de recours amiable daté du 22 novembre 2013 mentionne 'nous contestions formellement le redressement concernant le calcul et l'évaluation des avantages en nature 'vestiaires' et nous entendons opposer à l'URSSAF les dispositions de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale: l'absence d'observations valant accord tacite concernant les pratiques ayant déjà donné lieu à vérification' (...)

Cette saisine ne porte donc pas sur l'ensemble des chefs de redressements notifiés par la lettre d'observations, qui sont au nombre de 15, mais conteste uniquement le chef de redressement 'avantage en nature: produits de l'entreprise' (n°5).

Si la cotisante, peut opposer comme moyen de défense en cause d'appel la nullité de la mise en demeure, qui constitue la décision de redressement, pour autant elle ne peut invoquer le caractère incomplet des énonciations de la lettre d'observations portant sur d'autres chefs de redressement que celui objet de son recours puis du présent litige.

La cotisante est par conséquent mal fondée en ses arguments tirés des énonciations insuffisantes de la lettre d'observations, qui ne concernent pas le chef de redressement n°5.

La circonstance que l'avis de contrôle ne soit pas présentement versé aux débats par l'URSSAF, alors que son existence n'est pas contestée, et ne l'a pas non plus été devant les premiers juges, est sans incidence sur la régularité de la procédure de contrôle, et les dispositions applicables de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale ne prescrivent pas qu'il soit mentionné dans la lettre d'observations la date de cet avis.

Aux termes de l'article L.244-2 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction applicable issue de la loi 2011-525 du 17 mai 2011, toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L.244-6 et L.244-11 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant.

Selon l'article R.244-1 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction applicable issue du décret 2009-1596 du 18 décembre 2009, l'envoi par l'organisme de recouvrement (...) de la mise en demeure prévue à l'article L.244-2, est effectué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. L'avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

En l'espèce, la mise en demeure datée du 25 octobre 2013, précise au titre du motif du recouvrement 'contrôle. Chefs de redressement notifiés le 08/08/13 article R.243-59 du code de la sécurité sociale', que la nature des cotisations est 'régime général' et détaille pour chaque année civile 2010, 2011 et 2012 le montant des cotisations (en précisant 'incluses contribution d'assurance chômage, cotisations AGS') ainsi que celui des majorations de retard. Elle porte sur un montant total de 306 904 euros dont 269 044 euros en cotisations et 37 860 euros en majorations de retard.

Elle mentionne en outre le délai d'un mois imparti à la cotisante pour s'acquitter du paiement ainsi que le délai et modalités de recours.

La référence dans cette mise en demeure au contrôle et à la date de la lettre d'observations, laquelle détaille de façon complète et exhaustive, pour chaque chef de redressement à la fois les dispositions applicables, la nature et le montant des cotisations ou contributions concernées, par période annuelle, précise l'établissement concerné, étant observé que pour tous ces chefs de redressements il est indiqué qu'ils concernent des cotisations et contributions dues au titre du régime général, constitue une motivation suffisante pour permettre à la cotisante de connaître la cause, la nature, les périodes des sommes réclamées.

S'il est exact que le montant total des cotisations et contributions mentionné dans la lettre d'observations est de 290 486 euros alors que celui mentionné dans la mise en demeure est de 269 044 euros, pour autant ce montant est d'une part moindre et d'autre part ne présente pas une différence significative, pour être de 21 442 euros.

La cotisante ne peut donc arguer utilement ne pas avoir été en mesure à réception de la mise en demeure d'avoir connaissance de la cause, de la nature, de la période comme du montant des sommes dont le paiement lui était demandé.

Elle est mal fondée en ses moyens tenant de l'irrégularité de la procédure comme de la mise en demeure.

2- sur le redressement n°5: avantages en nature: produits de l'entreprise, d'un montant total de 188 167 euros au titre des années 2010, 2011 et 2012.

Pour rejeter le moyen tiré de l'accord tacite soulevé par la cotisante, les premiers juges ont retenu d'une part que le contrôle diligenté en 2013 a été précédé en 2010 d'un contrôle ayant donné lieu à des observations de l'URSSAF quant à la pratique litigieuse et indiqué les modalités d'évaluation de la valeur de l'avantage en nature, et d'autre part que la pratique n'était pas identique, la cotisante retenant en 2008 et 2009 comme valeur de l'avantage le prix de revient diminué de 30% alors qu'en 2010, 2011 et 2012 elle a retenu le seul prix de revient.

Pour valider ce chef de redressement, ils ont considéré que la cotisante ne développe aucune argumentation sur le fond, faisant uniquement valoir que le prix de revient doit être retenu pour être celui que l'organisme a lui-même retenu en 2010, alors que constitue un avantage en nature devant être intégré en totalité à l'assiette des cotisations, tout avantage dont la remise bénéficiant au salarié excède 30% du prix de vente, comme tel est le cas en l'espèce, les articles étant mis à disposition des salariés au moyen d'une allocation qui entraîne leur gratuité.

A- sur l'existence d'une décision d'admission de pratique :

Exposé des moyens des parties:

La cotisante argue que sa pratique pour le calcul de l'avantage en nature vestiaires accordés à ses salariés calculée sur le prix de revient du vêtement remis à titre gratuit existait déjà lors du précédent contrôle ayant porté sur les années 2008-2009, et n'avait pas fait l'objet d'un redressement pour soutenir qu'une décision implicite de non-assujettissement est caractérisée, l'inspecteur du recouvrement ayant disposé des mêmes pièces comptables ou de paye pour se prononcer. Elle souligne que l'URSSAF le reconnaît dans sa réponse à ses observations et que les références juridiques sont identiques dans les deux lettres d'observations.

L'URSSAF lui oppose que lors du précédent contrôle portant sur les années 2008-2009, l'inspecteur du recouvrement a rappelé le principe selon lequel l'avantage en nature devait être calculé en appliquant un abattement de 30% sur le prix de vente des articles et non sur le prix de revient et a procédé à un redressement. Elle en tire la conséquence que les conditions de l'existence d'un accord tacite ne sont pas réunies puisqu'il y a eu redressement lors du précédent contrôle sur ce même point. Tout en reconnaissant que lors du calcul du redressement l'inspecteur du recouvrement a fait une opération erronée en pratiquant l'abattement sur le prix de revient, elle argue qu'il s'agit d'une erreur dans les modalités de calcul de la régularisation qui ne peut être génératrice de droits.

Réponse de la cour:

Selon le dernier alinéa de l'article R. 241-59 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction applicable, l'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause. Le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n'ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme.

Il s'ensuit qu'il ne peut y avoir décision implicite d'admission de pratique par suite de l'absence de redressement ou d'observations dans la lettre d'observations consécutive au précédent contrôle que s'il est établi que:

* cette pratique existait déjà,

* dans des conditions identiques,

*et que l'inspecteur du recouvrement l'a vérifiée dans le cadre d'un contrôle dans la même entreprise ou le même établissement,

ces trois conditions étant, effectivement, cumulatives.

En l'espèce, la cotisante verse aux débats la lettre d'observations datée du 13 juillet 2010, la concernant, dont le chef de redressement n°2 'avantage en nature: produits de l'entreprise' est identique, ce qui n'est pas contesté.

Il en résulte que les inspecteurs du recouvrement ont effectivement en 2010, lors de leur contrôle portant sur les années 2008 et 2009 examiné la pratique de la cotisante en retenant qu'il 'apparaît que l'abattement de 30% issu de la dérogation ministérielle reconduite du 7 janvier 2003 a été appliqué sur le coût de revient du produit. Or, lors du précédent contrôle, il vous avait été notifié, suite au redressement opéré que cet abattement de 30% devait être pratiqué sur le prix de vente public. En conséquence l'abattement a été appliqué à tort.'

Ils ont rappelé les dispositions de l'article L.242-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, l'article 5 de l'arrêté du 10 décembre 2002, et les conditions de la dérogation ministérielle issues de la circulaire interministérielle du 7 janvier 2003 reconduisant la dérogation et procédé à un redressement pour un montant total de 23 304 euros, en réintégrant dans l'assiette des cotisations et contributions sociales la somme totale de 30 608 euros pour les deux années concernées.

Le chef de redressement n°5 de la lettre d'observations du 8 août 2013, objet du présent litige, porte sur le 'calcul des avantages en nature 'vestiaires' pour la mise à disposition gratuite des vêtements' et le constat que 'ces avantages ont été calculés sur la base du prix de revient du vêtement remis à titre gratuit au bénéficiaire'. Les inspecteurs du recouvrement poursuivent en indiquant:'Lors du précédent contrôle, les inspecteurs ont relevé des faits identiques conformément aux textes qui n'ont pas été contestés. Le calcul des régularisations avait été minoré à tort et à votre avantage'.

Les dispositions légales et réglementaires visées sont identiques à celles de la lettre d'observations du 13 juillet 2010.

Ainsi que retenu avec pertinence par les premiers juges, non seulement la pratique de la cotisante sur le calcul des avantages en nature relatifs à la mise à disposition gratuite de vêtements a déjà été contrôlée lors du contrôle 2010, mais a aussi donné lieu à redressement, ce qui implique qu'elle n'a nullement été 'implicitement admise'.

Il résulte en outre de la lettre d'observations du 8 août 2013, la reconnaissance explicite lors de l'examen de ce chef de redressement d'une erreur de calcul des régularisations faite en 2010, à l'avantage de la société, mais que le motif de redressement à savoir l'application de l'abattement de 30% non point sur le prix de revient mais sur la base du prix de vente est le même.

La cotisante est par conséquente mal fondée en son moyen tiré de l'admission antérieure de ses pratiques en matière d'avantage en nature portant sur les vêtements mis gratuitement à disposition de ses salariés.

B- sur le bien fondé du ce chef de redressement:

Exposé des moyens des parties:

La cotisante ne soumet pas plus à l'appréciation de la cour qu'aux premiers juges de contestation étayée de ce chef de redressement.

L'URSSAF rappelle que la cotisante fait bénéficier ses salariés occupant un poste de représentation d'une allocation leur permettant de choisir des vêtements et accessoires de sa marque qu'ils portent dans l'exercice de leur fonction pendant 3 ans et qui sont ensuite restitués pour destruction, et que cet avantage en nature a été évalué en appliquant un abattement de 30% sur le prix de revient des articles ainsi mis à disposition et non sur le prix de vente ce qui a motivé le redressement qu'elle demande à la cour de valider.

Réponse de la cour:

Par application des dispositions de l'article L.242-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale sont assujetties à cotisations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entreprise d'un tiers à titre de pourboire.

Il résulte de l'article 6 de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale que le montant des avantages en nature autres que ceux mentionnés aux articles 1er, 2, 3, 4 et 5 est déterminé dans tous les cas d'après la valeur réelle arrondie à la dizaine de centimes d'euro la plus proche.

La circulaire interministérielle du 7 janvier 2003 a instauré une tolérance en prévoyant que les fournitures de produits et services réalisés par l'entreprise à des conditions préférentielles ne constituent pas des avantages en nature dès lors que leurs réductions tarifaires n'excèdent pas 30% du prix de vente public normal, toutes taxes comprises.

Une tolérance administrative étant d'application stricte, la cotisante devait calculer l'avantage en nature ainsi accordé à ses salariés en appliquant un abattement de 30% sur le prix de vente public.

Or les inspecteurs du recouvrement ont constaté qu'elle l'avait appliqué sur 'la base du prix de revient du vêtement remis à titre gratuit au bénéficiaire'.

Ils ont réintégré dans l'assiette des cotisations et contributions sociales la différence pour chacune des trois années concernée entre le montant de l'avantage en nature théorique et le montant de l'avantage en nature cotisé.

Ce chef de redressement est donc justifié pour son montant total de 188 167 euros, ainsi que retenu pâr les premiers juges.

Compte tenu des paiements dont l'URSSAF fait état, la cotisante doit donc être condamnée au montant restant dû au titre de ce chef de redressement soit 35 218 euros en cotisations outre 37 860 euros au titre des majorations, ce qui totalise la somme de 73 078 euros.

Succombant en ses prétentions, la cotisante doit être condamnée aux dépens d'appel et ne peut utilement solliciter le bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait par contre inéquitable de laisser à la charge de l'URSSAF les frais qu'elle a été contrainte d'exposer pour sa défense, ce qui justifie de condamner la cotisante à lui payer à ce titre la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour, hormis sur le montant de la condamnation prononcée au titre du redressement,

- Le réforme de ce chef,

Statuant à nouveau du chef réformé et y ajoutant,

- Condamne la société [6] à payer à l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 73 078 euros (soit 35 218 euros en cotisations et contributions sociales et 37 860 euros en majorations de retard),

- Déboute la société [6] de l'intégralité de ses prétentions et demandes,

- Condamne la société [6] à payer à l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société [6] aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/06987
Date de la décision : 14/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-14;22.06987 ?
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