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14/06/2024 | FRANCE | N°22/05579

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 14 juin 2024, 22/05579


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 14 JUIN 2024



N°2024/













Rôle N° RG 22/05579 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJHPJ







URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR





C/



S.A.R.L. [6]











































Copie exécutoire délivrée

le :

à :

URSSAF



S.A.R.L. [6]

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de NICE en date du 22 Mars 2022,

enregistré au répertoire général sous le n° 19/01614.





APPELANTE



URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR, demeurant [Adresse 4]

[Adresse 4]



représenté par M. [B] [O] en vertu d'un pouvoir spécial





INT...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 14 JUIN 2024

N°2024/

Rôle N° RG 22/05579 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJHPJ

URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR

C/

S.A.R.L. [6]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

URSSAF

S.A.R.L. [6]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de NICE en date du 22 Mars 2022,

enregistré au répertoire général sous le n° 19/01614.

APPELANTE

URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR, demeurant [Adresse 4]

[Adresse 4]

représenté par M. [B] [O] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

S.A.R.L. [6], demeurant [Adresse 5]

[Localité 1]

représentée par Me Michaël RUIMY, avocat au barreau de LYON

substitué par Me Pierre HAMOUMOU, avocat au barreau de LYON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Mme Isabelle PERRIN, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Anne BARBENES.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2024

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Anne BARBENES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

A l'issue d'un contrôle portant sur les années 2015 à 2017 et sur l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de la garantie des salaires au sein de la société [6] [la cotisante], l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur [l'URSSAF] lui a adressé une lettre d'observations datée du 18 septembre 2018 comportant un chef de redressement avec rappel de cotisations et contributions d'un montant de 27 512 euros.

Après échanges d'observations, l'URSSAF a notifié à la cotisante une mise en demeure datée du 21 janvier 2019 portant sur un montant total de 30 125 euros (soit 27 513 euros en cotisations et contributions et 2 612 euros au titre des majorations de retard).

Après rejet le 29 mai 2019 par la commission de recours amiable de sa contestation, la cotisante a saisi le 29 août 2019 un tribunal de grande instance.

Par jugement en date du 22 mars 2022, le tribunal judiciaire de Nice, pôle social, après avoir déclaré recevable le recours, a:

* débouté la cotisante de ses contestations sur la régularité de la procédure de redressement et tendant à voir prononcer la nullité de celle-ci,

* annulé le redressement,

* condamné l'URSSAF aux dépens.

L'URSSAF a relevé régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions n°2 visées par le greffier le 10 avril 2024, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, l'URSSAF sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:

* 'déclarer' la mise en demeure du 21 janvier 2019 valide,

* condamner la cotisante au paiement en denier ou quittance de la somme de 30 125 euros (soit 27 513 euros de cotisations et 2 612 euros de majorations de retard),

* condamner la cotisante au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions n°3 réceptionnées par le greffe le 4 avril 2024, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la cotisante sollicite la réformation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses contestions sur la régularité de la procédure de redressement et de recouvrement et tendant à voir prononcer sa nullité de celle-ci.

Elle demande à la cour, statuant à nouveau, à titre principal de:

* annuler la procédure de contrôle et de recouvrement ainsi que la mise en demeure subséquente du 21 janvier 2019,

* condamner l'URSSAF au remboursement de la somme de 30 125 euros,

* condamner l'URSSAF au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elle lui demande de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner l'URSSAF au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

MOTIFS

Pour débouter la cotisante de ses contestations sur la régularité de la procédure de redressement et tendant à voir prononcer la nullité de celle-ci, les premiers juges ont retenu que l'avis de contrôle mentionne le site URSSAF sur lequel est consultable la charte du cotisant, que la lettre d'observations ne contraint pas la cotisante au paiement immédiat et que la mise en demeure est régulière pour se référer au contrôle, mentionner le motif du recouvrement, la nature des cotisations, les montants et les périodes des sommes réclamées, ainsi que le délai d'un mois imparti pour régulariser la situation, qu'enfin l'URSSAF n'a pas l'obligation de produire le rapport de contrôle.

Sur le fond, ils ont jugé que les conditions d'un accord tacite de l'URSSAF sur les pratiques de la cotisante ne sont pas rapportées, rien ne permettant de retenir que lors du contrôle de 2014, l'inspecteur du recouvrement aurait examiné le point précis et validé la pratique litigieuse.

Ils ont annulé le redressement en retenant que les chauffeurs routiers se trouvent en situation de déplacement et qu'il est d'usage qu'ils prennent leurs repas au restaurant, l'indemnité de repas versée l'ayant été au taux prévu par la convention collective, la cotisante justifiant par les relevés d'heures que les chauffeurs disposent d'une pause déjeuner d'une durée moyenne de cinquante minutes au cours de leur vacation, ce qui établit le caractère professionnel de ces frais.

Exposé des moyens des parties:

La cotisante conteste la régularité de la procédure de contrôle en arguant que l'avis de contrôle, la lettre d'observations et la réponse de l'inspecteur du recouvrement n'ont pas été adressés à son siège social, lequel est également celui de son établissement principal.

L'URSSAF réplique que l'avis de contrôle a été envoyé au siège de la société, mentionné dans sa demande de rescrit du 16/02/2012, ainsi que sur l'ensemble de ses courriers.

Réponse de la cour:

Selon l'article R.243-59 I du code de la sécurité sociale pris dans sa rédaction applicable issue du décret 2017-1409 du 25 septembre 2017, tout contrôle effectué en application de l'article L.243-7 est précédé, au moins quinze jours avant la date de la première visite de l'agent chargé du contrôle, de l'envoi par l'organisme effectuant le contrôle des cotisations et contributions de sécurité sociale d'un avis de contrôle. (...)

Lorsque la personne contrôlée est une personne morale, l'avis de contrôle est adressé à l'attention de son représentant légal et envoyé à l'adresse du siège social de l'entreprise ou le cas échéant à celle de son établissement principal, telles que ces informations ont été préalablement déclarées. Lorsque la personne contrôlée est une personne physique, il est adressé à son domicile ou à défaut à son adresse professionnelle, telles que ces informations ont été préalablement déclarées.

Sauf précision contraire, cet avis vaut pour l'ensemble des établissements de la personne contrôlée (...)

Aux termes de l'article L.244-2 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction applicable issue de la loi 2018- 1203 du 22 décembre 2018, toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L.244-6 et L.244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée ou par tout moyen donnant date certaine à sa réception par l'employeur ou le travailleur indépendant.

Le contenu de l'avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Selon ce texte, toute action aux fins de recouvrement de cotisations sociales doit être précédée, à peine de nullité, d'une mise en demeure adressée au redevable. La mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elle soit, à peine de nullité, notifiée au débiteur des cotisations réclamées, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice. (2e Civ., 2 novembre 2020, pourvoi n°19-19.167).

En l'espèce, la cotisante justifie par:

* ses statuts, déposés au greffe du tribunal de commerce de Nice le 26 janvier 1998, que son siège social est fixé à '[Adresse 5],

* sa situation au répertoire Sirène, à la date du 11/03/2024, que son établissement (unique) depuis le 30 janvier 1998 est à cette même adresse,

* l'extrait des inscriptions au registre national des entreprises en date du 11 mars 2014, que l'adresse de son siège est la suivante '[Adresse 5] France'.

Or l'avis de contrôle daté du 18 juillet 2018 a été adressé à la cotisante '[Adresse 2], et il en a été de même, de la lettre d'observations datée du 18 septembre 2018, de la réponse de l'inspecteur du recouvrement aux observations de la société, et de la mise en demeure datée du 21 janvier 2019, étant relevé que les observations de la cotisante l'étaient sur papier à entête mentionnant 'siège social et adresse postale [Adresse 3]' et que le tampon humide apposé à côté du paraphe de son gérant en seconde page, mentionne cette même adresse.

L'URSSAF qui allègue dans ses conclusions que le siège social serait à l'adresse d'envoi de l'avis de contrôle ainsi que de la lettre d'observations et de la mise en demeure précitée en faisant état d'une demande de rescrit du 16 février 2012, ne verse pas aux débats ce document qu'elle désigne comme étant dans ses conclusions sa pièce 7, ce qui ne correspond ni à son bordereau de pièces, ni aux pièces partiellement numérotées (de 1 à 5) étant précisé que seules y sont jointes, non numérotées, les copies de la saisine du tribunal judiciaire, du jugement et du procès-verbal de sa déclaration d'appel.

La cotisante rapportant la preuve que son siège social, a toujours été au lieu dit '[Adresse 5]' et non point à '[Adresse 2], la mise en demeure comme du reste l'avis de contrôle, la lettre d'observations et la réponse aux observations de la cotisante n'ont pas été adressées au siège social de la cotisante.

Or l'envoi à une autre adresse que le siège social de la personne morale cotisante, de la mise en demeure comme de l'avis de contrôle et de la lettre d'observations en violation à la fois des dispositions des articles L.244-2 et R.243-59 I du code de la sécurité sociale rendent la procédure de contrôle et la mise en demeure irrégulières, ce qui justifie leurs annulations et fait obstacle à l'examen du bien fondé du redressement.

Par réformation du jugement entrepris, la cour dit que la procédure de contrôle est irrégulière et le confirme sur l'annulation du redressement.

La mise en demeure en date du 21 janvier 2019, doit en conséquence être annulée.

L'URSSAF doit en conséquence être condamnée à rembourser à la cotisante la somme de 30 125 euros payée suite à la notification de la mise en demeure précitée.

Succombant en ses prétentions, l'URSSAF doit être condamnée aux dépens d'appel et ne peut utilement solliciter le bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait par contre inéquitable de laisser à la charge de la cotisante les frais qu'elle a été contrainte d'exposer pour sa défense ce qui justifie de condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

- Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la cotisante de ses contestations sur la régularité de la procédure de redressement et tendant à voir prononcer la nullité de celle-ci,

- Le confirme en ce qu'il a annulé le redressement,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

- Annule la procédure de contrôle et la mise en demeure en date du 21 janvier 2019,

- Déboute l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur de l'ensemble de ses demandes et prétentions,

- Condamne l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur à rembourser à la société [6] la somme de 30 125 euros,

- Condamne l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur à rembourser à la société [6] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/05579
Date de la décision : 14/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-14;22.05579 ?
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