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14/06/2024 | FRANCE | N°20/03261

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 14 juin 2024, 20/03261


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 14 JUIN 2024



N° 2024/ 108



RG 20/03261

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFWDF







[S] [C]





C/



Société VOLTAMER



















Copie exécutoire délivrée le 14 Juin 2024 à :



-Me Julien BERNARD, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Gilles MATHIEU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V98

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 04 Février 2020 enregistré au répertoire général sous le n° F18/00421.





APPELANTE



Madame [S] [C], demeurant [Adresse 3] - [Localit...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 14 JUIN 2024

N° 2024/ 108

RG 20/03261

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFWDF

[S] [C]

C/

Société VOLTAMER

Copie exécutoire délivrée le 14 Juin 2024 à :

-Me Julien BERNARD, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Gilles MATHIEU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V98

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 04 Février 2020 enregistré au répertoire général sous le n° F18/00421.

APPELANTE

Madame [S] [C], demeurant [Adresse 3] - [Localité 1]

représentée par Me Julien BERNARD de la SELARL LESCUDIER & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Aude JOUBERT-COPPANO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Société VOLTAMER, demeurant [Adresse 2] - [Localité 5]

représentée par Me Gilles MATHIEU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Nathalie ROMAIN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2024

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [S] [C] était initialement engagée par la société Norma compter du 6 septembre 2004 en qualité d'hôtesse de caisse, selon contrat à durée indéterminée à temps partiel.

La convention collective nationale applicable était celle du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Après plusieurs avenants au contrat de travail et suite à la fermeture définitive d'activité du magasin dont elle était salariée en tant qu'adjoint responsable, elle acceptait un reclassement interne au sein du groupe Franprix sur le poste de responsable adjoint de magasin à [Localité 5], statut agent de maîtrise, niveau 5, par mutation avec signature d'un nouveau contrat de travail avec la société Voltamer le 25 avril 2016 et reprise de son ancienneté.

En congé parental depuis le mois de février 2016, la salariée rejoignait le 9 janvier 2017 la société Voltamer.

Une mise à pied conservatoire lui était notifiée le 18 avril 2017 et la salariée était convoquée le même jour à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 27 avril 2017. Elle était licenciée par courrier du 19 mai 2017 pour cause réelle et sérieuse.

Mme [C] saisissait le 26 février 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille en contestation du licenciement et en paiement d'indemnités.

Par jugement du 4 février 2020 le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

« Dit et Juge que Madame [C] a une responsabilité sur les appels téléphoniques ayant eu des conséquences sur le bon fonctionnement de l'entreprise.

Dit et Juge que le licenciement de Madame [C] pour cause réelle et sérieuse comme étant fondé.

Déboute Madame [C] de l'ensemble de ses demandes.

Déboute le défendeur de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne le demandeur aux entiers dépens».

Par acte du 3 mars 2020, le conseil de la salariée a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 23 avril 2021, Mme [C] demande à la cour de :

«Recevoir Madame [C] en sa voie de recours et la dire bien fondée,

Infirmer le jugement du 04 février 2020 dans toutes ses dispositions, et Statuant à nouveau :

Dire et Juger que le licenciement de Madame [C] est irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

A TITRE PRINCIPAL

Condamner la Société Voltamer à lui verser la somme de 14.000,00 € à titre d'indemnité pour licenciement illégitime, avec intérêt au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

A TITRE SUBSIDIAIRE

Condamner la Société Voltamer à lui verser la somme de 1.341,42 € bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier, avec intérêt au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

Ordonner la remise sous astreinte de 80 € par jour de retard passé le délai de 10 jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, d'une attestation "Pôle Emploi" rectifiée, d'un reçu pour solde de tout compte rectifié,

Dire et juger que la Cour se réservera le contentieux de la liquidation de l'astreinte ordonnée,

Ordonner la capitalisation des intérêts,

Condamner la Société Voltamer à payer à Madame [C] la somme de 4.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner, enfin, la Société Intimée à supporter les entiers dépens».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 3 mai 2021, la société Voltamer demande à la cour de :

'Donner acte à Madame [C] qu'elle reconnaît que sa demande de rappel d'indemnité de licenciement est devenue sans objet depuis le mois de mai 2018.

Sur la procédure de licenciement

Vu l'article 901 du code de procédure civile,

Dire et juger que le jugement rendu le 4 février 2020 est définitif du chef de la régularité de la procédure.

Déclarer Mme [C] irrecevable en sa demande en cause d'appel.

Subsidiairement,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que la procédure de licenciement est régulière, Madame [C] s'étant utilement expliquée sur les faits qui lui étaient reprochés lors de l'entretien préalable du 27 avril 2017.

Sur le licenciement

Dire et juger que les menaces proférées à deux reprises par l'époux de Madame [C] à l'égard de Monsieur [V], directeur de magasin, et le comportement de Madame [C] qui n'a pas empêché son époux d'intervenir, de proférer des menaces à deux reprises, et qui n'a émis aucun regret validant ainsi l'attitude menaçante de son conjoint, traduisent la volonté sans équivoque de la demanderesse d'exercer, via son conjoint, une pression morale grave sur son directeur, de le déstabiliser, et d'amoindrir son autorité et son pouvoir de direction.

Dire et juger que de tels faits caractérisent un trouble.

Dire et juger que ces actes se rattachent à la vie professionnelle de madame [C] et de son magasin d'affectation.

Dire et juger par ailleurs que le positionnement de Madame [C] et de son époux traduit une dégradation irréversible de la relation de travail et la volonté de la salariée de se placer en dehors du lien de subordination.

Dire et juger, par conséquent, que licenciement pour cause réelle et sérieuse notifié à Madame [C] est bien fondé et légitime.

Confirmer le jugement du 4 février 2020 de ce chef.

Débouter, dans ces conditions, Madame [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

La condamner à payer à la Société Voltamer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire,

Fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 1341,62 euros bruts.

Faire une stricte application de l'article L 1235-5 du Code du Travail.

Débouter Madame [C] du surplus de ses prétentions financières.

Vu les 964 à 967 du code de procédure civile

Déclarer irrecevable Madame [C] en sa demande nouvelle, émise le 23 avril 2021, consistant à réclamer à titre subsidiaire, la condamnation de la société Voltamer au paiement de la somme de 1341,42 euros de dommages et intérêts pour procédure irrégulière.

L'en débouter.

Dire et juger en tout état de cause n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte.

Statuer ce que de droit sur les dépens ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « Dire et Juger» et les «Constater» ainsi que les «Donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; En conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur l'effet dévolutif

La société soutient que la salariée n'est pas recevable à contester la régularité de l'entretien préalable et la mesure de licenciement. Elle considère au visa de l'article 901 du code de procédure civile que le jugement du 4 février 2020 est définitif de ce chef dans la mesure où la salariée n'a pas expressément critiqué ce chef de jugement dans sa déclaration d'appel.

La salariée soutient qu'elle est bien recevable à contester en cause d'appel la régularité de la procédure de licenciement puisque son appel tend à annuler, réformer ou infirmer le jugement en ce qu'il a débouté de l'ensemble de ses demandes, dont celle relative à la régularité de la procédure qui est bien déférée à la censure de la cour.

En application des dispositions de l'article 901 et 562 du code de procédure civile, l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

En l'espèce, l'acte d'appel du 3 mars 2020 de la salariée demande l'annulation, la réformation, l'infirmation par la Cour d'Appel la décision entreprise en ce qu 'elle a notamment « débouté Madame [C] de l'ensemble de ses demandes » et le conseil des prud'hommes a motivé sa décision en indiquant que les éléments soulevés pour l'irrégularité de procédure n'étaient pas suffisants pour dire que l'entretien s'est tenu au mépris de ses droits.

Dès lors, la demande de la salariée concernant la régularité de la procédure de licenciement est recevable.

Sur la régularité de la procédure du licenciement

La salariée soutient que l'entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire a été détourné de son objet premier en ce qu'il a été mené par M. [V], la victime supposée des faits, et que cela ne lui a pas permis d'assurer convenablement sa défense alors qu'elle a sollicité d'être entendue par un autre supérieur hiérarchique et que la présence de Mme [R], salariée placée sous la subordination hiérarchique du directeur, ne constituait pas une garantie.

Elle souligne qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir sollicité un report de son entretien préalable alors que le code du travail ne prévoit pas une telle faculté et qu'en aucun cas il ne lui a été proposé de le reporter.

La société conteste que l'entretien se soit déroulé au mépris des droits de la salariée et indique que la présence de M. [V] était légitime puisqu'il est le directeur du magasin.

Elle précise que la salariée a choisi de ne pas se faire assister lors de cet entretien bien qu'ayant été informée de cette possibilité et n'a pas sollicité le report de l'entretien préalable lorsqu'elle a vu que son interlocuteur serait M. [V].

Elle indique également que Mme [R], chef de rayon, qui n'a pas pris part à l'échange, était présente afin de s'assurer de l'absence de difficultés et de la bonne retranscription des propos sur le compte rendu d'entretien.

La cour relève au vu de la convocation du 18 avril 2017 que la salariée a disposé d'un délai suffisant pour préparer l'entretien et pour se faire assister par toute personne de son choix appartenant au personnel conformément aux dispositions de l'article R 1232-1 du code du travail, l'employeur pouvant aussi être assisté par un salarié de l'entreprise pour garantir le bon déroulement de l'entretien.

S'il est certes regrettable que M. [V] ait été l'interlocuteur de la salariée, il s'avère cependant qu'en tant que directeur, ce dernier était le seul délégataire du pouvoir en matière disciplinaire et la salariée avait la possibilité de demander expressément à ce dernier de reporter l'entretien à une date ultérieure afin d'être entendue par un autre supérieur hiérarchique, ce qu'elle n'a pas sollicité au vu du procès-verbal d'entretien du 27 avril 2017.

En effet, la jurisprudence de la Cour de cassation admet comme une cause de prorogation du délai d'un mois après le jour fixé pour l'entretien prévu par l'article L. 1332-2 du même code, la demande de report à l'initiative du salarié.

La procédure est donc régulière et la salariée doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef.

Sur le bien-fondé du licenciement

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, la lettre de licenciement était libellée dans les termes suivants :

« Nous faisons suite a l'entretien que vous avez eu en présence de Monsieur [V], Directeur de magasin, et de Madame [R], Chef de rayon, le 27 avril dernier, ou vous vous êtes présentée seule bien qu'étant informée de la possibilité de vous faire assister.

Lors de cet entretien, nous vous exposé les motifs nous conduisant à envisager à votre égard une éventuelle mesure de licenciement et qui sont rappelés ci-après.

A votre retour de congé parental d'éducation en janvier 2017, vous avez demandé oralement à ne pas travailler en matinée préférant travailler en soirée. Votre responsable hiérarchique a alors modifié votre planning de travail en conséquence.

Le 13 avril dernier, vous avez récupéré votre nouveau planning de travail pour les deux semaines à venir au sein du magasin.

Le 14 avril 2017 à 16H27, votre époux a contacté Monsieur [V], Directeur du magasin, sur son téléphone portable personnel afin d'évoquer avec lui votre nouveau planning horaire. Lors de votre entretien préalable, vous avez confirmé que vous étiez présente aux côtés de votre époux lors de cet échange téléphonique le 14 avril dernier.

Au cours de cette conversation, votre époux a proféré des menaces à l'encontre de votre supérieur hiérarchique, Monsieur [V].

Il a notamment affirmé « ne pas être satisfait de votre nouveau planning de travail », « que vous alliez faire des fermetures pendant que (moi) Monsieur [V] serait tranquillement en vacances». Il lui a également indiqué « qu'il profite bien de sa famille et de ses vacances car ce seraient les dernières », et qu' « à son retour de congés le lundi 24 avril, il viendrait s'occuper de lui et qu'il lui réglerait son compte. » Votre époux lui a précisé, de plus, qu'il venait des quartiers nord de [Localité 4] et qu'il n'avait pas peur d'aller en prison.

En outre, votre époux a précisé que vous étiez amenée « à travailler à 6H30 le lundi et à assurer une fermeture une fois par semaine au maximum et le reste du temps que vous fassiez 9H-16H». Lorsque Monsieur [V], votre directeur de magasin, lui a répondu qu'au regard de la bonne organisation du magasin, cela n'était pas possible, il lui a répondu « pas de soucis, profite bien de tes vacances, à lundi».

En agissant ainsi, votre conjoint a exercé des pressions sur votre supérieur hiérarchique dans le but d'obtenir de sa part un changement de votre nouveau planning. Ce comportement, très largement empreint d'agressivité, traduit la volonté sans équivoque de votre époux de faire pression et de déstabiliser votre directeur de magasin.

Ces menaces graves ont été réitérées lors d'un second appel téléphonique le même jour.

Une plainte pour menaces a été déposée par le Directeur de magasin auprès du commissariat de [Localité 6] le 15 avril 2017.

Sachez, Madame, que nous ne pouvons tolérer de tels propos, qui nuisent gravement à la sécurité de votre supérieur hiérarchique et a la bonne marche du magasin.

En effet, le fait que votre conjoint ait proféré des menaces répétées à l'égard de votre supérieur hiérarchique, marquant une volonté délibérée de provocation et visant à amoindrir son autorité, est une action déstabilisant et totalement inacceptable.

Il s'agit de contraintes morales graves qui peuvent contribuer à créer et entretenir des conditions de travail insupportables au sein du magasin.

Il n'est pas sans vous rappeler que vous pouviez informer votre responsable hiérarchique de votre volonté d'indiquer des horaires adaptés aux contraintes et impératifs de votre vie privée et familiale, tout en respectant l'égalité de traitement envers l'ensemble du personnel.

Nous vous rappelons que les plannings de l'ensemble du personnel ont été affichés en temps et en heure et qu'il appartient au Directeur de magasin, dans le cadre de ses missions et de son pouvoir de direction, d'organiser les plannings qu'il porte à la connaissance des salariés du magasin.

De tels agissements sont de nature à perturber fortement l'organisation, le fonctionnement et la bonne marche de la société, et justifient un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Les observations qui vous ont été faites sont restées sans effet et l'entretien préalable n'a apporté aucun élément nouveau nous permettant de modifier notre appréciation des faits. Aussi, nous nous voyons dans l'obligation de mettre fin au contrat de travail vous liant à notre société VOLTAMER

Nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. Vous cesserez définitivement de faire partie du personnel de notre entreprise à la date d'expiration de votre préavis de deux mois. Nous vous dispensons d'exécuter ce préavis de deux mois, qui vous sera, en conséquence, intégralement rémunéré.

Vos documents de fin de contrat vous seront adressés par courrier séparé en recommandé avec accusé de réception, ainsi que les salaires vous restant dus et l'indemnité compensatrice de congés payés acquise à ce jour, s'il y a lieu. Par ailleurs, nous vous précisons que la période de mise a pied conservatoire du 18 avril 2017 à ce jour sera régularisée ».

La salariée reproche au conseil des prud'hommes de n'avoir retenu que la version de l'employeur alors qu'il ne verse aucun élément probant et d'avoir estimé, de manière erronée, qu'elle aurait une responsabilité dans les faits reprochés à son époux.

Elle fait valoir qu'aucun des faits visés dans la lettre de licenciement ne lui est personnellement imputable, et que le licenciement doit être considéré dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Elle explique qu'à la réception de ses plannings de travail pour la période du 17 avril 2017 au 5 mai 2017, elle devait effectuer 10 fermetures du magasin sur 14 jours travaillés, avec une différence de traitement avec l'autre responsable adjoint, alors il était à temps partiel et qu'elle a trois enfants en bas âge, indiquant que c'est dans ce contexte que son époux a pris seul l'initiative de contacter son employeur pour avoir une explication.

Elle conteste fermement les affirmations de M. [V] selon lesquelles il aurait été victime de menaces de mort de la part de son époux et souligne qu'elle n'a pas demandé à son mari d'intervenir, ni ne l'a encouragé d'ailleurs et qu'elle n'était pas présente lors du deuxième appel émanant de M. [V].

Elle suppose que le directeur a cherché à mettre un terme à son contrat de travail à moindre coût, lui ayant indiqué que son poste était incompatible avec la responsabilité d'une mère de famille et précise que ce dernier a fait état de faits mensongers concernant sa vie privée à l'occasion de son dépôt de plainte puisque son conjoint n'a jamais quitté le domicile conjugal et indique que les références jurisprudentielles invoquées par la société ne sont pas transposables à une intervention d'un proche, hors le lieu de travail et que le doute doit lui profiter.

La société réplique que la matérialité des faits est rapportée et que le conjoint de la salariée a bien menacé M. [V] et a tenté de l'intimider dès le premier appel dont il avait pris l'initiative et qu'il a réitéré ses menaces et paroles au cours du second appel lorsque M. [V] l'a recontacté immédiatement afin d'avoir des explications plus calmes.

Elle précise que la salariée était aux côtés de son époux lors des échanges téléphoniques, qu'elle a rendu possible ces appels n'ayant pas essayé d'arrêter les menaces et qu'elle doit être considérée pour partie responsable de ces derniers et de leurs conséquences.

Elle explique que Monsieur [V] a sollicité la présence d'un vigile suite à ces appels et qu'il a déposé une plainte auprès des services de police le 15 avril 2017 et qu'il n'avait aucune raison de porter plainte, s'il n'en avait pas fait l'objet.

Elle estime au vu des plannings communiqués par la salariée qu'il n'y avait aucune différence de traitement s'agissant des fermetures avec les deux autres salariés et que les fermetures et les ouvertures du magasin sont réparties entre les collaborateurs, peu important que ceux-ci soient à temps plein ou partiel.

Il est de principe que pour être utilement invoqué comme cause justificative de la sanction, le fait énoncé, et considéré comme fautif par l'employeur, doit reposer sur des faits matériellement vérifiables et doit être imputable au salarié.

La participation de la salariée aux faits reprochés à son époux n'est pas démontrée, ni même évoquée dans la lettre de licenciement qui n'énonce aucun fait qui serait imputable à Mme [C].

Par ailleurs, la salariée a contesté les menaces proférées par son mari lors de l'entretien du 27 avril 2017 et dans ses conclusions. Pour établir les menaces téléphoniques de l'époux, la société produit les seules déclarations de M. [V] dans son témoignage ainsi que dans sa plainte devant les services de police, sans que ces pièces ne soient corroborées par d'autres éléments ou par des témoignages, de sorte que la matérialité des faits n'est pas rapportée.

En l'état de ces éléments, il s'ensuit que le licenciement de Mme [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris doit être infirmé de ce chef.

Sur les conséquences de la rupture

La salariée était employée dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés et avait 12 années d'ancienneté révolues.

Eu égard à son âge au moment de la rupture (32 ans), au montant de sa rémunération mensuelle brute(1 341, 42 €), le préjudice résultant pour la salariée de la rupture du contrat de travail doit être fixé à la somme de 9 000 euros.

Sur les autres demandes

La créance indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La cour ordonne la capitalisation des intérêts en fonction en application de l'article 1343-2 du code civil.

L'employeur doit remettre à la salariée une attestation pôle emploi (France Travail) et un solde de tout compte rectifies, conformément à la présente décision, sans qu'il y ait lieu à une astreinte, laquelle n'est pas justifiée.

La société Voltamer qui succombe doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamnée à payer à la salariée la somme de 1 500 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Déclare recevable la demande relative à la régularité de la procédure de licenciement,

Infirme le jugement déféré SAUF s'agissant du rejet de l'indemnisation pour irrégularité de la procédure du licenciement,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Voltamer à payer à Mme [S] [C] la somme de 9000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Ordonne la capitalisation de ces intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil;

Condamne la société Voltamer à payer à Mme [S] [C] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonne à la société Voltamer de remettre à Mme [S] [C] une attestation Pôle Emploi (France Travail) et un solde de tout compte rectifies et conformes au présent arrêt ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société Voltamer aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 20/03261
Date de la décision : 14/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-14;20.03261 ?
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