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14/06/2024 | FRANCE | N°20/00524

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 14 juin 2024, 20/00524


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 14 JUIN 2024



N° 2024/ 97



RG 20/00524

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFNSV







[G] [O] épouse [D]





C/



SARL CHATEAU DE [Localité 2]

























Copie exécutoire délivrée le 14 Juin 2024 à :



-Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V352



- Me Nathalie BRUCHE,

avocat au barreau de MARSEILLE





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 11 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/02616.





APPELANTE



Madame [G] [...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 14 JUIN 2024

N° 2024/ 97

RG 20/00524

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFNSV

[G] [O] épouse [D]

C/

SARL CHATEAU DE [Localité 2]

Copie exécutoire délivrée le 14 Juin 2024 à :

-Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V352

- Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 11 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/02616.

APPELANTE

Madame [G] [O] épouse [D], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Virginie RIPOLL, avocat au barreau de CARPENTRAS

INTIMEE

Société MALSA CONSULTANTS LIMITED, ayant pour nom commercial CHATEAU DE [Localité 2], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2024

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, Mme [G] [D] née [O] a été embauchée, à compter du 1er décembre 2014, en qualité d'agent de ménage niveau 2, par la société Chateau de [Localité 2], exploitant des chambres d'hôtes à [Localité 2], la salariée conservant l'ancienneté acquise au sein de la SARL Dream Room du fait d'un contrat à durée déterminée depuis le 1er août 2014.

La relation contractuelle était régie par la convention collective nationale de l'immobilier.

Le 5 août 2017 à 22h30, l'époux de Mme [D] employé par la même société en qualité de gardien, informait la gérante par sms d'une situation grave et les conjoints rédigeaient le lendemain chacun une lettre de démission, demandant à être dispensés du préavis afin de quitter leur poste le jour même ; l'employeur leur remettait en mains propres le 6 août les documents de fin de contrat, et les époux quittaient le logement de fonction le 7 août 2017.

Le 15 novembre 2017, Mme [D] comme son époux saisissait le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins notamment de remettre en cause l'acte de démission et d'obtenir le règlement d'heures supplémentaires.

Selon jugement du 11 décembre 2019, le conseil de prud'hommes a déclaré la démission valable et débouté Mme [D] de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Le conseil de la salariée a interjeté appel par déclaration du 17 juillet 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 7 mars 2022, Mme [D] demande à la cour de :

«CONFIRMER le Jugement rendu le 11 décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE en ce qu'il a débouté la SARL CHATEAU DE [Localité 2] de sa demande reconventionnelle

INFIRMER le Jugement rendu le 11 décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE en ce qu'il a dit que la démission de Madame [G] [D] en date du 6 août 2017 est valable, en ce qu'il a débouté Madame [G] [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions et en ce qu'il a condamné Madame [G] [D] aux dépens,

En conséquence, et statuant à nouveau,

CONSTATER, DIRE ET JUGER l'acte de démission en date du 6 août 2017 comme étant nul et de nul effet

CONSTATER, DIRE ET JUGER la rupture du contrat de travail de Madame [G] [D] comme devant s'analyser tel un licenciement sans cause réelle et sérieuse

CONDAMNER la SARL MALSA CONSULTANTS LIMITED venant aux droits de la SARL CHATEAU DE [Localité 2] à verser à la salariée une somme de 5.921,12 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

CONDAMNER la SARL MALSA CONSULTANTS LIMITED venant aux droits de la SARL CHATEAU DE [Localité 2] à verser à la salariée une somme de 8.881,80 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et moral subi par Madame [G] [D]

CONDAMNER la SARL MALSA CONSULTANTS LIMITED venant aux droits de la SARL CHATEAU DE [Localité 2] à verser à la salariée une somme de 2.628,46 € à titre de rappel d'heures supplémentaires pour la période allant du 1er mai 2015 au 31 juillet 2017

CONDAMNER la SARL MALSA CONSULTANTS LIMITED venant aux droits de la SARL CHATEAU DE [Localité 2] à verser à la salariée une somme de 262,85 € à titre de rappel de congés payés sur heures supplémentaires pour la période allant du 1er mai 2015 au 31 juillet 2017

CONDAMNER la SARL MALSA CONSULTANTS LIMITED venant aux droits de la SARL CHATEAU DE [Localité 2] à verser à la salariée la somme de 8.881,80 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé

ORDONNER la remise par la SARL MALSA CONSULTANTS LIMITED venant aux droits de la SARL CHATEAU DE [Localité 2] à Madame [G] [D] des bulletins de salaire rectifiés et conformes au niveau des heures supplémentaires pour la période allant du 1er mai 2015 au 31 juillet 2017 ainsi que des documents sociaux rectifiés et conformes, et ce sous astreinte de 100€ par jour de retard et par document

DEBOUTER la SARL MALSA CONSULTANTS LIMITED venant aux droits de la SARL CHATEAU DE [Localité 2] de ses demandes reconventionnelles

CONDAMNER la SARL MALSA CONSULTANTS LIMITED venant aux droits de la SARL CHATEAU DE [Localité 2] aux dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés aux offres de droit, ainsi qu'à la somme de 2.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.»

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 2 janvier 2020, la société Malsa Consultants Limited, venant aux droits de la société Château de [Localité 2], demande à la cour de :

«CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil du Prud'hommes de Marseille en date du 11 décembre 2019 ;

DEBOUTER Madame [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

DECLARER l'appel de Madame [D] abusif en application des dispositions de l'article 559 du code de procédure civile ;

Et par conséquent

CONDAMNER Madame [D] à verser à la société MALSA CONSULTANTS LIMITED la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 559 du code de procédure civile en réparation du préjudice subi; CONDAMNER Madame [D] à verser à la société MALSA CONSULTANTS LIMITED la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

LE CONDAMNER aux entiers dépens de l'instance. »

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la rupture du contrat de travail

Au soutien de la nullité de sa démission, Mme [D] fait état d'une modification radicale du comportement de son employeur, ce dernier souhaitant se séparer du couple et ayant profité de leur vulnérabilité, en ayant exercé des pressions, pour leur faire signer une lettre de démission, à l'aide d'un modèle fourni par la gérante, acte dont ils n'ont pas saisi la portée.

Elle indique comme son époux ne parler que très difficilement le français, et fait ressortir la différence notable des termes employés entre la lettre et les sms.

Elle invoque l'absence d'une volonté claire et non équivoque.

La société rappelle que la charge de la preuve du vice du consentement incombe au salarié qui l'allègue et que quand bien même, cette dernière aurait recopié un document imprimé par l'employeur, la volonté claire et non équivoque de Mme [D] résulte également de l'échange de sms avec son mari même tronqués, de l'absence de rétractation, relevant l'absence d'élément factuel venant à l'appui de pressions.

Elle produit différentes attestations d'autres salariés et de clients démontrant d'une part, l'absence de difficulté linguistique des appelants et d'autre part, la soudaineté de leur départ, ayant nécessité leur remplacement en pleine saison.

A titre liminaire, il convient de préciser que le conseil de prud'hommes comme la cour n'a pas été saisi d'une demande de requalification de la démission en prise d'acte, aucun différend n'opposant au demeurant les parties à la date du 6 août 2017, de sorte qu'il appartient à Mme [D] de démontrer que son consentement à l'acte de démission a été vicié.

Il est invoqué à la fois une modification du comportement de l'employeur, des pressions de ce dernier mais également un état de vulnérabilité de Mme [D], mais il n'est rapporté par la salariée comme par son époux, aucun fait ayant précédé l'acte de démission, de nature à démontrer que la société souhaitait se séparer du couple, engagé depuis trois ans, auquel aucun reproche n'avait été fait.

La salariée comme son époux invoque un état de vulnérabilité qui serait en lien avec sa mauvaise connaissance du français, outre un consentement non éclairé de ce fait, alors que les attestations produites par l'employeur démontrent que tous deux sont de nationalité française, et que M.[F] [D] a fait sa carrière dans la légion étrangère et se complaisait à en parler fréquemment en langue française avec les clients (pièces 7 & 16 notamment).

La cour relève que la lettre de démission est manuscrite (pièce 8 société) et que même s'il résulte des échanges de sms, qu'elle aurait été faite sur la base d'un modèle transmis par l'employeur, cet élément à lui seul ne saurait suffire à démontrer un vice du consentement, l'exigence de la part de la gérante, à obtenir un écrit étant légitime et l'horaire -avant 15h-, n'étant dicté manifestement que par la soudaineté de la volonté des époux exprimée la veille au soir et le matin du 6, et le fait qu'elle-même avait des obligations.

La cour ajoute que la décision non équivoque de Mme [D] résulte également des circonstances de son départ :

- en pleine saison, ce qui a mis en difficulté l'employeur l'obligeant à embaucher dès le 10 août 2017 (pièce 4),

- soudain dont personne n'avait été informé comme il résulte des attestations d'employés et clients (pièces 13-15-17-18), lesquels évoquent comme possible raison des difficultés au sein du couple,

- programmé par les salariés, ceux-ci ayant indiqué dans la lettre de démission une adresse à Orange.

En conséquence, la cour constatant que l'appelante ne fait pas la preuve d'une tromperie ou d'une contrainte émanant de l'employeur, et observant qu'aucune rétractation n'est intervenue dans les jours ayant suivi la signature de la lettre de démission, rejette la demande en annulation de celle-ci et dès lors les demandes subséquentes, au titre de la perte de l'emploi et de préjudices moral et financier, aucune faute ne pouvant être relevée à l'encontre de l'employeur.

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La salariée indique qu'elle était amenée à effectuer des heures supplémentaires essentiellement durant la période dite de pleine saison soit du mois de mai au mois d'août de chaque année.

Elle indique que la seule comparaison entre ses bulletins de salaire avec les décomptes et fiches de temps produits démontre qu'elle n'a pas été payée des heures supplémentaires effectivement réalisées.

Elle considère que les mentions du contrat de travail démontrent que l'employeur a entendu déroger aux dispositions conventionnelles de l'article 19-5-4 sur le contrat de travail annualisé, retenues à tort par le conseil de prud'hommes.

Elle produit à l'appui :

- ses bulletins de salaire (pièce 2)

- des décomptes manuscrits établis sur un carnet par mois et par semaine, pour les années 2015, 2016, 2017 (pièces 5-6-7),

- des feuilles de temps signées par elle de février à aôut 2017 (pièce 8).

L'employeur indique que la convention collective nationale dont il relève, a prévu une modulation du temps de travail sur l'année, laquelle a toujours prévalu au sein de la société comme en témoignent les salariés lesquels remplissaient quotidiennement les feuilles de temps, en les remettant à la fin de la semaine ou du mois, pour permettre toutes vérifications et la prise en compte du temps de travail.

Il souligne que Mme [D] et son épouse ne pouvaient ignorer la réalité de cette organisation du travail puisque dans leur correspondance post-démission, ils transmettaient leurs feuilles de présence du 1er février au 06 août 2017.

Il considère que la mauvaise rédaction de l'article 5 du contrat de travail ne peut être considérée comme une renonciation à l'application des dispositions conventionnelles, et qu'en tout état de cause, Mme [D] ne démontre pas avoir accompli plus de 1607 heures sur l'année.

En toute hypothèse, il relève que Mme [D] s'est affranchie de son obligation de remplir et remettre les feuilles de temps, critique les documents produits, conteste la réalité des heures supplémentaires estimant au contraire que c'est Mme [D] qui est redevable à l'égard de la société de plus de 441 heures de travail, l'activité hors saison du salarié étant réduite, soulignant diverses anomalies existant sur les décomptes.

Il produit les pièces suivantes :

- une attestation de Mme [Z], salariée indiquant : « Notre temps de travail se décompte sur l'année. Les quelques heures supplémentaires effectuées en principe l'été nous les récupérons largement en période d'hiver avant et pendant la fermeture en plus de nos congés payés » (pièce 13)

- un écrit de cette même salariée sur le comportement de Mme [D] et de sa femme (pièce 6) : «Dès le début j'ai du faire en plus de mon travail en partie celui de [G] parce qu'elle était toujours fatiguée et j'ai l'impression que son travail ne lui plaisait pas. [F] aidait toute la matinée sa femme à faire son travail et discutait avec les clients et ensuite vers midi il commençait à faire son travail (...) Madame [D] effectuée très rarement des heures supplémentaires, c'était plutôt l'inverse, elle partait avant car son mari l'aidait à faire son travail (préparer petits déjeuners et aussi beaucoup discuter avec les clients »

- la correspondance de l'époux après leur démission : «Je vous envoi les heures de travail de moi et de [G] du 1 er février 2017 au 06 août 2017. Tout le mois de janvier ont été congé. Vous avez déjà les heures de travail de moi et de [G] du 06 juillet 2014 au 31 décembre 2016» (pièce 10)

- l'analyse du temps de Mme [D] sur les années 2015-2016 et 2017 (pièce 11)

- des attestations de clients ou de salariés (pièces12-13-14-16-17)

- un tableau d'occupation des chambres sur les années concernées (pièce 19).

Le contrat de travail a prévu en son article 5 :

«La durée mensuelle de travail de M.[D] [F] est fixée conformément à 151.67 heures, soit 35 heures par semaine.

Il pourra par ailleurs, lui être demandé, si nécessaire, d'effectuer des heures supplémentaires, lesquelles, seront rémunérées, avec les majorations prévues en la matière par les dispositions légales ou conventionnelles.»

Cette formulation n'est pas incompatible avec une annualisation du temps de travail, telle que prévue par la convention collective applicable, en ses articles 19-6 & suivants, dans leur version applicable au litige, lesquels édictent :

«La durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année moyennant une réduction du temps de travail dans les conditions précisées ci-après, l'objectif étant de compenser les hausses et les baisses d'activité en permettant aux entreprises de gérer au cours des périodes choisies les variations de charges auxquelles elles sont confrontées, en respectant les délais de prévenance prévus par la loi.»

Cependant, ce mode d'organisation est soumis aux conditions suivantes :

« Au regard des données économiques et sociales qui conduisent à l'adoption du présent dispositif, l'entreprise établit un programme indicatif précisant :

- les périodes de forte activité ;

- les périodes de plus faible activité.

Cette programmation indicative est établie chaque année, après consultation du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel, si ces institutions existent.

Elle est portée à la connaissance du personnel concerné au moins 30 jours avant sa date d'entrée en vigueur.

Toute modification de cette programmation fait l'objet d'une consultation préalable du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, si ces institutions existent, et d'une communication au personnel en respectant un délai de prévenance de 7 jours ouvrés.

Le décompte du temps de travail effectué par chaque salarié est fait au moyen d'un relevé quotidien et hebdomadaire validé par l'employeur. Un récapitulatif mensuel est mentionné ou annexé au bulletin de paie.»

La société ne démontre pas avoir soumis à ses salariés cette programmation indicative, le taux d'occupation des chambres ne pouvant en tenir lieu, et en tout état de cause, ne justifie pas d'un récapitulatif mensuel ou annuel adressé aux salariés.

Dès lors, la société ne peut se prévaloir de ce mode d'organisation et il convient d'appliquer les termes du contrat de travail, donc les règles du code du travail soit une majoration du salaire horaire de base de 25% à partir de la 36ème heure et jusqu'à la 43ème heure réalisée dans la semaine, et une majoration de 50% à partir de la 44ème heure travaillée dans la semaine,étant précisé que la salarié n'a perçu aucune heure supplémentaire, tout au long de la relation contractuelle.

L'employeur invoque le fait que Mme [D] n'a pas remis ses feuilles de temps au fur et à mesure, mais la cour constate que seule la société les produit dans le cadre de l'instance, en pièce 2, ce qui corrobore l'indication de l'époux dans sa lettre, concernant la remise effective des feuilles des années précédentes, et en tout état de cause, la société ne justifie pas les avoir réclamées pendant l'exécution du contrat de travail.

La cour relève que les récapitulatifs produits par Mme [D] en pièce 5-6-7 correspondent très exactement aux feuilles de temps détenues par l'employeur, lesquelles ne sont pas contredites par lui par un autre système de contrôle fiable, ce qui ne le prive pas du droit de critiquer certaines incongruités et déclarations mensongères d'ordre juridique ou pratique, notamment concernant l'amplitude journalière.

En considération de l'ensemble des éléments présentés par chacune des parties, la cour a la conviction que Mme [D] a effectué des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées, mais pas dans la proportion affichée.

La créance salariale en découlant, prenant en compte le taux horaire tel que visé par Mme [D] dans ses écritures pages 14 & 15, tant pour les heures à 25% que celles à 50%, doit être fixée ainsi :

- année 2015 (à compter de mai): 54,45 heures supplémentaires pour une somme de 653,95 €

- année 2016 (année complète) : 86 heures supplémentaires pour une somme de 1 039,74 €

- année 2017 (de janvier au 06/08) : 49,25 heures supplémentaires pour une somme de 600,85€

outre l'incidence de congés payés.

La société devra délivrer un bulletin de salaire récapitulatif mentionnant les heures supplémentaires telles que visées ci-dessus, sans astreinte.

Sur le travail dissimulé et la déclaration aux organismes sociaux

La salariée considère que l'employeur s'est doublement rendu coupable d'actes constitutifs de travail dissimulé :

1°) en ne mentionnant pas le nombre exact d'heures de travail effectivement accomplies par le salarié

2°) en ne déclarant pas une partie de l'activité du salarié notamment du 1er au 30 novembre 2014.

Il sollicite également la condamnation sous astreinte de la société à régulariser cette période, laquelle n'a pas été déclarée.

La société sur ce second point vient préciser d'une part, qu'elle n'était pas l'employeur et d'autre part, que Mme [D] ne verse pas aux débats un relevé de carrière de sa caisse de retraite ou un document URSSAF mais uniquement un document de Pôle Emploi.

La salariée produit :

- en pièce 10, l'accusé de réception de sa demande d'inscription à Pôle Emploi du 19/09/2017, avec une annotation manuscrite «manque déclaration de novembre 2014»,

- en pièce 2 et 13, l'intégralité de ses bulletins de salaire sur la période contractuelle y compris ceux délivrés par la SARL Dream Room.

Comme l'observe à juste titre l'intimée, le document produit est insuffisant à lui seul pour démontrer que l'activité sur la période d'un mois n'a pas été déclarée, alors que l'article 14 du contrat à durée déterminée conclu avec le précédent employeur vise expressément la déclaration à l'embauche faite à l'URSSAF; en tout état de cause, il n'appartient pas à la société à laquelle le contrat de travail a été transféré - sans difficulté par l'application des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail -, de procéder à une telle déclaration ou régularisation auprès notamment des organismes de retraite, la salariée pouvant le faire à l'aide des documents dont il dispose : contrat de travail et bulletins de salaire délivrés faisant mention des cotisations prélevées.

En conséquence, elle ne peut ni imputer à la société Chateau de [Localité 2] devenue la société Malsa Consultants Limited une intention de dissimuler son emploi ni exiger une quelconque régularisation.

L'article L.8221-5-2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, si l'employeur a démontré sa négligence dans le suivi de la charge de travail du salarié, notamment en ne procédant pas un récapitulatif par mois ou par année s'il estimait que l'organisation du travail était annualisée, il ne peut en être déduit qu'il a entendu dissimuler l'activité de Mme [D], cette dernière n'ayant formulé aucune demande en paiement pendant la période contractuelle.

Dès lors, Mme [D] doit être déboutée de sa demande indemnitaire forfaitaire formée sur le fondement de l'article L.8223-1 du code du travail.

Sur les autres demandes

La cour ayant accueilli partie des demandes de l'appelante doit rejeter la demande reconventionnelle faite sur la base de l'article 559 du code de procédure civile ainsi que celle faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société succombant même partiellement doit s'acquitter des dépens de la procédure, lesquels ne peuvent être distraits, la procédure en matière sociale ne donnant pas l'exclusivité à l'avocat dans la représentation.

La société doit être condamnée à payer à l'appelante la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement entrepris SAUF dans ses dispositions relatives aux heures supplémentaires et aux dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société de droit étranger Malsa Consultants Limited venant aux droits de la société Château de [Localité 2], à payer à Mme [G] [D] née [O], les sommes suivantes :

- 653,95 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2015

- 65,40 euros au titre des congés payés afférents

- 1 039,74 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2016

- 103,97 euros au titre des congés payés afférents

- 600,85 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2017

- 60,09 euros au titre des congés payés afférents

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonne la remise par la société Malsa Consultants Limited à Mme [D] d'un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent arrêt, mais Dit n'y avoir lieu astreinte,

Rejette les autres demandes des parties

Condamne la société Malsa Consultants Limited aux dépens de 1ère instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 20/00524
Date de la décision : 14/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-14;20.00524 ?
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