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14/06/2024 | FRANCE | N°20/00346

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 14 juin 2024, 20/00346


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 14 JUIN 2024



N° 2024/ 96



RG 20/00346

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFM66







SA CAISSE D'EPARGNE CEPAC





C/



[E] [V]

























Copie exécutoire délivrée le 14 Juin 2024 à :



- Me Sébastien BADIE, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V145



- Me Bernadette RAMOS, avoc

at au barreau de MARSEILLE





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 13 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F1900904.





APPELANTE



SA CAISSE D'EPARGN...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 14 JUIN 2024

N° 2024/ 96

RG 20/00346

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFM66

SA CAISSE D'EPARGNE CEPAC

C/

[E] [V]

Copie exécutoire délivrée le 14 Juin 2024 à :

- Me Sébastien BADIE, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V145

- Me Bernadette RAMOS, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 13 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F1900904.

APPELANTE

SA CAISSE D'EPARGNE CEPAC, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Denis PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [E] [V], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Bernadette RAMOS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2024

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Le 3 juin 2016, Mme [E] [V] a signé avec la Caisse d'Epargne Cepac un contrat à durée déterminée de professionnalisation, pour occuper du 7 juin au 7 décembre 2016, un poste d'attaché commercial multimédia, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 715,53 euros par mois, pour 157 heures.

Le 1er décembre 2016, les parties ont signé un contrat à durée déterminée de remplacement pour la période du 8 au 17 décembre 2016, les fonctions et salaire étant inchangés.

Le 16 décembre 2016, un contrat à durée déterminée de remplacement de la même personne a été signé, pour la période du 18 au 30 décembre 2016, dans les mêmes conditions.

Le 31 décembre 2016, l'employeur a délivré les documents de fin de contrat.

Estimant que le contrat s'était prolongé en janvier 2017, Mme [V] a demandé sa réintégration par lettre recommandée du 12 janvier 2017 puis a saisi le 3 octobre 2017 le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins notamment d'obtenir la requalification des contrats précaires en contrat de travail à durée indéterminée et obtenir des indemnités du fait de la rupture.

Selon jugement du 13 décembre 2019, le conseil de prud'hommes a statué ainsi :

Constate que le travail de Mme [V] s'est poursuivi après le 30 décembre 2016.

Ordonne la requalification du contrat à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.

Dit que la moyenne des trois derniers mois de salaires s'élève à 1 715,53 euros.

Condamne la Caisse d'Epargne Cepac à verser à Mme [V] les sommes suivantes :

- 1 715,53 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 171,55 euros au titre des congés payés afférents

- 1 715,53 euros au titre de l'indemnité de requalification

- 1 715,53 euros pour non respect de la procédure de licenciement

- 3 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .

Le jugement a ordonné la rectification des document sociaux, débouté les parties du surplus de leurs demandes et condamné l'employeur aux dépens.

Le conseil de la société a interjeté appel par déclaration du 14 janvier 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 5 décembre 2023, la société demande à la cour de :

«INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes de Marseille

STATUANT A NOUVEAU

DIRE que la CE-CEPAC a respecté les dispositions légales quant au nombre de renouvellement de CDD (contrat initial + renouvellement)

DIRE que le délai de carence n'est pas applicable au contrat de professionnalisation conformément aux dispositions de l'alinéa 4 de l'article L.1243-13-1 du Code du Travail.

DIRE que le délai de carence n'est pas applicable aux CDD conclus du 8 au 30 décembre 2016, car il s'agissait d'une nouvelle absence du même salarié et ce conformément aux dispositions du 1° de l'article L.1251-37-1 du Code du Travail.

EN CONSEQUENCE,

DIRE n'y avoir lieu à requalifier les contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée.

DIRE que le contrat à durée déterminée en date du 16 décembre 2016 est bien un contrat de date à date qui prenait fin au 30 décembre 2016.

CONSTATER que la relation contractuelle a bien pris fin au 30 décembre 2016.

DIRE que la demande de congés payés formulée par Madame [E] [V] du 2 au 4 janvier 2017 résulte d'un formatage du logiciel, qu'elle n'a pas été acceptée et n'a pas été prise en compte dans le cadre du solde de tout compte, de telle sorte qu'il s'agit d'une erreur non créatrice de droit.

DEBOUTER Madame [E] [V] de ses demandes au titre de l'indemnité de préavis, de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, de l'indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de I'indemnité de requalification.

A TITRE SUBSIDIAIRE

DIRE que Madame [E] [V] ne peut prétendre qu'à une indemnité d'un mois de salaire au titre du préavis, soit la somme de 1.715,53 € brut, outre 171,55 euros brut au titre des congés payés y afférents.

DIRE que l'indemnité de requalification et la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devront être limités à un mois de salaires faute que soit rapportée l'existence d'un préjudice.

CONDAMNER Madame [E] [V] au paiement de la somme de 2.500 euros au titre des frais de procédure en application de Particle 700 du Code de procédure civile.

LA CONDAMNER aux entiers dépens.»

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 14 octobre 2020, Mme [V] demande à la cour de :

«A TITRE PRINCIPAL

Débouter la CAISSE D'EPARGNE de l'intégra1ité de ses demandes comme étant mal fondées,

A TITRE INCIDENT

CONFIRMER que la relation de travail entre la CAISSE D'EPARGNE et Madame [V] s'est poursuivie au-delà du 30 décembre 2016.

CONFIRMER que le contrat de travail à durée détenninée de Madame [V], est requalifié en contrat à durée indéterminée.

CONFIRMER que le licenciement de Madame [V] sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

CONDAMNER la Société CAISSE D'EPARGNE à payer à Madame [V] la somme de 2720,34€ au titre de l'indemnité de requalification en CDI d'un CDD.

CONDAMNER la Société CAISSE D'EPARGNE à payer à Madame [V] la somme de 2050,47€ au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

CONDAMNER la Société CAISSE D'EPARGNE à payer à Madame [V] la somme de 2050,47€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

CONDAMNER la Société CAISSE D'EPARGNE à payer à Madame [V] la somme de 205,05€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

CONDAMNER la Société CAISSE D'EPARGNE à payer à Madame [V] la somme de 4100,93€ au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

CONDAMNER la Société CAISSE D'EPARGNE à payer à Madame [V] la somme de 2500 € au titre de l'artic1e 700 du NCPC.

CONDAMNER la Société CAISSE D'EPARGNE aux entiers dépens de la présente instance .»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour relève que l'intimée n'a, dans ses dernières conclusions, demandé ni la confirmation ni l'infirmation de la décision déférée.

Sur la requalification des contrats

La société reproche à la décision un manque de base légale concernant le renouvellement des contrats et le délai de carence et estime que la relation ne s'est pas poursuivie au-delà du terme du dernier contrat à durée déterminée.

1- sur la succession des contrats

L'article L.1243-3 du code du travail, dans sa version applicable en l'espèce, prévoit :

« Outre les cas prévus à l'article L. 1242-2, un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu :

1° Au titre de dispositions légales destinées à favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi ;

2° Lorsque l'employeur s'engage, pour une durée et dans des conditions déterminées par décret, à assurer un complément de formation professionnelle au salarié.»

Il est constant que le premier contrat conclu correspond à ce dernier cas, comme visant les articles L.6325-1 à L.6325-4 du code du travail.

L'article L.1243-13 dans sa version en vigueur du 19 août 2015 au 24 septembre 2017, édicte :

«Le contrat de travail à durée déterminée est renouvelable deux fois pour une durée déterminée.

La durée du ou, le cas échéant, des deux renouvellements, ajoutée à la durée du contrat initial, ne peut excéder la durée maximale prévue à l'article L. 1242-8.

Les conditions de renouvellement sont stipulées dans le contrat ou font l'objet d'un avenant soumis au salarié avant le terme initialement prévu.

Ces dispositions ne sont pas applicables au contrat de travail à durée déterminée conclu en application de l'article L.1242-3.»

C'est à tort que la salariée invoque deux renouvellements, alors que les trois contrats signés sont distincts et que l'exception visée ci-dessus démontre que le 1er contrat ne fait pas partie d'une chaîne de contrats.

2- sur le délai de carence

L'article L.1244-3 du code du travail dispose : «A l'expiration d'un contrat de travail à durée déterminée, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de travail temporaire, avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat, renouvellement inclus.(...)».

L'article L.1244-4 ancien, applicable en l'espèce, prévoit :

«Le délai de carence n'est pas applicable :

1° Lorsque le contrat de travail à durée déterminée est conclu pour assurer le remplacement d'un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé; (...)

5° Lorsque le contrat est conclu en application de l'article L. 1242-3».

En conséquence, contrairement à ce qu'invoque la salariée et a retenu le conseil de prud'hommes, la société n'avait pas à respecter de délai de carence entre le contrat de professionnalisation et le 1er contrat à durée déterminée de remplacement à terme précis ni entre celui-ci et le 2ème, conclu pour le remplacement du même salarié absent.

Dès lors, la requalification qualifiée «de droit» par la salariée, et reprise ainsi dans les motifs de la décision déférée, ne peut prospérer.

3- sur la poursuite de la relation contractuelle

La société indique que le contrat du 16 décembre 2016 dont le terme était fixé au 30 décembre suivant n'a pas été renouvelé ; elle observe que le mail du 16 décembre ne présentait aucun engagement ferme pour janvier.

Elle invoque une simple erreur de formatage du logiciel utilisé pour les congés, qui ne bloque pas les demandes postérieures à la date de fin de contrat et explique qu'elle a édité un bulletin de paie de janvier 2017 dont les éléments concernent des salaires ou indemnités du mois précédent.

Elle conclut à l'absence de démonstration d'une poursuite de la relation contractuelle, soulignant que l'erreur de date sur la sortie des effectifs a été rectifiée dans les documents délivrés postérieurement.

Le mail du vendredi 16 décembre 2016 à 15h18 de Mme [H] attachée à la direction des ressources humaines est le suivant :

«Conformément à notre dernier entretien, je vous confirme que votre contrat est renouvelé jusqu'au 30/12/2016. Merci de vous présenter Lundi à l'ouverture de l'agence Mon Banquier en ligne 2. Votre contrat vous sera transmis à ce moment-là pour signature. Nous prendrons ensuite d'autres dispositions pour le mois de janvier».

Il est clair que ce message concerne le 2ème contrat de remplacement, puisque le précédent se terminait le 17 décembre soit un samedi et invitait la salariée à se présenter pour le signer le lundi 19 décembre 2016.

En aucun cas, ce mail ne peut avoir informé «Mme [V] des dispositions à prendre pour le mois de janvier 2017 et du retour de Mme [V] à l'agence le 5 janvier 2017», comme ne craint pas de l'affirmer la salariée, page 6 de ses conclusions.

S'agissant des congés posés par la salariée, la cour relève qu'ils auraient été autorisés dès le 15 décembre 2016, alors même que le 2ème contrat à durée déterminée de remplacement n'avait pas été établi ou signé, ce qui démontre que l'explication de la société quant à l'absence de formatage du logiciel aux fins de contrat, est fondée.

En tout état de cause, la prise de RTT le 30 décembre 2016, soit le dernier jour du contrat était valable mais il n'était pas possible pour la salariée de poser des congés pour la période postérieure, pour laquelle aucun contrat n'était signé.

Comme l'indique à juste titre la société, l'erreur de validation desdits congés par le système informatique, alors que la salariée n'avait pas droit à des congés sur ces dates, n'étant pas créatrice de droits (cf Cass sociale 29/10/2019 n°18-15029), c'est à tort que Mme [V] invoque ce moyen au soutien de la poursuite de la relation contractuelle.

Il ne peut être tiré aucun argument de la délivrance d'un bulletin de salaire pour janvier 2017, les mentions de ce dernier se rapportant exclusivement à des sommes dues au titre du mois de décembre 2016, dont les informations journalières figurent en marge à droite dudit bulletin, le règlement fait à la salariée comportant, conformément à la législation sur les contrats à durée déterminée, l'indemnité de fin de contrat et l'indemnité compensatrice de congés payés.

De la même façon, il est manifeste que la 1ère édition des documents sociaux comportait une erreur, puisque le terme du contrat n'était pas le 31 décembre mais le 30 décembre 2016, erreur rectifiée ultérieurement lors de l'échange de courriers.

La cour infirme, en conséquence, la décision déférée en ce qu'elle a requalifié la relation contractuelle en un contrat de travail à durée indéterminée, et alloué une indemnité pour ce motif.

Sur la rupture

La relation contractuelle ayant pris fin de façon régulière au terme du dernier contrat à durée déterminée, il convient d'infirmer la décision entreprise sur ce point également et de débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes à ce titre.

Sur les frais et dépens

L'intimée qui succombe totalement, doit s'acquitter des dépens de la procédure et être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de ne pas faire application de ce texte en faveur de l'appelante.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

Déboute Mme [E] [V] de l'ensemble de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [V] aux dépens de 1ère instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 20/00346
Date de la décision : 14/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-14;20.00346 ?
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