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14/06/2024 | FRANCE | N°20/00095

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 14 juin 2024, 20/00095


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 14 JUIN 2024



N° 2024/ 104



RG 20/00095

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFMGJ







[O] [E]





C/



SARL SECURITE INDUSTRIELLE



















Copie exécutoire délivrée le 14 Juin 2024 à :



- Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Marie-dominique POINSO-POURTAL, avocat au barreau de MARSEILLE
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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 11 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/02673.





APPELANT



Monsieur [O] [E], demeu...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 14 JUIN 2024

N° 2024/ 104

RG 20/00095

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFMGJ

[O] [E]

C/

SARL SECURITE INDUSTRIELLE

Copie exécutoire délivrée le 14 Juin 2024 à :

- Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Marie-dominique POINSO-POURTAL, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 11 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/02673.

APPELANT

Monsieur [O] [E], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Pierre MICHOTTE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SARL SECURITE INDUSTRIELLE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Marie-dominique POINSO-POURTAL, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Aude JOUBERT-COPPANO, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2024

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [O] [E] était engagé par la société S2curit2 Industrielle à compter du 1er juillet 2007 en qualité d'agent incendie SS IAP1, N 2, échelon 2, coefficient 120, selon contrat à durée indéterminée à temps complet.

La convention collective nationale applicable était celle des entreprises de prévention et de sécurité.

Par avenant du 12 mai 2009, le salarié exerçait son activité en qualité de chef d'équipe de sécurités incendie SSIAP2 avec un coefficient d'agent de maîtrise N1, échelon 1, coefficient 150 avec une rémunération mensuelle brute de 1 609,89 €, les autres dispositions du contrat du 28 juin 2007 restant inchangées.

Le salarié était convoqué le 22 décembre 2016 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 6 janvier 2017. Il était licencié pour faute grave par courrier du 12 janvier 2017.

Il saisissait le 20 novembre 2017 le conseil de prud'hommes de Marseille en contestation du licenciement et en paiement d'indemnités.

Par jugement du 11 décembre 2019, le conseil de prud'hommes en sa formation de départage a statué comme suit :

« Requalifie le licenciement pour faute grave de [O] [E] en licenciement pour faute sérieuse et donc avec cause réelle et sérieuse,

Fixe la moyenne de son salaire brut mensuel à la somme de l 915 €,

Condamne la société Sécurité Industrielle à verser à [O] [E] les sommes suivantes :

- 3 830 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 383 € au titre des congés payés y afférents,

- 3 702 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

Condamne la société Sécurité Industrielle :

- à remettre à [O] [E] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte rectifiés conformément à la présente procédure

- à régulariser la situation de [O] [E] auprès des organismes sociaux,

Dit n'y avoir lieu à assortir cette remise d'une astreinte,

Précise que :

- les condamnations concernant des créances de nature salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la demande en justice,

- les condamnations concernant des créances de nature indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision,

- toutes les condamnations bénéficieront de la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du Code Civil,

Dit n'y avoir lieu a exécution provisoire des dispositions du présent jugement qui ne sont pas de plein droit exécutoires par provision,

Condamne la société Sécurité Industrielle à payer à [O] [E] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les frais d'huissier,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société Sécurité Industrielle aux dépens».

Par acte du 6 janvier 2020, le conseil du salarié a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 11 mars 2020, M. [E] demande à la cour de :

« Réformer le jugement déféré

Et, statuant à nouveau,

Dire et juger le licenciement illégitime et abusif

Et, par conséquent

Condamner la société Sécurité Industrielle à verser les sommes ci-après :

DI au titre du licenciement abusif et vexatoire 80 000.00 €

DI au titre de l'irrégularité de procédure 1 915.00 €

Indemnité compensatrice de préavis 3 830.00 €

Incidence congés payés y afférent 383.00 €

Indemnité légale de licenciement 3 702.00 €

Indemnité compensatrice de congés payés 338.60 €

DI violation répétée d'une obligation de sécurité de résultat 5 000.00 €

Condamner l'employeur sous astreinte de 100 € par jour de retard à :

- Délivrer l'intégralité des documents de rupture conformes à la décision à intervenir

- Délivrer un bulletin de salaire rectificatif mentionnant les sommes allouées judiciairement

Dire et juger que la juridiction de céans se réservera le droit de liquider l'astreinte

Dire et juger que le montant des condamnations portera intérêts de droit à compter du jour de l'introduction de la demande en justice avec capitalisation des intérêts.

Article 700 du code de procédure civile distrait au profit de MB AVOCATS : 2 500.00 €

Condamner l'employeur aux dépens

Dire et juger que la moyenne des salaires s'élève à la somme totale de 1 915.00 € ».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 14 août 2020, la société Sécurité Industrielle demande à la cour de :

«Confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a considéré que le licenciement de Monsieur [E] reposait sur une faute simple et non sur une faute grave.

En conséquence, et statuant à nouveau :

Dire et Juger que le licenciement de Monsieur [E] repose sur une faute grave

En conséquence,

Débouter Monsieur [E] de l'intégralité de ses demandes formulées à ce titre

A titre subsidiaire :

Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit que le licenciement de Monsieur [E] repose sur une cause réelle et sérieuse

Dire et Juger que l'employeur n'a nullement manqué à son obligation de sécurité de résultat

En conséquence,

Débouter Monsieur [E] de sa demande formulée à ce titre

Constater que la procédure de licenciement est régulière et la lettre de licenciement parfaitement motivée

En conséquence,

Débouter Monsieur [E] de sa demande formulée à ce titre

Débouter Monsieur [E] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions.

Condamner Monsieur [E] à la somme de 1 500€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur l'obligation de sécurité

Le salarié soutient que la société n'a jamais respecté les réserves et préconisations émises par le médecin du travail concernant l'exécution des prestations de travail, soit la nécessité d'un siège ergonomique avec accoudoir et éviter 2 vacations de 12 heures à la suite, ce qui a aggravé son état de santé et l'a contraint en 2018 à subir une intervention chirurgicale suite à des problèmes de lombalgies.

La société fait valoir qu'elle a été attentive à l'état de santé du salarié et que ce dernier ne rapporte pas le moindre élément de preuve dans la mesure où le médecin du travail l'a toujours déclaré apte.

Elle indique que le médecin du travail a préconisé d'éviter la station debout permanente et qu'elle a mis à la disposition du salarié un siège ergonomique, et que si le médecin du travail a recommandé d'éviter deux vacations de 12 h à la suite, il ne l'a pas interdit.

Elle souligne enfin qu'il n'y a pas de lien entre la dégradation de l'état de santé du salarié et son activité professionnelle antérieure.

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

- des actions de prévention des risques professionnels,

- des actions d'information et de formation,

- la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'obligation générale de sécurité se traduit par un principe de prévention au titre duquel les équipements de travail doivent être équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs.

L'employeur doit assurer l'effectivité de ces mesures et établir qu'il y a satisfait.

Le juge départiteur a examiné de façon exhaustive et précise les éléments produits par les parties, et a considéré par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, que l'employeur avait failli à son obligation de prévention et de sécurité en raison de son manque de réactivité dans la mise en place un siège adapté et de la non conformité des vacations du salarié aux préconisations du médecin du travail, sans que les éléments du dossier ne permettent d'établir un lien entre les conditions de travail du salarié et la dégradation de la santé postérieurement à la rupture du contrat de travail.

Il a condamné la société à payer au salarié la somme de 1 000 €, mais a omis de le mentionner dans le dispositif de sa décision.

C'est pourquoi, la cour infirmant le jugement déféré de ce chef, dit que la société a manqué à son obligation de sécurité et condamne cette dernière à payer au salarié la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts, ce dernier ne faisant pas la démonstration d'un préjudice plus ample.

II) Sur la rupture du contrat de travail

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, la lettre de licenciement était libellée dans les termes suivants :

«Nous vous avons reçu le vendredi 6 janvier 2017 pour l'entretien préalable a la sanction que nous envisagions de prendre à votre encontre.

Vous étiez assisté de Mr [W], représentant syndical CGT, Monsieur [A] [K], Cadre de la SECURITE INDUSTRIELLE, me représentait; Celui-ci est, de par sa délégation de pouvoir, apte à conduire cet entretien.

Je rappelle que vous nous aviez envoyé un mail nous disant que vous ne pouviez aller retirer votre lettre RAR de convocation laissant sous-entendre que vous ne pourriez venir à cette convocation.

Ainsi que nous vous l'avons expose lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants:

Alors que vous étiez de service en tant que SSlAP 2 Chef d'équipe, en charge d'un équipier SSIAP1 le mardi 20 décembre 2016 de 7h à 19h sur le site des [Adresse 3], Mr [A] [K], votre supérieur hiérarchique s'est présenté vers 17h au PC et il a constaté que :

- la porte d'accès n'était pas fermée, laissant libre l'accès à toute personne étrangère au service. Ce dysfonctionnement est contraire à la règle la plus élémentaire de sécurité, on ne peut imaginer en cette période VlGlPlRATE que notre PC soit la cible d'un groupuscule terroriste et puisse être pris en otage.

- Une personne de sexe féminin, étrangère au service de la SECURITE INDUSTRIELLE et de notre client la STE ADVENIS, était assise en face de vous en train de converser avec vous. Elle se trouvait à la place que vous auriez du occuper, devant les caméras. La présence de cette personne est formellement interdite dans le PC sécurité, qui plus est devant la vidéo surveillance, et contraire à nos consignes ainsi qu'à notre règlement intérieur. Nous avons constaté aussi que pour cela, vous n'étiez pas à votre poste de travail.

- l'écran du PC servant à la réception/émission des mails professionnels, situé en dessous des caméras de vidéo surveillance était connecté sur le site internet et diffusait des images d'actualités, ce qui est formellement interdit, on peut comme vous le savez, recevoir sur cet écran des mails d'importance à tout moment.

Ce qu'a constaté Mr [K] dans le PC sécurité des [Adresse 3] ce jour-là est totalement contraire aux règles les plus élémentaires de sécurité et de sureté et va à l'encontre de la confiance que nous témoigne notre client la Sté ADVENIS, ce que nous ne pouvons accepter.

Vous avez reconnu tous ces manquements graves à votre mission.

En conséquence, devant la gravité des faits qui vous sont reprochés en tant que SSIAP 2 Chef

d'équipe et qui rendent impossible votre maintien dans l'entreprise, nous vous notifions votre

licenciement pour faute grave ».

1. Sur la régularité de la procédure

Le salarié soutient que le licenciement est irrégulier en ce qui concerne le strict respect du délai de cinq jours entre la date de convocation et l'entretien lui-même et la régularité des élections professionnelles concernant les institutions représentatives du personnel.

En application des dispositions de l'article L. 1232-2 al.3 du code du travail le délai de cinq jours ouvrables commence à courir après la présentation de la lettre recommandée ou de la remise en main propre de la lettre de convocation.

En l'espèce, le salarié a disposé de cinq jours ouvrables pour pouvoir assurer sa défense entre la réception de la convocation le 26 décembre 2016 et l'entretien du 6 janvier 2017.

Par ailleurs, la convocation précise que le salarié pouvait se faire assister au cours de l'entretien par une personne de son choix appartenant à l'entreprise et le salarié a été assisté par un représentant syndical CGT, M. [W], ce qui atteste que la société disposait d'institutions représentatives du personnel dont il n'y a pas lieu d'apprécier la régularité en l'absence de moyens soulevés en ce sens (pièce appelant 3).

Le jugement entrepris, qui a dit la procédure est régulière et débouté le salarié de sa demande indemnitaire, doit être confirmé de ce chef.

2. Sur le bien fondé du licenciement

Le salarié fait valoir qu'il a été contraint de laisser la porte d'accès ouverte afin d'assurer l'aération naturelle de son lieu de travail, l'employeur n'ayant pas respecté les dispositions relatives à l'hygiène et à l'aménagement des lieux de travail, et plus particulièrement le système d'aération et d'assainissement et qu'il devait travailler dans un local d'à peine 15 m² dans un état de propreté lamentable.

Il soutient également que la personne dont il est fait état dans la lettre de licenciement, a agi conformément à une lettre de mission de Marseille Provence Métropole (MPM) et qu'il ne peut lui être reproché d'avoir accueilli cette personne dans le cadre général de l'obligation préventive de sécurité et de renseignements auprès des professionnels PC sécurité.

Il indique que l'employeur ne verse aucune pièce démontrant qu'il avait pris connaissance de la charte informatique s'agissant de la connexion sur un site d'actualité prétendument interdite.

Il souligne que les écrans n'ont pas été laissés sans observateur, du fait de la présence d'un deuxième agent de sécurité SSIAP1, la consultation des mails étant tout à fait possible du fait d'un deuxième ordinateur contenant la main courante électronique et la messagerie.

Il précise enfin que les griefs reprochés sont en totale contradiction avec ses états de service au sein de l'entreprise puisqu'il n'a jamais fait l'objet de sanctions disciplinaires.

La société observe que le salarié reconnaît ouvertement le fait d'avoir laissé la porte ouverte et que s'il l'impute à un prétendu non respect de l'aménagement de son lieu de travail, ce dernier ne s'en est jamais plaint d'une quelconque façon y compris devant le médecin du travail, ou même aux représentants du personnel ou à l'inspection du travail.

Elle précise que personne n'a été prévenu de l'intervention de Mme [S] dans le PC de sécurité et demande que le témoignage de cette dernière soit écarté des débats ainsi que la lettre de mission incomplète.

Elle indique que le comportement du salarié est inacceptable puisqu'il a cessé toute activité de surveillance et qu'il a laissé sa place au visionnage des caméras à Mme [S], tout en étant connecté sur un site d'actualité, ne lui permettant pas d'être attentif aux éventuels messages de sécurité pouvant arriver sur l'ordinateur, contrairement à ses obligations élémentaires, et ce, alors qu'il s'agissait d'une période particulièrement sensible avec un plan Vigipirate et des fêtes de fin d'année.

Elle estime que l'absence de sanctions disciplinaires antérieures ne saurait éluder la gravité des faits commis par le salarié.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

- Sur le premier grief :

Le fait d'avoir laissé la porte du PC sécurité ouverte est reconnu par le salarié et, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge sur ce point, ce manquement est une atteinte grave aux consignes et à la sécurité des personnes et des locaux du site des [Adresse 3] à [Adresse 4], car permettant une intrusion étrangère dans un lieu stratégique, à une période sensible ayant fait suite à des attentats.

Le salarié ne peut donc s'exonérer de son manquement en invoquant une absence d'aération naturelle contraire aux dispositions réglementaires du code du travail dans la mesure où les locaux sont la propriété des clients, en l'espèce la société Advenis, qui sont mis à la disposition de la société Sécurité Industrielle dans le cadre de sa mission.

II appartenait donc au salarié de signaler ce problème à son employeur, soit par le biais de la main courante, soit par le biais de courriels, comme il l'a fait concernant les locaux du site [G] avec une demande d'entretien pour évoquer la pénibilité des conditions de travail (pièce intimée 7).

Ainsi, les pièces produites par l'appelant n°28, 30, 32, 33 et 34 concernent uniquement le site [G], et non le site [Adresse 3], et attestent que le salarié a su alerter la direction de divers dysfonctionnements (siège hors service, hygiène du PC, etc) afin que celle-ci y remédie.

Le salarié ne justifie pas pour le site [Adresse 3] d'une alerte s'agissant de l'aération du local PC sécurité ou autre.

La photo produite en pièce 2 ne concerne que le couloir des locaux en cause, ce dernier étant apparemment bien entretenu, ce qui ne permet pas d'en déduire une pièce non aérée.

La cour constate au vu de l'e-mail 3 octobre 2016 en pièce 36 adressé à la société, avec copie à l'inspecteur du travail que le délégué CGT M. [W] s'est rendu sur place et n'a fait aucune observation s'agissant de la ventilation ou aération, ne faisant que relever l'absence du siège médicalisé préconisé pour le salarié.

En conséquence, le grief est établi.

- Sur le deuxième grief :

L'article 2 du contrat de travail du salarié indique que ce dernier « s'engage à respecter scrupuleusement les consignes qui lui seront données pour l'exécution de son travail ».

L'article 7 du règlement intérieur concernant l'utilisation des locaux prévoit « qu'il est interdit d'introduire dans l'entreprise des personnes qui sont étrangères » ».

Le règlement intérieur est entré en vigueur le 25 novembre 2015 ainsi que l'annexe (charte de bon usage des systèmes informatiques et services réseaux) et a été porté à la connaissance des salariés concernés ainsi qu'il est précisé en son article 14 (pièces intimée 6 et 7).

La consigne permanente d'application approuvée par le gérant de la société et validée par le client, M. [U] de la société Advenis Property Management, prévoit la liste nominative et imitative des personnes habilitées sans signature sur le registre à accéder au poste central de sécurité, des personnes habilitées à rentrer avec signature obligatoire sur le registre, des personnes non habilitées mais avec autorisation de M. [U] ainsi que des personnes non habilitées, notamment les personnes extérieures au site, en la seule présence de M. [U] (pièce intimée 5).

Or, Mme [S], reconnue par l'appelant comme étant la personne se trouvant dans le poste central sécurité lors des faits, ne faisait pas partie de ces personnes, ne détenait aucune autorisation, ni n'était accompagnée du client de la société ; par ailleurs, comme l'a relevé à juste titre le juge départiteur, aucune personne concernée n'avait été prévenue de l'intervention de Mme [S].

Le salarié ne peut donc utilement se prévaloir de l'attestation de bette dernière qui indique que c'est dans le cadre de sa mission, en tant qu'assistante de prévention des renseignements concernant la sécurité incendie, qu'elle s'est rendue en fin d'après-midi auprès des professionnels exerçant sur le site.

Il est également constaté que la lettre de mission qu'elle produit, est manifestement incomplète, faute de mentionner les indications relatives à la notification et à l'entretien de prise de fonction et à l'avis du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail, et donc sujette à caution, et en tout état de cause ne lui permettait pas d'outrepasser les autorisations nécessaires d'entrée, sur le poste central de sécurité.

Ce grief est rapporté.

- Sur les autres griefs

Il n'est pas contesté que Mme [S] se trouvait à la place du salarié, en face de la vidéo surveillance et il est également acquis aux débats que le salarié utilisait l'ordinateur devant réceptionner les mails professionnels pour se connecter à un site d'actualité, ce qui ne lui permettait pas d'être vigilant et d'exercer sa mission de contrôle et de surveillance, et ce, en contradiction avec les dispositions du règlement intérieur et de son annexe 1 qui indique précisément « qu'il est interdit d'utiliser les locaux de l'entreprise qui sont réservés à un usage professionnel pour y effectuer un travail personnel, d'utiliser le matériel et l'entreprise à des fins personnelles », sans que l'on puisse opposer à la société l'absence de signature de la charte par le salarié et peu important qu'il y ait eu un autre ordinateur ou un autre agent de sécurité à proximité comme allégué.

La mission principale du salarié étant d'assurer la sécurité des personnes et la sécurité incendie des biens dans l'établissement où il était employé, M.[E], en tant que chef d'équipe, devait veiller à ne pas être distrait de ses fonctions spécifiques et son comportement devait avoir valeur d'exemple auprès de son équipe.

Les fautes avérées et imputables au salarié constituaient une violation des obligations du contrat de travail d'une importance telle qu'elles rendaient impossible le maintien de M. [E] dans l'entreprise, justifiant le licenciement pour faute grave, nonobstant l'absence de passé disciplinaire ou de caractère répété des faits.

Le jugement entrepris doit donc être infirmé au titre de la requalification et le salarié doit être débouté de ses demandes subséquentes ainsi que de sa demande de régularisation auprès des organismes sociaux et de remise de documents de rupture sous astreinte.

III) Sur les autres demandes

Le salarié qui succombe même partiellement doit s'acquitter des dépens d'appel, être débouté de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les circonstances de la cause justifient de voir écarter la demande faite à ce titre, par la société.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré SAUF dans ses dispositions relatives à la régularité du licenciement, à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Industrielle à payer à M. [O] [E] la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

Dit que le licenciement repose sur une faute grave,

Déboute M.[O] [E] de ses demandes salariales et indemnitaires subséquentes,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne M. [O] [E] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 20/00095
Date de la décision : 14/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-14;20.00095 ?
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