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13/06/2024 | FRANCE | N°23/11429

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-9, 13 juin 2024, 23/11429


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9



ARRÊT AU FOND

DU 13 JUIN 2024



N° 2024/327





Rôle N° RG 23/11429 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BL3QR







[F] [W]

[K] [M] épouse [W]





C/



COMPTABLE DU SIP DE [Localité 9] EST OUEST [Localité 7]

DIRECTEUR DEPARTEMENTAL DES FINANCES PUBLIQUES DES ALPES MAR

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT





















Copie exécutoire délivrée
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à :



Me AGAEV

Me CHATENET

Me AUBRUN

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Juge de l'exécution d'AIX-EN-PROVENCE en date du 13 Juillet 2023 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 22/1461.





APPELANTS



Monsieu...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 13 JUIN 2024

N° 2024/327

Rôle N° RG 23/11429 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BL3QR

[F] [W]

[K] [M] épouse [W]

C/

COMPTABLE DU SIP DE [Localité 9] EST OUEST [Localité 7]

DIRECTEUR DEPARTEMENTAL DES FINANCES PUBLIQUES DES ALPES MAR

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me AGAEV

Me CHATENET

Me AUBRUN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l'exécution d'AIX-EN-PROVENCE en date du 13 Juillet 2023 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 22/1461.

APPELANTS

Monsieur [F] [W]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 5]

de nationalité Russe, demeurant [Adresse 10] (ESP)

représenté par Me Alexandre AGAEV, avocat au barreau de NICE, plaidant

Madame [K] [M] épouse [W]

née le [Date naissance 4] 1955 à [Localité 8]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 10] (ESP)

représentée par Me Alexandre AGAEV, avocat au barreau de NICE, plaidant

INTIMES

Monsieur COMPTABLE DU SIP DE [Localité 9] EST OUEST [Localité 7]

Notification de la DA le 29/09/23, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Gilles CHATENET, avocat au barreau de NICE, plaidant

Monsieur DIRECTEUR DEPARTEMENTAL DES FINANCES PUBLIQUES DES ALPES MARITMES

Notification de la DA le 29/09/23, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Gilles CHATENET, avocat au barreau de NICE, plaidant

Madame l'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT Représentant l'Etat Français

Notification de la DA et avis de fixation à bref délai le 29/09/2023, demeurant [Adresse 6] / FRANCE

représentée par Me Clémence AUBRUN de la SELARL BREU-AUBRUN-GOMBERT ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 18 Avril 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Cécile YOUL-PAILHES, Président de Chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Cécile YOUL-PAILHES, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024,

Signé par Mme Cécile YOUL-PAILHES, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

A la suite d'une rectification fiscale notifiée à M. [F] [W] et Mme [K] [R] épouse [W] en matière d'impôt sur le revenu, l'administration fiscale a fait procéder à la saisie conservatoire de divers biens meubles (2 véhicules et 1 moto) le 30 mai 1996.

Le 5 mars 2015, le service des impôts des particuliers de [Localité 9] ouest a donné mainlevée de la saisie.

Par acte de commissaire de justice du 19 avril 2019, M. et Mme [W], considérant que les biens avaient subi diverses dégradations, ont assigné le 19 avril 2019, la Direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes aux fins d'indemnisation (ci après DDFP).

Le tribunal judiciaire s'est déclaré incompétent matériellement pour connaître de ces demandes et a renvoyé l'examen de l'affaire devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence.

Parallèlement, par acte de commissaire de justice du 20 janvier 2023, M. et Mme [W] ont fait attraire le comptable public du service des impôts des particuliers de [Localité 9] ouest à la procédure.

Par jugement en date du 13 juillet 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a :

- Déclaré irrecevables les demandes de M. et Mme [W] à l'encontre de l'agent judiciaire de l'État et de la DDFP des Alpes Maritimes,

- Pris acte de ce que la saisine est fondée sur l'article 81 du code de procédure civile, en vertu du jugement du 1er mars 2022,

- Dit n'y avoir lieu à statuer, en l'état du jugement rendu le 21 février 2019, sur les demandes reconventionnelles de la DDFP et du comptable public tendant à :

* Dire et juger irrecevable la demande liée à la prétendue responsabilité de l'administration quant à l'engagement des poursuites, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée,

* Dire et juger irrecevable l'action en responsabilité de M. et Mme [W] à raison de la décision de l'administration fiscale de pratiquer une saisie conservatoire en garantie du paiement d'impositions, comme relevant de la compétence exclusive du juge administratif,

* Se déclarer incompétent rationae materiae,

- Débouté la DDFP des Alpes-Maritimes, le comptable du service des impôts ainsi que l'agent judiciaire du trésor de leur demande reconventionnelle tendant à voir déclarer prescrite l'action de M. et Mme [W],

- Débouté M. et Mme [W] de l'ensemble de leurs demandes de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice matériel, moral, perte de jouissance des véhicules et de leur préjudice d'agrément non compris dans le préjudice moral,

- Débouté M. et Mme [W] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- Dit n'y avoir lieu à statuer sur les 'constater' et 'dire et juger',

- Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- Condamné M. et Mme [W] aux entiers dépens de l'instance.

Vu la déclaration d'appel de M. et Mme [W] en date du 1er août 2023,

Au vu de leurs dernières conclusions en date du 20 octobre 2023, ils sollicitent qu'il plaise à la cour d'appel, vu l'article 38 de la loi n° 55-366 du 3 avril 1955, L.252-1 du Livre des procédures fiscales, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel n°1 tel qu'amendé par le protocole n° 11, l'article L.114-2 du code des relations entre le public et l'administration, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déclaré irrecevables en leurs demandes à l'encontre de l'agent judiciaire de l'État et M. [I], les a débouté de l'ensemble de leurs demandes de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice matériel, moral, perte de jouissance des véhicules, de leur préjudice d'agrément non compris dans le préjudice moral et de la capitalisation des intérêts, ainsi que de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et mis à leur charge les dépens, et statuant à nouveau :

- Juger que la responsabilité de l'État est engagée,

- Condamner l'État français et les défendeurs solidairement, et à défaut l'agent judiciaire de l'État, et à défaut, le comptable public à leur verser la somme de 202 757, 19 euros en réparation de leur préjudice matériel, 20 000 euros au titre de leur préjudice moral, 10 000 euros en réparation de leur préjudice pour résistance abusive et 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner tout succombant aux entiers dépens.

M. et Mme [W] soutiennent qu'ils ont subi un préjudice du fait de la responsabilité de l'État puisqu'il leur a été restitué des véhicules, au terme de la saisie conservatoire pratiquée le 30 mai 1996, dans un état déplorable et inexploitable, ainsi que le démontre le constat d'huissier qu'ils versent aux débats.

Ils reprochent à l'État d'avoir :

- de ne pas avoir conservés leurs véhicules dans des conditions appropriées,

- fait un usage non autorisé des véhicules, au vu des dégradations subies, pendant le temps de la saisie,

- maintenu la saisie alors qu'ils soutenaient que la créance était prescrite,

- maintenu la saisie malgré le caractère hautement «'périssable'» et fragile des biens saisis, leur vieillissement matériel et leur dépréciation commerciale,

-perdu les documents administratifs et techniques desdits véhicules.

Ils demandent en conséquence la réparation de leur préjudice matériel qu'ils évaluent à la somme de 202 757,19 euros outre intérêts à compter du 4 juillet 2014 et capitalisation en application de l'article 1343-2 du code civil. Ils soutiennent que si l'administration n'avait pas requis et maintenu une saisie injustifiée et si elle avait veillé à la bonne conservation des biens, ils n'auraient pas subi de préjudice. Ils réclament également la réparation de leur préjudice moral à hauteur de 20 000 euros en raison du stress et de l'anxiété causé par cette procédure.

Enfin, ils soutiennent que l'administration a eu un comportement abusif en méconnaissant leur obligation de transmettre la demande litigieuse à l'autorité compétente, conformément à l'article L.114-2 du code des relations entre le public et l'administration. Si tel avait été le cas dès le départ, cela aurait sensiblement allégé le contentieux et la juridiction aurait été saisie de l'essentiel du différend.

Au vu de ses dernières conclusions en date du 17 novembre 2023, l'agent judiciaire de l'Etat sollicite qu'il plaise à la cour d'appel, vu la loi n°55-366 du 3 avril 1955 et le livre des procédures fiscales, de :

- Débouter de M. et Mme [W] de l'ensemble de leurs demandes,

- Confirmer en toutes ses dispositions la décision dont appel, sauf en ce qui qu'elle a débouté l'agent judiciaire de l'État de sa demande de voir l'action de M. et Mme [W] comme prescrite au visa de l'article L.190 A du livre des procédures fiscales,

Statuant à nouveau :

- Déclarer l'action de M. et Mme [W] irrecevable comme prescrite au visa de l'article L.190 A du livre des procédures fiscales,

Y ajoutant :

- Condamner M. et Mme [W] à verser à l'agent judiciaire de l'État, en cause d'appel, la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L'agent judiciaire de l'État demande confirmation du jugement entrepris sauf pour ce qui concerne le rejet de leur moyen tiré de la prescription de l'action de M. et Mme [W] au visa de l'article L.190 du livre des procédures fiscales.

Au vu de ses dernières conclusions en date du 16 novembre 2024, la DDFP demande à la cour d'appel de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions y ajoutant condamner M. et Mme [W] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'action menée contre la Direction Départementale et l'agent judiciaire de l'État :

Vu l'article L252 du Livre des finances publiques,

Les comptables publics sont chargés du recouvrement, représentent l'État dans les actions en responsabilité des services de la Direction Générale des Finances Publiques.

La Cour de cassation ayant jugé que les règles de compétences de représentation de l'État devant les juridictions judiciaires sont d'ordre public, c'est à bon droit que le premier juge, en application de l'article L252 précité, a considéré que les actions menées par M. et Mme [W] contre la DDPF des Alpes-Maritimes DDPF et l'agent judiciaire de l'État étaient mal dirigées et les a déclarées irrecevables.

Sur la recevabilité des demandes de l'agent judiciaire de l'État :

L'agent judiciaire de l'État n'ayant pas qualité à agir, le litige ne relevant pas de sa compétence ainsi d'ailleurs qu'il le soutient lui même, il ne saurait soutenir, sur appel incident, une demande de réformation partielle du jugement qui sera dès lors déclarée irrecevable.

Sur l'existence d'un préjudice :

Sans expliciter sur quel fondement exact ils fondent leur demande, M. et Mme [W] versent aux débats un constat d'huissier aux termes duquel les deux véhicules saisis de marque Mercédès portent des traces d'éraflures, déchirures et dégradations tant à l'extérieur qu'à l'intérieur. Affirmant qu'il a été fait un usage abusif de leurs véhicules pendant le temps de la saisie, ils ajoutent que le véhicule Mercédès 600 SEL affiche désormais 34 241 kilomètres et le véhicule Mercédès 300 SEL affiche 36 795 kilomètres.

S'il apparaît que les services de l'État se sont régulièrement informés des conditions de gardiennage des véhicules saisis, ils sont dans l'incapacité de fournir un document établissant l'état des véhicules au moment de la saisie.

En outre, la cour d'appel constate qu'un courrier en date du 9 novembre 2010 du garage Omnium Automobiles adressé à la DDFP, indique joindre un état des trois véhicules saisis et une évaluation de leur valeur, mais que ces documents ne sont pas versés aux débats.

La charge de la preuve leur incombant, les services de l'État sont ainsi défaillants à démontrer que le gardiennage des véhicules saisis a été fait dans de bonnes conditions et qu'aucune faute ne leur est imputable alors que des dégradations des biens saisis sont pourtant constatés.

M. et Mme [W] affirment qu'ils démontrent le mérite de leur demande d'indemnisation à hauteur de 202 757,19 euros, ce qui correspond quasiment à la valeur d'achat des trois véhicules, en versant aux débats le constat d'huissier au moment de la restitution.

La cour d'appel constate cependant qu'ils se sont abstenus de faire évaluer la valeur vénale des véhicules restitués en l'état. Il ne saurait être considéré que cette valeur est égale à zéro, s'agissant de véhicules susceptibles d'être considérés, comme ils le prétendent eux même, comme des véhicules de collection et, surtout, susceptibles d'être réparés. Les factures d'achat de ces véhicules ne sauraient tenir lieu de preuve de leur valeur au moment de la restitution en 2015 puisqu'entre l'achat en 1992 et 1993, ils ont utilisés ces véhicules et qu'entre la saisie en 1996 et la restitution en 2015, ces véhicules, ne serait ce que du fait de leur immobilisation, se sont dépréciés.

La demande n'étant pas dûment chiffrée, M. et Mme [W] seront en conséquence déboutés.

Sur la demande relative au préjudice moral :

Faisant un amalgame entre toutes les procédures auxquelles ils ont du répondre, M. et Mme [W] affirment avoir subi un stress et une anxiété qui justifient selon eux une indemnisation à hauteur de 20 000 euros.

Faute pour eux de démontrer l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité et la faute des services de l'Etat lié à cette procédure, qui est limitée à la responsabilité des services de l'État dans la conservation de biens saisis, ils seront déboutés de leur demande.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :

Le droit d'agir en justice étant un droit fondamental, M. et Mme [W] se contentent, comme pour la démonstration de leur préjudice moral, de faire un amalgame entre toutes les procédures qui les ont opposés aux services administratifs et attribuent à ces derniers leurs erreurs procédurales. Ils n'apportent pas la preuve de l'existence d'une faute dans l'exercice du droit d'agir en justice par les services de l'État dans le cadre de cette procédure spécifique. Ils seront en conséquence déboutés de leur demande de dommages-intérêts.

Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires:

Succombant à l'action, en application de l'article 696 du code de procédure civile, M. et Mme [W] seront condamnés in solidum aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [F] [W] et Mme [K] [R] épouse [W], in solidum, aux entiers dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-9
Numéro d'arrêt : 23/11429
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;23.11429 ?
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