COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 13 JUIN 2024
N° 2024/326
Rôle N° RG 23/11138 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BL2ID
S.A.S. VIA TRANSPORTS
C/
[H] [K]
[R] [K]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me ROUILLOT
Me SIMON-THIBAUD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de GRASSE en date du 11 Août 2023 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 22/01610.
APPELANTE
S.A.S. VIA TRANSPORTS Société par actions simplifiée, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Créteil sous le numéro 435 404 256, représentée par son représentant légal en exercice audit siège, demeurant [Adresse 6] - [Localité 5]
représentée par Me Maxime ROUILLOT de la SELARL MAXIME ROUILLOT - FRANCK GAMBINI, avocat au barreau de NICE, assisté de Me Anne-florence RADUCAULT de l'AARPI BIRD & BIRD AARPI, avocat au barreau de LYON, plaidant
INTIMES
Monsieur [H] [K]
Notification de la DA le 26/09/23
né le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 8] (TUNISIE), demeurant [Adresse 4] - [Localité 1]
représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Jean-Fabrice BRUN, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE, plaidant
Madame [R] [K]
Notification de la DA le 26/09/23
née le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 7], demeurant [Adresse 4] - [Localité 1]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée assistée de Me Jean-Fabrice BRUN, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 18 Avril 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Cécile YOUL-PAILHES, Président de Chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Cécile YOUL-PAILHES, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024,
Signé par Mme Cécile YOUL-PAILHES, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Selon ordonnance sur requête du 6 juillet 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Grasse a autorisé la société Via Transports à pratiquer des saisies conservatoires de créances sur le compte de M. [H] [K] auprès de la Banque Populaire Méditerranée pour garantir une créance provisoirement évaluée à 444 909, 57 euros.
Selon procès verbal de saisie conservatoire de créance du 3 août 2021, Via Transports a saisi des sommes détenues par M. [K] en garantie d'une créance provisoirement évaluée à 445 337,61 euros en principal et frais. Le tiers saisi a pris acte de la saisie et a indiqué que ses comptes étaient créditeurs d'une somme totale de 447 633, 69 euros. Cette mesure a été dénoncée à M. [K] et Mme [R] [K], le 5 août 2021. Par acte d'huissier du 24 août 2021, Via Transports a fait assigner M. [K] en vue de sa condamnation, au principal, au paiement de la somme de 444 909, 57 euros. Ce dernier a été condamné et a fait appel de la décision.
Selon acte introductif d'instance du 11 mars 2022, M. et Mme [K] ont fait assigner Via Transports aux fins de rétractation de l'ordonnance sur requête et de la mainlevée de la saisie conservatoire de créance.
Par jugement en date du 11 août 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Grasse a :
- Rejeté la demande de sursis à statuer formulée par Via Transports,
- Ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire de créances pratiquée au préjudice de M. [K];
- Dit n'y avoir lieu à la rétractation de l'ordonnance du 6 juillet 2021,
- Débouté Via Transports de ses demandes reconventionnelles,
- Condamné Via Transportts à payer à M. [K] la somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de la procédure,
- Rejeté tous autres chefs de demandes.
Vu la déclaration d'appel de Via Transports en date du 25 août 2023,
Au vu de ses dernières conclusions en date du 14 mars 2023, elle sollicite qu'il plaise à la cour d'appel, vu les articles 493 à 498 du code de procédure civile, L.511-1 et suivants, L.521-1, et R.511-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, de :
* Confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à la rétractation de l'ordonnance du 6 juillet 2021 ayant autorisé ladite mesure,
* infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté sa demande de sursis à statuer, ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire de créance, l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles et l'a condamné à payer à M. [K] la somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau :
- Prononcer le sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive à intervenir qui sera rendue par la cour d'appel et le tribunal de commerce de Grasse,
- A titre principal,
- Juger que sa créance à l'égard de M. [K] d'un montant de 444 909,57 euros paraît fondée en son principe ;
- Juger qu'elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ;
- Juger que M. et Mme [K] ne justifient pas de l'origine des fonds à la date de la saisie figurant sur leur compte commun ouvert à la Banque Populaire Méditerranée,
- Rejeter l'intégralité des demandes de M. et Mme [K],
* A titre subsidiaire,
- Ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire à hauteur de 50 % des sommes saisies, soit la somme de 222 454,78 euros ;
- Ordonner à M. [K] de fournir une garantie à première demande ou une hypothèque provisoire sur les biens immobiliers qu'il détient pour le surplus,
- L'autoriser à pratiquer des saisies conservatoires à hauteur de 222 454,78 euros sur les comptes bancaires de M. [K],
- L'autoriser à pratiquer une saisie-conservatoire des parts sociales de la SCI Felini II, appartenant à M. [K], en garantie de la somme de 222 454,78 euros,
* A titre très subsidiaire,
- Ordonner le cantonnement de la saisie pratiquée à la somme de 59 273,05 euros,
* En tout état de cause,
- Condamner solidairement M. et Mme [K] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
Via Transports expose qu'elle a été déboutée de sa demande de sursis à statuer qu'elle n'avait pas soulevé in limine litis. Elle soutient pourtant qu'il serait d'une bonne administration de la justice, le tribunal de commerce n'ayant fait droit que partiellement à ses demandes, d'attendre qu'une décision, qui pourrait avoir une incidence sur l'instance en cours, soit rendue sur le fond.
Elle fait valoir qu'elle a découvert, en avril 2021, à l'occasion d'un audit qu'elle a fait réaliser par un expert comptable sur sa situation économique, que M. [K] avait commis des détournements d'actifs après la cession d'actions de la société et l'absence de facturation pour des prestations de transport pour un montant de 444 909,75 euros.
Elle soutient que le recouvrement de sa créance est menacé en raison de l'importance de son montant, que le prix de cession des actions de la société n'est plus séquestré et a été intégralement perçu par les cédants, que depuis la résiliation du contrat de prestation de service conclu avec M. [K], ce dernier se trouve dépourvu de tout revenu et donc de toute capacité de remboursement, que dans le cadre d'une enquête pénale, la somme de 890 000 euros a été saisie et se trouve détenue par l'Agence de Gestion et de Recouvrement des Avoirs Saisis et Confisqués (AGRASC).
Elle reproche au premier juge d'avoir considéré que les sommes figurant sur le compte bancaire objet de la saisie conservatoire appartiennent indivisément à M. et Mme [K]. Or, elle constate que Mme [K] ne justifie aucunement que les fonds figurant sur le compte joint objet de la saisie attribution, proviennent à hauteur de 50 % sont des fonds propres. Le premier juge aurait donc pu, ainsi qu'il le lui était demandé, cantonner la saisie conservatoire à la hauteur de 50 % des sommes réclamées et l'autoriser à pratique d'autres saisies conservatoires.
Au vu de leurs dernières conclusions en date du 08 Avril 2024, M. et Mme [K] demandent à la cour d'appel, vu les articles 73,74, et 496 alinéa 2 du code de procédure civile, L.511-1 et R.511-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, de confirmer le jugement du 11 août 2023 en toutes ses dispositions, de débouter Via Transports de l'intégralité de ses demandes, et de la condamner à leur payer la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Ils rétorquent qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel, dans la mesure où la juridiction dispose de suffisamment d'éléments pour pouvoir apprécier si la créance saisie parait ou non fondée en son principe.
Sur la demande de mainlevée de la saisie, ils arguent que Via Transports a fait pratiquer une saisie conservatoire sur des sommes détenues en indivision alors qu'elle n'était autorisée à pratiquer que des saisies pour les biens appartenant à M. [K], conformément à l'alinéa 3 de l'article 1538 du code civil. En outre, cette saisie n'est pas fondée, Via Transports n'établissant pas que sa créance est certaine et invoquant des manquements imputables à M. [K] en sa qualité de dirigeant de la société, alors que sur cette période, il était un de ses salariés. En outre, le commissaire aux comptes a refusé de certifier les comptes, précisant bien que ce refus n'était pas lié aux détournements commis par M. [K] mais bien à l'absence de justificatifs apportés par la société sur lesdits détournements.
Ils soutiennent enfin que le recouvrement de la créance par Via Transports n'est pas menacé puisqu'il n'est pas démontré l'existence d'actes matériels préparatoires manifestant une intention ou tentative d'organisation d'insolvabilité, ou de transfert de biens à l'étranger.
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 avril 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de sursis à statuer :
Le premier juge ayant constaté que Via Transports avait sollicité le sursis à statuer en subsidiaire, a, à juste titre, déclaré cette demande irrecevable pour n'avoir pas été soulevée in limine litis.
La décision est donc confirmée sur ce point.
Sur le fond :
L'article L511-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que : «'Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement.'»
Par suite du jugement en date du 20 février 2023 du tribunal de commerce de Grasse, M. et Mme [K] ont été condamnés au paiement de la somme de 56 273,05 euros. Le principe de la créance, même si son quantum est moindre que celui réclamée par Via Transports, est donc fondée en son principe.
Sur les circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance, il appartient au créancier d'apporter la preuve de cette menace, le juge du fond étant souverain dans l'appréciation du risque encouru.
Via transport soutient que M. [K] a commis des détournements d'actifs après la cession d'actions de la société et n'a pas procédé à des facturations pour des prestations de transport pour un montant de 444 909,75 euros, que le recouvrement de sa créance est menacé en raison de l'importance de son montant, que le prix de cession des actions de la société n'est plus séquestré et a été intégralement perçu par les cédants, que depuis la résiliation du contrat de prestation de service conclu avec M. [K], ce dernier se trouve dépourvu de tout revenu et donc de toute capacité de remboursement, que dans le cadre d'une enquête pénale, la somme de 890 000 euros a été saisie et se trouve détenue par l'AGRASC.
Elle reproche par ailleurs au premier juge d'avoir considéré que les sommes figurant sur le compte bancaire objet de la saisie conservatoire appartiennent indivisément à M. et Mme [K], alors que Mme [K] ne justifie pas que les fonds figurant sur le compte joint sont à hauteur de 50 % des fonds propres. Le premier juge aurait donc pu, ainsi qu'il le lui était demandé, cantonner la saisie conservatoire à la hauteur de 50 % des sommes réclamées et l'autoriser à pratique d'autres saisies conservatoires.
La créance, au vu des éléments de preuve fournis par Via Transports, a été évaluée par la tribunal de commerce à la somme de 56 273,05 euros. La créance paraît ainsi fondée en son principe même si le montant est inférieur à celui réclamée par Via Transports.
S'agissant du péril menaçant le recouvrement, M. [K] a été en mesure de fournir le titre de propriété d'une villa située à Cagnes sur Mer d'une valeur supérieure à 2 millions d'euros, les statuts de la SCI Fellini II démontrent que M. [K] est propriétaire de la moitié de ses parts.
Le tiers saisi a été en mesure d'indiquer que sur le compte joint objet de la saisie était présente la somme de 447 633,69 euros. A la lecture du contrat de mariage de M. et Mme [K], il est établi que les sommes figurant sur ce compte sont présumées appartenir indivisément aux deux époux, si bien que, sans à avoir en apporter la preuve, il est également établi que la moitié des sommes du compte appartiennent à Mme [K], ce qui empêchait tout acte de saisie pour la totalité de la somme réclamée par Via Transports à M. [K], seul.
Ces éléments patrimoniaux sont suffisants pour écarter le péril menaçant le recouvrement d'une créance à hauteur de 56 893,05 euros.
Le premier juge, après avoir écarté les prétentions de Via Transports, a très justement, considérant que les conditions cumulatives de l'article L511-1 précité de mise en 'uvre d'une mesure conservatoire n'étaient pas réunies, a débouté Via Transports de ses demandes principales et subsidiaires en cantonnement, en substitution de garantie et autorisation de pratiquer de nouvelles mesures conservatoires.
La décision sera ainsi confirmée en toutes ses dispositions.
Sur les demandes accessoires:
Succombant à l'action, en application de l'article 696 du code de procédure civile, Via Transports sera condamnée aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Via Transports à payer à M. [H] [K] et Mme [R] [K], ensemble, la somme de trois mille euros (3 000 €) sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNE la société Via Transports aux entiers dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE