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13/06/2024 | FRANCE | N°22/15983

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8a, 13 juin 2024, 22/15983


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a



ARRÊT AU FOND



DU 13 JUIN 2024



N°2024/148





RG 22/15983

N° Portalis DBVB-V-B7G-BKNKF







[N] [M]





C/



URSSAF ILE DE FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA CIPAV























Copie exécutoire délivrée

le 13 juin 2024 à :



-Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS



- Me Malaury RIPERT, avoc

at au barreau de PARIS





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 14 Novembre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 22/04284.





APPELANTE



Madame [N] [M], demeurant [Adresse 1]


...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a

ARRÊT AU FOND

DU 13 JUIN 2024

N°2024/148

RG 22/15983

N° Portalis DBVB-V-B7G-BKNKF

[N] [M]

C/

URSSAF ILE DE FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA CIPAV

Copie exécutoire délivrée

le 13 juin 2024 à :

-Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

- Me Malaury RIPERT, avocat au barreau de PARIS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 14 Novembre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 22/04284.

APPELANTE

Madame [N] [M], demeurant [Adresse 1]

dispensée de comparaître, ayant pour avocat Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

URSSAF ILE DE FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA CIPAV, demeurant [Adresse 2]

dispensée de comparaître, ayant pour avocat Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente

Mme Audrey BOITAUD, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

Mme [M] est affiliée à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) depuis le 1er juillet 2013.

Le 4 février 2020, elle s'est procuré un relevé de situation individuelle via le site internet du groupement d'intérêt public (GIP) Info Retraite faisant apparaître des points de retraite de base et de retraite complémentaire.

Le 22 juin 2020, Mme [M] a formé un recours aux fins de contester les informations contenues dans le relevé devant la commission de recours amiable qui, dans sa séance du 9 juillet 2020, l'a rejeté en détaillant le nombre de trimestres CIPAVet de points acquis au titre du régime de base et du régime complémentaire de 2013 à 2020 et en indiquant que la situation de ses droits était conforme aux versements effectués.

Par courrier recommandé expédié le 31 août 2021, Mme [M] a élevé son recours devant le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille.

Par jugement rendu le 14 novembre 2022, le tribunal a:

- déclaré irrecevable le recours formé par Mme [M] le 31 août 2021 à l'encontre du relevé de situation individuelle édité depuis le site Info Retraite, faute de décision préalable de l'organsime de sécurité sociale,

- déboute Mme [M] de sa demande en dommages et intérêts,

- condamné Mme [M] aux dépens de l'instance,

- condamné Mme [M] à payer à la CIPAV la somme de 500 euros à titre de frais irrépétibles.

Par déclaration enregistrée sur RPVA le 1er décembre 2022, Mme [M] a interjeté appel du jugement.

A l'audience du 18 avril 2024, Mme [M], dispensée de comparaître, se réfère aux conclusions déposées et visées par le greffe de la cour le 6 novembre 2023. Elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire qu'elle a acquis sur la période 2013 à 2019 selon le détail suivant :

- 36 points en 2013,

- 36 points en 2014

- 36 points en 2015

- 36 points en 2016

- 36 points en 2017

- 36 points en 2018

- 36 points en 2019,

- condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite de base qu'elle a acquissur la période de 2013 à 2019 selon le détail suivant :

- 175,3 points en 2013,

- 206,9 points en 2014,

- 121,8 points en 2015,

- 120,9 points en 2016,

- 155,9 points en 2017,

- 144,7 points en 2018,

- 173,9 points en 2019,

- condamner la CIPAV à lui transmettre et à lui rendre accessible y compris en ligne, un relevé de situation conforme, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision, et passé ce délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard,

- Subsidiairement, en cas d'irrecevabilité retenue par la cour, condamner la caisse à lui verser la somme de 3.000 euros par année non renseignée en réparation du préjudice causé par le manquement à son obligation d'information, soit 12.000 euros, de 2016 à 2019,

- condamner la CIPAV à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- condamner la CIPAV à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles.

Au soutien de ses prétentions, elle fait d'abord valoir que le relevé de situation individuelle recelant une comptabilisation de droits à la retraite susceptible de faire grief, elle est recevable à en contester le contenu à une date antérieure à la liquidation de ses droits. Elle cite plusieurs arrêts de la Cour de cassation ( Civ 2ème 9 novembre 2017 n°16-22.016;Civ 2ème 11 octobre 2018 n° 17-25.956) et de cour d'appel en ce sens. Elle précise que la CIPAV dont la mission exclusive est de comptabiliser les droits à la retraite de ses adhérents ne peut prétendre n'avoir pas à enregistrer les droits acquis de l'auto-entrepreneur ou n'avoir pas à autoriser celui-ci à critiquer les opérations de comptabilisation, d'autant qu'elle renvoie elle-même ses adhérents à la consultation du site Info Retraite et qu'elle même est membre du groupement d'intérêt public Info Retraite.

Sur le fond, elle fait ensuite valoir que la pratique de la CIPAV selon laquelle elle alloue des points de retraite complémentaire d'un montant inférieur à ceux de la première classe, à savoir moins de 40 points en classe 1 entre 2009 et 2012 et moins de 36 points depuis 2013 en classe A, doit être censurée au double motif que l'article L.133-6-8 du code de la sécurité sociale dispose que l'auto-entrepreneur doit règler une cotisation forfaitaire unique calculée sur son chiffre d'affaires du mois ou du trimestre précédent et que la Cour de cassation ( Civ 2ème 23 janvier 2020 n° 18-15.542) a posé le principe selon lequel le nombre de points fixé annuellement procède directement de la classe de cotisations de l'affilié, déterminée en fonction de son revenu d'activité. Elle considère que les relations financières entre l'Etat et la CIPAV sont étrangères à la question de la comptabilisation des droits à la retraite et l'invocation d'une règle de 'proportionnalité' est contraire au principe de cotisations forfaitaires.

Elle reproche à la caisse de calculer ses points de retraite complémentaire sur la période de 2009 à 2015 en se référant à ses bénéfices, puis à compter de 2016, sans explication aucune, à son chiffre d'affaires. Elle considère que l'assiette de cotisations des auto-entrepreneurs est leur chiffre d'affaires ou leurs recettes effectivement réalisées conformément aux dispositions de L.131-6-8 du code de la sécurité sociale.

Elle explique qu'elle s'accorde avec la caisse sur la formule de calcul des points de retraite de base mais considère qu'elle pratique à tort un abattement sur le chiffres d'affaires de 34%.

Enfin, elle fait valoir que le sentiment d'impossibilité d'obtenir la rectification de ses droits auprès d'une caisse qui rogne sur ses droits avec des explications fantaisistes et en niant avoir pris une quelconque décision à son endroit, lui cause un stress constituant un préjudice moral qui doit lui être réparé.

A titre subsidiaire, si la cour déclarait irrecevable la demande en rectification des droits à la retraite sur la période de 2016 à 2019, elle fait valoir que la caisse a manqué à son obligation d'information légale en émettant un relevé de situation individuelle ne correspondant pas aux cotisations effectivement payées. Elle ajoute que la caisse la met ainsi dans une situation particulièrement anxiogène et doit l'indemniser du préjudice moral causé.

La CIPAV, dispensée de comparaître, se réfère aux conclusions notifiées à la partie adverse par RPVA le 9 avril 2024. Elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- subsidiairement, attribuer les points de retraite de base suivants à Mme [M] :

- 115,7 points en 2013,

- 136,6 points en 2014,

- 80,4 points en 2015,

- 84,1 points en 2016,

- 106,5 points en 2017,

- 96,6 points en 2018,

- 116,2 points en 2019,

- lui attribuer les points de retraite complémentaire suivants :

- 9 points en 2013,

- 9 points en 2014

- 9 points en 2015

- 12 points en 2016

- 15 points en 2017

- 13 points en 2018

- 16 points en 2019,

- débouter Mme [M] de ses prétentions,

- condamner Mme [M] à lui verser la somme de 600 euros à titre de frais irrépétibles.

Au soutien de ses prétentions, elle fait d'abord valoir que le relevé de situation individuelle contestée ne constitue pas une décision de la caisse, élément nécessaire à la saisine de la commission de recours amiable, de sorte qu'à défaut pour l'adhérente de n'avoir pas saisi la caisse d'une réclamation, sa demande devant la juridiction est irrecevable. Elle cite sur ce point plusieurs décisions de pôles sociaux et cours d'appel (CA Nancy 5 janvier 2021; CA Paris 20 septembre 2021; CA Paris 25 novembre 2022). Elle considère que le relevé individuel de situation n'a qu'un caractère indicatif et provisoire, ne pouvant constituer une décision susceptible de faire grief. Elle ajoute que l'absence de mention pour les années 2016 à 2019, qui ne sont pas renseignées, ne saurait constituer une décision de la caisse.

Subsidiairement, sur le fond, elle explique que le statut de l'auto-entrepreneur est dérogatoire au régime 'normal' des professions libérales, ouvrant droit à un régime de cotisations spécifiques. Elle continue en indiquant que le montant des cotisations et contributions sociales dû par l'auto-entrepreneur est calculé en appliquant à son chiffre d'affaires mensuel ou trimestriel un taux fixé par décret en fonction du secteur d'activité; que les auto-entrepreneurs ne cotisent pas directement auprès de la CIPAV mais auprès de l'URSSAF qui redistribue un pourcentage de cotisations à chaque organisme collecteur dont la CIPAV; qu'ainsi elle ne perçoit que 52,5 % du forfait social acquitté par l'auto-entrepreneur dont 30% affecté au régime de base, 20% au régime complémentaire et 2,5% au régime invalidité-décès. Elle rappelle que l'assiette de calcul des points avant 2016, étant le bénéfice non commercial, et que l'auto-entrepreneur ne déclarant qu'un chiffre d'affaires, il convient de calculer l'assiette des cotisations en minorant de 34% le chiffre d'affaires déclaré pour reconstituer un bénéfice non commercial. Elle détaille ses calculs sur la base d'un BNC reconstitué par la minoration du chiffre d'affaires jusqu'en 2015 inclue, et sur la base du chiffre d'affaires à partir de 2016.

Sur la retraite complémentaire, elle rappelle que le décret n° 79-262 du 21 mars 1979 ayant institué le régime de retraite complémentaire obligatoire pour les affiliés de la CIPAV a prévu 8 classes de cotisations portant attribution annuelle d'un certain nombre de points. Elle précise que les assurés ont droit aux prestations pour lesquelles ils justifient du versement de cotisations, qu'il s'agisse de cotisations acquittées personnellement ou de cotisations versées par l'Etat en application de dispositions législatives ou règlementaires. Sur ce point, elle explique qu'il convient de distinguer d'une part, la période de 2009 à 2015, sur laquelle la loi a prévu le versement d'une compensation de l'Etat au régime de protection sociale pour couvrir la perte de recette induite par le régime, et pendant laquelle il convient, en conséquence, de vérifier ce qui a été versé par l'adhérent et par l'Etat au titre de la compensation pour déterminer le nombre de points, et d'autre part, la période à compter du 1er janvier 2016, date à laquelle la compensation de l'Etat a été supprimée, pour laquelle il convient de vérifier ce qui a été versé par l'adhérent au titre de la retraite complémentaire pour attribuer les droits correspondant aux cotisations payées. Elle considère que dès lors que le bénéfice du régime d'auto-entrepreneur est subordonné au chiffre d'affaires inférieur à un seuil réglementaire, l'adhérent ne peut bénéficier du nombre de points attribué en cas de revenus supérieurs à ce montant. Elle détaille ainsi le calcul du nombre de points attribué, opéré pour chaque année en fonction de ces principes.

Enfin, elle considère qu'à défaut de démontrer une quelconque faute de sa part, qui ne saurait résulter d'une divergence d'interprétation des textes applicables à la situation litigieuse, la demande en dommages et intérêts doit être rejetée.

Il convient de se reporter aux écritures auxquelles les parties se sont référés à l'audience pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité du recours de Mme [M]

Les premiers juges ont déclaré le recours formé par Mme [M] à l'encontre du relevé de situation individuelle édité par ses soins le 4 février 2020, depuis le site internet de la plateforme dématérialisée inter-régimes 'Info retraite', au motif que ce document, qui s'inscrit dans le cadre de l'obligation générale d'information des caisses d'assurance vieillesse, ne contient que des informations indicatives susceptibles d'être ultérieurement complétées ou modifiées, de sorte qu'il n'engagerait pas la responsabilité de l'organisme chargé de le délivrer, ni ne constitue une décision créatrice de droit et susceptible de recours.

Cependant, il est admis que selon les dispositions combinées des articles L. 161-17, R. 161-11 et D. 161-2-1-4 du code de la sécurité sociale, le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux assurés comporte notamment, pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d'être pris en compte pour la détermination des droits à pension, et que l'assuré est recevable, s'il l'estime erroné, à contester devant la juridiction du contentieux général le report des durées d'affiliation, montant des cotisations ou nombre de points figurant sur le relevé de situation individuelle qui lui a été adressé. ( Civ 2ème 11 octobre 2018 17-25.956)

En l'espèce, Mme [M] conteste le nombre de points retenus par la CIPAV selon le relevé de situation individuelle édité le 4 février 2020 sans que la CIPAV ne puisse valablement opposer l'absence de décision de sa part.

En effet, il est mentionné des points acquis pour les régimes de la retraite de base et complémentaire jusqu'en 2015, tout en précisant la valeur annuelle des points au 1er janvier 2019, de sorte que les points retenus par la caisse sont arrêtés à cette date du 1er janvier 2019.

Or, il résulte de la décision de la commission de recours amiable de la CIPAV, dans sa décision prise le 9 juillet 2020 et notifiée par courrier du 26 septembre 2020, que la caisse admet que Mme [M] lui est affiliée et qu'elle a acquis des trimestres et des points sur ces années non renseignées dans le relevé de carrière, de 2016 à 2020.

Les points acquis par l'adhérente, retenus par la caisse sont ainsi détaillés:

Année

Trimestres

points acquis au titre du régime de base

points acquis au titre du régime complémentaire

2016

4

84,1

12

2017

4

106,5

15

2018

4

96,5

13

2019

4

116,2

16

2020

1

22,8

3

Il s'en suit que l'adhérente est bien recevable à contester le relevé de situation individuelle qui ne comportait pas toutes les informations utiles sur ses droits acquis, ainsi que la quantification des points opérée par la caisse, suite à son recours gracieux devant la commission de recours amiable.

Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions et le recours formé par Mme [M] sera déclaré recevable.

Sur le calcul des points de retraite de base

En application de l'article L.133-6-8 du code de la sécurité sociale, dans ses versions successives issues de la loi n°2009-431 du 20 avril 2009, de la loi n°2012-1404 en date du 17 décembre 2012, et de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, et devenu L. 613-7 du même code à compter du 14 juin 2018 : par dérogation à l'article L. 131-6-2, les auto-entrepreneurs bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts peuvent opter, sur simple demande, pour que l'ensemble des cotisations et contributions de sécurité sociale dont ils sont redevables soient calculées mensuellement ou trimestriellement, en appliquant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs revenus non commerciaux effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent, un taux fixé par décret pour chaque catégorie d'activité mentionnée aux dits articles du code général des impôts, de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants.

Il résulte de ces dispositions que les auto-entrepreneurs bénéficient d'un régime dérogatoire quant à l'assiette et aux taux des cotisations et contributions de sécurité sociale et que celles dont ils sont redevables sont calculées mensuellement ou trimestriellement, sur la base de leur chiffre d'affaires.

En outre, les dispositions de l'article R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2016, définissant les modalités de la compensation financière de l'Etat aux fins d'inciter une adhésion au statut des auto-entrepreneurs, sont étrangères aux rapports entre la CIPAV et ses cotisants auto-entrepreneurs, d'autant que l'adhésion de ces derniers résulte non point d'une adhésion volontaire mais du caractère obligatoire des dispositions législatives et réglementaires applicables.

Il s'ensuit que la caisse ne peut utilement arguer de l'incidence d'un dispositif législatif et réglementaire ayant pour objet l'incitation à l'adhésion au statut d'auto-entrepreneur aux fins de justifier l'application d'un abattement sur le chiffre d'affaires réalisé par l'auto-entrepreneur pour déterminer l'assiette du calcul des points de retraite de base.

De même, la répartition des montants de cotisations sociales recouvrées pour les adhérents de la CIPAV relevant du régime de l'auto-entrepreneur, prévue à l'article D.131-5-3 du code de la sécurité sociale, à compter du 13 décembre 2018, n'a aucune incidence sur les modalités de calcul des droits à la retraite.

Il s'en suit que, dès lors que le montant des revenus d'activité de l'adhérente et le paiement afférent de ses cotisations ne sont pas discutés, il convient de rectifier l'assiette de calcul des points de retraite de base en prenant en compte les revenus d'activité de l'adhérente sans appliquer aucun abattement pour les années antérieures à 2016, et en n'appliquant pas un taux de répartition des montants de cotisations.

En conséquence, La CIPAV devra rectifier les points de retraite de base acquis par Mme [M] sur la période de 2013 à 2019, comme elle les a calculés, sur la base de son revenu d'activité qui n'est pas discuté par la caisse, ainsi qu'il suit :

- 175,3 points en 2013,

- 206,9 points en 2014,

- 121,8 points en 2015,

- 120,9 points en 2016,

- 155,9 points en 2017,

- 144,7 points en 2018,

- 173,9 points en 2019.

Sur le calcul des points de la retraite complémentaire

L'article 2 du décret n°79- 262 du 21 mars 1979, dispose que le régime d'assurance vieillesse complémentaire des indépendants relevant de la CIPAV comporte huit classes de cotisation A, B, C, D, E, F, G et H portant attribution annuelle d'un certain nombre de points. Il y est précisé que les montants des cotisations des classes B, C, D, E, F, G et H sont respectivement égaux à 2,3,5,7,11,12 et 13 fois le montant de la cotisation de la classe A et que la cotisation due par chaque assujetti est celle de la classe à laquelle correspond, dans les conditions fixées par les statuts prévus à l'article 5, son revenu d'activité tel que défini à l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale.

Il résulte de ces dispositions, seules applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV, que ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié, déterminée en fonction de son revenu d'activité. (Civ 2ème 23 janvier 2020 n° 18-15.542)

Or, comme il a été vu plus haut, il résulte de l'article L.133-6-8 du code de la sécurité sociale, dans ses versions successives issues de la loi n°2009-431 du 20 avril 2009, de la loi n°2012-1404 en date du 17 décembre 2012, et de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, et devenu L. 613-7 du même code à compter du 14 juin 2018 que les auto-entrepreneurs bénéficient d'un régime dérogatoire quant à l'assiette et aux taux des cotisations et contributions de sécurité sociale et que celles dont ils sont redevables sont calculées mensuellement ou trimestriellement, sur la base de leur chiffre d'affaires.

Il s'en suit que le revenu d'activité à prendre en compte pour déterminer la classe de cotisations applicable à l'auto-entrepreneur concerné et le nombre de points de retraite complémentaire en découlant, est son chiffre d'affaires.

Les dispositions de l'article R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2016, définissant les modalités de la compensation financière de l'Etat aux fins d'inciter une adhésion au statut des auto-entrepreneurs, sont étrangères aux rapports entre la CIPAV et ses cotisants auto-entrepreneurs, d'autant que l'adhésion de ces derniers résulte non point d'une adhésion volontaire mais du caractère obligatoire des dispositions législatives et réglementaires applicables.

Il s'ensuit que la caisse ne peut utilement arguer de l'incidence d'un dispositif législatif et réglementaire ayant pour objet l'incitation à l'adhésion au statut d'auto-entrepreneur aux fins de retenir une classe de cotisations inférieure à celle à laquelle les revenus d'activité de l'auto-entrepreneuse lui ouvraient droit, en appliquant au chiffre d'affaires un abattement de 34% pour déterminer la classe de cotisations applicable et le nombre de point attribués.

De même, les dispositions statutaires se situant dans la hiérarchie des normes à un niveau inférieur aux dispositions légales et réglementaires, la caisse ne peut pas non plus utilement opposer à l'intimée ses statuts, et en particulier son article 3.12 prévoyant une possibilité de réduction du montant des cotisations pour les assurés dont les revenus d'activité sont inférieurs à un seuil fixé annuellement par le conseil d'admnistration de la CIPAV, d'autant que le nombre de points n'est pas attribué en fonction des cotisations acquittées, mais en fonction du revenu d'activité.

Enfin, c'est en vain que la caisse prétend que les auto-entrepreneurs, étant soumis à un seuil de chiffre d'affaires, ne peuvent prétendre au nombre de points prévus en cas de revenus supérieurs à ce seuil, dans la mesure où les conditions d'ouverture du droit au bénéfice du statut d'auto-entrepreneur est sans incidence sur les modalités de calcul des points de retraite complémentaire.

Il s'en suit que dès lors que le montant des revenus d'activité de l'adhérente et le paiement afférent de ses cotisations ne sont pas discutés, il convient de rectifier l'assiette de calcul des points de retraite complémentaire en prenant en compte le chiffre d'affaires non discuté de l'adhérente pour déterminer la classe de cotisations et le nombre de point attribués y afférent.

Le montant des revenus d'activité de Mme [M] sur toute la période litigieuse n'est pas discuté et est, chaque année, inférieur au seuil de la classe A (fixé à 41.050 euros en 2013 et 26.580 euros à compter de 2014) qui donne droit à 36 points.

Ainsi, la CIPAV devra rectifier les points de retraite complémentaire acquis par Mme [M] sur la période de 2013 à 2019 comme suit :

- 36 points en 2013,

- 36 points en 2014

- 36 points en 2015

- 36 points en 2016

- 36 points en 2017

- 36 points en 2018

- 36 points en 2019.

En conséquence de l'ensemble de ces éléments, la CIPAV sera condamnée à transmettre et rendre accessible à Mme [M] un relevé de situation individuelle conforme, dans le délai d'un mois suivant notification du présent arrêt.

Il n'y a pas lieu d'ordonner une astreinte pour s'assurer de l'exécution de la décision.

Sur la demande d'indemnisation du préjudice moral de l'adhérente

Aux termes de l'article 1240 du code civil, 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.'

Compte tenu du fait que la Cour de cassation a clairement arrêté une position juridique en 2020 et qu'elle a été suivie par plusieurs cour d'appel, en conservant une interprétation erronée des textes applicables, la caisse impose à l'adhérente de contester le calcul de sa retraite devant la commission de recours amiable, puis devant la juridiction du contentieux de la sécurité sociale, et encore en appel, pour obtenir gain de cause, sans pourtant opposer aucun fondement juridique nouveau.

Ce manquement est constitutif d'une faute qui cause à l'adhérente un préjudice moral compte tenu du stress résultant des démarches juridiques à accomplir, dont l'allocation de la somme de 2.000 euros répare justement.

La CIPAV sera donc condamnée à payer cette somme à Mme [M].

Sur les frais et dépens

La caisse intimée, succombant à l'instance, sera condamnée au paiement des dépens en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.

En application de l'article 700 du même code, elle sera également condamnée à payer à Mme [M] la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles et sera déboutée de sa propre demande présentée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne la CIPAV à rectifier les points de retraite de base acquis par Mme [M] sur la période de 2013 à 2019, comme suit :

- 175,3 points en 2013,

- 206,9 points en 2014,

- 121,8 points en 2015,

- 120,9 points en 2016,

- 155,9 points en 2017,

- 144,7 points en 2018,

- 173,9 points en 2019,

Condamne la CIPAV rectifier les points de retraite complémentaire acquis par Mme [M] sur la période de 2013 à 2019 comme suit :

- 36 points en 2013,

- 36 points en 2014

- 36 points en 2015

- 36 points en 2016

- 36 points en 2017

- 36 points en 2018

- 36 points en 2019,

Condamne la CIPAV à transmettre et rendre accessible à Mme [M] un relevé de situation individuelle conforme, dans le délai d'un mois suivant notification du présent arrêt,

Condamne la CIPAV à verser à Mme [M] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne la CIPAV à payer à Mme [M] la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles,

Condamne la CIPAV au paiement des dépens de la première instance et de l'appel.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8a
Numéro d'arrêt : 22/15983
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;22.15983 ?
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